Que sont les Principes généraux du droit ( PGD) ?

Les principes généraux du droit ( PGD)

Les principes généraux du droit (PGD), apparus en 1934, représentent des règles non écrites qui s’appliquent néanmoins en tant que normes juridiques. Leur importance varie selon les domaines juridiques, mais ils permettent au juge de disposer de solutions dans les cas où la loi, le règlement ou les traités internationaux sont muets.

Contrairement aux autres sources du droit, les PGD ne reposent pas sur des textes adoptés par une autorité législative ou réglementaire. Leur force contraignante découle de leur reconnaissance par le juge, qui consacre leur applicabilité et leur valeur juridique en les utilisant pour trancher les litiges. Ces principes fondamentaux jouent donc un rôle clé en comblant les lacunes législatives et en offrant une continuité dans l’interprétation des règles de droit.

 

I- l’émergence des PGD

Les principes généraux du droit (PGD) sont d’abord apparus en droit public et en droit international public avant de s’étendre progressivement au droit privé. Ils permettent aux juridictions d’appliquer des normes fondamentales en l’absence de textes spécifiques, offrant ainsi des solutions lorsque les règles écrites sont insuffisantes ou inexistantes.

Origine en droit international public

En droit international, certains textes renvoient directement aux PGD. Par exemple, l’article 38 du Statut de la Cour internationale de justice stipule que cette cour doit appliquer, dans ses décisions, les « principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées ». Ces principes universels comblent les lacunes du droit international et assurent une cohérence dans les décisions rendues entre États.

Émergence en droit public interne

En droit public français, le Conseil d’État (CE) a recours aux PGD dès qu’il manque une législation précise. Un exemple notable est la décision du 22 mai 1946, dans laquelle le CE s’est fondé sur le principe général du respect des droits de la défense, en l’absence de codification de ce droit à l’époque. L’absence de textes pousse la jurisprudence administrative à exercer un véritable pouvoir créateur. En invoquant les PGD, le CE a ainsi structuré et unifié la protection des droits fondamentaux, même sans base légale explicite.

Introduction des PGD en droit de l’union européenne

Dans le Droit de l’Union européenne, les PGD ont aussi trouvé leur place, à mi-chemin entre le droit interne des États membres et le droit international. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a progressivement établi des principes tels que :

  • le principe de bonne administration (respect des droits des citoyens dans les procédures administratives),

  • le principe de coopération loyale (obligeant les États à coopérer fidèlement avec l’UE),

  • le principe de précaution (prévenant les risques graves pour l’environnement ou la santé publique).

Expansion des PGD en droit privé

De manière surprenante, les PGD ont également émergé dans le droit privé, domaine pourtant largement codifié. Depuis environ vingt ans, la Cour de cassation en France s’appuie de plus en plus sur ces principes pour pallier les insuffisances législatives dans plusieurs branches du droit privé, notamment en droit commercial, social, et international privé. Voici quelques exemples notables :

    • Principe de l’enfant conçu est réputé né : En droit de la famille, la Cour de cassation a reconnu que « l’enfant conçu est réputé né chaque fois qu’il en va de son intérêt », permettant ainsi de protéger les droits de l’enfant dès la conception.

    • Principe du trouble anormal de voisinage : En matière de voisinage, et en l’absence de dispositions spécifiques, la Cour de cassation a posé le principe que « nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage », offrant une protection contre les nuisances excessives.

    • Principe de l’enrichissement sans cause : En droit des obligations, la Cour de cassation a élaboré la théorie de l’enrichissement sans cause, établissant qu’il est interdit de s’enrichir au détriment d’autrui sans raison légitime.

    • Principe du respect des droits de la défense : Ce principe garantit à toute personne le droit de présenter ses arguments avant toute décision pouvant lui porter préjudice. Ce PGD a été reconnu par le Conseil d’État en 1944 et s’applique notamment en droit administratif.

    • Principe de non-rétroactivité des actes administratifs : En droit administratif, ce principe stipule qu’un acte ne peut produire des effets que pour l’avenir. Il protège ainsi les administrés contre les changements rétroactifs susceptibles de les désavantager.

    • Principe d’égalité devant la loi et les charges publiques : Ce PGD implique que toute personne doit être traitée de manière égale par les services publics et devant les impôts ou contributions, en évitant toute discrimination injustifiée.

    • Principe de la sécurité juridique : Reconnu en droit de l’Union européenne et de plus en plus appliqué en droit interne, ce principe impose une stabilité des règles de droit pour que les citoyens puissent prévoir les conséquences juridiques de leurs actes.

       

Les PGD comme sources créatrices de droit

Au fil des décisions, les juges peuvent consacrer ces principes comme de véritables règles de droit. Ce processus d’évolution jurisprudentielle fait des PGD une source essentielle du droit français, guidant la pratique judiciaire et contribuant à combler les lacunes législatives.

 

II- La place des PGD au sein du droit privé

Les principes généraux du droit (PGD) occupent une place particulière en droit privé et jouent un rôle complémentaire, parfois concurrent, par rapport à la loi. Ils se classent en trois catégories selon leur relation avec celle-ci :

  1. PGD secundum legem : Ces principes coexistent avec la loi, soit en étant explicitement reconnus, soit en étant déduits de l’esprit du texte légal.

  2. PGD praeter legem : Ils comblent les lacunes de la loi, offrant des règles pour les domaines non régis par celle-ci et assurant la cohérence de l’ordre juridique.

  3. PGD contra legem : Ils posent des principes contraires à certaines règles législatives. Par exemple, en droit des successions, la loi impose une égalité de traitement des biens, mais un arrêt de la Cour de cassation (civ. 1ère, 21 février 1978) a exclu les « souvenirs de famille » de cette règle, invoquant le principe de conservation des biens dans la famille.

La supériorité des PGD sur la loi ?

La question de la supériorité des PGD, surtout pour les principes contra legem, divise les auteurs, avec deux grandes écoles de pensée :

  • Théorie de la création : Selon cette approche, les PGD n’ont pas de force propre et sont créés par le juge pour adapter les règles aux besoins de justice.

  • Théorie de la découverte : Cette vision considère les PGD comme autonomes, préexistants à toute décision de justice. Le juge ne fait que « découvrir » ces principes, qui possèdent une valeur intrinsèque.

Place des PGD et leur relation avec la loi

En pratique, la place des PGD dépend de leur interaction avec la loi. Les PGD secundum legem et praeter legem sont souvent traités comme ayant une valeur égale à celle de la loi. Cependant, un PGD peut être considéré comme supérieur à la loi s’il émane d’une autorité supérieure.

Les PGD contra legem, bien qu’ils contredisent parfois la loi, deviennent une source significative de droit par leur reconnaissance en jurisprudence et sont souvent privilégiés par les juges lorsqu’ils permettent une solution plus équitable. Ils incarnent ainsi une source d’évolution dynamique dans le droit privé.

Le cours Introduction au droit français est divisé en plusieurs fiches (notion de droit, patrimoine, organisation judiciaire, sources du droit, preuves…)

 

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