Les principes budgétaires (annualité, unité, universalité…)

Grands principes budgétaires (annualité,unité, universalité…)

La présentation du droit des finances publiques faite couramment fait intervenir ou exhume différents principes budgétaires. Ces « principes budgétaires », ou règles budgétaires, sont assortis d’un grand nombre d’exceptions. La réalité de l’action en finances publiques privilégie les exceptions, et il n’y a pas lieu de parler de principes.

Dans une perspective globale d’observation du droit des finances publiques, il n’y a qu’un unique principe que l’on pourrait exhumer de l’ensemble des règles positives : c’est le principe de la clarté et de la sincérité des comptes publics à destination des représentants. Ce principe est d’autant plus valable qu’on peut l’observer de manière transversale à travers toutes les grandes codifications relatives aux finances publiques. Depuis la Révolution, en passant pas la codification du XIX siècle, jusqu’à aujourd’hui, on observe un grand principe sortant de ces textes : celui de la clarté. Charles Louis Gaston Audiffret, marquis, doit être considéré comme le grand codificateur du droit des finances publiques sous les monarchies censitaires. Il n’a cessé de revendiquer un seul principe pour son œuvre : l’ordre et la lumière. L’ordre et la lumière du système comptable est la clarté et la sincérité des comptes publics.

C’est sous ce principe que l’on peut ranger ce que d’aucuns appellent des principes (en se trompant). Ces règles budgétaires sont :

– L’annualité,

– La règle de l’unité,

– La règle de l’universalité,

– La règle de la spécialité.

Elles se sont vues adjoindre : – Une règle de l’équilibre, – Une règle de sincérité.

— La règle de l’annualité budgétaire constitue incontestablement un des fondements du droit public financier. Cette règle que l’on trouve dans tous les grands textes budgétaires. On le trouve aussi bien au niveau des finances de l’Etat, quelques soient les époques, qu’au niveau des finances locales, et dans les finances dites sociales. On en trouve des traces dans les finances européennes.

Cette annualité budgétaire doit être comprise comme l’obligation du consentement annuel de l’impôt, exprimée tous les ans à travers l’article 1 de la loi de finance annuelle. Tous les ans, la loi de finance doit valider le consentement de l’impôt.

L’annualité budgétaire signifie que ce consentement annuel doit être préalable. Notre loi de finance doit être adoptée avant le 31 décembre minuit de l’année n-1 pour 26 être valable l’année n. Le projet de loi de finance pour 2007 doit être promulgué avant le 31 décembre 2006 en vertu du principe de l’annualité de l’impôt. Annualité budgétaire Manifestation juridique dans la loi de finance Caractère préalable du consentement de du consentement de l’impôt. On parle d’une contrainte juridique, alors que le terme fait référence à l’annualité budgétaire. Cela impose de discuter et de voter annuellement ce qui s’appelait originellement la loi de l’impôt puis loi de budget et loi de finance. Certains auteurs ont tenté de définir l’annualité budgétaire comme une règle qui emporterait des conséquences proprement budgétaires et non plus simplement fiscales. L’autorisation de dépenser n’est pas valable qu’un an ! La règle d’annualité doit être réduite à son acception originelle : la démocratie financière.

— L’unité budgétaire vise à la mise en œuvre d’une forme de clarté et d’une transparence des comtes publics. Cela signifie que l’on va porter à la connaissance de la représentation un document unique. Tous les mouvements financiers concernant une collectivité vont être décrits dans le même document appelé le budget. Le budget devait décrire tous les mouvements financiers. Il s’agissait là de mettre en œuvre un consentement éclairé. Du principe originel d’unité, on a un peu évolué. Les activités administratives, les mouvements, les prises en charge de l’activité publique se sont multipliés. Aujourd’hui, la multiplication de l’activité administrative à travers la multiplication des politiques publiques s’exprime à travers le budget de l’Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics… Les AAI possèdent un budget propre représentant une partie de l’autorité de l’Etat. L’on peut citer également les budgets annexes représentant bien une autonomie financière d’une partie d’un service, d’une collectivité publique. L’unité, à l’origine, est un document financier unique qui présente à la connaissance de la représentation l’ensemble des mouvements financiers. On assiste à une multiplication des documents financiers qui concourent à assombrir cette notion, ou à l’obscurcir. L’unité doit être comprise dans son acception la plus large : il faut décrire l’ensemble des mouvements financiers décrits dans le budget, par forcément dans un seul document. Ce budget doit être soumis à une instance représentative.

La règle d’universalité :

l’universalité budgétaire décrit classiquement deux réalités financières à ne pas confondre.

La non contraction des recettes et des dépenses (ou règle du produit brut) : elle poursuit encore un objectif de clarté des comptes. Il s’agit de présenter l’ensemble des recettes et des dépenses qui concernent chaque opération réalisée par le budget de l’Etat. Ce n’est pas une évidence. Il s’agit de revenir sur une pratique, le produit net. Ce produit net opérait une compensation entre les recettes et les dépenses d’une même opération. Aujourd’hui, on veut tout voir. Ex. sous la Restauration, le produit des jeux de hasard, la loterie ne figurait que pour son produit net, c’est-à-dire qu’on ne faisait figurer dans les recettes de l’Etat que le montant du bénéfice des loteries, qui constituait une recette. Or, les parlementaires et aussi les administrateurs ont considéré que pour des raisons de clarté des comptes, il fallait présenter au sein du budget, l’ensemble des montants des produits de la loterie en recette et faire figurer en dépenses l’ensemble des coûts de la loterie (dont les gains versés aux gagnants). La règle du produit net permettait ne présenter que les 10 millions entrants, alors que le produit brut présente 60 millions de recettes, et 50 millions de dépenses. Ex. une statue en bronze avait été réalisée à partir des canons retirés des bateaux. Il a transmis à une fonderie les canons, et le ministère n’a payé que le coût de 27 la fonte des canons. Les parlementaires ont exigé que l’on facture à la fonderie la coût du bronze et qu’elle refacture l’ensemble de la prestation, incluant le coût du bronze.

La non affectation des recettes : elle signifie qu’en droit budgétaire, on n’opère pas de lien juridique entre une recette et une dépense. C’est la définition traditionnelle de la non affectation. Il faut restreindre cette règle de non affectation au niveau comptable. Toutes les sommes transitent par une caisse unique qui est la caisse de la personne morale concernée, avant d’en ressortir sous forme de dépense. Comment comprendre cette subtilité ? À l’origine, sous l’Ancien Régime, les impôts ou les différentes recettes abondaient une caisse. Chaque recette était perçue par un collecteur, et entrait dans la caisse. La dîme de Cahors entrait dans la caisse du receveur de la dîme de Cahors. Une fois que les sommes étaient entrées dans les caisses, elles étaient disponibles. À l’époque, on affectait à cette caisse une dépense. Quand le Roi commandait l’édification de fortifications à Cahors, il affectait cette dépense à la caisse qui contenait la dîme de Cahors. Sous l’AR, on avait bien une affectation d’une dépense à une recette par l’intermédiaire d’une caisse. Cette affectation offrait un intérêt pratique : on pouvait gérer précisément la trésorerie. Quand la caisse était vide, on ne pouvait plus ordonnancer de dépenses. Lorsqu’elle est pleine, on peut connaître caisse par caisse le solde de chaque caisse. Avec l’accroissement de la circulation de l’information financière, il devient possible d’opérer des liens comptables entre chaque caisse. On sait au niveau central que la caisse de la dîme de Cahors est excédentaire, mais que la caisse de la gabelle de Cahors est déficitaire. Le pouvoir central comprend où sont ses capacités et ses besoins de trésorerie. Il peut organiser des transferts de fonds entre les caisses déficitaires et les caisses excédentaires, au niveau national (par le jeu d’écriture de l’intendant national). On conserve le système d’affectation pendant tout l’AR. Progressivement, à la monnaie en numéraire se substitue la monnaie scripturale. On paye en chèques, virements, traites. Progressivement, la vitesse de circulation de l’information comptable permet d’unifier au sein d’une caisse centrale tous les mouvements financiers. On opère un regroupement financier au sein d’une caisse centrale. L’ordre juridique va pouvoir passer de l’affectation d’une recette à une caisse et d’une dépense à cette même caisse à ce que l’on appelle le principe de non affectation, où toutes les recettes vont comptablement converger vers une caisse unique (le compte unique de l’Etat) duquel vont comptablement sortir toutes les dépenses de la personne morale concernée. En ce qui concerne l’Etat, ce compte unique s’appelle le budget général de l’Etat, définit par l’article 18 de l’ordonnance du 2 janvier 1959 comme le compte unique des mouvements financiers de l’Etat. La non affectation signifie que l’on n’opère plus de mouvements sur une caisse. D’aucuns pensent qu’il s’agit de ne pas affecter une dépense à une recette, ce qui semble incorrect. On observe au quotidien que certaines recettes sont bien affectées par la loi à certaines dépenses (ex. la CSG est bien affectée aux caisses nationales d’allocations familiales, et elles visent bien à couvrir une dépense particulière des dépenses sociales).

— La règle de spécialité :

c’est une règle de présentation des documents budgétaires. Le terme de spécialisation signifie une ventilation précise de la dépense publique. Pratiquement, cela signifie que nos dépenses vont être précisées dans leur montant, mais aussi dans leur affectation et que du degré de cette précision découlera la transparence des comptes publics. La spécialisation désigne la présentation originelle des documents budgétaires par ministères, au niveau de l’Etat. Progressivement, le Parlement réclame d’être mieux informé du détail de la dépense publique, et réclame donc une spécialisation accrue de ces documents. Le budget va être ventilé non seulement pas ministères mais aussi par titres comptables, c’est un détail d’approfondissement. Au sein de chaque titre, on spécialisera la dépense par chapitres, par articles… À l’heure actuelle, la nomenclature de la spécialisation a changé : les crédits sont spécialisés non plus par ministères, mais par missions, programmes, actions. La règle de la spécialité désigne en fait les modalités de la nomenclature budgétaire.

L’équilibre : cf. comptes des collectivités territoriales. Il n’est pas un principe univoque. En ce qui concerne l’Etat ou les collectivités locales, il ne signifie pas la même chose. L’équilibre est une notion centrale des finances publiques.

La sincérité : elle relève du principe de clarté des comptes publics. C’est une nécessité ancienne, mais dont la formalisation juridique s’opère à partir des années 1990 à travers des décisions du Conseil Constitutionnel, avant d’être repris dans la loi organique du 1er août 2001 (art. 29 à 32).