Les non commerçants : association, agriculteur, artisan, libéral

Les secteurs non commerciaux de l’activité économique.

La loi en la matière est silencieuse, donc recours à la jurisprudence. Les tribunaux recourent à deux théories :

La théorie de l’accessoire : les tribunaux vont résonner en fonction de la théorie de l’accessoire lorsqu’un commerçant réalise des actes de commerce et a contrario. Si les actes de commerce sont peu importants, ils vont dégénérer en acte civils par accessoire.

La théorie de la para commercialité : si une personne civile, non commerçante, exerçant une activité économique réalise de manière répétée des actes de commerce, au point qu’on ne puisse plus parler de théorie de l’accessoire, on parle de commerçant de fait (ne sont pas inscrite au registre de commerce). Cette théorie du commerçant de fait est jurisprudentielle. Le but est de sanctionner les personnes. La sanction est atypique, il sera alors assujetti à toutes les obligations pesant sur le droit commercial. En revanche, il ne pourra jouir des faveurs du droit commercial (Chambre commerciale 17 Mars 1981, arrêt Mosquée de Paris. Celle-ci est une association qui vendait des viandes. Elle se retrouve en litige avec une personne et les tribunaux ont considéré que la Mosquée de Paris était un commerçant de fait. Dès lors son adversaire a pu lui opposer la liberté de la preuve). Un commerçant de fait ne bénéficie pas des faveurs du droit commercial.

  • L’activité est le complément nécessaire d’une activité non commerciale. Dans ce cas là, l’intéressé ne devient pas pour autant commerçant.
  • La profession commerciale est la profession principale, et l’intéressé est commerçant de droit même s’il exerce accessoirement une activité civile. Applique la théorie de l’acte decommerce par accessoire.
  • La profession commerciale est secondaire mais n’a aucun lien avec la profession civile par accessoire. Les deux activités sont principales mais ne sont pas en lien. Pour l’activité économique on applique le droit civil, et pour l’activité commerciale on applique le droit commercial.

Section 1 : L’agriculture.

L’agriculteur n’est pas un commerçant. En effet, la vente de sa récolte n’est précédée d’aucun achat. Peu importe la dimension de son exploitation, les méthodes employées par la culture, pour le recours à une publicité. La terre est immeuble donc tout ce qui relève des immeubles relève du code civil.

Il est donc une personne civile. Arrêt de la 1ère chambre Civile, 21 Avril 1976 Hospice de Beaune, la personne qui transforme le raisin de ses vignes n’est pas commerçant.

Les agriculteurs sont attachés à leur propre juridiction. Ils bénéficient de contrats spéciaux. Et pourtant aujourd’hui, assiste à une modernisation de l’agriculture qui est de moins en moins attachée à la terre, les agriculteurs se mettent de plus en plus à l’élevage industriel.

Loi du 30 Décembre 1988 donne une définition de l’agriculteur sans aucune référence au sol et elle élargit paradoxalement le domaine civil des domaines agricultures et tend donc à les exclure du droit commercial.

Ainsi deux catégories sont considérées comme agricoles :

  • L’activité agricole de base: celle qui correspond à la maitrise et à l’exploitation d’un site biologique de caractère végétal ou animal (horticulture, agriculture traditionnelle, culture hors sol).
  • Les activités agricoles de prolongement: les activités de transformations des produits agricoles, abattage de la volaille, emballage de fruits, les activités para touristiques liées à l’agriculture sont considérées comme civiles.

Cette loi est surprenante car elle supprime la distinction et soumet les agriculteurs au redressement judiciaire. Aussi cette loi prévoit la création d’un registre de l’agriculture. Par ailleurs, elle opère un rattachement artificiel au droit civil. Certains se sont demandés pourquoi le droit des affaires ne pourrait s’appliquer à l’agriculture ? Or si l’agriculteur fini par délaisser son exploitation pour développer son activité para touristique, les tribunaux le considéreront comme un commerçant de fait. Avant la loi de 1988, la jurisprudence prenait l’origine de l’alimentation du bétail comme critère. Si elle est achetée à l’extérieur c’est un acte de commerce. Aujourd’hui avec la loi de 1988, ce critère a disparu. Que faut-il entendre par cycle végétal ou animal d’exploitation ? Il faudra recourir au critère de la durée. Dans un arrêt dans la chambre commerciale du 05 Février 1989 ne constitue pas une activité civile le fait d’acheter des boutures en herbe et d’en tirer des racines afin de les revendre. La problématique des rapports entre commerçants et agriculteurs n’a pas disparu, mais s’est simplement déplacé. En témoigne une loi du 11 Février 1995, qui laisse entendre que l’agriculture suppose de plus en plus de méthodes commerciales.

Section 2 : L’artisanat.

Le code de commerce ne parle pas du tout de l’artisanat. On craint une disparition de l’artisanat face aux industriels. Les artisans ne voulaient pas faire partie des commerçants et ont préféré faire partie du droit commun. Au XXème siècle, c’est le mouvement inverse. La conséquence fut importante, et ainsi on assiste à une réglementation hybride.

L’artisanat est une forme d’activité qui est loin de disparaitre. Elle regroupe 300 métiers, 850 000 entreprises. Représente 10% de la population active française. Son chiffre d’affaire dépasse 80 milliards d’€.

Les artisans ne relèvent pas de la compétence des tribunaux de commerce, sauf en cas de redressement judiciaire. De même le principe de la liberté de la preuve ne leur est pas opposable.

Depuis loi du 05 Janvier 1957, les artisans bénéficient de la législation des baux commerciaux.

Les artisans peuvent donner leur fonds en entassement depuis loi du 05 Juillet 1996. Si un artisan désire obtenir un prêt, le banquier engagera le fonds de commerce. S’il ne paye pas les mensualités, le banquier pourra saisir le fonds artisanal. Les artisans peuvent donner leur fonds en location gérance du fond. De même, les artisans et les commerçants sont soumis à la liquidation judiciaire en cas de cessation des paiements. Leur statut fiscal et social est comparable à celui des personnes commerçantes.

Définition administrative donnée par Loi du 16 Juillet 1996, donne les conditions pour que les entreprises puissent s’inscrire au registre. 3critères sont retenus :

  • L’activité de l’entreprise: activité de production, réparation, prestation de services, transformation exercées de manière indépendante. Ce critère ne permet pas de distinguer les activités commerciales et artisanales car certaines activités commerciales sont des prestations de services par exemple.
  • La dimension d’entreprise: s’agit d’une petite entreprise (max 10 salariés). L’artisan ne doit pas spéculer sur le travail d’autrui.

Manque cours…

Le répertoire des métiers n’a qu’une valeur administrative et statistique. On applique ici la jurisprudence antérieure à la loi 1994. Quels sont les critères avancés ?

  • L’artisan est un travailleur manuel, ce qui permet de les distinguer avec les professions libérales dont le rôle est intellectuel. Insuffisante.
  • L’artisan effectue des travaux unitaires ou de courte série aboutissant généralement à une personnalisation des produits ou des services rendus.
  • L’artisan est un chef d’une entreprise modeste. La jurisprudence est attachée à ce critère, l’artisan n’a pas de stock important, il n’utilise pas de nombreux capitaux et salariés. Arrêt de la chambre commerciale du 26 Juin 1968, une entreprise embauchant 8 salariés fut considéré comme commerçant. Arrêt de 1972 également pour un fabriquant de pate embauchant 84 salariés. Un artisan embauchant plus de 3 salariés n’a pas le droit à un régime fiscal de faveur.
  • L’artisan peut réaliser des actes de commerce de manière exceptionnelle. La théorie de l’accessoire, les actes de commerces deviennent civils puisque réalisés par un artisan. Arrêt du 11 Mai 1993 considère que le fait de tirer une lettre de change ne conférait pas la qualité de commerçant.

Au regard de la jurisprudence l’artisan est un professionnel qui tire l’essentiel de ses ressources de son travail manuel et de celui de sa famille. Tous ces critères sont combinés.

La définition privatiste est plus étroite que la définition administrative, ce qui amène certaines personnes à avoir une double qualité.

Section 3 : Les associations.

Selon la loi du 1er Juillet 1901, les associations sont des groupements civils et a un autre objet que le partage des bénéfices, donc en principe un objet désintéressé, caritatif, en vue d’aider. Une association est tout le contraire d’un commerçant. On lui interdit seulement d’avoir une activité lucrative, mais peut réaliser des bénéfices sans les partager. Même au moment de sa dissolution les bénéfices doivent être dévolus à une autre association.

Les bénéfices ne peuvent pas être partagés indirectement (logés par l’association, voiture de fonction…). Les associations, cependant se comportent comme des commerçants mais sont régis par des règles civiles. Ce qui caractérise les associations en France c’est leur grande diversité :

  • Associations purement caritatives.
  • Associations qui réalisent de manière occasionnelles des actes de commerce (théorie de l’accessoire les rend civiles).
  • Associations qui se livrent à une véritable activité commerciale, et une véritable attraction vers le monde des affaires. Dans une décision de 1988, une association avait pour principale objet les sports et les loisirs, et crée en son sein un café restaurant. L’association effectue des achats en vue de la revente. Celle-ci voyant sa clientèle gonfler embauche et réalise des recettes. Doit-on considérer comme un commerçant ? La théorie de l’accessoire a été appliquée et considérer qu’elle avait une activité commerciale. Une association organisait couramment des bals, les juges ont appréciés au cas par cas si les recettes étaient exceptionnelles (civiles). Une association avait pour objet l’exploitation une clinique et recevait des malades à titre gratuit ou à titre onéreux (en raison de leurs revenus).

Depuis une loi du 11 Juillet 1985, les associations, peuvent émettre des titres sur des marchés règlementés. Elles vont émettre des titres obligatoires ou associatifs, elles doivent tenir une comptabilité, présenter des documents comptables, désigner un commissaire aux comptes et être identifiées au RCS.

L’ordonnance du 1er décembre 1986, permet en son article 37, permet aux associations de pratiquer de manière habituelle des ventes ou des fournitures à condition de le prévoir dans les statuts. Le principe posé est celui de l’exclusion de toute répartition des bénéfices entre les membres. Si l’activité commerciale devient habituelle, à ce moment la réalisation des actes de commerces devient la condition de l’existence de l’association. La théorie de l’accessoire est inapplicable. Cette solution ne s’impose pas toujours en jurisprudence. Celle-ci n’hésite pourtant pas à recourir à la théorie du commerçant de fait qui est assujettit à toute des contraintes du droit commercial sans en recevoir les faveurs. Décision Mosquée de Paris, du 17 Mars 1981. L’association ne pourra pas bénéficier des privilèges reconnus aux commerçants de droit. 1er Mars 1994, la chambre commerciale a décidé que même de bonne foi, une association ne peut s’inscrire au RSC, puisque non habilitée. Il faudra procéder à la dissolution de l’association afin de créer une société commerciale.

Le droit fiscal, l’assujettit aux impôts commerciaux, plusieurs critères sont pris en considérations :

  • L’activité lucrative doit rester dans le cadre strict de l’objet désintéressé de l’association.
  • La gestion de l’association ne doit procurer aucun profit matériel au fondateur.
  • La réalisation d’excédent ne doit pas être systématiquement recherchée. Ce qui exclu le recourt à des publicités commerciales, et impliquent la pratique de tarifs modérés.

La solution pourrait consister au niveau législatif à créer une nouvelle forme aux associations commerçantes, ce qu’on fait les belges avec une loi du 23 Avril 1995 créant des sociétés à finalité sociale. Absence de but lucratif, mais caractérisé par la recherche de services rendus aux membres et à la collectivité. Par un processus de décision démocratique, en France un statut en la matière manque et porte préjudice à deux catégories de personnes :

  • Aux commerçants de droit. On leur mène une concurrence injustifiée puisqu’ils sont assujettit à des contraintes commerciales. Il y a rupture d’égalité dans leur environnement concurrentiel.
  • Aux tiers. Les personnes qui traitent avec ses associations. Ces associations, sont considérés comme des personnes civiles et donc pas d’application du droit des sociétés. Celui-ci a posé des règles protectrices envers les partenaires. Les vraies victimes de ses associations commerçantes sont les partenaires.

Section 4 : Les professions libérales.

Elles relèvent de domaines de secteurs d’activité divers (médecins, dentistes…). Le pharmacien lui est un commerçant puisqu’il achète des médicaments en vue de les revendre. Dans l’ordre juridique, les officiers publics et ministériels sont des professions libérales (huissiers, notaires, commissaires priseurs). Les administrateurs judiciaires (avocats, conseils juridiques, expert comptables) relèvent de la profession libérale.

  • Ils sont soumis aux dispositions des professions libérales: les litiges relèvent des juridictions civiles. Depuis une loi 2005 les procédures collectives leurs sont désormais applicables. Le régime de la preuve ne leur est pas applicable, la présomption dont le délai est de 5ans.
  • Le caractère intellectuel de la profession, et donc civile par essence.
  • Implication personnelle des professionnels.
  • Rapport direct avec le client, ils ne pratiquent pas de vente à distance.
  • Caractère désintéressé, ils ne sont pas attirés par l’argent. Elles ne reçoivent pas de bénéfices mais des honoraires.

Aujourd’hui elles subissent l’attrait de la commercialité :

  • Le caractère désintéressé n’est plus compatible avec la réalité. La tradition française est loin d’admettre une conception marchande de la profession libérale, contrairement aux USA.
  • Ils recourent de plus en plus à des moyens humains et matériels.
  • Ils recourent à des méthodes rigoureuses de gestion.
  • Désormais elles peuvent céder leur clientèle, alors que longtemps elles l’ont refusé car les clients devaient avoir une liberté totale de choix. Or depuis 2000, elle l’accepte.
  • Désormais, les membres des professions libérales peuvent recourir à des sociétés civiles professionnelles ou d’exercice libéral. Celles-ci ont un objet civil mais soumit à toute la législation sociale. En raison de l’importance des investissements nécessaires, plusieurs libéraux peuvent se regrouper. Commercialité par la forme puisque les sociétés dans lesquelles ils exercent leurs activités sont soumis aux règles du droit commercial.
  • Les professions libérales recourent de plus en plus aux techniques du droit commercial (publicité, crédits bancaires, emplois de salariés) quand cela n’est pas interdit par les règles professionnelles.
  • Depuis la loi du 26 Juillet 2005, les membres des professions libérales peuvent être soumis à des procédures de redressement judiciaire.

En principe, elles restent quand même civiles. De même, les écoles, les pensionnats sont considérés comme libérales. Chambre commerciale 13 Mai 1970, un notaire se livrait à des activités bancaires moyennant un intérêt et violaient les règles.

Affaire de la cour de Paris du 24 Octobre 1908, un dentiste vendait des dentifrices a été considéré comme un commerçant de fait. Sacha Guitry dirige une entreprise de spectacle (activité commerciale) mais la jurisprudence considère que le caractère intellectuel prédomine.

En conclusion, même si la frontière entre la profession libérale et les commerçants devient moins opaque, il n’en demeure pas moins que les professionnels qu’ils seront soumis aux règles civiles.