Les obligations du fonctionnaire (servir, obéissance, probité…)

Les obligations des fonctionnaires

Définition de la Déontologie Administrative : Ensemble de devoirs et obligations imposés aux fonctionnaires dans l’exercice de leurs missions.

Inscription dans le Statut Général de la Fonction Publique

  • La loi du 21 avril 2016, dite « loi déontologie », a intégré un nombre significatif de devoirs et obligations déontologiques dans le statut de 1983.
  • Avant cette loi, ces devoirs étaient principalement issus de la jurisprudence du Conseil d’État et n’avaient qu’une valeur jurisprudentielle.
  • Désormais, la majorité des devoirs déontologiques des fonctionnaires sont fixés par les statuts, leur conférant une valeur législative. La jurisprudence ne peut plus les contredire.

Codes de Déontologie Spécifiques

  • Certains corps de métiers ont leur propre code de déontologie, comme celui de la police.
  • Il n’existe cependant pas de code de déontologie universel applicable à tous les fonctionnaires.

Applicabilité des Obligations Déontologiques

  • Les obligations déontologiques intégrées dans le statut de 1983 s’appliquent non seulement aux fonctionnaires mais également aux contractuels.

Les obligations de dignité, impartialité, loyauté…

Les devoirs du fonctionnaire : dignité, loyauté, impartialité, neutralité

Section 1 — l’obligation de servir

Il s’agit de l’obligation faite à l’agent d’exécuter cette tâche en respectant ces instructions de son chef de service, et les mesures d’organisation du service.

§1 — l’obligation de se consacrer à ses fonctions

 4 Aspects Clés

1. Occupation Réelle de l’Emploi

  • Exigence de présence : Le fonctionnaire doit effectivement occuper son poste. Le refus de rejoindre son poste constitue une faute disciplinaire.

2. Exercice Personnel de la Tâche

  • Interdiction de déléguer : Le fonctionnaire doit accomplir personnellement ses tâches et ne peut pas les confier à autrui, même si elles seraient parfaitement exécutées. Aucun remplacement n’est permis.

3. Exercice Continu des Fonctions

  • Respect de la durée de travail : Le fonctionnaire est tenu de respecter la durée légale de travail et d’exercer ses fonctions de manière continue.
  • Obligation de résidence : Certains fonctionnaires sont astreints à résider près de leur lieu de travail. Des dérogations sont possibles, mais certains, comme les préfets, magistrats, et certains militaires en caserne, n’ont pas cette flexibilité.

4. Principe de Non-Cumul d’Emploi

  • Selon la loi du 29 octobre 1936 et l’article 25-7 du statut de 1983, le fonctionnaire ne peut pas exercer d’activité privée lucrative en parallèle à son travail dans la fonction publique.
  • Interdiction de cumul pour les emplois à temps plein : Un fonctionnaire à temps plein ne peut pas créer d’entreprise. En revanche, ceux à temps partiel peuvent le faire.
  • Interdictions spécifiques :
    • Participation aux organes de direction d’une entreprise, même à titre non rémunéré.
    • Prise d’intérêts financiers (actions, parts sociales) dans une entreprise contrôlée par l’administration d’appartenance.
  • Restriction post-emploi : Un fonctionnaire ne peut pas être embauché par une entreprise qu’il a surveillée ou contrôlée pendant les trois années suivant le contrôle.

 

§2 — les exceptions qui permettent d’avoir un travail dans le privé, tout en permettant le travail dans le public

Le fonctionnaire peut aussi exercer ces activités :
1. Activité Accessoire Lucrative

  • Les fonctionnaires peuvent exercer une activité lucrative accessoire auprès d’autres personnes publiques ou privées, sous réserve d’inscription dans une liste d’activités autorisées. Exemples :
    • Réalisation de petits travaux chez des particuliers.
    • Vente de biens fabriqués par l’agent.
    • Activités d’enseignement ou de formation.

2. Activités Bénévoles

  • Toute activité bénévole est autorisée, que ce soit pour une entreprise privée ou publique.

3. Utilisation des Compétences Professionnelles

  • Les fonctionnaires peuvent utiliser leurs compétences pour exercer dans le privé des activités d’expertise ou d’enseignement.

4. Cas Particuliers selon les Professions

  • Enseignants : Possibilité d’exercer des fonctions libérales liées à leur profession.
  • Psychologues universitaires : Possibilité d’avoir des cabinets de psychologie.
  • Médecins hospitaliers : Autorisation d’avoir un cabinet privé, y compris la possibilité de recevoir des clients à l’hôpital.

5. Fonctionnaires à Temps Partiel

  • Fonctionnaires travaillant entre 50% et 70% de leur temps : Autorisation d’exercer une autre activité lucrative dans le secteur privé.
  • Fonctionnaires à mi-temps : Possibilité d’obtenir l’autorisation de créer une entreprise privée.

6. Sanctions en cas de Non-Respect des Règles

  • En cas de non-respect des règles relatives au cumul, le fonctionnaire est passible de sanctions disciplinaires.
  • Obligation de restituer les sommes indûment perçues à son administration.

Quelques conditions pour qu’il exerce ces activités : 

1. Conditions Générales pour les Activités Envisagées par les Fonctionnaires

  • L’activité envisagée par un fonctionnaire ne doit pas compromettre le fonctionnement normal, l’indépendance, ou la neutralité du service public.

2. Procédure pour les Fonctionnaires Souhaitant Intégrer le Secteur Privé

  • En cas de départ temporaire ou définitif vers le secteur privé, le fonctionnaire doit être soumis à un contrôle déontologique.
  • Ce contrôle est effectué par le supérieur hiérarchique du fonctionnaire, qui peut solliciter l’avis d’un référent déontologique. Ce dernier est spécialisé dans les questions de déontologie et conseille l’employeur public.

3. Intervention de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP)

  • Si des doutes subsistent quant à la future indépendance du fonctionnaire, le supérieur hiérarchique peut saisir la HATVP.
  • La HATVP rend un avis simple, généralement suivi par l’employeur public.
  • En cas d’avis négatif de la HATVP, l’employeur public est susceptible de refuser l’autorisation au fonctionnaire de rejoindre l’entreprise privée concernée.

4. Cas Spécifique des Hauts Fonctionnaires

  • Pour les hauts fonctionnaires, la saisine de la HATVP est automatique lorsqu’ils envisagent de rejoindre le secteur privé.

 

Section  2 — l’obligation d’obéissance et ses limites

1. Principe Général de l’Obéissance dans la Fonction Publique

  • Fonctionnaires, civils et militaires, sont assujettis au devoir d’obéissance. Des sanctions peuvent être appliquées en cas de non-respect de ce devoir.

2. Exception au Principe d’Obéissance : Jurisprudence du Conseil d’État

  • Conformément à la jurisprudence établie par le Conseil d’État dans l’affaire Mr Langneur (10 nov 1944), l’obligation d’obéissance n’est pas absolue.
  • Deux conditions pour refuser d’obéir :
    • Si l’ordre est manifestement illégal.
    • Si l’ordre risque de compromettre gravement un intérêt public.
  • Ces critères sont explicitement repris dans l’article 28 du statut de 1983.

3. Application Pratique de ces Exceptions

  • Dans la pratique, il est rare que ces deux critères soient simultanément remplis, d’où la prévalence de l’obligation d’obéissance.

4. Cas Particuliers d’Ordres Constituant une Infraction Pénale

  • Lorsqu’un ordre constitue une infraction pénale, les deux conditions de l’arrêt Langneur sont automatiquement remplies.
  • Exemple : Affaire Mr Pouzelgues (3 mai 1961) où un commissaire de police a été ordonné de remplacer un objet par un faux, constituant un vol.

5. Fonction Publique Militaire : Devoir d’Obéissance Renforcé

  • Les statuts de 1972 et 1985 interdisent d’ordonner aux militaires des actes contraires aux lois et coutumes de la guerre, aux conventions internationales (comme la Convention de Genève), ou constituant des crimes ou délits.
  • Existence d’hypothèses de désobéissance légitime en dehors des conditions de l’arrêt Langneur, par exemple, en cas d’ordre constituant un abus d’autorité en matière sexuelle.

 

Section 3 — Obligations de désintéressement, d’intégrité et de probité

Les obligations de désintéressement, d’intégrité et de probité garantissent la confiance du public envers les institutions publiques et leurs employés. Le non-respect de ces obligations peut entraîner des sanctions disciplinaires, voire pénales, selon la gravité de l’infraction.

Obligation de Désintéressement

  • Définition : Cette obligation implique que les fonctionnaires doivent agir sans rechercher de bénéfices personnels. Leur action doit viser l’intérêt général et non des intérêts privés.
  • Exemples Pratiques :
    • Un fonctionnaire ne doit pas utiliser les ressources publiques pour son profit personnel.
    • Éviter les conflits d’intérêts, par exemple, en ne participant pas à des décisions où il pourrait y avoir un bénéfice personnel.

Obligation d’Intégrité

  • Définition : L’intégrité concerne la droiture, l’honnêteté et la cohérence dans l’application des principes éthiques. Cela signifie respecter les lois et les règlements.
  • Exemples Pratiques :
    • Refuser les cadeaux ou avantages pouvant influencer les décisions.
    • Signaler toute tentative de corruption ou d’actes répréhensibles.

Obligation de Probité

  • Définition : La probité est l’adhérence stricte à l’honnêteté et la moralité. Elle implique une conduite irréprochable et une grande rigueur morale.
  • Exemples Pratiques :
    • Agir de manière transparente et responsable.
    • Prévenir toute forme de fraude ou de détournement de fonds.

Section 4 — le devoir de réserve

Le devoir de réserve est une obligation de retenue dans l’expression publique. Le devoir de réserve dans la fonction publique est un équilibre délicat entre le maintien de la confiance du public en l’administration et le respect des droits fondamentaux des agents. La montée des réseaux sociaux et la facilité de diffusion de l’opinion posent de nouveaux défis pour l’application du devoir de réserve.

Nature et Fondement

  1. Définition:  Les agents publics doivent éviter tout propos ou comportement susceptible de porter atteinte à la crédibilité et à la neutralité de la fonction publique.
  2. Fondement Juridique: Il découle des principes généraux du droit de la fonction publique, tels que l’impartialité, la neutralité, et la dignité. Ce devoir n’est pas explicitement mentionné dans les statuts de la fonction publique mais est reconnu par la jurisprudence et les textes réglementaires.

Portée et Limites

  1. Portée: Le devoir de réserve s’applique à l’ensemble des communications des agents publics, y compris sur les réseaux sociaux. Il doit être adapté selon la position et la fonction de l’agent, avec une exigence plus forte pour les postes de responsabilité et de décision.
  2. Limites: Bien que strict, ce devoir ne doit pas annihiler la liberté d’expression des agents publics, un droit fondamental garanti notamment par la Convention européenne des droits de l’homme.

Application et Sanctions

  1. Cas Pratiques: Des situations comme les commentaires politiques, les critiques ouvertes de la politique gouvernementale, ou les prises de position sur des sujets sensibles peuvent être scrutées au prisme de ce devoir.
  2. Sanctions: Le non-respect du devoir de réserve peut entraîner des sanctions disciplinaires. Ces sanctions varient selon la gravité de la manquement et sont généralement précédées d’une procédure garantissant les droits de la défense de l’agent.

Section 5 — Obligation de discrétion professionnel et secret professionnel

L’obligation de discrétion professionnelle et le secret professionnel pour les travailleurs de la fonction publique  visent à préserver la confiance du public et l’intégrité de l’administration. Ces obligations sont fondamentales pour assurer que les informations sensibles et personnelles restent protégées au sein de l’administration publique. Elles reflètent un équilibre entre la transparence nécessaire dans une démocratie et la protection de la vie privée et des informations sensibles. Il convient de distinguer les deux obligations :

Obligation de discrétion professionnelle

  1. Définition : L’obligation de discrétion professionnelle, inscrite dans le statut général des fonctionnaires, impose aux agents publics de ne pas divulguer des informations non publiques auxquelles ils ont accès dans l’exercice de leurs fonctions.
  2. Portée : Cette obligation couvre des informations variées, y compris les décisions internes, les données personnelles des usagers, ou des informations sensibles concernant la sécurité ou la stratégie de l’administration.
  3. Cadre légal : En France, cette obligation est encadrée par des textes comme la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, notamment son article 26.
  4. Sanctions : La violation de cette obligation peut entraîner des sanctions disciplinaires, et dans certains cas, des sanctions pénales.

Secret professionnel

  1. Définition : Le secret professionnel est une obligation plus stricte et spécifique. Il impose aux agents de ne pas divulguer des informations confidentielles, notamment celles concernant les particuliers.
  2. Domaines concernés : Il est particulièrement important dans les secteurs où les agents sont en contact avec des informations sensibles sur les individus, comme la santé, l’aide sociale, ou la justice.
  3. Base légale : Le secret professionnel est notamment régi par l’article 226-13 du Code pénal, qui prévoit des sanctions pénales en cas de divulgation d’informations protégées.
  4. Exceptions : Il existe des exceptions légales à cette obligation, comme l’obligation de signalement en cas de crimes ou de dangers graves pour les personnes.

Comparaison et Contextualisation

  • Similitudes : Les deux obligations visent à protéger l’intégrité de l’information et la confiance du public envers l’administration.
  • Différences : Le secret professionnel est généralement plus restrictif et lié à des domaines spécifiques, avec des sanctions pénales en cas de non-respect, tandis que l’obligation de discrétion est plus générale et concerne tous les agents publics.
  • Application pratique : Dans la pratique, ces obligations nécessitent une vigilance constante de la part des agents publics et une formation régulière sur les limites de ce qu’ils peuvent partager.