Les pratiques commerciales trompeuses : définition, sanction

Les pratiques commerciales trompeuses.

La notion de “pratique commerciale” est plus large que la notion de publicité. La directive européenne n° 2005-29 du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs en donne la définition suivante : « toute action, omission, conduite, démarche ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing, de la part d’un professionnel, en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d’un produit au consommateur »  L’article L. 121-1 du Code de la consommation pose un principe général d’interdiction des pratiques commerciales déloyales.

 

Section 1 : Définition des pratiques commerciales trompeuses.

  Avant, on parlait de publicité trompeuse et avant même qu’il soit question de publicité trompeuse, il s’agissait de publicité mensongère donc on a connu en ce domaine une évolution des incriminations, dont les étapes les plus récentes sont issues de deux grandes lois de 2008 puisque l’incrimination de pratiques commerciales trompeuses est issue de la loi dite Châtel du 3 janvier 2008 et la loi LME est venue modifier certains des points relatifs prévus par la loi de janvier. C’est une infraction substituée à celle de publicité trompeuse. Cela ne se réduit pas à une modification terminologique. Il s’agit dans le fond du droit d’une évolution de l’infraction elle-même mais sans qu’il y ait de rupture frontale, brutale avec le droit antérieur puisque les pratiques commerciales trompeuses constituent une infraction qui va continuer d’avoir pour noyau dur la publicité trompeuse. Cette infraction a un périmètre plus large, elle va donc permettre de réprimer des comportements qui n’auraient plus l’être avant par la publicité trompeuse: c’est donc une innovation extensive. Pour bien comprendre cette innovation, il faut rappeler dans une brève introduction l’évolution du droit en matière de publicité qui a donné lieu à l’incrimination de pratiques commerciales trompeuses.

 

 

 

Il faut remonter aux années 1950, le législateur s’est rendu compte que la publicité commerciale alors en plein essor pouvait représenter un danger pour les consommateurs. La publicité commerciale est un discours qui a pour objet de prôner, de venter les qualités de tel ou tel objet et donc n’a pas pour objet d’informer, ce qui relève de la publicité légale. Le but est ici de séduire donc utilisation de procédés comme l’humour, la dérision, l’emphase donc pas de reflet scrupuleux de la réalité, au contraire: représentation élogieuse, plaisante. Dans une certaine mesure, c’est parfaitement acceptable et c’est le principe de la liberté d’expression qui s’applique. Dans une certaine mesure, c’est une pratique licite. Parfois, il y a des excès qui ont pour effet, pour conséquence d’abuser de la crédulité des consommateurs et le pas est vite franchi entre une description emphatique et ce qui va constituer une présentation trompeuse de celle-ci. Avant toute intervention du législateur, si une publicité avait trompé le consommateur, on pouvait envisager les poursuites de droit commun comme l’escroquerie mais les éléments constitutifs sont parfois difficiles à prouver car suppose l’existence de manœuvre. Donc, cela a révéler une lacune juridique donc intervention du législateur. Loi du 2 juillet 1963. C’est la première intervention du législateur en France. Par cette loi de 1963, le législateur a incriminé la publicité mensongère pour réprimer certaines abus dans l’usage du discours commerciale mais cette incrimination s’est vite révélée trop étroite, seules était visé la publicité mensongère qui est plus étroite que la publicité trompeuse ou de nature à induire en erreur. Qui dit mensongère dit mensonge. Or le mensonge n’est pas établi en droit pénal par la seule fausseté de l’affirmation. Il faut que soit caractérisée la conscience qu’avait l’agent d’énoncer des propos contraire à la réalité. Or cette intention de tromper autrui en énonçant un mensonge ne caractérisait pas toujours les discours publicitaire qui pouvaient être dangereux pour les consommateurs mais ne reposait pas sur une mauvaise foi de l’agent qui n’avait pas la volonté de tromper. Or, il fallait aussi sanctionner ces actes.

 

 

 

D’où la nécessité d’une nouvelle loi qui débouche sur la loi du 27 décembre 73 dite loi Royer. Cette loi est venue incriminer la publicité trompeuse ou publicité de nature à induire en erreur. C’est donc un élargissement de l’incrimination qu’apporte cette loi puisque désormais la publicité peut être réprimée parce que trompeuse sans être mensongère. Cela contribue à renforcer la protection des consommateurs. Les dispositions issues de la loi de 1973 ont été inséré es dans le Code de la consommation aux articles L121-1 à L121-7 du Code de la consommation. L’article L121-1 du Code de la consommation : définition longue et lourde. Dans son ancienne rédaction était interdite toute publicité comportant sous quelques forme que ce soit des allégations, indications ou présentations fausse ou de nature à induire en erreur lorsqu’elle porte sur l’un des éléments ci-après, s’en suit une liste très longue. Le législateur avait voulu embrasser largement les pratiques de publicité trompeuse. De fait, le législateur avait réussi de façon satisfaisante à cerner la publicité trompeuse. Ce texte a donné lieu à une jurisprudence très fournie. L’infraction était en effet l’une des infractions les plus fréquemment commise en droit pénal de la consommation: jurisprudence qui ne se contente pas d’appliquer mais interprète. Cette incrimination est une incrimination dont on ne peut se désintéresser. Aujourd’hui encore, la pratique commerciale trompeuse continue de consister en une publicité trompeuse donc pas de rupture avec le droit antérieur: Prolongement qui consiste en un élargissement de l’incrimination : loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence…qui a modifié L121-1 du Code de la consommation qui substitue les pratiques commerciales trompeuses à la publicité trompeuse. Ce n’était pas prévu, cela s’est fait au hasard d’un amendement. Transposition d’une directive du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à- vis des consommateurs. Est ce que cette transposition était nécessaire? En effet, on avait déjà un droit très protecteur des consommateurs, ce n’est pas certain. On peut avoir le sentiment que le législateur a voulu faire preuve de zèle. Sont donc introduites dans le code les pratiques commerciales trompeuses mais à peine avait-on pris acte de cette modification qu’une autre loi est encore intervenue.

 

 

 

C’est la loi du 4 août 2008, LME qui est venue modifier certaines des dispositions de la loi du 3 janvier 2008 ce qui est révélateur d’une façon de légiférer : le législateur procède touche par touche en modifiant au gré, si ce n’est au hasard, des textes très récents ce qui confère au droit pénal une certaine insécurité juridique : un texte est à peine reçu qu’il fait l’objet d’une modification.

 

 

 

Ces pratiques commerciales trompeuses sont un des aspects des pratiques commerciales déloyales définies à l’article L120-1 du Code de la consommation. Cet article dit que ces pratiques sont interdites. L’article précise notamment, afin de définir de manière peu précise mais donnant des éléments de compréhension : en tant que pratiques commerciales qui sont contraires aux exigences de la diligence professionnel et qu’elle altère ou est susceptible altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Les pratiques commerciales déloyales englobent les pratiques commerciales trompeuses, mais également les pratiques commerciales agressives issues de la loi du 3 janvier 2008 qui sont définies aux articles L122-11 et L122-11-1 du Code de la consommation.

 

 

 

Les valeurs protégées doivent être mises en évidence car permettent de mieux comprendre ce que le législateur veut protéger par ces divers textes. L’évolution des incriminations relèvent une évolution des valeurs que le législateur veut protéger. Dans un premier temps, pour réprimer la publicité mensongère, le législateur l’a fait autant pour protéger le consommateur que pour protéger les concurrents entre eux. La ratio legis, la valeur protégée était autant la protection du consommateur que celle d’une saine et loyale concurrence. Progressivement et à mesure que le droit de la consommation devenait important, le législateur a voulu protéger d’avantage les consommateurs. C’est cette évolution que parachève la directive du 11 mai 2005 à l’origine de l’incrimination des pratiques commerciales trompeuses. En transposant cette directive, le législateur montre qu’il agit ici désormais essentiellement dans l’intérêt des consommateurs à l’égard de certaines pratiques développé es par les entreprises. Cette évolution des valeurs se répercutent sur les personnes qui peuvent être victime ou auteur.

 

 

 

Enfin, il faut signaler que cette infraction, et avant l’infraction de publicité trompeuse possède des points communs avec d’autres qualifications pénales, que ce soit du droit pénal de la consommation ou du droit pénal des biens. En particuliers, ces pratiques peuvent être proches de l’infraction de tromperie, on a ce même élément qui consiste dans le fait qu’une personne est abusée e dans l’idée qu’elle se fait d’un service mais également, on trouve des liens avec l’escroquerie du code pénal. La question est alors de savoir si une même pratique peut être saisie sous ces différentes qualifications : la jurisprudence s’attache à savoir qu’elle est la valeur protégée :

 

 

 

  • En ce qui concerne l’escroquerie, la valeur protégée est la propriété qui est une valeur différente de celle sous-jacente à l’incrimination de pratique commerciales trompeuses où on cherche la validité du consentement. Donc, dans la mesure où la valeur procédée est différente, si les éléments sont réunis, il est possible de cumuler.

 

  • De même, cumul avec la tromperie: pour la tromperie, il s’agit de réprimer un comportement positivement malhonnête alors que la publicité trompeuse repose sur la simple possibilité d’induire en erreur donc des arrêts de la Cour de cassation ont admis le cumul de la tromperie et des publicités trompeuses. Arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 4 mai 2005. Mais bien souvent, on remarquer que les juges du fonds retiennent cette double qualification. Jugement du TGI de Paris de 2007 : pour un site internet de vente en ligne qui présentait des sacs comme étant de grandesmarques alors que ce n’étaient pas des sacs de marques.

 

 

 

Section 2 : la répression

 

  1. I) La prescription de l’action publique.

 

 La question n’est pas de savoir le délai qui est de 3 ans (délit) mais de savoir quel est le point de départ. Pour déterminer le point de départ, il faut se reporter à la nature de l’infraction: instantanée ou continue ? De la nature dépend la fixation du moment où commence la prescription. La jurisprudence est constante: infraction instantané e: il n’y a pas lieu de considérer qu’il en ira autrement pour ce qui concerne les pratiques commerciales trompeuses. Dès lors qu’on retient la nature instantanée de l’infraction: exemple avec l’envoi de spam publicitaire, le fait de mettre dans un lieu public une affiche avec un caractère trompeur. Un premier enseignement à en tirer, en cas de modification, de rectificatif, cela n’influe pas sur l’infraction qui a été consommé e: cela ne remet pas en cause l’existence de l’infraction. En ce sens, arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 30 mai 1989. Dès lors, en toute rigueur, le point de départ de la prescription de l’action publique, devrait être situé au moment où l’infraction a été commise, par exemple au moment où le message publicitaire a été mis à disposition du public. Cette solution de droit commun a semblé inopportune à la Cour de cassation pour une infraction dont elle cherche à favoriser la répression donc celle-ci cherche à reporter le point de départ. C’est ce qu’elle fait en a matière: la Cour de cassation considère que le point de départ de l’infraction est reportée au jour où l’infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant l’exercice des poursuites : arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 20 février 1986. La Cour a considéré que dans le cas de certaines publicité trompeuse, les victimes ne se rendent pas immédiatement compte qu’elles sont victimes: achat d’un objet mais c’est à l’usage qu’il apparaît que le bien ne répond pas aux mentions apparues dans la publicité. La Cour prend en considération le moment où les victimes ont pu se rendre compte de la fausseté des allégations car auront pu le constater. Arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 22 mai 2002. Cette solution qui a donc été de jurisprudence constante vient d’être rappelée par la Cour de cassation qui l’étend aux pratiques commerciales trompeuses : arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 4 novembre 2008. La Cour de cassation approuve une Cour d’appel qui avait, en matière de publicité trompeuse, reporté classiquement le point de départ: la Cour de cassation pratique ici par un obiter dictum : précision qui n’est pas utile pour l’affaire en cause mais un signal qu’elle envoi pour les juristes pour lui faire comprendre qu’à l’avenir, si la question se pose, c’est cette solution qu’elle consacrera. L’affaire concernait la publicité trompeuse mais la Cour de cassation fait référence incidemment aux pratiques commerciales trompeuses pour montrer qu’il y aura un lien. « La Cour d’appel qui a justement rappelé qu’en matière de publicité de nature en erreur, devenues pratiques commerciales trompeuses le point de départ du délai de prescription de l’action publique est fixé au jour où le délit est apparu et a pu être constaté dans des conditions permettant l’exercice de cette action ». Donc, continuité entre les incriminations.

 

 

 

  1. II) Les peines.

 

 La personne responsable est celle pour le compte de laquelle la pratique commerciale trompeuse est mise en œuvre, c’est ce que précise l’article L121-5 du Code de la consommation. En pratique, cela désigne la personne qui a vocation à bénéficier de l’erreur induite par la pratique commerciale trompeuse, qui peut être une personne physique ou une personne morale. C’est un délit dont la tentative n’est pas incriminée. Pour ce qui concerne les peines applicables aux personnes physiques, l’article L121-6 du Code de la consommation renvoi aux peines qui sont prévues au premier alinéa de l’article L213-1 du Code de la consommation. Ces peines sont celles prévues pour la tromperie. Ces peines consistent en un emprisonnement de 2 ans et une amende de 37 500 € ou l’une de ces deux peines seulement. Pour ce qui concerne les pratiques commerciales trompeuses, dispositions propre qui prévoit que lorsqu’une amende sera prononcée, elle peut être portée à 50% des dépenses de la publicité ou de la pratique constituant le délit. C’est l’article L121-6 alinéa 2 du Code de la consommation. Cela peut être considérable en cas de gros budget publicitaire: c’est dissuasif. Pour ce qui concerne les peines complémentaires : publication du jugement. Pour les personnes morales, il a fallu attendre une loi du 12 juin 2001 pour que leur responsabilité pénale soit reconnue en matière de publicité trompeuse. Pour ce qui concerne les peines qui leur sont aujourd’hui applicables, ce sont des peines qui consistent en une peine d’amende qui est fixé selon les modalités prévues par l’article L131-38 du Code pénal : taux maximum égal au quintuple de l’amende prévue pour les personnes physiques. S’appliquent également les peines mentionnées à l’article L131-39 du Code pénal du 2°) au 9°).

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