Les pactes sur succession future

LES PACTES SUR SUCCESSION FUTURE

            Ce mode de dévolution est exceptionnel et le droit classique a posé un principe de prohibition des pactes sur succession future. Mais il s’est manifesté la nécessité d’autoriser certains pactes sur successions future : l’admission a été décousue.

            L’article 1130 du Code civil : « on ne peut renoncer à une succession non ouverte, ni faire aucune stipulation sur une pareille succession même avec le consentement de celui de la succession de laquelle il s’agit ». Ajout de la loi de 2006 : « que dans les conditions prévues par la loi ».

Section 1 : Le principe de prohibition des pactes sur succession future 

            Cela montre le caractère exceptionnel de ce mode de dévolution. Tant que la succession n’est pas ouverte (avant le décès), par principe. Elle ne peut pas être organisée par avance par autre chose qu’un testament ; notamment par un contrat. Ce principe est fort puisque la sanction est la nullité absolue du contrat ou de l’acte qui aurait pactisé à l’avance sur une succession.

            I : Quelques exemples de pacte sur succession future 

            Une personne est appelée à une succession : elle ne peut pas passer un contrat relativement à ses droits de succession. Sinon, il s’agira d’un pacte sur succession future prohibé. Cette personne ne peut pas vendre par avance les droits qu’elle aura un jour sur la succession de son père. Elle ne peut renoncer par avance aux droits qu’elle aura plus tard. L’idée est que ces droits ne sont pour le moment qu’éventuel : on ne peut pas savoir à l’avance de combien cette personne héritera. Une telle vente des droits de succession future ou une telle renonciation serait nulle de nullité absolue. Peu importe que le père y ait consenti. On parle de pacte sur la succession future d’autrui.

            Il y a des pactes sur sa propre succession future. Une personne peut faire un testament sur sa propre succession mais rien d’autre. Dès lors qu’on a une personne qui par avance des biens par un contrat ou un acte unilatéral autre qu’un testament, elle ferait un acte nul : on ne peut par avance disposer de ces biens qui seront dans sa propre succession au décès.

            II : Le principe et ses raisons d’être 

            Le principe de prohibition des pactes sur succession future est issu du droit romain. Cette interdiction, dans l’ancien droit, on la trouve tantôt présente, tantôt écarté. Les rédacteurs du Code civil ont maintenu la prohibition.

            Dans tous les pactes sur succession future, on invoque le votum mortis, c’est la volonté de mort : c’est l’idée que le bénéficiaire du pacte serait incité à tuer celui qui a fait le pacte pour tirer bénéfice du pacte. Le problème du pacte sur succession future est un contrat non révocable.

            En cas de pacte sur succession future qui prévoit la renonciation par avance aux droits dans la succession d’autrui, l’idée est qu’il y a un risque que le présumé héritier ne prononce trop facilement à son droit sous la pression, par exemple, de ses parents qui voudraient créer un déséquilibre au profit d’un enfant. Ce que l’on veut, c’est préserver la liberté de tester. Le pacte sur succession future va lier irrévocablement les parties. Pour revenir en arrière, il faut l’accord des deux parties.

            III : Les éléments caractéristiques d’un pacte sur succession future 

            Un pacte sur succession future est un pacte qui porte sur une succession non encore ouverte et qui modifie les règles successorales.

  1. C’est un pacte

            Ce mot de pacte est utilisé par la doctrine et la jurisprudence. En revanche, la loi prend toujours des périphrases mais ne les nomme pas comme tels.

            Un pacte est une espèce de convention. Le pacte c’est soit un contrat ou un acte unilatéral (acte qui engage définitivement son auteur). On trouve des pactes sur succession future fait par des actes unilatéraux surtout dans les renonciations. Il s’agit d’un acte qui va engager celui qui le fait et qui va le priver de sa liberté.

  1. Un pacte qui porte sur une succession non encore ouverte

            Une succession non ouverte veut dire que le de cujus n’est pas encore décédé car c’est au décès que s’ouvre la succession. Après le décès, les héritiers pourront librement disposer de leurs droits. Ils peuvent céder leurs droits, renoncer, accepter, les exercer. Avant le décès, ils ne peuvent le faire.

            Le pacte a un caractère successoral. L’objet du pacte va pouvoir porter sur toute la succession. Il est tout à fait possible que le pacte porte sur tel ou tel bien à venir. Ce pacte peut porter sur une partie de la succession. Par ailleurs, le caractère successoral implique que le pacte peut accorder des droits dans une succession ou renoncer à réclamer des droits dans une succession. Peu importe, c’est un pacte sur succession future dès lors que l’objet du pacte a un caractère successoral. Peu importe qu’au jour du pacte, ces biens existent déjà ou non. Au caractère successoral va être, le plus souvent, lié un caractère éventuel. On ne saura qu’à l’ouverture de la succession ce qui fera l’objet du pacte. Il y a une sorte d’ambivalence du pacte sur succession future qui engage plus qu’un testament (il n’est pas révocable) et le pacte ne confère qu’un droit éventuel car le pacte n’interdit pas à son auteur de disposer entre vifs du bien, objet du pacte. Entre le moment où le pacte est conclu et le jour du décès, le de cujus reste propriétaire de ses biens. Il peut dès lors en disposer : il peut librement en disposer entre vifs parce que le pacte sur succession future ne porte pas nécessairement sur des biens présents au jour du pacte mais seulement sur des biens qui figureront dans le patrimoine du de cujus au jour du décès. Il n’est pas certain que le bien qui aura fait l’objet du pacte sera encore dans son patrimoine à son décès.

            Cette approche est intéressante car elle permet de dégager un critère de qualification du pacte sur succession future prohibée. Si on a un pacte qui confère un droit plus certain qu’un droit éventuel, c’est un pacte qui porte sur un bien présent : le plus souvent, le pacte échappera à la prohibition. Si le pacte porte sur un bien éventuel : on est du côté du pacte prohibé. Dans quels cas un pacte porte-t-il sur un bien certain ? Ce sont les hypothèses où la convention donne une certitude immédiate au cocontractant sur l’existence de son droit : seule l’exigibilité est repoussée à la mort de l’auteur du pacte. Le droit a une certitude lorsque l’auteur s’interdit de disposer son bien non seulement à cause de mort mais aussi lorsqu’il s’interdit de disposer de son bien entre vifs.   

Pour les conventions qui sont affectées d’un terme, le terme est un événement futur et certain dont la date peut néanmoins être incertaine. Ex : le décès d’une personne. Le droit affecté d’un terme existe donc avec certitude. Le de cujus lui-même est déjà engagé. La jurisprudence fait remarquer que sa succession va être tenue mais seulement par voie de conséquence.

Une application de ces principes a été utilisée en jurisprudence pour les promesses post-mortem : ce sont des promesses de vente dont l’option ne sera levée qu’après le décès du promettant. Ces promesses sont-elles des pactes sur succession future ? La jurisprudence a hésité. Dans un premier temps, elle n’a pas dégagé la spécificité de ces promesses de vente post-mortem : une telle promesse était un pacte sur succession future prohibée car le promettant ne s’engageait personnellement à rien. Il ne faisait qu’engager sa propre succession mais il ne s’engageait à rien. La jurisprudence n’admettait la validité de telle promesse que si l’option pouvait être levée du vivant du disposant. Cette jurisprudence a subi les assauts de la critique car on a fait valoir que dès lors que le promettant s’était engagé à ne pas disposer du bien avant sa mort, il était lui-même engagé. Pour le promettant, le bien sur lequel portait la promesse n’était pas engagé comme un bien à venir mais il s’agissait d’un bien présent : l’engagement était réel et ce n’était pas un pacte sur succession future. La jurisprudence a donc évolué à partir de 1985 : on a remis en valeur un critère qui avait été déjà en filigrane dans un arrêt de 1967, le critère de l’aléa qui permet de valider les promesses post-mortem non aléatoire qui échappent à la prohibition : 1ère Civile, 8 juillet 1986 : promesse de vente qui portait sur des parts sociales. La promesse a fait naître un droit certain car le promettant ne peut pas aliéner les biens qui font l’objet de la promesse. Le droit n’est donc pas éventuel : ce n’est donc pas un pacte sur succession future.

Une deuxième application est une clause de tontine : clause par laquelle deux personnes achètent ensemble un bien et stipulent que le survivant d’entre eux sera réputé avoir été le seul acquéreur. On considère que chacun est propriétaire de sa part (la moitié du bien en général) sous condition résolutoire de son prédécès. Il est propriétaire pour le moment mais s’il prédécède son droit de propriété sera anéanti rétroactivement. Ce sera donc comme s’il n’avait jamais été propriétaire de sa part. S’il ne prédécède pas, son droit de propriété sera maintenu. En outre, il faut remarquer que chacun est propriétaire de la part de l’autre sous condition suspensive de sa survie. S’il survit, son droit de propriété sur cette moitié là sera réputé avoir toujours existé depuis l’acquisition. Il est réputé avoir été toujours propriétaire de l’ensemble. S’il ne survit pas, son droit de propriété sur cette moitié là, ne se concrétisera jamais et sera réputé n’avoir jamais existé. L’autre personne gardera donc cette moitié ; cette personne est propriétaire de la part du premier sous condition suspensive de sa survie, la condition se réalisant, elle aura tout. Ce montage a été considéré comme valable par la jurisprudence car cette clause confère un droit conditionnel qui grâce à la rétroactivité sera consolidée : la clause lie chacun des cocontractants dès la conclusion du contrat. Dès ce moment, aucun des deux ne peut plus disposer de sa part car elle appartient immédiatement à l’autre sous condition suspensive. Il ne s’agit donc pas de droit dans la succession future de l’un et de l’autre. Il s’agit de droits existants dès à présente entre vifs et que les intéressés s’interdisent de céder à autrui. En cas de mésentente, il est difficile d’en sortir car les deux personnes sont liées jusqu’au décès de la première d’entre elle.

  1. Un pacte modifiant les règles successorales

Ce troisième élément s’induit des deux précédents. Un pacte qui ne changerait rien aux règles des successions ne saurait pas prohibé. On reconnaît un pacte de succession future lorsque l’objet du pacte a pour objet de modifier le jeu normal des règles successorales. Ex : modification de la quotité légale à laquelle chacun à droit, renonciation aux droits successoraux conférés par la loi…

Lorsqu’une personne dispose à l’avance d’un bien pour le jour où elle décèdera, ce n’est un pacte sur succession future prohibé que si elle se lie irrévocablement mais ne s’engage qu’à cause de mort et pas entre vif.

Si une personne se réserve le droit de disposer entre vifs mais qu’elle s’engage à ne plus disposer à cause de mort, notamment à ne pas le léguer, cela veut dire qu’elle considère que le bien, objet du pacte, est un élément de la succession. Corrélativement, l’ayant cause ne tire du pacte, qu’un droit éventuel.

Lorsqu’une personne renonce à l’avance ou cède à l’avance ses droits d’héritier présomptif dans la succession d’autrui, elle réalise un pacte sur succession futur en principe illicite et donc nul.

Section 2 : Les pactes sur succession future licites

            Ces hypothèses se sont multipliées. Certains avaient souhaité que dans la loi de 2006, on supprime la prohibition. Mais ce principe se trouve toujours caractérisé. C’est au cas par cas que le législateur a validé certains pactes sans cohérence.

            I : Les pactes familiaux 

  1. Les dotations

On peut évoquer les dotations faites au mariage : les institutions contractuelles (donation de biens à venir entre époux). Elles peuvent être faites par contrat de mariage, par le disposant. Il y a l’institution contractuelle entre époux pendant le mariage : cela permet de disposer des biens et à titre gratuit et à titre onéreux. L’article 1096 du Code civil : l’institution contractuelle est toujours révocable.

Il y a les conventions d’indivisions. Article 1873-13 du Code civil : les indivisaires peuvent prévoir à l’avance le sort de la part indivise si un des indivisaires décède avant le partage. Chacun des indivisaires restant pourra acquérir la part des indivisaires défunts. Cette clause ressemble à une promesse post-mortem sauf qu’il n’est pas interdit au de cujus d’aliéner entre vifs sa part. La clause agit qu’en cas de décès. On a un vrai pacte sur succession future : la loi le valide. La deuxième convention est l’attribution de la côte part de l’indivisaire défunt à un héritier désigné ou au conjoint survivant : transmission à une personne prévue à l’avance. Cette attribution se fait à titre onéreux. Ca reste un pacte sur succession future car en attendant son décès, l’indivisaire peut disposer comme il veut de sa part. La loi valide ce pacte.

  1. Les renonciations
  2. En cas de réduction

Ca va être une renonciation anticipée des héritiers à demander la réduction. 3 applications :

          article 918 du Code civil : il y a une présomption irréfragable de donation déguisée. On va imputer la libéralité sur la quotité disponible et si ça dépasse on réduit l’excédent. Les successibles hors ligne collatérale ne peuvent pas se prévaloir de cet article ; les successibles en ligne directe ne pourront non plus s’en prévaloir lorsqu’ils ont consenti à l’aliénation du bien. Cela consiste à renoncer à demander la réduction alors qu’on est face à une libéralité réductible. L’utilité est de consolider les droits d’un gratifié, acquéreur, qui pourra tirer toute utilité du bien acheté sans risquer la réduction. C’est un pacte sur succession future car par avance on renonce à demander la réduction.

          article 924-4 alinéa 2 du Code civil : ce texte était auparavant l’article 930 alinéa 2 du Code civil. Cet article est important en pratique car le consentement du donateur et tous les héritiers présomptifs et le consentement par aliénation du donataire du bien donné va empêcher lors du règlement de la succession l’exercice de la réduction en nature lors des tiers détenteurs par les héritiers réservataires. Il faut penser à mettre en œuvre cet article à chaque fois qu’un bien donné est aliéné du vivant du donateur. C’est une renonciation anticipée à exiger la réduction en nature autorisé par la loi depuis 1971.

          articles 929 et suivants du Code civil : c’est la possibilité pour tout héritier présomptif de renoncer à exercer l’action en réduction dans une succession non ouverte. C’est un pacte sur succession future autorisée par la loi. 

  1. En cas de séparation de corps

C’est la renonciation aux droits successoraux en cas de séparation de corps sur requête conjointe.

            II : Les pactes à finalité économique 

  1. La clause commerciale

C’est une clause insérée dans le contrat de mariage grâce à laquelle un époux va recueillir dans la succession de son conjoint un bien de ce dernier à charge d’en payer la valeur aux héritiers de celui qui détenait le bien. La clause commerciale peut être bilatérale.

Le bien en question est souvent un fonds de commerce. Ce bien est personnel à l’un des époux si les époux sont mariés sous le régime de la séparation de bien. Dans un régime de communauté, c’est un bien propre. Le bien est recueilli à titre onéreux. Ce pacte est régi par l’article 1390 du Code civil. Il s’agit d’une clause qui prévoit le sort d’un bien successoral : c’est un pacte sur succession future et pendant très longtemps, la jurisprudence a considéré ce pacte comme illicite : Civile, Crémieux 11 janvier 1933. Cette jurisprudence a été critiquée : lorsque la clause prévoit une telle attribution à titre gratuit, c’est valable car c’est une institution contractuelle. Lorsque le bien attribué est un bien de communauté et qu’il y a une telle clause, on considère que c’est une simple modalité de partage de la communauté. En revanche, lorsque c’est un bien propre ou onéreux : c’est un pacte sur succession future prohibé. La loi du 13 juillet 1965 a brisé cette jurisprudence : la clause commerciale est depuis cette loi un pacte sur succession future licite.

  1. La clause de continuation d’une société en cas de décès d’un associé

Cette clause a été imaginée car c’est le problème qui se pose en cas de décès d’un associé. Si on ne fait rien, l’associé va être remplacé par son héritier. Donc, on peut songer à organiser par avance la succession. C’est un pacte sur succession future qui confère un pacte éventuel. Le but de ce pacte est de préserver l’intuitu personae et l’affectio societatis. La loi autorise parfois ce pacte à certaines conditions : article 1870 du Code civil : le pacte doit être dans les statuts et il ne porte pas sur la valeur pécuniaire de la part ; il porte sur le titre d’associé qui en découle.

On peut envisager différentes sortes de clauses : clause d’agrément des héritiers, clause de continuation avec les seuls associés restant vivant, la continuation avec une personne désignée par avance dans les statuts, on peut prévoir qu’un testament désignera la personne en question. Le problème qui se pose est son domaine de validité : autrefois, il y a avait un arrêt Gatellier en 1961 qui visait toutes les sociétés et dans des termes généraux. Puis, il y avait un texte qui valait pour toutes les sociétés. Avec la loi de 1966 et les lois postérieurs, c’est plus délicat. Un tel pacte sur succession future est autorisé dans les sociétés en nom collectifs : article 221-15 du Code de commerce. Il y a des possibilités de clause d’agrément dans les SARL et les SAS. On sait que ce type de clause est possible dans les sociétés civiles. Le problème concerne les SA. On a eu un arrêt qui a prononcé la nullité d’un tel pacte alors que ce pacte était hors statut. Dans les textes, on voit l’article 228-23 qui interdit que les transmissions soient freinées par les clauses d’agrément.

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