NOTIONS ÉLÉMENTAIRES DE PROCÉDURE CIVILE
La plupart des individus exercent leurs droits sans entrave, mais il arrive que certains droits fassent l’objet de contestations. En cas d’échec de toute résolution à l’amiable, les parties peuvent alors faire appel à la justice pour trancher le litige.
Principe de la sanction des droits
Tout droit s’accompagne d’une sanction légale pour garantir sa protection. Le recours à la justice, pour faire respecter ces droits, relève de l’autorité publique et ne peut être exercé que devant les juridictions de l’État. La justice, en tant que service public, est gratuite : les justiciables n’ont pas à rémunérer les magistrats, mais restent responsables des honoraires de leur avocat ou des frais de justice (avocats, huissiers, experts).
Arbitrage : une alternative à la justice étatique
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Pour éviter de soumettre un litige aux tribunaux, les parties peuvent recourir à l’arbitrage, une procédure alternative reconnue par la loi pour alléger l’engorgement judiciaire et réduire les délais. Cependant, l’arbitrage n’est possible que si les deux parties y consentent, ce qui peut se faire de deux manières :
- Clause compromissoire : une clause insérée dans un contrat qui prévoit le recours à l’arbitrage en cas de litige futur.
- Compromis : un accord conclu une fois le litige déjà survenu, en l’absence de clause compromissoire préalable.
Harmonisation européenne des principes de procédure
Autrefois, les règles de procédure civile étaient strictement nationales, mais aujourd’hui, l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) impose des normes de procédure garantissant le droit à un procès équitable, public et dans un délai raisonnable. Cette disposition, d’ordre supérieur, s’impose à la France et aux autres États membres, renforçant les garanties pour les justiciables et assurant une harmonisation des droits fondamentaux en Europe.
I – Les Principes Européens de Procédure
Les principes européens de procédure visent à garantir la justice et l’équité dans tous les systèmes judiciaires de l’Union européenne. Trois principes fondamentaux s’appliquent :
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Le droit à un procès équitable
Ce droit garantit un procès loyal, conforme aux règles de fond et de forme, pour que les droits de chaque partie soient protégés de manière égale. Chaque partie doit pouvoir présenter sa cause dans des conditions qui ne la désavantagent pas face à son adversaire. Cela inclut le droit d’être entendu par un tribunal indépendant et impartial, accessible à toute personne physique ou morale, sans discrimination de nationalité. -
Le droit à un procès public
La publicité des audiences renforce la transparence judiciaire et garantit que le déroulement des procès est accessible au public, sauf dans les cas où des exceptions sont justifiées (par exemple, la protection des mineurs). -
Le droit à un procès d’une durée raisonnable
La durée du procès doit être raisonnable et adaptée aux particularités de chaque affaire (complexité, circonstances spécifiques). Bien que la non-observation de ce délai puisse entraîner des recours, elle n’affecte pas la validité de la décision judiciaire.
Ces principes établissent une norme de justice accessible et équitable pour tous, et leur non-respect peut donner lieu à des réparations sans pour autant invalider la décision rendue.
II – Les Principes Fondamentaux de Procédure Civile
A – Les principes relatifs à la compétence des juridictions
Lorsqu’une action en justice est initiée, il est nécessaire de déterminer la compétence de la juridiction appropriée. Cette compétence se divise en deux catégories principales : la compétence d’attribution (rationae materiae) et la compétence territoriale. Ces critères permettent de désigner le tribunal compétent pour traiter le litige.
1. Compétence d’attribution (rationae materiae)
La compétence d’attribution est déterminée en fonction de la nature du litige, et vise à désigner le type de juridiction (par exemple, tribunal civil, commercial, pénal) qui sera apte à juger l’affaire. Ces règles sont considérées comme des règles d’ordre public et ne peuvent être modifiées par les parties. Toutefois, les parties peuvent, si la loi le permet, décider de recourir à un arbitre pour trancher le différend.
2. Compétence territoriale
Une fois la compétence d’attribution établie, il convient de déterminer la compétence territoriale. En règle générale, le tribunal compétent est celui du lieu du domicile du défendeur (la personne assignée en justice). Ce principe vise à réduire les désavantages pour le défendeur, puisque c’est le demandeur (celui qui initie l’action) qui le contraint à se défendre. Par conséquent, il est attendu que le demandeur se déplace au lieu de domicile du défendeur.
3. Exceptions à la compétence territoriale
Il existe plusieurs exceptions importantes où le lieu de compétence peut être différent du domicile du défendeur :
- Matière immobilière : Le tribunal compétent est celui du lieu où se situe l’immeuble concerné par le litige.
- Matière contractuelle : En cas de litige contractuel, la compétence peut être soit celle du tribunal du domicile du défendeur, soit celle du lieu de livraison ou d’exécution de la prestation contractuelle.
- Matière délictuelle : Pour les affaires liées aux délits ou quasi-délits, le demandeur a le choix entre le tribunal du domicile du défendeur et celui du lieu du dommage ou du fait dommageable.
Ces principes garantissent que le choix de la juridiction est effectué de manière juste et équilibrée, tout en prenant en compte les particularités de chaque type de litige.
B – Les principes relatifs au déroulement du procès
Une instance judiciaire est lancée par le demandeur, qui assigne le défendeur à comparaître devant le tribunal. Selon la juridiction concernée, le déroulement du procès varie, mais certains principes directeurs communs assurent la transparence, l’équité et l’efficacité de la procédure judiciaire.
1. Principe du contradictoire
Le principe du contradictoire garantit les droits de la défense : chaque partie doit pouvoir connaître et contester les arguments et preuves présentés par l’autre. Aucun élément (acte, document ou argument) ne peut être soumis au juge sans que l’autre partie en soit informée. Ce principe, essentiel pour un procès équitable tel que défini par la Convention européenne des droits de l’homme, exige que les parties soient présentes ou représentées à l’audience.
Le Code de procédure civile impose au juge de veiller au respect de ce principe. L’article 16 précise que le juge ne peut fonder son jugement sur un élément que l’une des parties ignore. Par exemple, si les parties considèrent leur contrat comme une vente mais que le juge estime qu’il s’agit en réalité d’une donation, il doit informer les parties de cette nouvelle interprétation et leur offrir l’opportunité de s’exprimer lors d’une audience supplémentaire.
2. Principe de publicité
La publicité des audiences assure la transparence de la justice. Les procès sont ouverts au public, permettant ainsi à chacun de vérifier les conditions de jugement. Les décisions de justice sont également accessibles au public. Une exception existe toutefois pour les mineurs, dont les procès se déroulent à huis clos afin de protéger leur vie privée.
3. Principe de gratuité
La justice est un service public et, à ce titre, l’intervention des juges est gratuite. Cependant, les parties doivent rémunérer les auxiliaires de justice (avocats, huissiers, greffiers). Pour les justiciables aux revenus modestes, une aide juridictionnelle est disponible pour couvrir les frais liés à la procédure.
4. Principe dispositif (neutralité du juge)
En matière civile, le principe dispositif confère aux parties la maîtrise de la procédure. Elles déterminent l’objet et les limites du litige, et le juge doit rester neutre sans élargir ni restreindre le périmètre du conflit soumis à sa décision. Ce fonctionnement est qualifié de procédure accusatoire, où le rôle du juge est avant tout d’arbitrer. Cependant, le juge peut ordonner des mesures d’instruction, telles que des expertises, pour éclairer certains points du dossier.
3 – Les principes relatifs aux jugements
Nature des décisions de justice
Une décision de justice peut être rendue immédiatement après les plaidoiries ou lors d’une audience ultérieure. Les termes utilisés pour qualifier les décisions varient selon l’instance et le type de juridiction :
- Ordonnance : rendue par un président de tribunal, un juge d’instruction, ou par un juge unique.
- Jugement : prononcé par une juridiction de premier degré (comme le tribunal).
- Arrêt : rendu par la Cour d’appel ou la Cour de cassation.
Les décisions sont contentieuses lorsqu’elles règlent un litige entre des parties et gracieuses lorsqu’elles concernent des demandes sans conflit, comme une demande d’adoption.
Notification de la décision et voies de recours
La partie ayant obtenu gain de cause doit signifier la décision à la partie adverse, ce qui se fait par voie d’huissier. Cela officialise la décision et fait démarrer le délai pour les recours. Deux types de voies de recours existent :
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Voies ordinaires : regroupent l’appel et l’opposition.
- Appel : permet à une partie de contester la décision rendue en premier degré devant la Cour d’appel, laquelle peut réexaminer le litige.
- Opposition : concerne le défendeur absent lors du jugement initial. Si la décision a été rendue par défaut (sans la présence du défendeur), celui-ci dispose d’un mois pour faire opposition, demandant que l’affaire soit rejugée en sa présence.
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Voies extraordinaires : incluent principalement le pourvoi en cassation.
- Pourvoi en cassation : permet de contester une erreur de droit commise par une juridiction inférieure. Ce recours, ouvert dans des cas strictement définis par la loi, doit être exercé dans un délai de deux mois après la notification de la décision.
Effets d’une décision contentieuse
Une décision contentieuse produit deux effets principaux :
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Autorité de la chose jugée : Elle empêche de contester ou de réouvrir le procès sur un litige identique. Pour invoquer l’autorité de la chose jugée, trois éléments doivent être réunis :
- Identité d’objet : la même demande que celle déjà jugée.
- Identité de cause : les mêmes motifs juridiques.
- Identité des parties : les mêmes personnes engagées dans le litige initial.
- Exemple : Si X a obtenu en 2004 la reconnaissance de son droit de propriété sur une parcelle contre Y, ce dernier ne peut en 2006 relancer un procès pour contester ce même droit, car X pourra opposer l’autorité de la chose jugée.
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Force exécutoire : Permet d’utiliser la force publique pour exécuter la décision. Elle devient exécutoire dès l’expiration des recours ordinaires, généralement au bout d’un mois, et on dit alors que la décision est « passée en force de chose jugée ».
Une décision devient irrévocable lorsque toutes les voies de recours, ordinaires et extraordinaires, ont été épuisées, rendant le jugement définitif et inattaquable.
SECTION 3 – L’Action en Justice
L’action en justice est le droit fondamental pour chaque individu de saisir les tribunaux afin de défendre ou faire valoir ses droits et intérêts. Ce droit est protégé et accessible à toute personne disposant des critères requis pour agir. Afin de pouvoir engager une action en justice, trois conditions essentielles doivent être remplies : l’intérêt, la qualité et la capacité.
1. Intérêt à agir
L’intérêt est le critère central de l’action en justice : nul ne peut engager une procédure s’il n’a pas un intérêt personnel et concret dans le litige. Cet intérêt se doit de présenter cinq caractéristiques essentielles :
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Né et actuel : L’action doit être fondée sur un préjudice réel et immédiat. Si le dommage est purement hypothétique, l’action est irrecevable. Cependant, un préjudice futur, s’il est certain, peut être pris en compte et réparé par la justice.
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Direct et personnel : L’individu doit défendre ses propres droits et intérêts. Dans certains cas, cependant, la loi autorise des tiers, comme les syndicats ou les ordres professionnels, à agir pour protéger des intérêts collectifs.
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Légitime : L’intérêt doit être juridiquement valable et conforme aux principes de droit. Par exemple, il est impossible de demander réparation pour la naissance d’un enfant, car la loi ne considère pas cela comme un dommage réparable.
2. Qualité pour agir
La qualité se réfère à la position légale ou au rôle qui permet à une personne d’engager une action en justice. Elle coïncide généralement avec l’intérêt, puisque le titulaire du droit concerné possède la qualité pour défendre ce droit. Mais la qualité peut être distincte de l’intérêt lorsqu’une personne agit par l’intermédiaire d’un représentant :
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Par exemple, un tuteur représente un mineur ou un majeur sous tutelle, et un administrateur agit au nom d’une société.
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La loi peut également restreindre le nombre de personnes autorisées à engager certaines actions. Ainsi, dans le cas d’une procédure de divorce, seuls les époux, et non leurs proches ou créanciers, sont habilités à engager l’action, bien que ces derniers puissent en ressentir un intérêt indirect.
3. Capacité à agir
La capacité juridique désigne l’aptitude à exercer ses droits sans l’assistance d’un tiers. Elle comprend :
- La capacité de jouissance, qui est le droit de posséder des droits et des obligations ;
- La capacité d’exercice, qui est l’aptitude à agir pour défendre ses droits soi-même.
Seules les personnes ayant cette double capacité peuvent intenter une action en justice de manière autonome. Les personnes sous tutelle ou curatelle, les mineurs, ou d’autres personnes juridiquement incapables doivent être représentées par un tuteur ou un représentant légal pour pouvoir agir en justice.
Ces conditions protègent l’intégrité du système judiciaire en s’assurant que seules les personnes réellement concernées, juridiquement aptes et disposant d’un intérêt tangible puissent introduire une procédure.
Ce cours d’Introduction au sciences juridiques est divisé en plusieurs fiches (notion de droit, sources du droit, biens, contrat, organisation judiciaire française
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