La disponibilité du signe (condition de validité de la marque)

 LA DISPONIBILITÉ DU SIGNE, une condition de validité de la marque

 

  Pour qu’un signe susceptible d’être pris comme marque puisse être légitimement déposé, il faut qu’il soit disponible cad qu’un tiers n’ait pas déjà acquis des droits sur lui. Il ne s’agit pas de nouveauté au sens du droit des brevets, il suffit que la marque ne soit pas au moment de son dépôt, l’objet d’un droit concurrent dans le même secteur d’activité.

 I.   La Nature des droits antérieurs opposables 

 A.  Principes 

 

  • L.711-4 du CPI dresse une liste des différents droits antérieurs susceptibles de faire échec au dépôt d’un signe à titre de marque. On y trouve des antériorités et n’affectent la marque que dans la limite du pcp de spécialité : tel est le cas de la marque antérieure, de la dénomination ou raison sociale, du nom commercial, de l’enseigne. On y trouve aussi d’autres droits tel que les DA (ex : Tarzan ne peut pas être utilisé car titre d’une œuvre littéraire, retiens la nuit est un titre original d’une chanson et ne peut être utilisé comme marque de parfum), dessins &modèles (, la marque constituée par le dessin d’Astérix est valable car l’auteur a donné son autorisation, idem pour Schtroumpfs, Mickey, logos, forme d’un produit…), droits de la personnalité etc.…

Cette liste n’est pas exhaustive.

·         L’antériorité la plus fréquemment invoquée est constituée par une autre marque. Le droit français exige que celle-ci ait été déposée en France (également sous la forme de marque internationale ou communautaire) et que son dépôt soit encore en vigueur. Ainsi le dépôt d’une marque doit donc pour être effectué avec sécurité, être précédé d’une recherche d’antériorités, qui sera effectuée, le cas échéant par des conseils en PI, des cabinets spécialisés ou encore l’INPI.

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 B.  Antériorité constituée par d’autres signes distinctifs 

 

Un problème délicat et controversé est celui de savoir si une enseigne, un nom commercial, peuvent constituer une antériorité de nature à rendre une marque nulle.

 

 1.      le nom commercial 

Dans le sens d’un refus du nom commercial comme antériorité, de nombreux arguments existent :

Ø  Si une marque en usage antérieur mais non déposée n’empêche pas la validité de la marque déposée, a fortiori doit-il en être de même du nom commercial qui est un droit de nature différente (idem pour l’enseigne). En effet il serait dangereux de permettre à un droit au nom commercial (ou à l’enseigne), non publié lui aussi, de constituer une antériorité de nature à rendre nul un acte de dépôt postérieur, effectué alors que le déposant n’avait pas la faculté pratique de connaitre l’existence de tels droits.

Ø  Ensuite il semble difficile d’admettre que le titulaire d’un nom commercial né dans des conditions parfaitement correctes puisse voir l’efficacité de ses droits compromise par le dépôt postérieur d’une marque de fabrique qui viendrait créer des dangers de confusion avec eux.

Ø  L.711-4 b dispose ajd « on ne peut adopter comme marque un signe qui porte atteinte à un droit antérieur » et notamment « à un nom commercial ou à une enseigne connus sur l’ensemble du territoire national, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public ».

 

 2.      l’enseigne 

 

Elle n’a qu’un rayonnement localisé, et ne pourra donc pas en pcp, faire annuler une marque qui serait déposée postérieurement sauf dans l’hypothèse de L.711-4 c ou elle est connue sur l’ensemble du territoire. Dans ce cas elle constitue un signe indisponible, et un dépôt postérieur en tant que marque ne peut pas être valablement effectué, s’il existe en + un risque de confusion.

 

 3.      la dénomination sociale 

 La Dénomination Sociale est celle donnée à la personne morale qui exploite l’entreprise, elle joue pour la société un rôle du nom patronymique d’une personne physique.

Certaines décisions de jurisprudence en ont déduit que le domaine de sa protection était plus étendu que celui des autres signes distinctifs, et qu’elle était de nature à constituer une antériorité au-delà du secteur d’activité de l’entreprise qu’elledésignait.

Galloux & Azéma critiquent cette solution et pensent que la loi nouvelle a brisé cette jurisprudence.

 

 4.      nom de domaine internet 

 L’opposabilité du droit antérieur est subordonnée à son exploitation effective. Un simple dépôt sur un site d’enregistrement des noms de domaine ne suffit pas.

 

 5.      Droits de la personnalité d’un tiers 

Image, voix, nom patronymique ou pseudonyme d’une personne sans son consentement. Interdiction absolue, même en l’absence de préjudice ou de risque de confusion.  (Boissy d’Anglas aurait fait perdre sa valeur historique au nom)

Signe portant atteinte au nom, à l’image ou à la renommée d’une collectivité territoriale.

Si une marque a été déposée au mépris des R sur les droits antérieurs, les titulaires de tels droits peuvent a posteriori exercer contre le déposant l’action en nullité de la marque. L’INPI ne procède pas à une recherche des antériorités. Il est donc possible qu’il ait accepté d’enregistrer un signe qui n’était pas disponible.

 

Le Cours complet de droit de la propriété industrielle est divisé en plusieurs fiches :

 

 II.   Les limites à l’opposabilité des droits antérieurs 

 La disponibilité du signe choisi s’apprécie de façon relative, l’opposabilité des droits antérieurs est limité par plusieurs principes:

 A. Le principe de spécialité

  • Pour qu’une antériorité puisse rendre un signe indisponible, il faut que celle-ci existe dans le même secteur commercial que celui ou l’on veut déposer la marque. Il importe peu que le même signe soit déjà utilisé dans d’autres branches commerciales pour des produits/services différents, car dans ce cas il n’y a pas de risque de confusion, et la marque peut jouer son rôle distinctif. Ainsi le pcp de spécialité désigne le signe qui n’est protégé que pour des produits/services déterminés.
  • Une marque ne constitue une antériorité que pour les produits ou services figurants dans l’acte de dépôt. Le déposant a l’obligation d’indiquer lors du dépôt, la liste des produits/services pour lesquels il sollicite la protection, avec l’indication des classes correspondantes.

Ces classes de produits et services ont été mises en place par la classification internationale des produits & services adoptée lors de l’arrangement de Nice du 15 juin 1957, révisé en 1957 et 2002 : on compte 34 catégories de produits et 11 de services. Cette classification a pour but de calculer les taxes de dépôt et de faciliter les recherches d’antériorités mais est dépourvue de portée juridique. Il résulte que des produits figurants dans la même classe peuvent être considérés comme différents alors que des produits rattachés à 2 classes différentes seront considérés, le cas échéant comme similaires.

  • Qu’est ce que des produits/services similaires ?il existe 2 méthodes pour le déterminer :

Ø  Un critère objectif et juridiquequi ne considère comme similaires que les produits dont la nature et l’usage, sont extrêmement voisins.

Ø  Un critère économique et subjectifqui étend le domaine des produits que l’on peut considérer comme similaires : seront considérés ainsi les produits dont le public a toutes les raisons de croire qu’ils proviennent du même fabricant.

Ø  La jurisprudence actuelle dominante se caractérise par une appréciation plus subjective écartant la possibilité de déposer des marques identiques ou voisines, pour des produits/services de nature différente mais que la clientèle peut attribuer à la même origine en raison de leur destination, complémentarité, similitude des outillages de fabrications ou des circuits de distribution.

 

 B. Le principe de territorialité 

 

Les seules antériorités opposables pouvant ruiner la disponibilité du signe sont les marques, ou autres signes distinctifs, qui sont protégés sur le territoire français. Pour les marques il s’agit de celles enregistrées en France suite à un dépôt nationale/international ou communautaire. Si le signe n’est pas protégé en France il est indisponible quand bien même il serait déjà approprié à l’étranger.

 

 C. Le droit d’opposer une antériorité 

 

L.714-3 al3 : Seul le titulaire d’un droit antérieur peut agir en nullité pour indisponibilité du signe. Application délicate pour les signes distinctifs collectifs tels que les AOC. En toute hypothèse, le droit d’opposer une antériorité n’est pas ouvert à celui qui est poursuivi en contrefaçon. Cette règle conduit parfois le présumé contrefacteur à racheter des droits antérieurs afin de pouvoir les opposer au titulaire de la marque qui l’attaque. La jurisprudence a tendance à considérer de telles acquisitions comme frauduleuse (mais pas de généralisation).

D. Marque notoire 

 

 Cette notion a été consacrée dans l’art. 6bis de la Convention de l’Union de Paris et L.711-4 du CPi sans qu’aucune définition n’ait été donné.

La doctrine s’accorde à considérer comme notoire la marque qui est connue d’une large fraction du public, le grand public et pas un public de spécialistes.

La notoriété doit ainsi s’apprécier par rapport à l’ensemble de la population, la jurisprudence retient plusieurs indices comme l’ancienneté de la marque, sa durée de son usage, l’effort publicitaire, la diffusion massive du produit.

  • Le titulaire d’une marque notoire en France qui n’a pas été  déposée  ne bénéficiera pas de l’action en contrefaçon mais pourra invoquer la marque notoire pour faire opposition à l’enregistrement du signe par un tiers, ou d’agir en nullité de cet enregistrement (L.711-4 a et L.712-4 CPI).
  • La reconnaissance de la notoriété à un signe distinctif emporte un effet notable :

Ø  la dérogation à la règle de la territorialité. Le titulaire d’une marque notoire est protégé en l’absence de tout dépôt.

Ø  En revanche, la notoriété ne permet pas de déroger au principe de spécialité. Cependant, le titulaire d’une marque notoire peut s’opposer à l’utilisation de sont signe par un tiers pour des services ou des produits différents de ceux protégés via l’action en concurrence déloyale lorsque le risque de confusion est avéré. Un signe distinctif notoire peut constituer une antériorité opposable même dans un autre secteur d’activité. Elles restent soumises au principe de spécialité. Toutefois, le dépôt de la même marque pour des produits mêmes différents peut être rejeté par l’INPI ou annulé a posteriori par le juge si le titulaire de la marque notoire subit un préjudice ou si l’emploi de la marque constitue une exploitation injustifiée de cette dernière. Le caractère préjudiciable de l’emploi de la marque peut résulter de l’utilisation avilissante du signe (dépôt pour une messagerie érotique du mot Etam, déjà utilisé pour de la lingerie féminine). L’exploitation est injustifiée en cas d’intention de nuire ou de parasitisme. La protection est fondée sur la théorie des agissements parasitaires et celle de l’abus de droit.

 

Ont par exemple été considérés comme indisponibles, et par suite interdites au nouvel utilisateur les marques  Waterman pour des lames de rasoir, ou Michelin pour des pâtisseries. Au contraire, Coca a pu être utilisé pour des produits de parfumerie, Chanel pour des boissons alcoolisées. En définitive, les juges peuvent donc déroger à ce principe selon leur appréciation souveraine

 E.  Marque de renommée 

 Visée par L.713-5 du CPI, c’est une notion équivoque. Ajd sous l’impulsion de la CJCE et son interprétation de l’art. 5.2 De la directive, il semble que cette notion implique une réputation bien moindre que la marque notoire. Il doit s’agir d’une marque connue d’une partie significative du public pour les produits/services couverts par elle. La connaissance peut être limitée à une partie substantielle d’un territoire et le public à prendre en considération n’est pas le grand public.

Elle a ainsi une réputation inférieure à celle de la marque notoire, ce qui justifie la qualification de marque jouissant d’une renommée ne permette pas de déroger au pcp de territorialité et emporte des csq quant à l’application du pcp de spécialité.

  • Incidence sur l’application du pcp de spécialité : L.713-5 al 1 dispose « L’emploi d’une marque jouissant d’une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur s’il est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cet emploi constitue une exploitation injustifiée de cette dernière ». En revanche il ne permet pas de faire échec à l’enregistrement pour des produits non similaires d’un signe de nature à porter préjudice au titulaire de la marque jouissant d’une renommée (solution différente en droit communautaire qui prévoit la possibilité pour le titulaire de former opposition).

 

 

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