Les pouvoirs propres du président
La Cinquième République confère au président des pouvoirs propres, c’est-à-dire des prérogatives exercées sans contreseing ministériel, ce qui distingue ce régime des précédents. Ces pouvoirs, énoncés par l’article 19 de la Constitution, placent le président comme une figure centrale, capable d’agir de manière autonome dans des domaines clés. Leur exercice dépend toutefois du contexte politique, avec une lecture présidentialiste en période de majorité présidentielle et une lecture plus parlementariste en cas de cohabitation.
Les principaux pouvoirs propres sont les suivants :
1) La nomination du Premier ministre (article 8, alinéa 1)
- Le président nomme le Premier ministre librement, sans intervention préalable de l’Assemblée nationale.
- En période de majorité présidentielle, ce choix est discrétionnaire et vise à désigner une personnalité alignée sur ses orientations politiques.
- En cas de cohabitation, le président doit se conformer au choix imposé par la majorité parlementaire, réduisant ainsi sa marge de manœuvre.
2) Le recours au référendum (article 11)
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- Le parlement : élection, statut, rôle, critiques
- Le statut parlementaire : immunité, incompatibilité, indemnité
- Le rôle du Parlement
- Les pouvoirs du Gouvernement et du Premier Ministre
- Le statut et la responsabilité des ministres
- L’organisation du gouvernement
-
Le président peut soumettre au référendum des projets de loi portant sur :
- L’organisation des pouvoirs publics.
- Des réformes économiques ou sociales.
- La ratification de certains traités.
- Ce pouvoir, bien que juridiquement subordonné à une proposition du gouvernement ou du Parlement, est politiquement utilisé comme un moyen d’arbitrage direct avec le peuple.
- L’échec des référendums de 1969 (de Gaulle) et 2005 (Chirac) illustre les risques politiques liés à cet outil.
3) La dissolution de l’Assemblée nationale (article 12)
- Le président peut dissoudre l’Assemblée nationale après consultation du Premier ministre et des présidents des deux assemblées.
- Objectif : surmonter une crise institutionnelle ou aligner la majorité parlementaire sur la majorité présidentielle.
- Ce pouvoir, symbole de l’autorité présidentielle, est cependant limité par des interdictions circonstancielles :
- Une nouvelle dissolution ne peut intervenir dans l’année suivant une précédente.
- L’article 16 neutralise la dissolution en cas de crise exceptionnelle.
- Il est interdit de dissoudre en cas d’intérim présidentiel.
4) La mise en œuvre des pouvoirs exceptionnels (article 16)
- En cas de crise grave menaçant les institutions, l’intégrité territoriale ou l’indépendance de la nation, et si le fonctionnement régulier des pouvoirs publics est interrompu, le président peut prendre des mesures exceptionnelles pour restaurer l’ordre.
- Ce pouvoir confère une concentration temporaire des pouvoirs législatif et exécutif entre les mains du président.
- Utilisation unique : en 1961 par le général de Gaulle lors du putsch des généraux en Algérie.
- Critiqué pour son caractère potentiellement antidémocratique, cet article reste en vigueur mais son usage est désormais largement remplacé par des mesures comme l’état d’urgence.
5) Le droit de message aux assemblées parlementaires (article 18)
- Le président peut adresser des messages aux assemblées. Depuis 2008, il peut également s’exprimer directement devant le Parlement réuni en Congrès.
- Ces interventions visent à orienter le débat politique sans engager de vote ou de discussion parlementaire.
6) La nomination au Conseil constitutionnel (article 56)
- Le président nomme trois membres sur les neuf composant le Conseil constitutionnel, dont son président.
- Cette prérogative confère une influence déterminante sur cette institution, garante de la conformité des lois à la Constitution.
7) La saisine du Conseil constitutionnel (articles 54 et 61)
- Article 54 : le président peut saisir le Conseil constitutionnel pour vérifier la conformité d’un traité international avec la Constitution.
- Article 61 : il peut saisir le Conseil pour contrôler la constitutionnalité d’une loi avant sa promulgation.
A) La notion de pouvoirs propres et la fonction arbitrale du président
La Constitution de 1958 a marqué une rupture majeure avec les républiques précédentes en instaurant des pouvoirs propres pour le président de la République, c’est-à-dire des prérogatives qu’il exerce de manière autonome, sans contreseing ministériel. Ces pouvoirs sont au cœur de sa fonction arbitrale, telle qu’elle est définie par l’article 5 de la Constitution.
1) Une rupture significative avec les républiques précédentes
a) L’innovation des pouvoirs propres
- Article 19 de la Constitution : Cet article énumère les actes du président dispensés de contreseing ministériel, parmi lesquels :
- Article 8 (alinéa 1) : Nomination du Premier ministre.
- Article 11 : Recours au référendum.
- Article 12 : Dissolution de l’Assemblée nationale.
- Article 16 : Mise en œuvre des pouvoirs exceptionnels.
- Article 18 : Droit de message aux assemblées parlementaires.
- Article 54 : Saisine du Conseil constitutionnel sur la conformité d’un traité international.
- Article 56 : Nomination de trois membres et du président du Conseil constitutionnel.
- Article 61 : Saisine du Conseil constitutionnel sur la constitutionnalité d’une loi avant sa promulgation.
b) Une rupture avec les pratiques antérieures
- Sous les républiques précédentes, tous les actes du président étaient soumis à contreseing ministériel, reflétant son rôle symbolique et son irresponsabilité politique.
- Ce mécanisme de contreseing assurait que la responsabilité politique des actes présidentiels était transférée aux ministres, responsables devant le Parlement.
- Sous la Cinquième République, le président conserve son irresponsabilité politique, mais exerce certains pouvoirs sans contrôle préalable, ce qui lui confère une autonomie significative dans des domaines clés.
c) Une autonomie controversée
- Ces pouvoirs propres renforcent le statut du président en le plaçant au sommet des institutions.
- Toutefois, leur usage échappe à tout contrôle direct du Parlement ou du Premier ministre, ce qui suscite des critiques, notamment en période de majorité présidentielle, où ces pouvoirs peuvent renforcer une logique présidentialiste.
d) Les implications de ces pouvoirs propres
1) Une autonomie présidentielle accrue
-
- Ces prérogatives renforcent la centralité du président dans les institutions, lui permettant d’agir sans contreseing ou approbation du gouvernement.
- Elles font du président un arbitre actif capable de trancher des questions fondamentales pour la République.
2) Une application nuancée selon le contexte politique
-
- En période de majorité présidentielle, le président exerce ces pouvoirs avec une grande liberté, s’appuyant sur une Assemblée nationale alignée sur sa politique.
- En cohabitation, ces pouvoirs restent intacts, mais leur usage peut être plus limité en raison du contrôle politique exercé par le Premier ministre et la majorité parlementaire.
2) La mission arbitrale du président
a) Une fonction définie par l’article 5
L’article 5 de la Constitution établit le rôle du président en des termes larges et peu précis :
« Le président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure par son arbitrage le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État. Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités. »
b) Une conception large de l’arbitrage
- Arbitrage actif : En France, l’arbitrage présidentiel est interprété de manière active. Le président ne se limite pas à un rôle d’observateur neutre, mais agit directement pour résoudre des crises ou orienter les grandes décisions politiques.
- Missions clés : Les pouvoirs propres du président sont conçus pour lui permettre d’intervenir dans les moments critiques de la vie politique ou institutionnelle, en sollicitant d’autres pouvoirs (gouvernement, Parlement, peuple).
- Ces interventions se rapportent souvent à des questions majeures, comme la dissolution, le référendum ou la mise en œuvre des pouvoirs exceptionnels.
c) Une fonction limitée mais essentielle
- Ces pouvoirs propres sont utilisés de manière ponctuelle, dans des contextes spécifiques, et ne visent pas à intervenir dans la gestion quotidienne de l’État.
- Leur mise en œuvre reflète le statut du président comme « monarque républicain », symbolisant la continuité de l’État et agissant en dernier recours pour préserver son bon fonctionnement.
B) Le président et le chef du gouvernement
L’article 8, premier alinéa, de la Constitution confère au président de la République un rôle clé dans la désignation et la cessation des fonctions du Premier ministre, renforçant la prééminence présidentielle, notamment en période de concordance des majorités. Cependant, ce pouvoir est nuancé selon les circonstances politiques, notamment en cas de cohabitation.
1) La nomination du Premier ministre
Un pouvoir discrétionnaire du président
La nomination du Premier ministre est une prérogative exclusive du président de la République. Contrairement aux pratiques des républiques précédentes, cette désignation ne dépend pas d’une investiture préalable par l’Assemblée nationale. Le président exerce ici un pouvoir discrétionnaire, ce qui signifie qu’il n’est soumis à aucune obligation formelle. Par exemple :
- Le Premier ministre peut être choisi hors des rangs parlementaires, comme ce fut le cas avec Raymond Barre en 1976.
- Cette liberté confère au président une latitude importante pour modeler son gouvernement selon ses orientations politiques.
Une contrainte en cas de cohabitation
En période de cohabitation, où la majorité parlementaire est opposée au président, ce pouvoir devient plus contraint :
- Le président doit nommer un chef de gouvernement qui dispose du soutien de la majorité parlementaire.
- Cette situation impose un retour à une lecture stricte de la Constitution, où la prééminence du président est relativisée. Par exemple, lors de la cohabitation de 1986, François Mitterrand a nommé Jacques Chirac Premier ministre, conformément à la majorité parlementaire.
2) La cessation des fonctions du Premier ministre
Un pouvoir indirect de révocation
Selon l’article 8 de la Constitution, le président ne peut pas directement révoquer le Premier ministre. Le texte stipule que la démission du chef du gouvernement doit être volontaire. Toutefois, dans la pratique, cette règle est souvent contournée en période de majorité présidentielle :
- Le président, considéré comme le chef naturel de la majorité parlementaire, peut contraindre politiquement le Premier ministre à présenter sa démission.
- Cette situation reflète la domination du président dans un régime présidentialisé. Le Premier ministre devient alors un collaborateur, comme l’a illustré Alain Juppé sous Jacques Chirac (1995-1997).
La stabilité en période de cohabitation
En cohabitation, la situation est différente. Le Premier ministre, soutenu par la majorité parlementaire, devient indéboulonnable, selon l’expression de Valéry Giscard d’Estaing. En effet :
- Le président n’a pas la capacité de forcer la démission du chef du gouvernement, sauf à dissoudre l’Assemblée nationale, ce qui pourrait aggraver le conflit politique.
- Cette configuration oblige le président et le Premier ministre à collaborer, souvent dans une relation conflictuelle mais constitutionnellement équilibrée.
Quelques exemples historiques
- Démissions volontaires : Jacques Chirac en 1976, qui quitte le gouvernement de Valéry Giscard d’Estaing en raison de désaccords politiques.
- Démissions contraintes : Plusieurs Premiers ministres ont été poussés à quitter leurs fonctions sous pression présidentielle, comme Jean-Pierre Raffarin en 2005 sous Jacques Chirac.
Conclusion : La relation entre le président et le Premier ministre illustre la souplesse et les ambiguïtés de la Constitution de la Cinquième République. En période de majorité présidentielle, le président domine largement, transformant souvent le Premier ministre en simple exécutant de sa politique. En revanche, la cohabitation, par exemple celle entre Emmanuelle Macron et le Gouvernement Barnier, remet en lumière l’équilibre parlementaire voulu par les rédacteurs de la Constitution. Ainsi, le statut du Premier ministre oscille entre subordination et indépendance, selon le contexte politique.
C) Le Président et le Parlement
L’article 12 prévoit le droit de dissolution de l’assemblée nationale. Cet article prévoit que le Président de la République peut, après consultation du 1er ministre et des présidents des 2 assemblées, dissoudre l’Assemblée Nationale. C’est ainsi la fin du mandat des députés. Le remplacement a lieu au moins 20 et au plus 40 jours après la dissolution (2).
Le droit de message est aussi un acte important des relations entre le Président et le Parlement. (1)
1) Le droit de message (article 18)
L’article 18 de la Constitution prévoit que le président de la République peut adresser des messages aux deux assemblées parlementaires (Assemblée nationale et Sénat). Ces messages sont lus par les présidents des assemblées sans donner lieu à débat, conformément au principe d’irresponsabilité présidentielle. Cette disposition est davantage protocolaire et historique, étant peu utilisée dans la pratique. Depuis la révision constitutionnelle de 2008, le président peut désormais s’exprimer directement devant le Parlement réuni en Congrès, une innovation qui modernise ce droit.
2) Le droit de dissolution (article 12)
L’article 12 confère au président le pouvoir de dissoudre l’Assemblée nationale, provoquant ainsi des élections législatives anticipées. Ce pouvoir propre est exercé après consultation du Premier ministre et des présidents des deux assemblées. La dissolution marque la fin anticipée du mandat des députés, et de nouvelles élections doivent se tenir dans un délai de 20 à 40 jours.
a) Le cadre juridique de la dissolution
Le droit de dissolution est un outil politique majeur permettant au président de régler une crise institutionnelle ou de réaligner la majorité parlementaire avec la majorité présidentielle. Contrairement à la plupart des régimes parlementaires, où ce droit appartient au Premier ministre ou est strictement encadré, le président de la Cinquième République dispose d’une grande liberté d’action pour recourir à la dissolution.
Garanties et restrictions
Cependant, des limitations spécifiques existent pour prévenir les abus :
- Pas de dissolution à répétition : Une dissolution ne peut intervenir dans l’année suivant une précédente dissolution.
- Interdiction en période de pouvoirs exceptionnels (article 16) : Lorsqu’un président exerce des pouvoirs d’urgence, il ne peut dissoudre l’Assemblée.
- Interdiction en cas d’intérim présidentiel : Le président par intérim ne peut dissoudre l’Assemblée.
b) La pratique du droit de dissolution
Bien que théoriquement puissant, ce droit a été utilisé de manière modérée :
- Crises institutionnelles ou sociales : Par exemple, Charles de Gaulle a dissous l’Assemblée en 1968 après les événements de mai pour restaurer l’ordre et renforcer la légitimité des institutions.
- Alignement des majorités : François Mitterrand, en 1981 et 1988, a utilisé la dissolution après son élection pour obtenir une majorité parlementaire cohérente avec sa présidence.
- Dissolution tactique :
- Jacques Chirac, en 1997, espérait renforcer sa majorité parlementaire, mais cette dissolution a conduit à une cohabitation imprévue.
- Une autre dissolutions tactique ayant échoué : celle de Macron en 2024
D) Le Président et le Conseil Constitutionnel
1) Relations privilégiées avec le Conseil constitutionnel
En tant que gardien de la Constitution (article 5), le président de la République entretient des relations étroites avec le Conseil constitutionnel, qui veille à la conformité des lois et des engagements internationaux avec la Constitution.
2) Les prérogatives présidentielles liées au Conseil constitutionnel
- Nomination des membres (article 56) : Le président nomme trois des neuf membres du Conseil constitutionnel, dont le président du Conseil. Ce pouvoir lui confère une influence importante sur l’organe chargé de garantir la constitutionnalité des lois et des traités.
- Saisine du Conseil constitutionnel (articles 61 et 54) :
- Article 61 : Le président peut saisir le Conseil pour vérifier la constitutionnalité d’une loi avant sa promulgation.
- Article 54 : Il peut également déférer un engagement international non encore ratifié, afin de s’assurer de sa conformité avec la Constitution.
- Membre de droit : À l’issue de son mandat, un président de la République devient membre de droit du Conseil constitutionnel.
3) Pratique actuelle
Dans la pratique, les présidents utilisent rarement la possibilité de saisir le Conseil sur des lois nationales et privilégient plutôt les saisines concernant des traités internationaux. Cela illustre une volonté de préserver la neutralité politique et d’éviter les confrontations directes avec le Parlement.
E) Le Président et la Nation
En tant que représentant de la nation, il peut dans des circonstances exceptionnelles s’afficher comme défenseur de la patrie et comme garant de l’indépendance de l’état et de ses institutions (2)
1) Le référendum législatif
L’article 11 de la Constitution de 1958 confère au président de la République la possibilité de soumettre directement au peuple, par référendum, un projet de loi portant sur des questions essentielles liées à l’organisation des pouvoirs publics, aux réformes économiques et sociales, au fonctionnement des institutions publiques, ou encore à la ratification de traités ayant un impact sur la Constitution.
a) Les autorités compétentes
Le processus décisionnel autour du référendum législatif fait intervenir plusieurs acteurs, bien que le rôle prépondérant du président soit manifeste.
-
Formellement, l’initiative appartient au gouvernement ou au Parlement :
- Le gouvernement peut proposer un référendum pendant les sessions parlementaires.
- Une proposition conjointe des deux assemblées peut également initier le processus.
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En pratique, le rôle déterminant du président :
- Hors périodes de cohabitation, le référendum est largement utilisé comme un instrument politique au service du président, qui contrôle effectivement le choix d’organiser ou non un référendum.
- Le Premier ministre et le gouvernement ne jouent qu’un rôle secondaire, souvent réduits à entériner la décision présidentielle.
- En cas de cohabitation, le Premier ministre pourrait théoriquement tenter de proposer un référendum en opposition au président, mais une telle situation ne s’est jamais produite.
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Le Parlement n’a jamais proposé de référendum : L’initiative parlementaire reste théorique et n’a pas été mise en œuvre depuis l’instauration de la Cinquième République.
b) L’objet ou le champ d’application du référendum
Le référendum législatif constitue une opportunité pour les citoyens d’intervenir directement dans le processus législatif en adoptant des lois sans passer par le Parlement.
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Un champ d’application étendu :
- L’organisation des pouvoirs publics (réformes institutionnelles, décentralisation, etc.).
- Les grandes réformes économiques et sociales.
- Le fonctionnement des institutions publiques.
- L’autorisation de ratifier un traité ayant des incidences constitutionnelles (notamment en matière d’intégration européenne).
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Une intervention ponctuelle des électeurs en tant que législateurs :
- Le référendum permet aux citoyens de jouer temporairement le rôle du Parlement, mais reste un outil rare et exceptionnel.
c) La pratique du référendum législatif
Depuis 1958, huit référendums ont été organisés sous l’article 11, illustrant les opportunités et les défis liés à cet outil démocratique.
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Un instrument politique délicat à manier :
- Le référendum exige une réponse binaire (oui/non) à des questions souvent complexes. Cela peut détourner l’objet initial du référendum et le transformer en vote d’approbation ou de désaveu de la politique générale du président ou du gouvernement.
- En cas d’échec, le référendum peut affaiblir considérablement l’autorité présidentielle.
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Exemples marquants de référendums sous l’article 11 :
- 1969 : L’échec du général de Gaulle. Le référendum portait sur la création des régions et la réforme du Sénat. Le rejet du projet a conduit à la démission du président, illustrant l’impact direct de cet outil sur la légitimité présidentielle.
- 2005 : Le rejet du traité établissant une constitution pour l’Europe. Le non des électeurs a surpris les observateurs et affaibli le président Jacques Chirac. Contrairement à de Gaulle, il a choisi de rester en fonction, suscitant des critiques.
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Problèmes de désintérêt et d’abstention :
- Certains référendums, bien que majoritairement adoptés, ont souffert d’un faible taux de participation, témoignant d’un désintérêt ou d’une méfiance des citoyens (63 % d’abstention lors du référendum sur la Nouvelle-Calédonie).
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Un outil largement abandonné après de Gaulle :
- Le général de Gaulle a eu recours quatre fois au référendum pour engager sa responsabilité politique. Après lui, cet outil a été utilisé avec une grande parcimonie, devenant quasiment une « branche morte » de la Constitution.
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L’échec de 2005 et ses conséquences :
- Le rejet du traité européen en 2005 a marqué un coup d’arrêt symbolique à l’utilisation du référendum dans la Cinquième République, renforçant l’idée qu’il est trop risqué pour les présidents.
Perspectives et critiques
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Un instrument sous-exploité ?
- Bien qu’il incarne une forme de démocratie directe, le référendum reste marginalisé en France, souvent perçu comme trop risqué politiquement.
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Des risques plébiscitaires :
- Le référendum est parfois critiqué pour son potentiel à devenir un outil plébiscitaire, permettant au président de renforcer sa légitimité personnelle plutôt que de se concentrer sur l’objet précis du vote.
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Un outil à revitaliser ?
- Certaines propositions récentes visent à revitaliser l’usage du référendum, notamment en introduisant des référendums d’initiative citoyenne (RIC) pour permettre une participation plus directe des électeurs aux décisions politiques.
2) Les pouvoirs exceptionnels de crise du président de la république
L’article 16 de la Constitution confère au président de la République des pouvoirs élargis, parfois décrits comme une dictature républicaine provisoire, pour sauvegarder l’État et les institutions dans des circonstances exceptionnelles.
a) Origine du texte
L’article 16 est le produit de l’histoire politique troublée de la France, en particulier :
- L’incapacité de la IIIe République à gérer efficacement des crises graves, notamment celles ayant conduit à l’instauration du régime de Vichy.
- Le souvenir de l’effondrement des institutions républicaines, perçu comme le résultat d’un manque de dispositions légales pour réagir rapidement et fermement face à une menace existentielle.
Le général de Gaulle, en 1958, a voulu garantir que la République disposerait des moyens légaux nécessaires pour faire face aux crises les plus graves, sans sombrer dans l’arbitraire ou l’impuissance. L’article 16 a ainsi été conçu comme une « mini-constitution » de crise, inspirée par des principes républicains mais conférant des pouvoirs considérables au président.
b) Conditions d’application
L’article 16 ne peut être activé que dans des situations exceptionnelles, strictement encadrées par des conditions de forme et de fond.
Conditions de forme
- Le président doit consulter :
- Le Premier ministre,
- Les présidents des deux assemblées parlementaires,
- Le Conseil constitutionnel.
- La consultation est obligatoire mais non contraignante, ce qui signifie que le président n’est pas lié par les avis exprimés.
Conditions de fond
Deux conditions cumulatives doivent être remplies :
- Une menace grave et immédiate :
- Pesant sur les institutions de la République, l’intégrité du territoire, l’indépendance de la nation, ou les engagements internationaux.
- Interruption du fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels, empêchant l’action normale des institutions.
L’article ne peut être utilisé pour des désaccords politiques classiques ou des tensions institutionnelles. Toute tentative d’utilisation abusive serait perçue comme une violation flagrante de l’esprit de la Constitution.
c) Effets de l’article 16
Concentration des pouvoirs
Une fois activé, l’article 16 confère au président la capacité d’agir dans des domaines normalement réservés au gouvernement ou au Parlement :
- Pouvoir exécutif : Le président peut prendre des mesures dans le domaine réglementaire ou exécutif.
- Pouvoir législatif : Il peut intervenir dans les domaines normalement réservés au Parlement.
Cette concentration des pouvoirs peut entraîner une confusion entre les rôles exécutif et législatif, renforçant considérablement la prépondérance présidentielle.
Contrôles et limites
- Les actes du président dans le cadre de l’article 16 sont soumis au contrôle du Conseil d’État lorsqu’ils relèvent du domaine réglementaire.
- Le Parlement est réuni de plein droit et ne peut être dissous. Toutefois, son pouvoir est limité, car il ne peut entraver les mesures prises par le président.
Précédent historique
L’article 16 n’a été utilisé qu’une seule fois, par le général de Gaulle, entre avril et septembre 1961, lors du putsch des généraux en Algérie. Pendant cette période :
- Le président a pris des mesures d’urgence pour rétablir l’ordre, avec une certaine efficacité.
- Cette expérience a démontré l’utilité potentielle de l’article mais aussi les risques inhérents à une telle concentration de pouvoirs.
d) Débats contemporains
Critiques de l’article 16
- Risque de dérive autoritaire : La concentration des pouvoirs dans les mains d’un seul individu pourrait favoriser des abus, notamment en cas d’interprétation extensive des conditions d’application.
- Obsolescence : Certains estiment que d’autres mécanismes, comme l’état d’urgence ou l’état de siège, rendent l’article 16 superflu.
- Alternatives disponibles : Lors des émeutes urbaines de 2005 ou des attentats terroristes de 2015, la France a préféré recourir à la loi sur l’état d’urgence, évitant ainsi l’usage de l’article 16.
Propositions de réforme ou d’abrogation
Bien que régulièrement débattue, notamment dans les cercles académiques et politiques, aucune réforme significative n’a été entreprise pour abroger ou modifier l’article 16. Son maintien souligne une tension persistante entre la nécessité d’outils juridiques pour gérer les crises et la crainte des dérives autoritaires.
e) Perspectives
L’article 16 reste une disposition exceptionnelle, à manier avec prudence. Si son existence peut être justifiée par le besoin de faire face à des crises existentielles, son usage reste controversé et soulève des questions sur les limites du pouvoir présidentiel dans un État démocratique.