Solvens et accipiens : les parties au paiement

Les parties au paiement : Définition du paiement spontané

  Les modes possibles d’extinction de l’obligation sont, si on suit la lettre de l’article 1234 du code civil on constate qu’il existerait 9 causes d’extinctions de l’obligation. Mais cet article énonce des causes d’extinction de l’obligation certaines qui n’en sont pas, comme la nullité, la rescision, la clause résolutoire.

Par ailleurs ne sont pas mentionnées des causes d’extinction qui pourtant existent comme la délégation. Nous nous allons distinguer selon que l’extinction s’opère par une exécution de l’obligation, celle de droit commun, de l’extinction qui intervient sans exécution. Mais dans tous les cas la conséquence est la libération du débiteur.

Le mode naturel de l’extinction c’est l’exécution par le débiteur. Cette exécution en droit privé on l’appelle le paiement. Il désigne l’exécution volontaire d’une obligation par le débiteur quel que soit son objet.

Il peut intervenir selon des modalités différentes, le paiement volontaire, spontané mais il peut arriver que le débiteur ne paie pas son obligation spontanément.

Il y a une partie qui paie et une partie qui le reçoit, on les appelle le solvens et l’accipiens. Or le solvens n’est pas nécessairement le débiteur et l’accipiens n’est pas forcément le créancier.

§1. Le solvens

  1. A) L’identité du solvens B) Les qualités du solvens
A) L’identité du solvens

è art. 1236 C.Civ. 

Article 1236. Une obligation peut être acquittée par toute personne qui y est intéressée, telle qu’un coobligé ou une caution.

L’obligation peut même être acquittée par un tiers qui n’y est point intéressé, pourvu que ce tiers agisse au nom et en l’acquit du débiteur, ou que, s’il agit en son nom propre, il ne soit pas subrogé aux droits du créancier.

 

 Le solvens peut être un débiteur ou tiers, c’est lorsque c’est un tiers que les difficultés surgissent.

1) Solvens : débiteur ou tiers

L’article 1236 du code civil n’a pas pour 1ère qualité sa clarté. Il comporte deux alinéas qu’on va étudier. 

 

Alinéa 1 : une obligation peut être acquittée par toute personne qui y est intéressée, tel qu’un coobligé ou une caution.

Ça peut être le débiteur, l’un des débiteurs, la caution, ça peut aussi être un tiers non débiteur mais qui a offert en garantie de la dette un bien qui lui est propre.

 

Alinéa 2 : l’obligation de même être acquittée par un tiers qui n’y est point intéressé, pourvu que ce tiers agisse au nom et en l’acquit du débiteur ou que, s’il agit en son nom propre, il ne soit pas subrogé aux droits du créancier.

Cela correspond à l’hypothèse de gestion d’affaire et c’est le gérant d’affaire qui exécute l’obligation pour rendre service au débiteur.

Lorsqu’il agit en son nom propre mais qu’il n’est pas subrogé au créancier ça correspond à l’hypothèse d’une intention libérale. Ce qu’on appelle une libéralité indirecte. 

 

Il est assez fréquent ainsi qu’on ait un solvens qui n’est pas le débiteur ce qui génère des difficultés.

2) Les difficultés attachées à la qualité de solvens

 

1ère difficulté : le créancier a-t-il la possibilité de refuser le paiement lorsque celui-ci émane d’un tiers ? è cf. art. 1237 C.Civ. « L’obligation de faire ne peut être acquittée par un tiers contre le gré du créancier, lorsque ce dernier a intérêt qu’elle soit remplie par le débiteur lui-même ».

Cela signifie que par principe le créancier ne peut pas s’opposer au paiement fait à un tiers. Par exception il peut s’y opposer s’il a un intérêt à ce que l’obligation soit exécutée par le débiteur lui-même. L’archétype de cette hypothèse c’est quand l’obligation a été conclue intuitu personae.

 

2nde difficulté : elle provient du fait que ce paiement effectué par un tiers va libérer le débiteur à l’égard de son créancier. On se pose alors la question suivante : est-ce que sur le fondement de ce paiement le tiers solvens peut-il se retourner contre le débiteur ? Si tel est le cas, sur tel fondement ?

Dans l’hypothèse d’une subrogation dans ce cas le tiers solvens se trouve investit du droit du créancier, il a donc un recours à l’égard du débiteur. Mais qu’en est-il lorsqu’il n’y a pas subrogation ? Pour qu’il y ait subrogation il faut un accord ou que ça soit prévu par un texte.

La jurisprudence a connu une évolution particulière à ce propos. Il y a eu un 1er arrêt Civ. 1ère 15 mai 1990, dalloz 1991 p538. Attendu de principe : « le tiers qui sans y être tenu a payé la dette d’autrui de ses propres deniers a, bien que non subrogé aux droits du créancier, un recours contre le débiteur ». La Cour de cassation poursuit : « ce recours a sa cause dans le seul fait du paiement, générateur d’une obligation nouvelle distincte de celle éteinte par le dit paiement ». Cet arrêt a retenu une solution posée. Il disait que le tiers en payant le créancier, du seul fait de ce paiement il créait une obligation nouvelle à l’égard du débiteur. Le tiers devenait créancier à l’égard du débiteur.

La Cour de cassation a par la suite nettement nuancer sa position en opérant une distinction entre deux hypothèses : la 1ère hypothèse c’est celle ou le tiers solvens a sciemment payer la dette d’autrui, en connaissance de cause. Dans ce cas la Cour de cassation pose une présomption simple de libéralité. On présume qu’il s’agit d’une libéralité indirecte au débiteur. Si ce n’est pas le cas il appartient au tiers solvens de détruire cette présomption et de prouver que la « cause dont procédait ce paiement impliquait pour le débiteur l’obligation de lui rembourser les sommes versées ». è Civ. 1ère 2 juin 1992, JCP éd° 1002, 1ère partie 3232-86, Civ. 1ère 17 nov. 1993, petites affiches, 29er juin 1994, p25.

 

Il peut montrer qu’il y avait un contrat entre lui et le débiteur qui impliquait un remboursement (contrat de mandat, contrat de prêt) ou il peut démontrer qu’il existe un quasi-contrat, p. ex. une gestion d’affaire au terme de laquelle le débiteur doit le rembourser, s’il ne rapporte pas la preuve on considère que c’est une libéralité.

 

2nde hypothèse : si le tiers solvens a payé par erreur la dette d’autrui. Il a la possibilité tout d’abord d’exercer une action contre le créancier accipiens è art. 1235 C.Civ. : « Ce qui a été payé sans être dû est sujet à répétition ».

La Cour de cassation a décidé sinon que « le tiers qui par erreur a payé la dette d’autrui de ses propres deniers a, bien que non subrogé aux droits du créancier, un recours contre le débiteur ». è Civ. 1ère 13 oct. 1998, dalloz 1999, p500, notes M. Martin. La porté de cette décision de 1998 est que le tiers solvens a un recours contre le débiteur mais on ne connait pas la nature exacte de ce recours et dans arrêt plus récent Civ. 1ère 4 avril 2001, JCP 2002, 1ère partie 134 n°18 note Mme Bartez, il résulte de cet arrêt que le fondement de ce recours est l’enrichissement sans cause.

En effet le débiteur qui se voit payer sa dette par un tiers est indirectement enrichi, du coup le tiers solvens peut exercer ce recours.

B) Les qualités du solvens

            L’article 1238 indique « pour payer valablement il faut être propriétaire de la chose donnée en paiement et capable de l’aliéner ; néanmoins le paiement d’une somme en argent ou autre chose qui se consomme par l’usage ne peut être répété contre le créancier qui l’a consommé de bonne foi ». Le champ d’application de cet article est assez limité : il se restreint aux hypothèses où le paiement peut entrainer un transfert de propriété.

Ensuite on y apprend à sanction de nullité du paiement que le solvens doit d’abord être capable et être propriétaire de la chose qu’il donne en paiement.

 

Sur la capacité : l’incapacité ne peut être invoquée que par le solvens lui-même. S’agissant de la propriété il y a aussi une limite liée au droit des biens, notamment à l’article 2276 du code civil au terme du quel  « en fait de meuble la possession vaut titre ».

§2. L’accipiens

Comme pour le solvens l’article 1241 exige que l’accipiens soit capable de recevoir le paiement.

Art. 1239 al1 C.Civ. : « Le paiement doit être fait au créancier ou à quelqu’un ayant pouvoir de lui, qui soit autorisé par justice ou par la loi à recevoir pour lui ». A cet article il faut ajouter l’article 1240 qui indique que « le paiement fait de bonne foi à celui qui est en possession de la créance est valable encore que le possesseur en soit par la suite évincé ».

 

            En principe le paiement doit être opéré entre les mains du créancier. A condition qu’il soit capable. Par exception il est admis que le paiement puisse être remis entre les mains d’un représentant du créancier. Ça peut être un mandataire, ça peut être également une personne désignée par la faveur d’un jugement comme devant être le représentant du créancier : un tuteur, un administrateur judiciaire (pour une société en liquidation).

Si ni l’accipiens, ni le créancier ni le représentant du créancier n’ont reçu le paiement mais quelqu’un d’autre alors ce paiement est nul. Conséquence : le solvens devra payer une seconde fois.

 

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