La déchéance de la marque

LA DÉCHÉANCE DE LA MARQUE

  La déchéance de la marque est une sanction. Elle peut intervenir pour défaut d’exploitation, elle peut aussi intervenir lorsque la marque est devenue générique ou déceptive.

A-  Déchéance de la marque pour défaut d’exploitation

 Perte des droits pour non-usage de la marque – Le propriétaire d’une marque qui n’en fait pas un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans peut encourir la déchéance de ses droits, sauf s’il peut se prévaloir de justes motifs (CPI, art. L. 714-4).

 

1°  Déchéance et conditions

 Toute personne justifiant d’un intérêt à agir, et plus particulièrement le prétendu contrefacteur dans une instance en contrefaçon peut demander la déchéance d’une marque [iii]

La demande doit être introduite devant le tribunal de grande instance selon les règles de l’article L. 716-3 du Code de la propriété intellectuelle, soit à titre principal, soit à titre reconventionnel.

 

La marque ne doit pas avoir fait l’objet d’une exploitation pendant une période ininterrompue d’au moins cinq ans(CPI, art. L. 714-5). À défaut, la demande est rejetée. Le renouvellement d’un enregistrement ne fait pas courir une nouvelle période de cinq ans (CA Paris, 17 mars 1995 : PIBD 589/1995, III, p. 292).

Contrairement à la loi de 1964, qui prévoyait que la déchéance était encourue à défaut d’usage sérieux pendant les cinq ans précédant la demande en déchéance, le texte actuel a pour conséquence que cette déchéance est encourue dès que la période d’inexploitation de cinq ans ininterrompue est acquise. Ce délai doit être décompté à partir de la cessation d’exploitation de la marque.

 

 La déchéance peut ne porter que sur certains produits ou services visés dans l’enregistrement[iv].

L’exploitation de la marque pour certains produits visés au dépôt seulement, ne semble pas permettre d’échapper à la déchéance pour les produits similaires visés dans l’enregistrement [v]

 

2°  Preuve de l’usage ou justification de motifs légitime

  •     Preuve de l’usage incombant au propriétaire de la marque – Il appartient au propriétaire de la marque de rapporter la preuve de l’exploitation de la marque durant toute la période visée à l’article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle ; la preuve est administrée par tous moyens(CA Paris, 24 mai 2000 : PIBD 705/2000, III, p. 439. – CA Paris, 20 mars 1998 : PIBD 655/1998, III, p. 291).

 

L’usage doit être sérieux (CPI, art. L. 714-5) : il doit être réel, non sporadique, effectif et d’ordre commercial [vi]

Le propriétaire de la marque doit l’avoir exploitée de manière manifeste, par des actes concrets (CA Paris, 22 mars 1994 : Ann. propr. ind. 1/1996, p. 49) .

L’appréciation du caractère sérieux de l’usage relève du pouvoir souverain des juges du fond (Cass. com., 7 juin 1994 : PIBD 574/1994, III, p. 477) .

 

  •    Usage à titre de marque sur les produits et services visés dans l’enregistrement – L’usage de la marque doit porter effectivement sur les produits ou services visés dans l’enregistrement ; toute exploitation portant exclusivement sur des produits ou services similaires ne permet pas de valider l’exploitation [vii]

De plus, l’usage doit être effectué à titre de marque ; tout autre usage du signe (nom commercial, dénomination sociale, enseigne, etc.) est inopérant (Cass. com., 3 mars 1997 : RD. propr. intell. 74/1997, p. 45. – CA Paris, 24 mai 2000 : PIBD 705/12000, III, p. 439) .

 

  •     Usage valant exploitation de la marque – Selon l’article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle sont assimilés à un usage valant exploitation de la marque, les actes suivants :

 

–                  l’usage fait avec le consentement du propriétaire de la marque (licence d’exploitation : TGI Paris, 21 mars 2000 : PIBD 703/2000, III, p. 394) , ou pour les marques collectives, dans les conditions du règlement ; l’usage d’une marque fait sans autorisation de son propriétaire, notamment par le contrefacteur, ne permet pas d’échapper à la déchéance (CA Paris, 22 mars 1994 : Ann. propr. intell. 1/1996, p. 49) ;

–                  l’usage de la marque sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif [viii] ;

–                  l’apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement exclusivement en vue de l’exportation.

 

  •     Justes motifs – Si la marque n’a pas pu être exploitée pendant ce délai, le titulaire de la marque peut présenter des justes motifs pour échapper à la déchéance

 

L’usage sérieux de la marque commencé ou repris postérieurement à la période de cinq ans n’y fait pas obstacle s’il a été entrepris dans les trois mois précédent la demande en déchéance et après que le propriétaire a eu connaissance de l’éventualité de cette demande(CPI, art. L. 714-5).[ix]

 

3°  Effets de la déchéance

  •     Déchéance totale ou partielle de la marque – Si la demande ne porte que sur une partie des produits ou services visés dans l’enregistrement, la déchéance ne s’étend qu’à ces produits ou services (CPI, art. L. 714-5)
  •     Date de prise d’effet – La déchéance prend effet à la date d’expiration du délai de cinq ans prévu pour la mise en usage de la marque .
  •    Opposabilité du jugement de déchéance – Le jugement de déchéance est inscrit au Registre national des marques sur réquisition du greffier ou de l’une des parties (CPI, art. R. 714-3, in fine) , il est donc opposable aux tiers. Le juge peut ordonner au titulaire de la marque, ou à défaut au demandeur à la déchéance, de procéder à la radiation de la marque pour les objets à l’égard desquels la déchéance est prononcée (CA Lyon, 18 sept. 1997 : Ann. propr. ind. 1/1998, p. 74) .

De plus, le Code de la propriété intellectuelle précise que la déchéance a un effet absolu (CPI, art. L. 714-5).

  • L’action en déchéance ne fait pas obstacle à l’action en contrefaçon pour la période antérieure à la date d’effet de la déchéance (CA Lyon, 18 sept. 1997 : Ann. propr. ind. 1/1998, p. 74) .

Cette situation est fréquente lorsqu’une demande reconventionnelle par le défendeur à l’action en contrefaçon est introduite : antérieurement à la date d’effet de la déchéance de la marque, les actes argués de contrefaçon peuvent être constitutifs de contrefaçon, mais postérieurement à la déchéance, ces faits deviennent licites et par conséquent, ne sont plus considérés comme contrefaisants. Des dommages-intérêts peuvent être réclamés pour la période de contrefaçon, c’est-à-dire antérieurement à la date d’effet de la déchéance mais des mesures d’interdiction pour l’avenir n’ont plus d’objet en raison de la déchéance de la marque.

 

B-  Déchéance de la marque devenue générique ou trompeuse du fait de son propriétaire

 Une marque qui est devenue « la désignation usuelle dans le commerce du produit ou du service » (CPI, art. L. 714-6 a. – TGI Grenoble, 21 sept. 2000 : PIBD 711/2001, III, 15 : Thermor) ou « trompeuse » , à savoir « propre à induire le public en erreur, notamment sur la nature, la qualité, ou la provenance géographique du produit ou du service » (CPI, art. L. 714-6 b) encourt la déchéance.

 

La déchéance n’est recevable que si le caractère dégénérant ou trompeur de la marque est le fait de son propriétaire[x]. Le propriétaire est pour quelque chose dans la dégénérescence de son signe soit parce qu’il a incité lui-même à faire de sa marque un nom générique soi parce qu’il n’a pas protesté quand il s’est rendu compte de l’accaparation par le public.

Moyens de vigilance :

Non contentieux : publicité ex : Ricard.

Contentieux : contre concurrents et ceux qui utilisent la marque à titre de nom commun : journaux, livres, etc

 

Le Cours complet de droit de la propriété industrielle est divisé en plusieurs fiches :

 

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