Modes de preuves et admissibilité
Les modes de preuve sont les moyens juridiques permettant aux parties de démontrer l’existence d’un acte ou d’un fait au cours d’un procès. En droit, la preuve se définit comme la démonstration de l’existence d’un acte ou d’un fait juridique dont découle un droit subjectif qu’une partie souhaite faire valoir. Cette démonstration doit respecter les règles posées par la loi, afin que la preuve soit admissible et juridiquement reconnue.
- L’utilité de la preuve : Garantir l’effectivité des droits
La preuve est essentielle pour rendre les droits effectifs en cas de contestation. Elle permet à une partie de bénéficier de ses droits subjectifs lorsqu’ils sont mis en cause. En l’absence de preuve, un droit ne peut être confirmé et est donc considéré comme inexistant sur le plan juridique. Ainsi, la preuve conditionne l’existence légale et l’exercice effectif des droits.
- Les questions clés en matière de preuve : Comment prouver ?
Une question centrale en matière de preuve est comment prouver l’existence d’un acte ou d’un fait juridique. Cela revient à déterminer les modes de preuve admissibles, c’est-à-dire les moyens légalement reconnus pour établir la réalité des droits et des faits en justice.
Les articles 1353 et suivants du Code civil précisent les règles encadrant les modes de preuve, établissant notamment les catégories de preuves parfaites et imparfaites et les conditions de validité de chaque type. Cette réglementation assure la sécurité et la fiabilité des preuves en matière civile.
- Droit privé
- L’objet et la charge de la preuve des droits subjectifs
- Les modes de preuves et leurs admissibilités
- Qu’est ce-que qu’une personne morale ?
- Qu’est ce qu’une personne physique?
- L’abus de droit
- Les droits extrapatrimoniaux : définition, caractère, classification
Chapitre 1 : Quelles sont les différents modes de preuves
L’article 1358 du Code civil et les articles suivants précisent les différents modes de preuve en droit civil français. L’ensemble des preuves est classé en cinq catégories principales, qui sont les suivantes :
- La Preuve Littérale (articles 1365 et suivants)
- La Preuve Testimoniale (articles 1381 et suivants)
- Les Présomptions (articles 1382 à 1386)
- L’Aveu (articles 1383 et suivants)
- Le Serment (articles 1384 et suivants)
Dans le cadre probatoire, la distinction classique est faite entre modes de preuve parfaits et modes de preuve imparfaits. Cette distinction repose sur la force probante de chaque type de preuve et leur admissibilité devant le juge.
Les modes de preuve parfaits
Les modes de preuve parfaits sont ceux qui offrent le plus de sécurité juridique et qui s’imposent au juge, les rendant incontestables pour prouver certains actes juridiques.
- La Preuve Littérale : La preuve littérale est considérée comme le mode de preuve le plus fiable pour démontrer l’existence et le contenu des actes juridiques. La preuve écrite peut être apportée par des actes sous seing privé ou des actes authentiques, et elle doit remplir les exigences de validité fixées aux articles 1365 à 1371 du Code civil pour être acceptée.
- Le Serment Décisoire (article 1384) : Le serment décisoire est un mode de preuve ultime dans lequel une partie, sur demande de l’autre, jure la véracité des faits. Ce serment est dit « décisoire » car, s’il est prêté, il lie le juge et établit la preuve de manière définitive.
Ces preuves parfaites offrent une garantie de sécurité juridique, surtout dans les contentieux contractuels, car elles lient le juge.
Les modes de preuve imparfaits
Les modes de preuve imparfaits, contrairement aux preuves parfaites, sont soumis à l’appréciation du juge. Ils sont donc considérés comme moins probants et peuvent être rejetés par le juge, notamment dans les litiges portant sur des montants importants.
- La Preuve Testimoniale (article 1381) : Le témoignage consiste en des déclarations de tiers concernant des faits litigieux. Leur fiabilité est soumise à l’appréciation du juge, et ils peuvent être influencés par des biais ou des inexactitudes.
- L’Aveu Extrajudiciaire : L’aveu extrajudiciaire est une reconnaissance faite en dehors de la procédure judiciaire. Bien qu’elle ait une certaine force probante, elle est moins engageante qu’un aveu fait devant le tribunal et peut être contestée.
- Le Serment Déféré d’Office : Ce serment est ordonné par le juge pour obtenir l’engagement moral des parties sur certains faits. Il n’a pas le caractère définitif du serment décisoire.
- Les Présomptions de l’Homme (article 1382) : Les présomptions de l’homme, ou présomptions judiciaires, sont des déductions que le juge tire à partir de faits connus pour établir des faits inconnus. Leur force probante est faible car elles dépendent du contexte et de l’interprétation.
Section I : L’Écrit ou Preuve Littérale
L’écrit est le support principal pour prouver les actes juridiques. Il constitue l’instrumentum, c’est-à-dire le document qui consigne un acte juridique, appelé negocium. Dans le droit de la preuve, l’écrit reste le moyen privilégié pour établir l’existence et le contenu des actes juridiques.
Évolution de l’écrit : Du papier à l’électronique
Historiquement, l’écrit probatoire était limité au support papier. Toutefois, avec la loi du 13 mars 2000, le droit de la preuve a été adapté aux nouvelles technologies, ouvrant la voie à la reconnaissance de l’écrit électronique et introduisant la signature électronique dans le Code civil.
Selon l’article 1366 du Code civil (anciennement article 1316) : « L’écrit peut être sous forme électronique et a la même force probante que l’écrit sur support papier, sous réserve que soient assurées l’intégrité et la pérennité des informations qu’il contient. » Cette égalité de valeur entre l’écrit électronique et le papier repose sur des conditions de sécurité et de pérennité garantissant l’authenticité des informations.
Conditions techniques de l’écrit électronique
Pour être admis comme preuve, un document électronique doit remplir des exigences strictes, précisées par divers décrets et règlements (notamment ceux de 2001 et de 2017), qui encadrent :
- La fiabilité de la création du document ;
- La sécurité des informations qu’il contient ;
- La traçabilité et l’intégrité des données, pour garantir leur durabilité et leur inviolabilité.
Ces critères visent à assurer que l’écrit électronique présente des garanties similaires à celles de l’écrit papier, notamment en matière de pérennité et d’authenticité.
La Signature électronique : Gage de consentement et d’authenticité
La signature électronique est essentielle pour authentifier l’écrit électronique et exprimer le consentement des parties. Elle doit répondre à des normes de sécurité strictes pour être valide, assurant ainsi l’identification et l’engagement des signataires. Le règlement eIDAS (Electronic Identification, Authentication and Trust Services), applicable dans l’Union européenne depuis 2016, impose des standards de sécurité et d’interopérabilité pour les signatures électroniques, garantissant leur reconnaissance et leur valeur probante dans tous les pays de l’UE.
Limites de la valeur probatoire de l’écrit
Tous les écrits n’ont pas une valeur probatoire en droit. Pour qu’un document ait valeur de preuve juridique, il doit respecter les conditions posées par le Code civil. La simple rédaction d’un document ne suffit donc pas à en faire une preuve légale ; il doit être conforme aux règles de fond et de forme pour constituer un élément de preuve en justice. Ainsi, un écrit n’acquiert une force probante que lorsqu’il respecte les normes de validité, de sécurité et d’intégrité fixées par la législation.
Il existe 2formes d’écrit : l’Acte authentique et l’Acte sous seing privé
I – L’Acte Authentique
Article 1369 du Code civil : « L’acte authentique est celui qui a été reçu, avec les solennités requises, par un officier public ayant compétence et qualité pour instrumenter. Il peut être dressé sur support électronique s’il est établi et conservé dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.. » Cet acte, en raison de sa forme solennelle et de l’intervention d’un officier public, constitue une preuve parfaite en droit.
L’acte authentique est généralement dressé par un notaire, un huissier de justice ou un greffier, et doit respecter les conditions suivantes :
- Compétence de l’officier public : Il doit être compétent à la fois sur le fond et territorialement.
- Respect des formalités : L’acte doit être rédigé en langue française, exempt de ratures, sur support approprié, daté en toutes lettres et signé par les parties ainsi que par le notaire ou l’officier public compétent.
L’acte authentique bénéficie d’une force probante exceptionnelle : il fait foi jusqu’à inscription en faux quant aux faits directement constatés par l’officier, tels que l’origine, la date, et la signature. Ces mentions sont difficilement contestables et ne peuvent être remises en cause qu’à l’issue d’une procédure de faux.
En revanche, pour les déclarations provenant des parties ou de tiers et constatées par l’officier public, l’acte authentique fait foi jusqu’à preuve contraire. Si une condition requise pour l’acte authentique est manquante, il sera requalifié en acte sous seing privé.
II – L’Acte sous Seing Privé
L’acte sous seing privé est signé directement par les parties sans intervention d’un officier public, offrant une preuve moins sécurisée que l’acte authentique, mais plus simple à utiliser, car il n’est soumis qu’à la condition de signature.
Formalisme minimal et exceptions
L’acte sous seing privé n’a besoin que de la signature des parties pour être valable, la mention « lu et approuvé » n’étant pas obligatoire. Cependant, deux exceptions sont prévues :
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Formalité du Double Original (article 1325 du Code civil)
Lorsque l’acte sous seing privé constate un engagement réciproque, il doit être établi en autant d’exemplaires que de parties signataires. -
Mention Manuscrite en Cas d’Engagement de Paiement (article 1326 du Code civil)
Si l’acte contient un engagement de payer une somme d’argent, le montant doit être inscrit par le débiteur en toutes lettres et en chiffres, afin de prévenir les altérations frauduleuses.
Limites de l’acte sous seing privé
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Force Probante
L’acte sous seing privé ne fait foi que jusqu’à preuve contraire. Si l’une des parties invoque une exception de faux, l’acte perd sa force probante. -
Preuve du Contenu et de la Date
Le contenu de l’acte peut être contesté par une preuve contraire, mais uniquement par écrit (article 1341 du Code civil). La date de l’acte n’est opposable qu’aux parties et non aux tiers. -
Validité de l’Acte et Commencement de Preuve
Si un acte sous seing privé ne respecte pas ses conditions de forme, il est nul comme acte sous seing privé mais peut conserver la valeur d’un commencement de preuve par écrit ou d’un indice.
L’Acte sous seing privé contresigné par avocat
Depuis 2012, l’acte sous seing privé contresigné par un ou plusieurs avocats bénéficie d’une protection accrue (articles 66-3-1 et suivants du Code civil). Ce type d’acte fait pleine foi de la signature et de l’écriture des parties, mais ne confère pas de preuve inattaquable quant à sa date. Le contresignature par avocat renforce donc la valeur probante de l’acte sans pour autant l’égaler à celle de l’acte authentique.
Section II : L’Aveu
L’aveu est une déclaration par laquelle une personne reconnaît un fait qui peut lui être préjudiciable sur le plan juridique. En droit, il en existe deux types principaux :
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L’Aveu judiciaire : Il s’agit d’un aveu formulé au cours de la procédure judiciaire. Cet aveu est considéré comme une preuve parfaite et possède une valeur probante absolue. Le juge est tenu d’en tirer les conséquences juridiques, car cet aveu lie les parties et le juge. Une fois fait, il est irrévocable (impossible à rétracter) et indivisible (il ne peut être partiellement admis ou rejeté). L’aveu judiciaire est admissible sans besoin de preuve écrite complémentaire. Cependant, en matière pénale, cet aveu ne lie pas le juge de la même manière, car l’intime conviction prime, ce qui permet au juge de l’apprécier différemment selon le contexte.
-
L’Aveu extrajudiciaire : Formulé en dehors d’une instance judiciaire (par exemple, dans une lettre ou une conversation privée), cet aveu a une force probante inférieure à celle de l’aveu judiciaire. Il est considéré comme une preuve imparfaite, dont la valeur est laissée à l’appréciation souveraine du juge. L’aveu extrajudiciaire est traité comme un témoignage et peut nécessiter des éléments corroborants pour en assurer la fiabilité.
Section III : Le Serment
Le serment est une déclaration solennelle affirmant la véracité d’un fait déterminant pour l’issue d’un litige. Conformément à l’article 1385 du Code civil (anciennement 1357), on distingue deux types de serments :
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Le Serment décisoire : Il est demandé par une partie à l’autre dans le cadre d’un procès et engage la partie qui prête serment à confirmer la véracité de ses affirmations. Ce serment est une preuve parfaite ; si la partie accepte de prêter serment, sa déclaration devient incontestable et lie le juge. Cependant, cette procédure est rarement utilisée en raison du risque que l’autre partie, en cas de mauvaise foi, fausse la vérité en sa faveur.
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Le Serment déféré ou supplétoire : Sollicité par le juge en complément des preuves existantes, ce type de serment intervient lorsque les autres preuves sont insuffisantes pour conclure. Il constitue une preuve imparfaite et sert à renforcer une preuve existante dans les cas de doute. En cas de prêt de serment, il contribue à former l’intime conviction du juge, mais ne s’impose pas de manière décisoire.
Section IV : Le Témoignage
Le témoignage consiste en la déclaration d’une personne (le témoin) relatant des faits qu’elle a personnellement observés. La jurisprudence impose certaines conditions au témoignage :
- En principe, le témoignage doit se limiter aux faits auxquels le témoin a directement assisté, garantissant ainsi une impartialité et authenticité maximales.
- Cependant, la jurisprudence accepte certains témoignages indirects (par exemple, des faits rapportés par des tiers), bien que leur force probante soit réduite et qu’ils soient examinés avec précaution par le juge.
- En matière civile, les témoignages sont souvent essentiels pour compléter des preuves écrites ou fournir des détails contextuels. Ils restent soumis à l’appréciation du juge, qui peut en évaluer la fiabilité et la pertinence en fonction des circonstances.
Section V : Les Présomptions de l’Homme
Les présomptions de l’homme sont des indices ou déductions sur lesquels le juge fonde sa conviction. Ces présomptions reposent sur le raisonnement logique et l’observation des faits. Conformément à l’article 1382 du Code civil (anciennement 1353), les présomptions de l’homme doivent être :
- Graves : Elles doivent reposer sur des indices solides, non équivoques.
- Précises : Elles doivent être concrètement liées au litige.
- Concordantes : Elles doivent s’accorder et converger pour établir un même fait.
Les présomptions de l’homme sont utilisées dans les cas où la loi permet des preuves testimoniales et lorsque des preuves directes manquent. Elles constituent une preuve indirecte, mais puissante, qui peut être décisive si elles convainquent le juge de manière cohérente et vraisemblable.
Ce sont des indices sur lesquels le juge va s’appuyer pour établir sa conviction. Ici, ce mode de raisonnement est proposé au juge par les plaideurs et donc pas imposée par la loi. Ces présomptions ont une admissibilité réduites dans la mesures ou l’art 1353 s’en remet « à la lumière et à la prudence du magistrat qui ne doit admettre que des présomptions graves, précises et concordantes et dans les cas seulement ou la loi admet les preuves testimoniales ».
Chapitre II : L’Admissibilité des Modes de Preuves
En matière judiciaire, l’admissibilité des preuves dépend des méthodes de démonstration des droits, distinctes selon les domaines juridiques et les contextes des litiges. Deux grands systèmes de preuve sont appliqués en France :
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Le Système de la Preuve Légale : Ici, la loi détermine précisément quels moyens de preuve sont recevables et quelle est leur force probante. Ce cadre impose des règles strictes, destinées à assurer la sécurité juridique, et limite la latitude des juges quant aux preuves qu’ils peuvent accepter ou rejeter.
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Le Système de la Preuve Libre ou Morale : Ce système autorise l’utilisation de tout moyen de preuve, laissant au juge le pouvoir d’apprécier la preuve selon sa conviction intime. En droit pénal, ce principe est adopté pour permettre une appréciation large de la réalité des faits (art. 427 du Code de procédure pénale). En droit civil, cependant, cette liberté est plus limitée, car le régime applicable dépend de la nature des faits ou des actes juridiques à prouver.
Section I : La Preuve des Actes Juridiques
Les actes juridiques sont des engagements volontaires dont la preuve est souvent prévue et organisée à l’avance. En matière civile, cela implique généralement un recours à des preuves écrites, lesquelles offrent une sécurité et une prévisibilité des droits et obligations des parties.
I. Principe de la preuve par écrit
L’article 1359 du Code civil (anciennement art. 1341) impose qu’un acte juridique (contrat, engagement financier, etc.) doit être prouvé par un document écrit, qu’il soit sous signature privée ou sous forme authentique (acte notarié, par exemple) :
- Règle générale : La preuve d’un acte juridique se fait par un écrit, ce qui en assure la fiabilité.
- Interdiction des témoignages : En principe, les témoignages sont exclus comme moyens de preuve contre un acte écrit. Une preuve contraire à un acte écrit ne peut être fournie que par un autre écrit de valeur équivalente.
II. Exceptions au principe de la preuve par écrit
La rigueur de la preuve par écrit connaît toutefois des exceptions notables :
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Accord entre les parties : L’article 1359 n’étant pas d’ordre public, les parties peuvent convenir d’autres modalités de preuve, ce qui est courant dans certains contrats où une preuve par tout moyen peut être autorisée.
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Aveux et Serment décisoire : Un aveu judiciaire (reconnaissance expresse de la part d’une des parties) ou un serment décisoire (serment demandé à la partie adverse) peuvent remplacer un écrit.
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Montant inférieur à 1500 euros : L’exigence de preuve écrite s’applique uniquement aux engagements d’un montant supérieur à 1500 euros (art. 1359, al. 1), permettant ainsi d’alléger la preuve des engagements plus modestes.
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Relations entre commerçants : Entre commerçants, la preuve est libre (art. L.110-3 du Code de commerce). Tous moyens de preuve, y compris les témoignages, peuvent être utilisés pour prouver des actes de commerce, en raison de la rapidité et de la souplesse exigées dans les transactions commerciales.
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Commencement de preuve par écrit : L’article 1362 du Code civil (anciennement art. 1347) introduit le concept de commencement de preuve par écrit, applicable lorsqu’un document émanant de la partie adverse rend plausible le fait allégué. Il peut s’agir d’un document signé, bien que juridiquement irrégulier, ou encore d’un chèque endossé. Ce commencement de preuve doit toutefois être complété par d’autres éléments.
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Impossibilité de produire un écrit : Dans certaines situations, la production d’un écrit est impossible :
- Impossibilité matérielle : lorsque le document est perdu ou détruit par accident (incendie, inondation).
- Impossibilité morale : dans les cas où la rédaction d’un écrit est socialement ou émotionnellement difficile, par exemple entre proches ou collaborateurs.
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Copies fidèles et durables : Une copie conforme et durable peut, selon l’article 1379 du Code civil, remplacer un original perdu. Si elle est fiable, cette copie peut constituer un commencement de preuve par écrit, à condition d’être soutenue par d’autres preuves corroboratives.
Section II – La Preuve des Faits Juridiques
Les faits juridiques (événements ou comportements entraînant des effets de droit indépendamment de la volonté des parties) sont soumis à un régime de preuve plus souple : la preuve par tout moyen. Cela signifie que les faits juridiques peuvent être prouvés par témoignages, présomptions, et même indices matériels, afin de garantir une évaluation au plus proche de la réalité.
- Preuve libre : Les faits juridiques (comme les accidents, les litiges en responsabilité civile) peuvent être prouvés par tout moyen, donnant ainsi aux juges une marge d’appréciation plus large pour se former une conviction.
- Preuve réglementée pour l’état des personnes : Certains faits relatifs à l’état des personnes (comme la filiation ou la nationalité) nécessitent des preuves spécifiques. Par exemple, les actes d’état civil sont requis pour établir la filiation.
Principe de loyauté de la preuve
En droit civil, comme en droit pénal, le principe de loyauté des preuves est fondamental. Les articles 9 du Code de procédure civile et 259-1 du Code civil édictent que les preuves obtenues par des moyens déloyaux (telles que la fraude ou la contrainte) doivent être exclues du débat. Ce principe protège les droits des parties en assurant que seules les preuves obtenues de manière licite et morale puissent influencer le jugement.
En conclusion, si le système de preuve légale impose des règles strictes pour assurer une sécurité juridique dans les affaires civiles, le système de preuve libre en matière pénale et pour les faits juridiques accorde une liberté au juge, lui permettant d’apprécier les preuves de façon plus intuitive et globale.
Jurisprudences sur le rapport entre la loyauté de la preuve et le droit à la vie privée :
Ici, des exemples récents illustrant les principes de recevabilité et de loyauté des preuves en justice, où la Cour de cassation a précisé les conditions d’admissibilité de preuves obtenues de manière déloyale, et où le droit à la vie privée a été mis en balance avec le droit à la preuve.
1. Irrecevabilité des enregistrements clandestins – Assemblée plénière de 2011
Dans un arrêt de l’Assemblée plénière du 7 janvier 2011 (n°09-14.316 et 09-14.667), la Cour de cassation a jugé qu’un enregistrement réalisé à l’insu de l’auteur des propos est irrecevable comme preuve devant les juridictions civiles, fondant cette décision sur le principe de loyauté et la protection de la vie privée. Cette jurisprudence marque la volonté d’écarter les preuves obtenues par des procédés dissimulés ou frauduleux en matière civile.
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Admissibilité des SMS : En revanche, un enregistrement ou un SMS devient licite dès lors que l’auteur est informé ou consent à sa production en justice. Cette tolérance à l’égard des SMS s’est généralisée, la jurisprudence admettant leur utilisation comme preuve dès lors qu’ils ont été librement échangés, par exemple dans les litiges familiaux ou commerciaux.
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Actualisation – Arrêt de 2023 : Plus récemment, l’Assemblée plénière dans son arrêt du 22 décembre 2023 a quelque peu assoupli ce principe. Elle a jugé qu’un enregistrement clandestin pourrait être admissible si l’atteinte au droit de la preuve est proportionnée et nécessaire à la défense des droits. Cet assouplissement est notable pour les affaires où l’équité de la procédure pourrait justifier l’utilisation d’une preuve obtenue de manière déloyale, à condition que le juge applique un examen rigoureux de proportionnalité village de la Justice Cour de Cassation
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2. Preuve des faits juridiques – Arrêt du 6 mars 2014
Dans un arrêt du 6 mars 2014, la Cour de cassation a précisé que le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même ne s’applique pas aux faits juridiques, qui demeurent libres quant à leur mode de preuve. Contrairement aux actes juridiques, les faits juridiques, qui relèvent davantage de situations ou d’événements, peuvent être prouvés par tout moyen, y compris par des témoignages ou des indices matériels.
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Exemples pratiques : Cette liberté de preuve s’applique souvent aux affaires de responsabilité civile, de délits civils, ou de preuves de comportement dans des contentieux familiaux ou patrimoniaux. Par exemple, en matière de succession, un acte ou une action sans acte formel, mais ayant un effet juridique, peut être prouvé par des correspondances ou d’autres indices.
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Élargissement de l’accès aux preuves libres : Cet arrêt a renforcé le droit à la preuve en élargissant les moyens possibles pour établir la réalité des faits en l’absence d’écrit, et reste un pilier pour les situations où il n’existe pas de preuve documentaire Navacelle
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3. Protection de la vie privée et preuve photographique – Arrêt du 10 septembre 2014
Dans l’arrêt de la première chambre civile du 10 septembre 2014, la Cour a pris position sur l’utilisation de photographies prises par un détective privé comme éléments de preuve. Ici, la Cour a cherché à concilier le droit au respect de la vie privée avec le droit à la preuve. Cette décision illustre une mise en balance des intérêts en cause, acceptant les preuves obtenues de manière intrusive si elles sont proportionnées et indispensables à la protection d’autres droits, notamment dans les litiges familiaux ou matrimoniaux où les faits allégués ne peuvent être prouvés autrement.
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Applications dans des affaires récentes : Cette jurisprudence est souvent invoquée dans les litiges familiaux, par exemple pour établir la réalité de comportements répréhensibles dans des procédures de divorce. Les photographies peuvent être acceptées à condition qu’elles soient obtenues de manière non excessive et sans atteinte disproportionnée à la vie privée.
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Exemple jurisprudentiel : En matière de droit du travail, la Cour a également admis des preuves obtenues par des moyens similaires, à condition qu’elles répondent aux exigences de proportionnalité, comme en témoigne l’arrêt de 2019 sur la vidéosurveillance non déclarée d’un salarié Village de la Justice
4. Loyauté de la preuve en matière pénale et le principe du contradictoire
En matière pénale, le principe de loyauté est appliqué avec plus de souplesse. Le juge pénal s’appuie sur le principe de l’intime conviction, privilégiant une évaluation globale des preuves apportées au cours de débats contradictoires. Cela signifie que le juge peut admettre des preuves obtenues de manière discutable si elles sont pertinentes et ont été discutées contradictoirement.
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Évolution législative : L’article 427 du Code de procédure pénale consacre cette liberté en énonçant que toute infraction peut être prouvée par tout moyen, conférant une latitude au juge pour apprécier la valeur probante d’une preuve. Toutefois, les preuves obtenues par des procédés manifestement illicites ou contraires aux droits fondamentaux peuvent être écartées si elles portent atteinte au droit au procès équitable
Ici, d’autres exemples récents illustrant les principes de recevabilité et de loyauté des preuves en justice, où la Cour de cassation a précisé les conditions d’admissibilité de preuves obtenues de manière déloyale, et où le droit à la vie privée a été mis en balance avec le droit à la preuve.
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Enregistrement clandestin en justice civile : Dans un arrêt de principe du 22 décembre 2023 (n° 20-20.648), l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a révisé sa position sur l’usage des enregistrements réalisés à l’insu de l’interlocuteur dans les contentieux civils. Désormais, une preuve obtenue de manière illicite ou déloyale peut être admissible si elle est indispensable à l’exercice des droits de la défense et si l’atteinte à la vie privée est proportionnée au but poursuivi Village de la Justice WAN Avocats
Ce revirement témoigne d’un équilibre entre la nécessité de prouver certains faits et le respect des droits fondamentaux, comme la vie privée. Lien vers la décision complète : Cour de cassation – Décision du 22 décembre 2023.
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Équilibre entre la vie privée et la preuve : La Cour de cassation avait déjà amorcé une réflexion similaire dans un arrêt de la première chambre civile du 10 septembre 2014, où des photographies prises par un détective privé ont été admises à titre de preuve. Ce cas illustrait un besoin de concilier le droit à la vie privée de l’individu photographié et le droit de la partie adverse à démontrer certains faits. La Cour a jugé que l’admissibilité des photographies dépendait de leur caractère indispensable à la protection des droits en cause et de leur proportionnalité Navacelle
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Preuve des faits juridiques : Dans un arrêt du 6 mars 2014, la Cour de cassation a clarifié que le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même ne s’applique pas aux faits juridiques, qui peuvent être prouvés par tout moyen. Ce principe rend la preuve des faits plus flexible, bien qu’elle doive tout de même respecter les règles de loyauté et le droit au procès équitable Dalloz Etudiant
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Surveillance vidéo et droit du travail : Un autre exemple en matière de droit du travail concerne la vidéosurveillance non déclarée. En 2019, la Cour de cassation a accepté des images de vidéosurveillance captées sans information préalable au salarié pour justifier une faute grave. La Cour a cependant précisé que cette atteinte à la vie privée devait être proportionnée au but poursuivi, en l’occurrence le droit de l’employeur à assurer la sécurité de son entreprise.