Les privilèges généraux (AGS, frais de justice…)

LES PRIVILÈGES GÉNÉRAUX 

  Les privilèges généraux sont énumérés par l’article 2104 du Code civil  : ce sont le privilège des frais de justice et le privilèges des salaires. Le droit du redressement et de liquidation judiciaire est venu y ajouter le privilège des créances postérieurs à l’ouverture de la procédure.

Certain privilèges portent à la fois sur les meubles et immeubles du débiteur. Ils ont obligatoirement une origine légale mais leur nombre est en diminution depuis le décret du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière car ce sont des sûretés dangereuses qui existent quasiment à l’insu du débiteur
Ce sont malgré tout des sûretés essentiellement mobilières et accessoirement immobilières, du moins en théorie : en effet l’article 2105 du Code civil prévoit que le créancier en pourra exercer ses droits sur l’immeuble qu’à défaut de bien s meubles suffisant à le désintéresser. On commence par la discussion sur le meubles pour éviter un gaspillage du crédit immobilier.

 


I : LES DIFFÉRENTS PRIVILÈGES GÉNÉRAUX

Classiquement ils sont énumérés par l’article 2104 du Code civil : ce sont le privilège des frais de justice et le privilèges des salaires. Le droit du redressement et de liquidation judiciaire est venu y ajouter le privilège des créances postérieurs à l’ouverture de la procédure


A) LE PRIVILÈGE DES FRAIS DE JUSTICE

Il garanti les frais nécessaires qu’une personne a avancé dans l’intérêt commun des créanciers pour permettre la réalisation du patrimoine du débiteur. On considère que ces frais sont en réalité dus par tous
Le frais de justice permettent la conservation, la liquidation ou la réalisation des biens du débiteur mais ils seront privilégiés uniquement s’ils ont été utiles à tous les créanciers
Cet intérêt commun s’apprécie non pas au moment de l’engagement de l’action mais lors de la distribution du prix
Ce privilège ne sera opposable qu’aux créanciers bénéficiaires des frais et il grève tous les biens


B) LE PRIVILÈGE DES SALAIRES ET CRÉANCES ASSIMILÉES 

Il se justifie par la nature alimentaire de la créance. Dans le Code civil de 1804 il ne visait que «  les gens de maison » mais son domaine s’est élargit et à côté de ce privilège existe un super privilège. On doit aussi tenir compte de l’assurance garantissant les salaires : l’AGS

1. Le privilège

Il garanti les rémunérations du travail des personnes qui ont conclu avec un employeur un contrat de travail. Cela vise les salariés et les apprentis, à l’exclusion des défunts
Les modalités de travail et d de rémunération important peu.
Ce privilège a aussi été étendu aux créances de salaire différé : on accorde à l’enfant qui a travaillé dans l’exploitation agricole du parent décédé sans être rémunéré ou au conjoint qui a travaillé bénévolement dans l’activité commerciale ou agricole de l’autre une créance de salaire différé qui devra être payée par la succession
Les créances garanties comportent les rémunérations et certaines indemnités. Le privilège garanti toutes les sommes dues en application de la relation de travail, quel que soit sa dénomination. Des primes considérées comme un élément du salaire sont englobées si elles ont un caractère périodique
L’extension a aussi été prévue pour certaine autres sommes dues par un employeur en raison des mesures de lutte contre le chômage.
Les rémunérations privilégiées sont celles dues pour les 6 derniers mois et, pour les gens de maison, celles de l’année échue.
On s’est demandé si le délai de 6 mois était celui du travail précédant l’exercice du privilège ou l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire La jurisprudence admet désormais la seconde solution qui est la plus favorable aux salarié
Certaines indemnités énumérées par l’article 2104 du Code civil sont aussi couvertes ex : indemnité de congés payés, de licenciement dues en application des conventions collectives. Les autres indemnités de licenciement sont privilégiées jusqu’à un certain plafond, au delà elles ne sont plus privilégiées que pour ¼

 2. Le superprivilège

Dans toute procédure de redressement ou d liquidation judiciaire une partie des créances garanties par le privilège des salaires se voit accorder une garantie supérieure qu’on appelle e, pratique « superprivilège ».
Il date d’un décret-loi du 8 Aout 1935 ( art L.621-130 du code de commerce) et son but consiste à ce que ces créances soient payées malgré l’existence de toute autre créance, même privilégiée puisqu’il prime toutes les autres sûretés réelles sauf le droit de rétention
là encore on retrouve l’idée qu’il garantie les rémunérations de toute nature dues aux salariés, apprentis, V.R.P. et marins
Les rémunérations garanties sont dues pour les 60 derniers jours de travail pour les salariés et apprentis; pour les 90 derniers jours aux V.R.P. et pour les 90 derniers jours ou la dernière période de paiements i elle est plus longue pour les marins
Cette période vise les derniers jours de travail même s’il a pris fin avant l’ouverture de la procédure
Les rémunérations garanties sont limitées par un plafond qui ne peut être inférieur à deux fois le plafond retenu pour le calcul des cotisations sociales
Ces sommes devront être payée par l’administrateur ou le débiteur sur ordonnance du juge commissaire dans les 10 jours du jugement déclaratif s’il y a des fonds suffisant, sinon le versement devra se faire dès la première rentrée de fonds

 3 . L’assurance garantissant les créances salariales (AGS)

L’AGS est née à la suite du conflit LIP (appelé aussi affaire LIP) de 1973 : il n’y avait aucun argent pour payer le salariés. La loi du 27 décembre 1973 a alors décidé de créer une assurance obligatoire pour couvrir les dettes salariales de l’entreprise insolvable.
l’article L.143-11-1 du Code du travail prévoit que tout employeur ayant la qualité de commerçant, artisan, agriculteur ou personne morale de droit privé employant un ou plusieurs salarié doit assurer ceux ci contre le risque de non paiement des sommes dues au titre de leur contrat de travail en cas de redressement judiciaire
Là encore, le montant des sommes garanties sera plafonné.
Si les sommes dues en vertu du contrat de travail ne peuvent être payées le représentant des créanciers va présenter à l’AGS les relevés de compte et demander l’avance des fonds. Si l’AGS constate qu’il n’y a pas de fonds pour payer les salariés elle versera les sommes au représentant qui les reversera aux salariés
Pour les sommes du superprivilège, le relevé doit être établi dans les 10 jours de l’ouverture de la procédure et le versement s’effectuer dans les 5 jours de la demande ( sinon les délais sont de 3 mois et 8 jours)
Il est possible que le contrat de travail se poursuive pendant la période d’observation et que l’on aille à la liquidation : les délais sont alors de 10 jours pour faire la demande à compter de la liquidation et de 8 jours pour faire l’avance
l’AGS peut se faire rembourser les sommes avancées . Pour les créances superprivilégiées, elle sera subrogée dans les droits des salariés, il en va de même pour les sommes avancées au créancier en cas de liquidation, pour les autres sommes elle sera remboursée de la même façon que pour les créances antérieures au jugement d’ouverture


C) LE PRIVILÈGE DES CRÉANCES POSTÉRIEURES AU REDRESSEMENT JUDICIAIRE

Depuis longtemps on a eu l’idée qu’en cas de procédures collectives on devait dissocier les créances antérieures et les créances postérieures car si on privilégiait les créances postérieures le débiteur trouverait plus facilement des sources de financement et donc que les chances de remis à flot de l’entreprise sont accrues
Sous l’empire du droit antérieur à 1985 on distinguait les créanciers dans la masse et les créanciers de la masse. La loi de 1985 a repris ce principe en modifiant le système et cette disposition a été remaniée en 1994
La jurisprudence refuse d’y voir un privilège au sens technique du terme car elle considère que la priorité de paiement instituée ne dépend pas de la qualité de al, créance.
Les créanciers dont le concours permet la continuation de l’entreprise et dont les créances sont nées régulièrement après le jugement d’ouverture seront payés par préférence aux autres créanciers, même munis de sûretés réelle, exception faites des créances salariales.
En raison de certains excès le Code de Commerce a rétablit en 1994, mais seulement en cas de liquidation la primauté des créanciers titulaires de sûretés immobilières ou titulaires de sûretés mobilières assorties d’un droit de rétention ou en cas de nantissement du matériel ou de l’outillage
Il est nécessaire que plusieurs conditions soient réunies :
– la créance doit être née après le jugement d’ouverture de la procédure peu important sa nature. Ce qui compte est que le fait générateur de la créance et non son exigibilité. Cette question pose des difficulté pour les créances fiscales (il faut regarder au cas par cas selon la date d’exigibilité de l’impôt)
– La poursuite de l’activité
– La créance doit naître régulièrement c’est à dire dans le respect des pouvoirs des organes de la procédure
Les créanciers de L. 621-32 quand l’activité continue et que les fonds sont suffisant peuvent exercer des actions individuelles et mettre en œuvre des voies d’exécution. Dans le projet de réforme on ajouterait la condition «  pour les besoins de la procédure »

II : LE CLASSEMENT DES PRIVILÈGES GÉNÉRAUX 

Il ne suscite pas de difficulté en l’absence de procédures collectives. La solution résulte des articles 2101 et 2104 du Code civil : frais de justice en premier rang et les autres venant à égalité en second rang
La solution est plus complexe avec une procédure de redressement et de liquidation judiciaire : il faudra tenir compte du super privilège des salariés et du privilège de l’article L.621-32 du Code de commerce.


A) L’INCIDENCE DU SUPERPRIVILEGE DES SALARIES

En cas de procédures collectives L.143-10 du Code du travail et L. 621-32 du Code commerce donnent une priorité absolue au super privilège des salariés qui va primer tous les autres créanciers, y compris les autres privilèges.
On aura ce classement : 1er rang : super privilège; 2ème rang : privilège des frais de justice; 3ème rang : autres privilèges généraux ; dernier rang : autres créanciers avec sûretés réelles selon leur droit de préférence


B) L’INCIDENCE DE l’article L. 621-32 du Code de commerce

La différence de classement résultant de ce privilège tient au fait qu’il va primer un certain nombre de sûretés mais aussi être primé.
La difficulté a été accentuée avec la modification de cette disposition en 1994 qui fait varier l’intensité du privilège selon l’issue de la procédure.
L’idée générale est que ce privilège sera toujours inopposable aux créanciers munis d’un super privilège car celui-ci a une vocation alimentaire.
Ce privilège cède aussi face à un créancier qui utilise son droit de rétention en ce que le créancier privilégié ne peut obliger le rétenteur à se dessaisir du bien et donc à faire le saisir ( le droit de rétention ne cède même pas devant le super privilège des salariés) Cette solution s’applique aussi bien au droit rétention isolé ou englobé dans une autre sûreté réelle comme un gage
Ce privilège ne s’applique que pour les biens qui appartiennent au débiteur et non pour ceux qui, entre les mains du débiteur, sont restés la propriété d’un tiers d’où l’intérêt des sûretés fondées sur la propriété
Désormais on va devoir effectué un double classement

1. Le classement du privilège de L.621-32 du Code de Commerce par rapport aux autres privilèges

En cas de redressement par continuation ou cession : 1er rang : super privilège des salariés; 2eme rang: privilège de L.621-32 C.com; 3ème rang : privilège des frais de justice; 4ème rang : autres privilèges
En cas de liquidation judiciaire : 1er rang : super privilège des salariés; 2ème rang : privilège des frais de justice; 3ème rang : sûretés immobilières, sûretés mobilières assorties d’un droit de rétention, nantissement du matériel et de l’outillage; 4ème rang : L.621-32 C.com; 5 ème rang : autres privilèges

 2. Le classement interne à l’article L.621-32 du Code de commerce

Dans ce rang spécifique le législateur a prévu 5 catégories de créanciers : les créances de salaire dont le montant n’a pas été avancé par les AGS, puis les frais de justice engagés dans l’intérêt des créanciers de l.621-32 du Code de commerce, puis les prêts consentis par les établissement de crédit et les créances résultant des contrats poursuivis après l’ouverture de la procédure et dont le créanciers ont accepté un paiement différé; puis les sommes dont le montant a été avancé en vertu de L.143-11-1 du Code du travail et enfin toutes les autres créances.