Les personnes Physiques

 

Une personne physique est un être humain disposant de la personnalité juridique, c’est-à-dire de la capacité à détenir des droits et à être assujetti à des obligations. Cependant, certaines personnes physiques, comme les mineurs non émancipés et les majeurs sous protection, peuvent voir leur capacité juridique limitée.

La reconnaissance de la personnalité des personnes physiques repose sur deux principes fondamentaux :

1. Le Principe d’Universalité de la Personnalité Juridique

Le droit français consacre le principe selon lequel tous les êtres humains ont la personnalité juridique, sans distinction de sexe, d’âge, d’origine ou de couleur. Ce principe est renforcé par plusieurs textes fondamentaux :

  • Article 8 du Code civil : « Tout Français jouira des droits civils », qui garantit l’égalité d’accès aux droits civils.
  • Article 4 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) : Cet article interdit l’esclavage et la servitude, affirmant que chaque individu est libre et protégé de toute forme de possession ou de traitement asservissant.
  • Article 16 de la Déclaration universelle des droits de l’homme des Nations Unies : Cet article consacre le droit de chacun à la reconnaissance de sa personnalité juridique « en tout lieu ».

Ces dispositions inscrivent la personnalité juridique comme un droit fondamental, en assurant que chaque être humain est reconnu comme sujet de droit.

2. Le Principe de l’Exclusivité de la Personnalité Juridique aux Êtres Humains

La personnalité juridique est réservée aux êtres humains. Ainsi, les objets inanimés et les animaux n’ont pas de personnalité juridique, bien que le statut des animaux ait évolué dans un sens protecteur.

Depuis une réforme du 30 octobre (adoptée par le Sénat en avril de la même année), les animaux sont légalement reconnus comme des êtres vivants doués de sensibilité dans le Code civil. Cette reconnaissance symbolique ne leur confère pas pour autant une personnalité juridique. Les animaux restent soumis au régime des biens corporels, bien qu’ils bénéficient de protections spécifiques dans le Code pénal et le Code rural, notamment contre les actes de cruauté. Ce changement législatif répond en partie à une pétition initiée par la fondation 30 Millions d’Amis, qui milite pour la reconnaissance des droits des animaux​

Les Limites de la Personnalité Juridique pour les Personnes Physiques

Bien que tous les humains disposent de la personnalité juridique, certains ne bénéficient pas de sa pleine capacité en raison de limitations légales, médicales ou d’âge. Par exemple :

  • Les mineurs non émancipés et les majeurs protégés (comme les personnes placées sous tutelle ou curatelle) ont des droits limités pour les protéger, nécessitant des représentants légaux pour accomplir certains actes.

  • La naissance et le décès marquent le début et la fin de la personnalité juridique, encadrant juridiquement la vie humaine.

 

Section I : La Durée de la Personnalité Juridique

La personnalité juridique, qui va de la naissance jusqu’au décès, organise les droits et devoirs de chacun dans l’ordre juridique. Le cadre strict des critères de début et de fin garantit la cohérence des droits et des responsabilités vis-à-vis des individus et de leurs proches.. Mais il y a des domaines où règne des incertitudes.

 

I – De La naissance au décès

 

La personnalité juridique couvre la période de vie d’un être humain, du moment où certaines conditions de naissance sont remplies, jusqu’à la déclaration officielle de son décès. Le droit français encadre rigoureusement cette période, marquée par des obligations de reconnaissance à la naissance et au décès.

 

La Naissance, condition de l’acquisition à la personnalité juridique

 

En droit français, la personnalité juridique est généralement reconnue dès la naissance, mais certaines conditions précises doivent être satisfaites.

1. La Naissance n’est pas toujours nécessaire à la Personnalité Juridique

La personnalité juridique peut, dans certaines circonstances, être reconnue à l’enfant conçu mais non encore né, si cela est dans son intérêt. Ce principe est illustré par la maxime « Infans conceptus pro nato habetur quoties de commodis ejus agitur » (l’enfant conçu est considéré comme né chaque fois que cela va dans son intérêt). Ce principe permet notamment à l’enfant conçu de bénéficier de droits patrimoniaux, comme le droit de succession, si son père décède avant sa naissance (article 725 du Code civil).

  • Présomption de conception : En cas de litige, la conception de l’enfant est présumée avoir eu lieu entre 300 et 180 jours avant la naissance, période au cours de laquelle la date la plus favorable à l’enfant sera retenue (article 311-1 du Code civil). Cette présomption peut être renversée par la preuve contraire.

2. Conditions supplémentaires : Naissance Vivante et Viabilité

La naissance n’est pas suffisante en soi pour que l’enfant acquière la personnalité juridique. Deux conditions supplémentaires sont requises :

  • Naître vivant : La vie de l’enfant doit être constatée à la naissance.

  • Être viable : L’enfant doit posséder la capacité de survivre, ce qui est apprécié selon deux critères : la conformation des organes vitaux et la présence de signes de vie. La viabilité est notamment exigée en matière de filiation (article 318 du Code civil) et de succession (article 725 du Code civil).

Si ces conditions ne sont pas remplies, l’enfant n’est pas considéré comme une personne juridique et ne pourra bénéficier de droits civils. La jurisprudence, par un arrêt de l’Assemblée plénière du 29 juin 2001, a confirmé cette position en déclarant que « l’enfant à naître n’est pas une personne », alignant ainsi la position française avec celle de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).

3. Obligation de déclaration de naissance

La naissance d’un enfant vivant et viable doit être déclarée à l’État civil sous trois jours (article 55 du Code civil), permettant ainsi l’inscription officielle de la personne dans l’ordre juridique.

 

Le Décès, fin de la personnalité juridique

La personnalité juridique s’éteint avec la mort. Le décès n’est pas seulement une donnée médicale, mais une certification juridique, régie par le Code de la Santé publique. Le décès doit être constaté par un médecin qui établit sa réalité selon plusieurs critères médicaux : arrêt cardiaque et respiratoire persistant, absence de conscience et de réflexes moteurs, et absence de ventilation spontanée.

1. Importance de la Détermination du Moment Précis de la Mort

La fixation précise de l’heure du décès revêt une importance particulière pour :

  • Les successions : Il permet de déterminer qui est éligible pour hériter et dans quel ordre, influençant la répartition des biens.

  • Les prélèvements d’organes : Dans le respect de la personne et du droit de la santé, le moment exact de la mort conditionne la possibilité de prélèvement des organes, pour autant que le défunt n’ait pas manifesté d’opposition.

2. Survivance de la Personnalité après le Décès

Bien que la personnalité juridique s’éteigne avec la mort, certains droits et obligations survivent :

  • Respect du corps du défunt : L’article 16-1-1 du Code civil garantit que « le respect du corps humain ne cesse pas avec la mort ». Cela protège le corps contre des atteintes, même après le décès.

  • Volonté testamentaire : Les souhaits exprimés par le défunt, notamment par testament, continuent à produire des effets après sa mort.

  • Mémoire des morts : Le respect de la mémoire est également protégé, avec des sanctions pénales prévues pour les injures ou diffamations envers les défunts.

3. Obligation de Déclaration de Décès

Le décès doit être déclaré à l’État civil dans les 24 heures, assurant ainsi la mise à jour des registres publics. Cette déclaration est essentielle pour clôturer les affaires du défunt, lancer les démarches successorales et respecter les volontés du défunt.

 

 

II – Les Cas Particuliers d’incertitude sur l’existence de la Personnalité Juridique

 

En droit civil, des situations particulières de doute sur l’existence d’une personne peuvent survenir, ce qui crée une incertitude quant à sa personnalité juridique. Ces cas concernent notamment l’absence et la disparition de la personne, deux situations qui appellent des solutions spécifiques pour préserver les droits de l’individu ainsi que ceux des personnes concernées.

1. L’Hypothèse de l’Absence

L’absence désigne la situation d’une personne dont on ignore si elle est en vie ou décédée, sans pour autant qu’un événement particulier permette de présumer sa mort. Il ne s’agit pas simplement d’une « non-présence » où la localisation de la personne serait connue, mais bien d’un état d’incertitude prolongée. Exemple classique : une personne qui quitte son domicile sans retour, sans contact, et sans motif connu.

  • Cadre juridique : L’article 112 du Code civil encadre cette situation en distinguant deux étapes :

    • Présomption de vie : Durant une période de 10 ans (si un jugement constate l’absence) ou de 20 ans (en l’absence de toute procédure judiciaire), la personne est présumée vivante. Cette présomption permet de maintenir certains droits, tels que le mariage et la présomption de paternité, ainsi que la gestion des biens de l’absent sous la supervision du juge des tutelles.

    • Déclaration d’absence : À l’expiration de cette période de 10 ou 20 ans, un jugement peut être rendu pour déclarer l’absence, ce qui produit les mêmes effets qu’un acte de décès. À ce stade, le mariage de l’absent est dissous, ses biens sont transférés aux héritiers, et il est juridiquement considéré comme décédé.

2. L’Hypothèse de la Disparition

La disparition vise les situations où une personne a disparu dans des circonstances dangereuses, laissant craindre pour sa vie, sans que son corps ne soit retrouvé. Ce cas, prévu par l’article 88 du Code civil, concerne par exemple des individus emportés lors d’une catastrophe naturelle ou d’un naufrage.

  • Déclaration judiciaire de décès : En cas de disparition dans des circonstances périlleuses, toute personne intéressée (famille, créanciers, etc.) peut demander au tribunal une déclaration judiciaire de décès. Si cette déclaration est accordée, elle produit les mêmes effets qu’un acte de décès classique : la personnalité juridique prend fin, le mariage est dissous, et les droits successoraux peuvent être activés.

Comparaison et Cas de Réapparition

Les régimes de l’absence et de la disparition diffèrent principalement dans leur procédure et leur délai :

  • Absence : La présomption de vie est maintenue pendant une période de 10 ou 20 ans avant de pouvoir prononcer l’absence.
  • Disparition : La déclaration de décès peut intervenir sans délai particulier, dès lors que les circonstances de la disparition mettent la vie en péril.

Si la personne absente ou disparue réapparaît, elle recouvre la pleine possession de ses biens, mais son mariage reste dissous, et les actes juridiques établis pendant sa disparition demeurent valides.

Ces deux mécanismes de l’absence et de la disparition visent à garantir l’équilibre entre la préservation des droits de la personne en question et ceux de ses proches

 

Section II : L’Étendue de la personnalité

 

Le principe d’égalité garantit que tous les individus sont égaux devant la loi et possèdent la personnalité juridique, c’est-à-dire l’aptitude à être titulaires de droits. Cependant, cette personnalité peut être restreinte pour certaines personnes, notamment par des incapacités de jouissance et d’exercice de leurs droits. La capacité juridique se divise donc en deux branches principales : la capacité de jouissance (droit d’acquérir et de posséder) et la capacité d’exercice (droit d’utiliser ces droits de manière autonome).

 

I – Les incapacités de jouissance

 

Les incapacités de jouissance sont des restrictions légales empêchant certaines personnes d’acquérir ou de détenir certains droits, ce qui équivaut à une privation partielle de la personnalité juridique. Ces incapacités sont généralement particulières et ne concernent que des droits spécifiques. Elles sont rares et motivées par des raisons de protection ou de prévention de comportements jugés nuisibles.

Exemples d’incapacités de jouissance

  1. Motifs de Protection
    Certaines incapacités visent à protéger les individus. Par exemple, le mariage est interdit pour les mineurs, à moins d’une dispense exceptionnelle, pour les protéger de situations inadaptées à leur âge et à leur maturité.

  2. Motifs de Méfiance
    D’autres incapacités reposent sur un principe de précaution ou de méfiance vis-à-vis de relations susceptibles d’engendrer des conflits d’intérêts. Par exemple, la loi peut interdire les dons ou legs entre un patient et son médecin, pour éviter toute influence indue dans des relations sensibles.

  3. Restrictions Fondées sur la Nationalité
    Les étrangers résidant en France disposent de droits limités par rapport aux nationaux, en particulier concernant certaines professions réglementées. Par exemple, seuls les citoyens français peuvent exercer certaines professions de sécurité ou accéder à certaines fonctions publiques.

  4. Déchéance de Droits Acquis
    Dans certains cas, des droits acquis peuvent être retirés par décision de justice. Par exemple, une condamnation pénale ou civile peut entraîner une déchéance de droits civiques, comme le droit de vote ou le droit d’exercer certaines fonctions, en guise de sanction pour des comportements graves.

 

Objectif des incapacités de jouissance

Les incapacités de jouissance visent avant tout à protéger les personnes vulnérables ou à prévenir des abus dans des situations spécifiques. Elles se veulent exceptionnelles et sont strictement encadrées par la loi, afin de préserver autant que possible le principe général de la capacité juridique pour toutes les personnes.

Ces incapacités, bien qu’elles soient des restrictions à l’égalité de droits, sont justifiées par des motifs d’intérêt général et de protection

II- Les Incapacités d’exercice

 

Les incapacités d’exercice sont des restrictions juridiques qui limitent la capacité d’une personne à exercer ses droits de manière autonome. Bien que ces personnes disposent des mêmes droits que les personnes capables, elles ne peuvent les exercer sans l’intervention d’un représentant ou une autorisation légale. En droit français, ces incapacités sont encadrées par le Code civil, notamment l’article 414 qui précise les mesures de protection pour les personnes vulnérables.

Catégories de personnes concernées par l’incapacité d’exercice

  1. Les Mineurs
    Les mineurs, c’est-à-dire les personnes de moins de 18 ans, sont en incapacité d’exercice car ils sont considérés comme insuffisamment expérimentés pour gérer leurs affaires. Cette incapacité est naturelle (liée à l’âge) et temporaire, car elle s’éteint automatiquement à la majorité légale (18 ans). Cependant, un mineur peut devenir capable avant cet âge par une procédure d’émancipation, qui confère la capacité juridique à partir de 16 ans, sous conditions.

  2. Les Majeurs Protégés
    Les adultes atteints d’une altération durable de leurs facultés mentales ou physiques peuvent être placés sous protection juridique. Ce statut est décidé par un juge et vise à les protéger dans les actes de la vie civile. Les majeurs protégés bénéficient de mécanismes spécifiques adaptés à leur situation, comme la tutelle (protection renforcée) ou la curatelle (assistance partielle), en fonction du degré d’incapacité.

Types d’incapacité et actes concernés

Les incapacités d’exercice se manifestent par l’incapacité de contracter, qui peut être générale ou restreinte à certains actes en fonction des besoins de protection de la personne concernée :

  • Incapacité générale : Les mineurs non émancipés et les majeurs sous tutelle ne peuvent accomplir seuls aucun acte juridique important, comme signer un contrat de vente ou effectuer un prêt.

  • Incapacité spéciale : Certaines incapacités ne s’appliquent qu’à des actes particuliers pour les majeurs en curatelle. Par exemple, un majeur en curatelle peut effectuer des actes de la vie quotidienne, mais il devra être assisté pour des actes graves, comme la vente de biens immobiliers.

Mécanismes de protection : représentation et assistance

La loi prévoit deux mécanismes principaux pour encadrer l’exercice des droits des personnes protégées :

  1. Système de Représentation
    Dans ce système, les actes juridiques sont réalisés par un représentant légal au nom et pour le compte de la personne protégée. Ce mécanisme est appliqué aux mineurs et aux majeurs placés sous tutelle.

  2. Système d’Assistance
    Ici, la personne protégée reste active dans l’exercice de ses droits, mais elle doit être assistée ou autorisée par un curateur. Ce système d’assistance est prévu pour les majeurs sous curatelle, qui conservent une autonomie relative dans les actes simples mais nécessitent une assistance pour les actes plus importants.

Accès à la capacité juridique

L’âge de 18 ans confère au mineur la pleine capacité juridique. Avant cet âge, un mineur de 16 ans peut accéder à la capacité par le biais de l’émancipation, ce qui lui permet d’agir en tant qu’adulte dans les actes de la vie civile sans représentation légale.

Ainsi, les incapacités d’exercice constituent un équilibre entre la protection des personnes vulnérables et le respect de leur autonomie, garantissant que leurs droits soient exercés de manière sécurisée et adaptée à leur situation.

 

 

Isa Germain

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