Les procédures alternatives aux poursuites

Les procédures alternatives aux poursuites 

 Ce sont plusieurs possibilités qui s’offrent au ministère public. Selon l’article 40-1 du Code de Procédure Pénale, il a, en application de sa décision d’opportunité, la possibilité de décider d’un classement sans suite. Il a ensuite la possibilité de recourir à des mesures alternatives aux poursuites, et enfin il peut aussi mettre en mouvement l’action publique. 

Nous étudierons ici les alternatives aux poursuites. C’est l’article 40-1 qui parle de ces procédures qui sont au nombre de deux. 

    On trouve une procédure qui n’a pas de nom, que l’on désigne alors par l’article qui y fait référence (article 41-1 du Code de Procédure Pénale). Elle a pour objectif essentiel d’orienter le choix futur du ministère public sur l’action publique. C’est une étape préalable pour savoir si le procureur va poursuivre ou non.  

    On a aussi la procédure de composition pénale évoquée par l’article 41-2. Elle exprime un choix du ministère public. Le recours à la composition pénale signifie que le parquet ne veut pas d’une procédure sans pour autant classer l’affaire. C’est une décision provisoire : le choix de ne pas déclencher l’action publique n’est pas un choix définitif. Cela va dépendre de la réussite ou de l’échec de la composition pénale.  

  • 1. La procédure de l’article 41-1

 Cet article commence par « avant sa décision sur l’action publique, le procureur peut prendre certaine des mesures suivantes ». On est donc bien ici dans une phase où le procureur n’a pas encore décidé de classer, de recourir à une composition pénale ou de déclencher l’action publique. Cette procédure a donc pour objectif de l’aider à prendre cette décision. Par cette procédure, le procureur va pouvoir prendre des mesures d’après lesquelles il espère être mieux à même d’effectuer son choix. 

  

  1. Conditions

 Le Code de Procédure Pénale pose des conditions tellement larges qu’elles sont toujours satisfaites. On peut recourir à cette procédure lorsque ces mesures sont susceptibles d’assurer la réparation due à la victime. On met donc ici au premier plan les intérêts de la victime. Ces mesures sont susceptibles de mettre fin au trouble résultant de l’infraction. 

  

Enfin, ces mesures sont susceptibles de contribuer au reclassement de l’auteur des faits, ce qui met en avant l’intérêt général plus que celui de la victime. Si l’une ou l’autre de ces conditions existe, le ministère public peut recourir à la procédure de l’article 41-1. Quelles sont alors ces mesures ? 

  

  1. Les mesures

 Elles sont nombreuses, et il ne s’agit pas d’en dresser la liste. On peut en identifier deux catégories. Certaines supposent d’être exécutées par l’auteur des faits, il devra s’y soumettre, alors que d’autres sont étrangères à son attitude. 

  

1) Exécution par l’auteur des faits 

  

Au titre des premières mesures, qui supposent une initiative de l’auteur des faits, il peut lui être demandé de réparer le dommage qu’il a causé ou encore d’exécuter une « mesure de médiation » (c’est la raison pour laquelle on parle souvent de procédure de médiation de l’article 41-1, ce qui n’est pas une terminologie très juste car ce n’est qu’une des mesures possibles). Cette procédure de médiation pénale a pour objectif de parvenir à un accord entre l’auteur des faits et la victime. Elle peut être proposée par un médiateur du procureur de la République. 

  

2) Étrangères à l’attitude de l’auteur des faits 

 Au titre de la seconde série de mesures, parmi celles qui existent sans supposer de la part de l’auteur des faits un comportement, on trouve par exemple le célèbre rappel à la loi. On convoque l’auteur des faits et on lui indique que ce qu’il a fait est très vilain. Cette procédure suspend le délai de prescription de l’action publique. Le plus important est d’en connaître l’issue. 

  

Si l’on raisonne sur des mesures à exécuter, on peut imaginer que l’auteur des faits ne les exécute pas. Dans ce cas, l’article 41-1 dit que le procureur peut recourir à une composition pénale ou déclencher des poursuites. On a donc l’idée que cette procédure n’exprime aucun choix sur le sort de l’action publique. C’est une épreuve à laquelle le procureur soumet l’auteur des faits, pour prendre une décision sur l’action publique. 

  

Lorsque l’on n’attend pas de fait de l’auteur, l’article 41-1 est muet sur la procédure. Il y a de grandes chances de penser que le principe de l’opportunité, du fait du silence de la loi, retrouve son empire. Il appartient donc au parquet de prendre la décision qu’il estime opportune. Il peut ainsi prendre une décision de classement sans suite. C’est ce qu’il fera lorsqu’il vérifiera que la mesure a été correctement exécutée par l’auteur des faits. Ce classement apparaitra comme une sorte de « classement sans suite conditionnel ». 

  

En toute rigueur, rien n’exclut alors, qu’en dépit de la bonne exécution des mesures, le procureur prenne la décision d’une composition pénale ou de déclencher les poursuites. La procédure de l’article 41-1 n’exprime aucun choix. C’est une aide à la décision, mais ce n’est pas une décision en soi. Il faut donc que la décision soit prise ; ceci inclut le déclenchement de l’action publique. Dans les faits, lorsque les mesures suggérées en  

application de l’article 41-1 sont respectées, il y a classement sans suite puisque l’idée est de lutter contre l’engorgement des juridictions 

  

  • 2. La composition pénale

 C’est l’une des réactions possibles à la commission de certaines infractions. C’est, a-t-on dit, une variante de la transaction sur l’action publique. Cette mesure est récente car elle date de 1999. Elle est organisée par l’article 41-2 pour les délits et par l’article 41-3 pour les contraventions. Elle est inapplicable en matière de crime, car on ne peut envisager que la réaction envers un crime ne se limite à une composition pénale. 

  

  1. Le contenu de la composition pénale

 Une infraction a été commise et la réponse va être une composition pénale. Pour beaucoup de délits et de contraventions, dans les années qui ont précédé la création de la composition, on avait observé que le taux de classement sans suite avait augmenté de manière considérable. En 1986, le taux de classement sans suite était d’environ 65%. En 1996, ce taux était monté à 80% et pouvait monter à 90% dans certains ressorts. Cela signifiait qu’à la suite de la commission d’une infraction pénale, il n’y avait aucune réaction sociale. 

  

L’explication de cette inflation de classement sans suite tenait beaucoup au fait qu’en raison de l’augmentation incontestable de la délinquance, et en raison du manque de moyens de la justice, la seule réponse que le système pouvait faire était de ne rien faire car il n’était pas en mesure de réagir. Il y avait donc une utilisation perverse du classement sans suite. Ce classement n’était pas la suite d’une volonté de ne pas poursuivre, mais d’une impossibilité de le faire. 

  

Le législateur a considéré cette impuissance de la réaction sociale comme la pire solution possible. Comme on ne pouvait pas envisager de tout poursuivre car le système judiciaire en était incapable, il fallait inventer une solution médiane qui se trouve maintenant dans la composition pénale. Il y a bien une réaction mais on ne va pas jusqu’à déclencher les poursuites. Le pivot de cette procédure a été le procureur qui se voit reconnaître le pouvoir de proposer des mesures à exécuter dans un certain délai, à l’auteur des faits ou aux complices. 

  

La liste de ces mesures est longue : cela peut être une mesure telle que verser une amende de composition dont le texte précise que le montant ne peut excéder le montant de l’amende pénale encourue. Cela peut aussi consister à remettre son permis de conduire pendant un certain délai, ou effectuer un travail d’intérêt général. Tout cela ressemble assez furieusement à des peines. On a donc eu la nécessité d’instaurer des garanties et des procédures. 

  

Ainsi, au titre des garanties : l’assistance de l’avocat est obligatoire avant que l’intéressé ne donne son accord de respecter la composition. On a aussi voulu la présence d’un juge du siège, qui a été forcé par le Conseil constitutionnel, au titre que de telles mesures ne pouvaient être prises par le parquet. L’article 66 de la Constitution dit que le juge est le garant des libertés et peines. En matière de délit, c’est le président du tribunal de grande instance et en matière de police, c’est le juge du tribunal de police ou le juge de proximité. 

  

Il s’agit, pour le juge du siège, d’examiner la composition telle qu’elle est envisagée, pour valider cette composition ou refuser de le faire. Ceci peut être fait après avoir entendu l’auteur des faits, la victime et leurs avocats. Cette décision des juges du siège n’a aucun recours. Il doit ainsi être proposé à l’auteur des faits de réparer le dommage causé.

  1. Le domaine de la composition pénale

 Quant au domaine de cette procédure, s’agissant des infractions, cela vaut pour certains délits qui ne sont punissables que d’une amende ou d’une peine d’emprisonnement inférieure à 5 ans. Au début, on avait pris la base de 3 ans. Cette révolution est passée par la loi, décidée à ouvrir plus largement la porte. 

  

Cela exclut certains délits comme les délits de presse et l’homicide involontaire. En revanche, toutes les contraventions peuvent permettre le recours à cette procédure. Quant aux personnes, elle ne s’applique qu’aux personnes physiques et non aux personnes morales. Cette procédure a d’abord été réservée aux majeurs, puis plus tard, aux mineurs. 

  

Pour que cette procédure soit utilisable, il faut que l’auteur des faits ait reconnu avoir commis l’infraction. C’est donc une procédure qui, à son principe même, sous-entend un aveu. Elle fait donc parti du renouveau de l’aveu dans la procédure contemporaine. Il faut ensuite une acceptation de la composition proposée. 

  

Il y a enfin, une condition procédurale : le ministère public ne peut recourir à la composition pénale que si l’action publique n’a pas déjà été mise en mouvement. Cela signifie donc que, si le procureur avait décidé de déclencher une poursuite, il ne peut plus se raviser pour recourir à une composition pénale. L’action publique peut aussi avoir été mise en mouvement par d’autres que le procureur. Cela veut donc dire que la partie civile a une maîtrise de la composition pénale : elle peut l’empêcher par le déclenchement de l’action civile. 

  

  1. Les conséquences de la composition

 On a deux situations selon que la composition est un échec ou une réussite. 

  

1) L’échec 

 Si l’auteur des faits refuse ce qu’on lui propose, ou s’il a accepté et n’a rien exécuté, le procureur doit mettre en mouvement l’action publique. Il doit donc saisir une juridiction d’instruction ou de jugement. Si les poursuites sont déclenchées et qu’intervient une condamnation, il sera tenu compte au moment de cette condamnation, des mesures qui auront été, en partie seulement, exécutées par l’auteur des faits. 

  

2) Le succès 

 Si la composition est un succès, et que l’intéressé a exécuté les mesures, on aura une extinction de l’action publique . Le choix tel que le procureur l’avait exprimé au début de la procédure, de recourir à la composition et non aux poursuites, est définitivement entériné. Toute poursuite devient inconcevable. 

  

C’est ici que la composition pénale se manifeste comme une solution alternative aux poursuites. Le législateur, soucieux de respecter le droit des victimes, ne veut pas que cette extinction de l’action publique prive l’accès au prétoire pénal à la victime. Même si l’action publique est éteinte, elle conserve la possibilité de demander la réparation du dommage au tribunal répressif. C’est un cas exceptionnel ou la juridiction pénale n’aura à connaître que de l’action civile. 

  

La composition pénale est enregistrée au casier judiciaire au même titre qu’une véritable condamnation, d’où un caractère ambigu de cette procédure . Tous les actes qui tendent à la mise en œuvre de cette procédure de composition pénale sont interruptifs de la prescription de l’action publique. C’est une solution curieuse car normalement seuls interrompent la prescription les actes manifestant la volonté de poursuivre de la part de leur auteur. Voici ici des actes qui manifestent la volonté opposée et qui interrompent pourtant la prescription de l’action publique . 

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