L’exercice des pouvoirs partagés
La prééminence présidentielle se traduit d’abord par l’attribution de pouvoirs propres (étudié dans le chapitre précédent), c’est-à-dire qu’il s’agit de pouvoirs qu’il exerce seul de façon autonome sans contreseing ministériel (signature ministérielle). Mais cette prééminence s’exprime aussi et peut être même surtout à travers les pouvoirs partagés, c’est-à-dire les pouvoirs soumis à contreseing.
Cette formalité du contre seing traduit la responsabilité ministérielle. En principe, comme dans un régime parlementaire classique, en cas de contre seing le pouvoir de décision devrait appartenir au 1er ministre et le président ne devrait agir que comme un « notaire » (surveiller la régularité de la procédure). Sous la 5ème république, cette conception est complètement démentie par la pratique. Le président est donc le chef de l’exécutif mais évidemment il faut nuancer cette analyse car l’exercice de ses pouvoirs partagés est directement influencé par l’environnement politique. Ainsi en période de cohabitation, lorsque la majorité parlementaire est différente de la majorité présidentielle, le 1er ministre peut revendiquer un pouvoir de décision, et donc il y aura codécision. Mais en période normale quand il y a concordance entre la majorité du parlement et du président, c’est la logique présidentialiste qui domine. Le gouvernement est alors clairement subordonné au président.
- A) Le président et le gouvernement
1) La nomination et la démission des membres du gouvernement
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- Les pouvoirs du Gouvernement et du Premier Ministre
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- L’organisation du gouvernement
Selon l’article 8 alinéa 2 de la constitution, le président de la république sur proposition du 1er ministre nomme les autres membres du gouvernement et met fin à leurs fonctions. Il faut aussi distinguer selon que l’on se trouve en période normale majoritaire ou en période de cohabitation. En période normale, le choix des ministres résulte d’un accord entre le président et le 1er ministre mais le président a une influence prépondérante sur les portefeuilles ministériels qui correspondent au domaine de prédilection de l’action présidentielle (défense et affaires étrangères). En période de cohabitation, c’est le 1er ministre qui décide plus précisément c’est lui qui fait prévaloir ses choix mais le président conserve un droit de veto pour les portefeuilles qui relèvent de son domaine de prédilection.
2) La nomination aux emplois civils et militaires de l’état
Le président a un pouvoir de nomination mais qui est inégal. Le président est parfois en situation de compétences liées, c’est-à-dire qu’il est obligé de procéder à la nomination de hauts fonctionnaires dans les conditions prévues par les textes ou les statuts. Ce sont des nominations obligatoires par un décret non délibéré en conseil des ministres. Le pouvoir du président est beaucoup plus significatif au plan politique quand il intervient à propos de nomination discrétionnaire relatives aux emplois supérieurs. L’article 13 de la constitution confère au président le soin de nommer aux emplois civils et militaires de l’état et il énumère les hauts fonctionnaires concernés. Ses emplois sont à la discrétion du gouvernement, ils sont précaires qui sont confiés à des personnes librement choisies en fonction de leurs convictions politiques et sont révocables en cas d’alternance politique. Il faut bien voir que ce sont des relais du pouvoir politique et le président conserve une marge d’appréciation, il n’est pas tenu de suivre les propositions du 1er ministre ou du ministre. En période de cohabitation, le président accepte le plus souvent les propositions du 1er ministre et ne conserve qu’un droit de veto limité pour éviter ce que l’on appelle « la chasse aux sorcières », c’est-à-dire d’éliminer les hauts fonctionnaires pour le seul motif qu’ils ont été nommés par l’ancienne majorité.
3) La signature de certains actes règlementaires.
Le président de la république exerce un certain pouvoir règlementaire. L’administration peut prendre des actes administratifs unilatéraux. Parmi ces actes administratifs on distingue les actes règlementaires et les actes individuels. Un acte individuel c’est une décision administrative qui concerne une personne nommément nominé. Un acte règlementaire c’est un acte qui est impersonnel et général et qui est permanent. Le président dispose de ce pouvoir règlementaire qui est le pouvoir d’applique des lois. Et donc le président va signer des ordonnances et des décrets qui sont délibérés en conseil des ministres. Il faut comprendre que les ordonnances et les décrets se rattachés au pouvoir règlementaire. C’est aussi la faculté des autorités de prendre unilatéralement des mesures générales et impersonnelles à caractère obligatoire. En France, l’autorité de droits communs au niveau national, c’est le 1er ministre et le président n’a en principe qu’une compétence d’attribution.
- a) Les ordonnances
Ce sont des actes juridiques qui succèdent aux anciens décrets lois. Une ordonnance, c’est un texte qui peut intervenir dans le domaine législatif avec l’autorisation du législateur. Cependant tant qu’elle n’a pas été ratifiée par le parlement l’ordonnance reste un acte règlementaire. C’est-à-dire qu’elle a une valeur inférieure à la loi. Elle peut donc être corrigée et annulée par le juge administratif. Le parlement autorise donc le gouvernement à intervenir dans le domaine de la loi. Même si une ordonnance n’a pas valeur de loi. Ces actes sont importants sur le point politique car ils permettent de mettre en œuvre dans des conditions d’urgence le programme politique du président. Cela soulève des problème, pendant la 1ère cohabitation le président Mitterrand a pensé qu’il était en droit de refuser de signer les projets d’ordonnances qui ne lui plaisait pas. Il a exercé ce droit de veto à 3 reprises. Il s’est donc opposé au projet d’ordonnance du parlement à majorité de droite, ils ont donc transformé le projet d’ordonnance en projet de loi. Évidemment le circuit du projet de loi est plus long que celui de l’ordonnance.
- b) Le président signe les décrets délibérés en conseil des ministres
Il signe en particulier les décrets règlementaires. Ce pouvoir est intéressant car relève de la compétence du président tous les décrets délibérés en conseil des ministres. Il suffit au président d’exiger que les décrets soient délibérés en conseil des ministres pour qu’ils dépendent de sa compétence.
4) La présidence du conseil des ministres
Le président préside des réunions hebdomadaires du conseil des ministres. Il les convoque et en fixe l’ordre du jour en concertation avec le 1er ministre. Il peut également le cas échéant retarder l’inscription d’un projet de loi qui ne le satisfait pas.
- B) Le président et le parlement
1) Le président peut convoquer le parlement en session extraordinaire
Il peur le faire sur un ordre du jour déterminé à la demande du 1er ministre ou de la majorité parlementaire. Le président peut refuser une telle demande. Il peut même refuser l’inscription d’un point à l’ordre du jour.
2) Le président promulgue les lois
Il s’agit ici d’un pouvoir uniquement formel qui est important sur le plan juridique mais qui n’a pas de portée politique et par lequel le président atteste que la loi a été régulièrement votée par le parlement et donne l’ordre aux autorités publiques de l’appliquer et de la faire exécuter. Le président agit ici comme un « notaire » (citation Mitterrand), c’est-à-dire qu’il ne peut pas refuser sa signature et doit promulguée la loi dans les 15jours suivant la transmission au gouvernement de la loi définitivement adoptée.
3) Le président a la faculté de demander une seconde délibération
Ceci est prévu par l’article 10 alinéa 2 de la constitution. C’est rare mais cela peut arriver s’il y a un doute sur la constitutionnalité d’une loi.
- C) Le président et l’autorité judiciaire
Le président est le garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire. Le président préside le conseil supérieur de la magistrature. Et ce conseil est un organisme important prévu par la constitution qui fait notamment des propositions ou donne un avis conforme sur les nominations des magistrats qui siègent et ceux du parquet. Le président dispose du droit de grâce qui est une prérogative royale qui lui permet de dispenser le condamné de l’exécution totale ou partielle de sa peine.
- D) Le président et l’état
Le président est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités. Il personnifie l’état. À ce titre, il est le chef des armées et de la diplomatie.
1) Le chef des armées
Il est le chef des armées mais cette compétence doit se combiner avec celle du 1er ministre qui est responsable de la défense nationale.
- a) Le président a le pouvoir de décider le recours à l’arme nucléaire.
Il a le pouvoir de décider de l’engagement d’opérations militaires. En cas de cohabitation il faudra un accord entre le président et le 1er ministre.
- b) Le président préside les conseils et comités supérieurs de la défense nationale
Il peut ainsi jouer un rôle décisif en matière de stratégie.
2) Le chef de la diplomatie
Il négocie et ratifie les traités. Il est informé de toute négociation d’un accord international en forme simplifiée, c’est-à-dire non soumis à ratification. Il accrédite les ambassadeurs de puissances étrangères. Il est donc responsable de la politique étrangère. Son rôle est primordial en cas de phénomène majoritaire. Ainsi, on peut voir un 1er ministre évincé de la politique étrangère. En revanche en cas de cohabitation, la répartition des pouvoirs entre le président et le 1er ministre est plus équilibrée.