LES PARTIS POLITIQUES

Selon le politologue américain Joseph LaPalombara, un parti politique peut être défini comme : « Une organisation durable, structurée au niveau national comme au niveau local, destinée à rassembler les individus pour conquérir et exercer directement le pouvoir. »

Cette définition met en lumière plusieurs caractéristiques essentielles :

  • Durabilité : Contrairement à des mouvements éphémères, un parti politique est une organisation pérenne.
  • Structuration nationale et locale : Les partis opèrent à différents niveaux de la société pour maximiser leur influence.
  • Conquête et exercice du pouvoir : La finalité du parti est d’accéder au pouvoir pour mettre en œuvre son programme politique.

Cette conception distingue les partis politiques d’autres entités influentes en politique :

  • Groupes parlementaires : Constitués d’élus partageant une idéologie commune, mais sans nécessaire vocation à structurer une organisation nationale.
  • Groupes de pression : Vise à influencer le pouvoir plutôt qu’à l’exercer.
  • Clubs et ligues : Souvent des organisations informelles ou éphémères, centrées sur des objectifs spécifiques.

Les partis politiques servent également de mécanisme d’expression des préférences politiques des citoyens, incarnant ainsi un pilier de la démocratie représentative.

 

I. Les types de partis politiques

L’analyse des partis politiques repose sur plusieurs tentatives de classification selon leur origine, leur organisation et leurs objectifs. Ces distinctions, issues d’un long processus d’étude, mettent en lumière les dynamiques variées qui sous-tendent la vie politique.

1. Distinction selon l’origine des partis

a. Partis d’origine parlementaire

  • Ces partis se forment autour de groupes de députés ou notables. Ils émergent historiquement dans des contextes de suffrage censitaire, où l’élite politique locale cherche à maintenir son pouvoir en unissant ses forces.
  • Exemple : Les libéraux et les radicaux en France au XIXᵉ siècle.

b. Partis d’origine électorale ou militante

  • Ces partis naissent d’initiatives populaires ou militantes. Ils sont souvent portés par des groupes sociaux ou syndicaux cherchant à traduire leurs revendications dans le champ politique.
  • Exemple : Le Labour Party au Royaume-Uni, fondé en 1899 par le congrès des syndicats pour représenter les travailleurs au parlement.

2. La distinction selon la structure et les objectifs

a. Partis de cadres

  • Définis par Maurice Duverger, ces partis apparaissent avec l’instauration du suffrage universel.
  • Ils se structurent autour de notables influents et reposent sur des relais locaux pour toucher un large électorat. Ces formations privilégient la qualité des membres et leur position sociale pour influencer les électeurs.
  • Caractéristiques :
    • Peu d’adhérents.
    • Faible organisation en dehors des périodes électorales.
    • Souci de maintenir un leadership centralisé.
  • Exemples historiques : Les libéraux ou les radicaux en France au XIXᵉ siècle.

b. Partis de masse

  • Ces partis émergent avec l’entrée des masses populaires dans le processus politique, favorisée par le suffrage universel.
  • Ils s’appuient sur la mobilisation d’un grand nombre de militants, souvent issus de classes sociales spécifiques (notamment ouvrières), pour influencer les résultats électoraux.
  • Caractéristiques :
    • Grand nombre d’adhérents cotisants.
    • Forte organisation locale (sections, cellules, etc.).
    • Activité permanente, même en dehors des périodes électorales.
  • Exemples historiques : Les partis socialistes, communistes, ou encore les syndicats ouvriers.

c. Partis d’électeurs

  • Ces partis, définis par Otto Kirchheimer avec le concept de catch-all parties (« partis attrape-tout »), visent à rassembler un électorat large et hétérogène pour maximiser leurs chances électorales.
  • Caractéristiques :
    • Une stratégie centrée sur les résultats électoraux, indépendamment des origines idéologiques ou sociales.
    • Une importance accrue des leaders politiques et des campagnes médiatiques.
    • Une faible dépendance aux adhérents ou aux militants.
  • Exemple en France : L’UDR (Union des démocrates pour la République, parti gaulliste) ou, plus récemment, La République en Marche (LREM).

3. Évolution contemporaine des partis

a. La combinaison des types de partis

  • Aujourd’hui, les distinctions entre partis de cadres, de masse et d’électeurs sont moins nettes.
  • La plupart des partis, comme les partis socialistes, combinent des caractéristiques des trois types, mélangeant notables, militants et une base électorale diversifiée.

b. L’influence des médias et de la personnalisation

  • Les médias, notamment la télévision et les réseaux sociaux, ont accentué la personnalisation de la politique, renforçant le rôle des leaders et affaiblissant les structures militantes.
  • Les campagnes électorales modernes privilégient des stratégies marketing pour capter l’attention des électeurs, au détriment des mobilisations militantes de terrain.

c. La crise des partis traditionnels

  • De nombreux partis, notamment les partis de masse, connaissent une érosion de leur base militante. Les citoyens s’engagent davantage ponctuellement, via des causes spécifiques ou des mouvements citoyens, plutôt qu’à travers l’adhésion à un parti.

Résumé : Les partis politiques se sont historiquement classés en partis de cadres, centrés sur les élites locales, et en partis de masse, mobilisant les classes populaires. Plus récemment, les partis d’électeurs, ou « attrape-tout », ont émergé, misant sur une large coalition électorale pour maximiser leur succès. Aujourd’hui, les partis tendent à combiner ces caractéristiques, reflétant une adaptation à des électorats diversifiés et à une politique de plus en plus médiatisée. Cette évolution, marquée par la personnalisation et la professionnalisation des campagnes, s’accompagne toutefois d’une crise de confiance envers les partis traditionnels, poussant à réinventer leur rôle et leur fonctionnement.

 

II. Le système de parti

Le système de parti décrit les modalités d’interaction entre les différents partis politiques au sein d’un État, en tenant compte de leur nombre, de leur dimension et de leurs alliances. Ces trois éléments, mis en avant par Maurice Duverger, permettent d’analyser les relations entre les partis et leurs conséquences sur le fonctionnement des institutions.

1. Le nombre de partis

Le nombre de partis présents sur la scène politique est une donnée trompeuse. Bien qu’un grand nombre de formations politiques puisse exister, seuls certains partis parviennent à exercer une influence significative.

  • Critère principal : être représenté au parlement.
  • Exemples internationaux :
    • Grande-Bretagne : souvent considéré comme un système bipartite, mais huit partis y siègent, notamment en raison des particularités locales (Écosse, Pays de Galles, Irlande du Nord).
    • Luxembourg : typique d’un tripartisme, où trois partis principaux coexistent et alternent à la tête du gouvernement.
    • France : système multipartite, avec plusieurs formations influentes (historiquement PS, LR, PCF, FN/RN, et plus récemment LREM).

Le multipartisme français reflète une diversité idéologique, mais seuls quelques partis dominent réellement le paysage politique.

2. La dimension des partis

La dimension renvoie à l’importance relative des partis, notamment leur capacité à obtenir des sièges au parlement.

  • Représentation significative : Un parti commence à compter politiquement à partir d’un certain seuil d’influence, généralement lorsque ses élus peuvent influer sur la formation des majorités.
  • Rapport de force :
    • Dans un bipartisme, deux partis sont en compétition directe. Mais les dynamiques diffèrent si l’un des deux domine largement (ex. : 80% contre 20%).
    • Dans un tripartisme, la répartition du pouvoir peut varier selon que les trois partis sont proches en influence (ex. : 33%-33%-33%) ou qu’un parti domine les deux autres (ex. : 70%-15%-15%).

En France, les élections législatives sous la Cinquième République sont souvent influencées par des dynamiques de coalitions nécessaires pour obtenir une majorité absolue, notamment dans un système majoritaire à deux tours.

3. Les alliances

Les alliances entre partis se forment pour atteindre une majorité parlementaire ou pour gouverner. Ces alliances dépendent principalement de la proximité idéologique entre les formations politiques. Deux formes principales existent :

a. Les coalitions électorales

  • Les partis s’allient avant les élections pour maximiser leurs chances face à l’électorat.
  • Cela inclut des accords de désistement (se retirer au profit du candidat mieux placé) ou des partages de circonscriptions (chaque parti présente un candidat unique dans certaines zones).
  • Exemple : En France, les coalitions électorales entre Les Républicains et les centristes ou entre les partis de gauche comme le PS et les écologistes (EELV) et même LFI ont été courantes.

b. Les coalitions parlementaires

  • Les alliances se forment après les élections, notamment en cas de proportionnelle. Chaque parti se présente seul et cherche des partenaires au sein du parlement pour constituer une majorité.
  • Exemple notable : En Allemagne, les coalitions droite/gauche entre la CDU-CSU et le SPD, connues sous le nom de « grandes coalitions », sont caractéristiques de cette logique.

Comparaison entre les deux formes d’alliance

  • Les alliances électorales (a) favorisent généralement des coalitions parlementaires (b) stables, car elles reposent sur des accords préexistants.
  • Cependant, les alliances parlementaires (b) peuvent exister sans alliances électorales (a), ce qui peut entraîner une instabilité politique, comme sous la Quatrième République française.

4. Évolution sous la Cinquième République

Sous la Cinquième République, les alliances électorales sont devenues la norme pour garantir la stabilité des majorités parlementaires, en contraste avec la Quatrième République, marquée par des coalitions parlementaires éphémères.

  • Le scrutin majoritaire à deux tours favorise les regroupements entre partis idéologiquement proches (ex. : droite, gauche).
  • Depuis les années 2000, l’émergence de nouveaux partis et la recomposition politique (ex. : « En Marche » en 2017, « Reconquête » fondé par Eric Zemmour) ont complexifié les alliances, avec des rapprochements parfois inattendus.

Résumé : Le système de parti, tel qu’analysé par Maurice Duverger, repose sur trois dimensions : le nombre de partis influents, leur dimension respective et leur capacité à former des alliances.

  • En France, le multipartisme est marqué par des alliances électorales qui favorisent la stabilité sous la Cinquième République.
  • À l’inverse, l’instabilité de la Quatrième République découlait de coalitions parlementaires fluctuantes.
  • Le scrutin majoritaire à deux tours reste un levier pour limiter l’éparpillement des forces politiques et structurer les alliances sur un continuum droite/gauche.

 

 

Ces trois éléments permettent de définir les systèmes de partis qui s’organisent en plusieurs types. En laissant de coté le parti unique, il y a pour essentiel 2 types : le bipartisme et le multipartisme.

Le cours complet de droit constitutionnel est divisé en plusieurs parties :

 

Isa Germain

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