Les pouvoirs du gouvernement
Le Gouvernement est une force intermédiaire classique dans un régime parlementaire —> la Constitution mentionne l’existence d’un gouvernement responsable.
Mais le gouvernement pâtit de la reconnaissance de pouvoirs importants au profit du Président de la République. Il devra donc souvent composer avec le Président de la République, qui désigne en accord avec le Premier Ministre, l’équipe gouvernementale. Le système français se distingue du régime présidentiel dans la mesure où dans celui-ci il n’y a pas de gouvernement. Il se rapproche aussi des régimes parlementaires.
En 2008 devait être réalisée une révision qui devait consacrer cette distinction entre l’exécutif gouvernementale et du chef de l’Etat —> il était prévu qu’à l’article 5, le Président de la République définit la politique de la nation et en parallèle à l’article 20, il était spécifié que le gouvernement conduit la politique de la nation —> dissocie le pouvoir de décision au profit du chef de l’Etat et le pouvoir d’exécution du gouvernement.
Mais la révision n’a pas opté pour cette mise en œuvre officielle de la répartition des compétences puisqu’est toujours maintenue à l’article 20 l’idée que le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation.
—> laisse au gouvernement la capacité d’être le détenteur du pouvoir.
—> on a un droit qui n’est pas en phase avec la réalité de l’exercice du pouvoir mais qui, en période de cohabitation, s’applique très bien —> système adaptable qui peut épouser toutes les configurations politiques qui peuvent exister.
Ce gouvernement a des compétences relativement significatives, par l’objectif général de valorisation de l’exécutif. Le gouvernement, par la Constitution, détient des compétences importantes même s’il est politiquement dominé par le chef de l’Etat.
Ces compétences gouvernementales sont à distinguer en fonction des titulaires des compétences —> certaines sont au profit du gouvernement collégialement, et d’autres au profit du Premier Ministre.
Le gouvernement dispose de prérogatives spécifiquement reconnues par la Constitution, lors de périodes troublées pour décréter des situations exceptionnelles (ex : l’état d’urgence, l’état de siège) + il peut avoir recours à des mécanismes exceptionnels qui sont aussi des régimes de commodités, pour pouvoir intervenir rapidement, sans avoir à passer par la procédure législative.
On doit faire correspondre le régime des ordonnances qui permet au gouvernement de réglementer tout en empiétant régulièrement sur la compétence du Parlement.
—> le gouvernement pris collégialement dispose de compétences propres. Et chaque ministre dispose de certains pouvoirs qui permettent de mener à la fois une action administrative et juridique, et une action politique
- I ) Les compétences du gouvernement, institution collégiale
— Les pouvoirs de réelle exception
Il s’agit de l’état d’urgence et de l’état de siège : ce genre de situation se met en place quand il y a des fortes perturbations dans l’ordre public, quand il y a des mouvements insurrectionnels (ex : en Nouvelle-Calédonie pour obtenir l’indépendance + en novembre-décembre 2004 : mouvements de contestations dans les banlieues).
L’état d’urgence est un moyen pour le gouvernement d’augmenter ses compétences —> peut substituer une légalité d’exception à une légalité normale. Le gouvernement peut empiéter sur les compétences du législateur pour prendre les mesures nécessaires pour rétablir l’ordre public.
L’état de siège est un niveau aggravé dans la mesure où des pouvoirs qui appartiennent normalement aux autorités civiles sont transférés aux autorités militaires —> association du pouvoir militaire au pouvoir civil. Dans ces situations, les libertés publiques sont réduites.
— Le régime de commodité
Il correspond en un mode de gestion de l’Etat qui relève d’une certaine exception, mais ne correspond par à une situation de perturbation dans l’Etat. C’est un moyen pour le gouvernement d’adopter des textes dans le cadre du conseil des ministres, en ne respectant plus la distinction article 34 – article 347 : les ordonnances permettent au gouvernement d’adopter des textes au détriment de ces 2 articles. C’est l’article 38 qui régit ces ordonnances.
Ce système des ordonnances permet d’ignorer la répartition des compétences. Historiquement, ce mécanisme existait déjà sous la IIIème avec les décret-lois : le Parlement permettait au gouvernement de prendre des dispositions.
Aujourd’hui, il empêche que l’exécutif soit bloqué par un Parlement opposé au régime.
Ces ordonnances sont prises en vertu de l’article 38 et adoptées lors d’une délibération du conseil des ministres : elles doivent être signées par le Président de la République (article 13) —> nécessite un accord entre le Président de la République, le Premier Ministre autour de l’action du gouvernement pour utiliser ce mécanisme dérogatoire au régime normal.
L’autorisation de prendre des ordonnances doit être donnée par le Parlement suite à une demande du gouvernement qui doit être formulée par le biais d’une loi d’habilitation —> le gouvernement doit déposé devant le Parlement un projet de loi d’habilitation, l’autorisant à intervenir dans des secteurs réservés aux législateurs.
Le Parlement peut accepter ou refuser. Il peut en limiter la durée et la portée. Le Parlement votera donc une loi d’habilitation, accordée avec une limite de temps (de 1 mois à 3 ans).
Cette loi d’habilitation doit mentionner la date à laquelle le projet de loi de ratification devra être déposé —> montre que le gouvernement devra une fois les ordonnances adoptées, déposer une loi de ratification qui permettra ensuite au Parlement de valider après coup les ordonnances. Le Parlement intervient donc à 2 reprises.
Cette habilitation doit intervenir pour l’exécution du programme du gouvernement. L’article 38 est assez peu rigoureux dans sa formulation et laisse au gouvernement une grande liberté quant aux domaines sur lesquels il peut intervenir. Mais on comprend que théoriquement, le gouvernement ne peut intervenir que dans le champ des lois ordinaires, et pas pour les lois organiques + d’autres textes de lois qui obéissent à des procédures spécifiques : les lois de finances.
La loi d’habilitation doit indiquer les dispositions d’ordre législatif sur lesquelles le gouvernement entend intervenir. Le Parlement ne peut pas renvoyer aux ≠ rubriques de l’article 34. Cette obligation résulte d’une décision du Conseil Constitutionnel du 12 juillet 1977 : oblige le gouvernement à indiquer avec précision les finalités poursuivies.
Le recours aux ordonnances peut être justifié par toute considération d’opportunité. Il n’y a pas de condition spécifique qui permette l’usage de l’article 38. C’est souvent l’urgence, ou une volonté de produire rapidement des résultats qui explique le recours aux ordonnances (ex : Villepin Premier Ministre : compétition avec Sarkozy. L’équipe gouvernementale voulait prouver rapidement son efficacité : 85 ordonnances en 1 an).
Gouverner par la voie d’ordonnance doit rester exceptionnel (rappelé par Ayrault le 14 mars).
Sur le plan juridique, ces ordonnances ont une valeur réglementaire jusqu’à leur ratification par le Parlement. Elles ont la nature d’actes administratifs susceptibles de faire un recours devant le juge administratif. Elles rentrent en vigueur dès leur publication au Journal Officiel. Elles peuvent être modifiées pendant le temps de l’habilitation par le gouvernement, qui voudrait procéder à des ajustements. Le Parlement ne peut pas revenir sur cette habilitation.
La ratification doit se faire depuis 2008 de manière expresse : doit être votée par le Parlement, ce qui n’était plus le cas du fait des pratiques développées sous la Vème : la Parlement le votait de manière implicite pendant qu’il votait un texte de loi quelconque qui contenait cette loi d’habilitation.
Si le gouvernement ne dépose pas dans les délais imposés par le Parlement un projet de loi de ratification, les ordonnances deviennent caduques —> ne produisent plus d’effet de loi.
Quand le Parlement vote la loi de ratification, il reconnaît les ordonnances adoptées par le gouvernement et les ordo qui avaient un caractère purement réglementaire vont acquérir la valeur de texte de loi. Mais uniquement pour les dispositions législatives des ordonnances, qui touchent aux matières de l’article 34 (une ordonnance peut contenir des dispositions législatives + réglementaires).
L’action par la voie d’ordonnance est un mécanisme qui facilité l’action du gouvernement mais qui ne fait pas disparaître le pouvoir du Parlement qui est consentent par le biais de la loi d’habilitation et qui opère une validation des ordonnance après coup (ex : pendant la cohabitation, Chirac, face au refus du Président de la République, transforme une ordonnance en un projet de loi). Avant la révision de 2008, le gouvernement pouvait utiliser de façon abusive l’article 49 al 3 qui lui permettait de faire voter un texte sans discussion de l’assemblée Nationale.
- II ) Les prérogatives propres à chaque ministre
Les ministres ont un double rôle : ils sont à la fois des autorités administratives au sommet d’une administration + ou – importante, et ils ont un rôle politique.
- a) Un rôle administratif
Chaque ministre est placé à la tête d’un département ministériel dont il est responsable —> c’est le chef d’une multitude de services qui ont pour objectif de réaliser des objectifs dans des matières précises.
Malgré les propositions, il n’y a jamais eu de concrétisation sur le plan constitutionnel puisque les pouvoirs publics ont préféré avoir une certaine flexibilité dans l’organisation des ≠ services et ministères. La suppression d’un ministère est donc réalisée par simple décret.
Les attributions des ministres peuvent se résumer ainsi :
— en tant que chef d’un département ministériel, le ministre dispose des pouvoirs classiques de tout chef de service : pouvoir hiérarchique sur l’ensemble des agents rattachés à son ministère + pouvoir d’instruction + pouvoir disciplinaire + pouvoir de réformation des actes des membres de son administration —> les actes adoptés par des subordonnés peuvent être repris et transformés par le Premier Ministre.
— Ils détiennent un pouvoir réglementaire sous certaines conditions : un pouvoir réglementaire leur appartient sur délégation du Premier Ministre. Cette délégation doit être précise et limitée dans le temps.
Le législateur peut attribuer un pouvoir réglementaire d’application de la loi à certains ministres, mieux placé pour prendre le décret d’application.
Il existe aussi un pouvoir réglementaire des ministres pour réglementer et organiser l’administration qui est sous leur autorité. Résulte d’une jurisprudence de 1936 d’un arrêt Jamart du Conseil d’Etat qui reconnaît que tout ministre dispose d’un pouvoir réglementaire pour assurer la bonne organisation de son administration et des services publics qui y concourent —> le ministre peut prendre des arrêtés de nature réglementaire.
— Les ministres ont un pouvoir de contreseing en vertu de l’article 22 de la Constitution qui leur permet de contresigner les décrets du Premier Ministres —> les ministres sont associés au pouvoir réglementaire général.
- b) Un rôle politique
Le rôle des ministres est actif et décisif pendant la procédure législative : ils se retrouvent au cœur des débats parlementaires et soutenir le débat politique pour justifier le vote des parlementaires à l’égard du projet de loi déposé par le gouvernement.
C’est chacun des ministres qui doit, selon le thème, défendre et argumenter en vue de faire adopter le projet de loi dans sa monture initiale.
La Constitution de 1958 laisse un pouvoir important au gouvernement dans la procédure législative : c’est lui qui fixe le calendrier, l’ordre du jour —> les ministres ont une position préférentielle par rapport aux parlementaires qui sont historiquement sous l’autorité du gouvernement. Dans un souci de rééquilibrer les pouvoirs, la révision de 2008 rétablira les droits des parlementaires.
Souvent, il pouvait y avoir des divergences dans l’expression de la politique gouvernementale —> le rôle politique des ministres dessert l’unité de l’équipe gouvernementale —> discrédite l’autorité du Premier Ministre qui doit normalement donner une ligne de conduite claire à laquelle tous les membres du gouvernement doivent se soumettre.
A défaut de cette solidarité, le ministre peut être forcé à la démission —> départ individuel (ex : Chevènement a démissionné 3 fois sous Mitterrand).