Les procédés et méthodes d’interprétation des règles

L’INTERPRÉTATION DES RÈGLES DE DROIT

Le droit est constitué de normes dont l’application nécessite une interprétation . Les juges et les auteurs ne pourraient assurer ou faire assurer une mise en oeuvre effective de la règle de droit sans en rechercher le sens. Pour y parvenir, ils utilisent des « méthodes juridiques » c’est à dire des « méthodes d’interprétation » (I). Mais leur utilisation répond aux règles pratiques auxquelles elles sont soumises (II). Des maximes juridiques complètent les méthodes d’interprétation (III)

Il s’agit ici pour le juge, à partir de l’interprétation des règles de droit de concilier ces règles dans leur interprétation. Quelles sont les méthodes et les outils de l’interprétation ?

  1. Les deux méthodes classiques d’interprétation,
  • La méthode exégétique :Cette méthode est fondée sur l’exégèse du texte de loi. Ce n’est pas une interprétation littérale qui elle a pour objet de donner à un texte tous les sens grammaticalement correct que le texte peut revêtir. L’exégèse peut être définie par trois propositions :
    • o Quand la loi est claire il faut la suivre. L’exégèse n’intervient que si la loi est obscure. Le problème est qu’on ne peut définir ce qu’est un texte clair.
    • o Quand la loi est obscure il faut en approfondir les dispositions pour en pénétrer l’esprit. Il faut rechercher l’intention du législateur. Tout texte est l’expression d’une volonté qu’il faut rechercher. Souvent cette intention est introuvable. On se réfère alors au motif du texte, au contexte etc. Sinon il faut fonder l’interprétation sur l’équité (Idée de justice).
    • o Si la règle de droit est absente il faut alors recourir à l’usage ou à l’équité.

Dans le cas de la méthode exégétique, on admet que l’interprétation soit créatrice de règle de droit. Cette interprétation intervient en cas de carence de règle de droit. C’est par cette méthode que le code civil a été lu, découvert au 19ème. Puis au début du 20ème siècle, la libre recherche scientifique est apparue et qui est la deuxième méthode d’interprétation. Cette méthode d’interprétation a pour père Gény, qui a formulé cette analyse en partant d’une critique de la méthode exégétique. La critique est que la méthode de l’exégèse devient absurde lorsqu’elle recherche la volonté de l’auteur du texte alors même que cette intention du législateur date de plus d’un siècle. Cette méthode a été fortement critiquée car jugée abusive et insuffisante.

Et Gény considère que l’exégèse méconnait les changements ayant affecté la société française. En outre, il ajoute que la méthode de l’exégèse postule que toutes réponses se trouvent dans la loi et en quelque sortes que le code civil est infaillible.

  • La méthode sociologique ou méthode de la libre recherche scientifique : Gény propose une autre méthode qui consiste à constater que le législateur n’a pas pu tout prévoir et qu’il est alors inutile et même artificiel de rechercher son intention. Et donc que le juge ne peut pas fictivement s’appuyer sur un texte qui ne dit rien et donc qu’il faut dépasser le texte. C’est en ce sens que la recherche du juge est libre. La liberté ce n’est pas n’importe quoi, cette liberté est scientifique. Et donc si en fonction des données de la réalité de son époque que le juge va élaborer la règle la mieux adaptée aux besoins de la société dans laquelle il vit ; cette méthode invite le juge à s’affranchir d’une intention qui en tt hypothèse est historique.

Entre ces deux grandes méthodes, quel est le choix de la jurisprudence ? La jurisprudence se veut synthétique, c’est à dire, qu’elle utilise la méthode de l’exégèse parfois mais elle opère aussi une libre recherche scientifique. Mais la cour de cassation n’a pas fait de choix dogmatique et il est même fréquent qu’elle n’explique pas sa méthode d’interprétation.

  1. Les procédés techniques d’interprétation

Classiquement, on distingue les procédés d’interprétation rationnelle et formelle.

La première catégorie d’interprétation rationnelle regroupe les techniques qui sont fondées sur l’idée qu’une règle de droit doit être appliquée dans toute la mesure de sa raison d’être et seulement dans cette mesure. On dit qu’on recherche la ratio legis. Il existe différentes techniques d’interprétation rationnelle :

  • L’interprétation analogique. Dans cette technique, on recourt à l’argument a pari ; l’analogie c’est une opération intellectuelle de comparaison qui consiste à entendre la règle énoncée pour un cas à un cas qui est reconnu analogue et pour lequel il n’existe pas de solution donnée par une règle de droit. A situations semblables, règles identiques).
  • L’interprétation a fortiori. L’idée ici c’est qu’une règle formule une solution et à plus forte raison on en déduit une autre solution en se fondant sur la raison qui justifie la première règle.
  • Troisième interprétation. L’interprétation doit s’arrêter lorsque la raison d’être de la règle n’existe plus. L’idée est qu’il ne faut pas étendre le champ d’application des règles de droit à des hypothèses qui en sont exclues à raison que la raison d’être de la règle de droit disparait : cessante ratione legis cessat lex.

Dans les procédés formels, les techniques s’appuient sur les formules de la règle de droit, sur le texte. Il existe différentes techniques d’interprétation formelle :

  • L’interprétation a contrario. Ici c’est de dire que lorsque la règle de droit a énoncé une proposition elle a par la même exclue la proposition contraire.
  • L’interprétation stricte des dispositions d’exception (les exceptions sont l’interprétation stricte). L’idée qui fonde cette technique d’interprétation est que les règles d’interprétations sont plus rigoureuses que les règles de principe donc il faut en limiter le champ d’interprétation uniquement à ce que le texte vise. Il faut donc rechercher la raison d’être de la règle d’exception.

Il ne faut pas confondre interprétation stricte et interprétation restrictive puisque dans celle stricte on dit qu’il faut interpréter la règle de droit dans tout son champ d’interprétation alors que celle restrictive on veut limiter le champ d’application de la règle de droit.

Dans le cadre de l’articulation des règles de droit, pour concilier ces règles de droit, l’idée générale c’est que le juge doit retenir parmi tous les sens pouvant être donné à une règle l’interprétation qui sera conforme à la norme supérieure. Les trois types de solution d’articulation, de hiérarchie sont des modèles théoriques. Leur mise en œuvre est particulièrement compliquée.

III. Les maximes d’interprétation

Les maximes sont des principes généraux du droit exprimé le plus souvent sous forme d’adage.Certains servent à l’interprétation de la règle de droit.

1. Exceptio est strictissime interpretationis : Les exceptions sont d’interprétation stricte. Cette maxime signifie que lorsque le législateur admet une exception, celle-ci doit être comprise demanière restrictive. Il ne faut pas étendre son application. En outre, l’exception doit être prévue par un texte.

2. Ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus : Il ne faut pas distinguer la où la loi ne distingue pas. Cela signifie que l’interprète n’a pas le pouvoir de restreindre l’applicationd’une loi conçue en termes généraux.

3. Cessante ratione legis, cessat ejus dispositio : La loi cesse là où cessent ses motifs. Cela veut dire que la loi ne doit pas être appliquée à des situations qui, tout en paraissant être prévues par la lettre du texte, se trouvent excluent de son esprit.