Le gouvernement français est une institution centrale dans le régime parlementaire, doté d’une responsabilité politique mentionnée explicitement dans la Constitution. Cependant, cette responsabilité est nuancée par le poids considérable accordé au Président de la République, ce qui distingue le régime parlementaire français des régimes parlementaires classiques.
Cette dualité place le gouvernement dans une position intermédiaire, entre subordination à l’Élysée et autonomie dans la conduite des affaires publiques. Ce modèle se distingue du régime présidentiel (par exemple, celui des États-Unis), où le gouvernement au sens parlementaire n’existe pas, et se rapproche des régimes parlementaires en raison de la responsabilité politique devant le Parlement.
Les compétences du gouvernement : entre collégialité et fonctions du Premier ministre
Les compétences du gouvernement peuvent être réparties en deux catégories principales :
Compétences collégiales : Elles sont exercées par le gouvernement dans son ensemble, en Conseil des ministres. Parmi elles :
Compétences du Premier ministre : En tant que chef de la majorité parlementaire, le Premier ministre :
Chaque ministre, en outre, dispose de prérogatives propres dans son domaine de compétence, lui permettant de mener des actions administratives, juridiques et politiques spécifiques.
Les régimes d’exception et de commodité. Pour faire face aux situations de crise ou accélérer la mise en œuvre des politiques, le gouvernement dispose de mécanismes constitutionnels exceptionnels :
Ces dispositifs, bien qu’ils contournent temporairement le processus législatif classique, nécessitent toujours une validation a posteriori par le Parlement, garantissant ainsi un équilibre institutionnel.
Le gouvernement dispose de pouvoirs d’exception pour gérer des situations de crise majeures, notamment l’état d’urgence et l’état de siège, qui s’activent en cas de graves perturbations de l’ordre public ou de mouvements insurrectionnels. Par exemple :
L’état d’urgence permet au gouvernement d’étendre ses compétences en instaurant une légalité d’exception. Cette mesure autorise l’exécutif à adopter des dispositions normalement du ressort du législateur pour rétablir rapidement l’ordre public. Ce régime a été renforcé par des lois récentes, notamment après les attentats de 2015, avec des modifications inscrites dans le droit commun.
L’état de siège, quant à lui, représente un niveau d’exception encore supérieur, dans lequel des pouvoirs civils sont transférés aux autorités militaires. Cela engendre une réduction importante des libertés publiques et associe étroitement pouvoir militaire et pouvoir civil. Ce dispositif, prévu par l’article 36 de la Constitution, reste toutefois très rarement utilisé en pratique.
Ce régime, bien que moins dramatique, constitue une forme d’exception dans la gestion de l’État, car il permet au gouvernement de recourir aux ordonnances, prévues à l’article 38 de la Constitution. Ces ordonnances autorisent l’exécutif à intervenir dans des domaines normalement réservés au législateur.
Fonctionnement des ordonnances
Processus de mise en œuvre :
Encadrement par le Conseil constitutionnel : Depuis une décision du 12 juillet 1977, le gouvernement doit préciser les finalités poursuivies par les ordonnances dans la loi d’habilitation. Cela empêche un renvoi vague aux compétences générales de l’article 34.
Caractère exceptionnel du recours à l’ordonnance ?
Bien que gouverner par ordonnances doive rester une pratique exceptionnelle, l’article 38 offre une grande latitude au gouvernement. Depuis la réforme constitutionnelle de 2008, la ratification des ordonnances par le Parlement doit se faire de manière expresse, renforçant ainsi le contrôle parlementaire.
Il a été récemment de plus en plus fréquent de recourir aux ordonnances, prévues à l’article 38 de la Constitution, pour intervenir dans des domaines normalement réservés au législateur. Les ordonnances sont souvent justifiées par des motifs d’urgence ou d’efficacité :
Limites et précautions
L’usage des ordonnances ne peut porter sur certaines matières sensibles, comme les lois organiques ou les lois de finances, qui sont soumises à des procédures spécifiques. Ce dispositif vise à préserver un équilibre entre l’exécutif et le législatif :
En résumé, les compétences exceptionnelles du gouvernement, qu’il s’agisse de l’état d’urgence, de l’état de siège ou du recours aux ordonnances, témoignent de la souplesse offerte par la Constitution pour faire face à des situations diverses. Ces mécanismes permettent à l’exécutif de répondre rapidement aux crises ou d’accélérer les réformes, tout en impliquant le Parlement dans une logique de contrôle a posteriori. Toutefois, leur usage doit rester encadré pour préserver l’équilibre des pouvoirs.
Les ministres exercent un double rôle au sein du gouvernement : administratif, en tant que chefs d’une administration, et politique, en participant activement à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques publiques. Ces responsabilités sont encadrées par des règles précises qui leur confèrent à la fois autonomie et obligations.
Chaque ministre est responsable d’un département ministériel. Ce rôle administratif repose sur un ensemble de pouvoirs et d’attributions, bien que l’organisation des ministères reste volontairement souple pour s’adapter aux évolutions politiques.
Chef d’un département ministériel : Les ministres supervisent des services qui mettent en œuvre des politiques publiques spécifiques. Ils exercent des pouvoirs classiques de gestion administrative, tels que :
Pouvoir réglementaire délégué :
Pouvoir réglementaire propre : Depuis l’arrêt Jamart (1936) du Conseil d’État, chaque ministre dispose d’un pouvoir réglementaire pour organiser les services placés sous son autorité. Ce pouvoir leur permet de prendre des arrêtés réglementaires afin d’assurer le fonctionnement de leur administration.
Pouvoir de contreseing : En vertu de l’article 22 de la Constitution, les ministres contresignent les décrets pris par le Premier ministre. Ce contreseing les associe au pouvoir réglementaire général et engage leur responsabilité.
L’organisation ministérielle n’est pas fixée dans la Constitution. Les gouvernements successifs préfèrent maintenir une flexibilité institutionnelle, permettant la création ou la suppression de ministères par simple décret. Cette souplesse garantit une adaptation rapide aux priorités du moment.
Au-delà de leur rôle administratif, les ministres jouent un rôle central dans la mise en œuvre et la défense de la politique gouvernementale, notamment au cours de la procédure législative.
Défense des projets de loi : Chaque ministre défend les textes législatifs qui relèvent de son domaine de compétence devant le Parlement. Ce rôle nécessite des capacités de persuasion et une maîtrise des débats parlementaires pour obtenir l’adhésion des élus.
Prérogatives gouvernementales dans le processus législatif : La Constitution de 1958 confère au gouvernement une place privilégiée :
Révision constitutionnelle de 2008 : Cette réforme a permis de renforcer les droits du Parlement, rééquilibrant les pouvoirs entre l’exécutif et le législatif. Par exemple, les parlementaires ont désormais davantage d’autonomie pour fixer une partie de l’ordre du jour.
La cohésion entre les membres du gouvernement est indispensable pour maintenir l’unité et la crédibilité de l’action gouvernementale. Les divergences publiques dans l’expression de la politique gouvernementale peuvent avoir des conséquences graves :
En résumé :
Les ministres disposent de prérogatives à la fois administratives, pour diriger efficacement leur département, et politiques, pour participer à la stratégie gouvernementale et à l’élaboration des lois. Bien que ces rôles leur confèrent une certaine autonomie, ils sont encadrés par des règles garantissant la solidarité et l’unité de l’équipe gouvernementale, essentielles à l’efficacité de l’action publique.
La révision constitutionnelle de 2008 aurait pu consacrer une distinction plus nette entre les rôles du Président de la République et ceux du gouvernement, en inscrivant dans l’article 5 que le Président définit la politique de la nation, tandis que l’article 20 spécifierait que le gouvernement la met en œuvre. Cette dissociation aurait clarifié le partage des compétences entre :
Cependant, cette distinction n’a pas été adoptée. L’article 20 de la Constitution maintient que le gouvernement « détermine et conduit la politique de la nation », ce qui entretient une certaine ambiguïté quant à la répartition des responsabilités. Ce flou juridique s’avère cependant adaptable aux réalités politiques, notamment en période de cohabitation, où le gouvernement retrouve une plus grande autonomie face au Président.
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