Les qualités pour succéder (indignité successorale, condition existence)

Les qualités requises pour succéder

Il y a 2 qualités qui sont requises pour pouvoir recueillir une succession :

  • il faut exister au moment de l’ouverture de la succession
  • il ne faut pas être indigne de succéder

I. La condition d’existence

Le principe selon lequel il faut exister pour succéder est posé à l’article 725 du Code civil qui déclare « pour succéder, il faut exister à l’instant de l’ouverture de la succession ou ayant déjà été conçu et naitre viable ».

Ce texte envisage 2 hypothèses :

  • l’existence à l’ouverture de la succession

  • la conception à l’ouverture de la succession.

Lorsque le texte vise la condition d’existence à l’ouverture de la succession c’est l’existence juridique c’est-à-dire la personnalité juridique. La personnalité juridique n’étant reconnue qu’aux enfants nés vivant et viable, on peut en déduire que les enfants morts nés ne peuvent pas avoir la qualité de successible ni les enfants nés vivant mais non viable. La viabilité de l’enfant qui conditionne sa qualité de successible est traditionnellement définit comme le fait d’être doté d’une constitution qui permet à l’enfant de survivre c’est-à-dire le fait de posséder les organes essentiels à l’existence.

La viabilité est présumée mais c’est une présomption simple qui peut être renversée par la preuve contraire. Il est donc possible de prouver par tous moyens qu’un enfant n’est pas né viable. Sur le plan pratique, la preuve de la viabilité ou non de l’enfant est capital car elle conditionne la qualité de successible. Ainsi, si une mère décède en donnant naissance à son enfant et que l’enfant meurt à son tour peu après, sa viabilité conditionne à la fois ses droits dans la succession de sa mère mais aussi les droits de ses propres héritiers.

Exemple : la mère décède en laissant outre l’enfant décédé tout de suite après, le père de l’enfant et d’autres enfants. Dans ce cas, si l’enfant était viable, il a eu le temps d’hériter de sa propre mère et dans un second temps puisqu’il a hérité de sa propre mère sa propre succession à lui sera dévolue suivant les règles légales et sera répartit entre son père et ses frères et sœurs. A l’inverse, si l’enfant n’était pas viable donc ne pouvant être successible il n’a pas pu hériter de sa mère et dans ce cas, il n’y a qu’une seule succession à régler la succession de la mère. Et là, l’enjeu est très important notamment dans l’hypothèse où les parents n’auraient pas été mariés ensemble car alors la succession reviendra entièrement aux descendants de la mère (= frères et sœurs de l’enfant décédé).

S’agissant des enfants simplement conçut au moment de l’ouverture de la succession, ils sont admis à succéder dès lors qu’ils naissent ensuite vivant et viable (= qualité de successible). S’agissant de la date de conception qui est essentielle pour déterminer si un enfant a été conçu au jour de l’ouverture de la succession c’est-à-dire au jour du décès, celle-ci se calcule selon la présomption légale de la durée de grossesse édictée à l’article 311 du Code civil et sauf preuve contraire sera réputé conçu à la date du décès du de cujus, l’enfant qui sera né moins de 300 jours après la date du décès.

L’intéressé peut choisir de placer la date de conception où il veut (= à une date lui permettant d’hériter) puisque la conception est présumée avoir eu lieu à un moment quelconque de la période légale de conception selon ce qui est demandé dans l’intérêt de l’enfant. Il s’agit d’une présomption simple et tout intéressé pourra rapporter la preuve que l’enfant ne peut pas hériter faute d’avoir pu être conçu à la date d’ouverture de la succession. Cela concerne l’hypothèse de l’enfant prématuré dont on tenterait de soutenir qu’il était déjà conçu à la date du décès située dans le cas extrême 299 jours plus tôt. Ce sont des enjeux importants.

L’article 725 après avoir posé dans son alinéa 1er le principe de l’existence de la conception au moment de l’ouverture de la succession règle ensuite dans son alinéa 2 le problème posé par la situation particulière de l’absent dont l’existence par définition soulève un doute. Le Code Civil règle ceci : peut succéder celui dont l’absence est présumée. La personne présumée absente peut recueillir une succession car ce qui caractérise la présomption d’absence c’est que l’absent est présumé vivant.

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II. Ne pas être indigne de succéder

L’indignité peut être définie comme une peine privée qui consiste à exclure un héritier de la succession en raison de comportements ou d’agissements qu’il a pu avoir envers la personne du défunt. La réforme de 2001 a modifié le régime de l’indignité successorale, elle en a assoupli les règles en donnant notamment un certain pouvoir d’appréciation aux juges. L’indignité pouvant aujourd’hui soit être de plein droit soit facultative.

3 questions se posent à propos de l’indignité successorale :

  • la détermination des causes de l’indignité

  • la mise en œuvre de l’indignité

  • les effets de l’indignité

A. Les causes d’indignité

Il en a 2 :

  • des indignités de plein droit

  • des indignités facultatives

1. Les causes d’indignité de plein droit

Elles sont inscrites à l’article 726 du Code civil qui vise 2 situations où la personne sera déclarée indigne de succéder.

La première situation vise celui qui est condamné comme auteur ou complice à une peine criminelle pour avoir volontairement tenté de donner ou donné la mort au défunt.

La seconde situation vise celui qui est condamné comme auteur ou complice à une peine criminelle pour avoir volontairement porté des coups ou commis des violences ou voie de fait ayant entraînée la mort du défunt sans intention de la donner.

Dans les 2 cas car il s’agit d’indignité de plein droit c’est le jugement de condamnation de l’auteur des faits qui entraîne l’indignité successorale sans qu’il y ait besoin de la prononcer expressément.

2. Les causes d’indignité facultative

L’article 727 du Code civil qui prévoit que l’indignité pourra cette fois-ci être déclarée à la fois en présence d’une condamnation de l’auteur des faits (= cause d’indignité) mais également dans l’hypothèse où l’auteur des faits n’aura pas pu être condamné. Cette absence de condamnation concerne l’auteur des faits constitutifs d’une cause d’indignité qu’il n’a pas pu être condamné pénalement en raison de l’extinction de l’action publique liée à son décès.

Ces causes facultatives sont au nombre de 5 :

Les 2 premier cas d’indignité facultative reprennent les mêmes hypothèses que celles figurant dans les causes d’indignité de plein droit à la différence néanmoins que la peine prononcée n’est pas une peine criminelle mais une peine correctionnelle.

S’ajoute à ces 2 premier cas, 3 autres hypothèses :

  • Celui qui est condamné pour témoignages mensongères à l’égard du défunt dans une procédure criminelle.

  • Celui qui est condamné pour s’être volontairement abstenu d’empêcher soit un crime soit un délit contre l’intégrité corporelle du défunt d’où il est résulté la mort alors qu’il pouvait le faire sans risque pour lui ou pour les tiers.

  • Celui qui est condamné pour dénonciations calomnieuses contre le défunt lorsque pour les faits dénoncés une peine criminelle était en cours.

L’ensemble de ces 5 causes constitue des causes d’indignités facultatives qui peuvent donc être prononcées ou non dès lors qu’il y a condamnation de l’auteur des faits. En revanche, lorsqu’aucune condamnation n’a pu être prononcée du fait de l’extinction de l’action publique suite au décès de l’auteur de faits, seule les 2 causes d’indignité les plus graves (= celles visées dans les hypothèses 1 et 2) peuvent être prononcées.

Ces causes sont le fruit de la réforme 3 décembre de 2001, la loi devant entrée en vigueur que le 1er juillet 2002 : elle améliore le sort de l’auteur des faits car elle admet que dans certains cas on n’est pas obligé de prononcer l’indignité successorale. Cette loi de 2001 a prévu expressément dans une disposition de droit transitoire (= que les hypothèses de dignité facultative inscrites au 1erement et 5èmement de l’article 727 du Code civil entend que cet article a rendu facultative la déclaration d’indignité sont applicable à des faits commis avant le 1er juillet 2002) destiné à permettre aux auteurs de faits relevant des cas d’indignité facultative de pouvoir bénéficier de ces cas d’indignité facultative. Donc applicable rétroactivement à des faits antérieurs à l’entrée en vigueur de la loi.

B. La mise en œuvre de l’indignité successorale

Les conditions de mise en œuvre dépendent s’il s’agit d’une indignité de plein droit ou facultative.

Dans le cas de l’indignité de plein droit, aucun jugement particulier n’est nécessaire c’est le jugement de condamnation qui entraine automatiquement la déchéance de l’héritier. Et ce n’est que si la cause d’indignité est contestée que l’intervention du juge sera nécessaire pour qu’il constate l’existence de la cause de l’indignité.

Dans l’hypothèse de l’indignité facultative, les conditions de mise en œuvre de l’indignité sont réglées par l’article 727-1 du Code civil. La déclaration d’indignité pourra être prononcée par le TGI qui peut aussi ne pas la prononcer. Au niveau des titulaires de l’action, la demande peut être formée par un autre héritier et en l’absence de demande formulée par un autre, la demande peut être formée par le Ministère Public. Cette demande d’indignité doit être formée dans un délai de 6 mois. Et s’agissant du point de départ de ce délai, il faut envisager 2 cas :

  • Le délai sera de 6 mois à compter du décès si la condamnation est antérieure au décès.

  • le délai sera de 6 mois à compter de la décision de condamnation si elle intervient postérieurement au décès.

C. Les effets de l’indignité successorale

Elle a pour effet d’exclure l’indigne de la succession. La portée de cette exclusion doit, néanmoins, être relativisée dans la mesure où la loi de 2001 a prévu que cette exclusion n’était pas absolue et que l’héritier indigne pouvait être en quelque sorte relevé de son indignité par la volonté du de cujus. L’article 728 du Code civil dispose, en effet, n’est pas exclut de la succession, le successible frappé d’une cause d’indignité prévue aux articles 726 et 727 du Code civil lorsque le défunt postérieurement aux faits et à la connaissance qu’il en a eu, a précisé par une déclaration expresse de volonté qu’il entend le maintenir dans ses droits héréditaires ou lui a fait une libéralité universelle ou à titre universel. Le de cujus est donc autorisé à relever le successible de l’indignité qu’il encourt soit de plein droit soit de manière facultative. Cette faculté de pardon est soumise à 2 conditions :

  • une condition de forme : c’est que la victime des faits à l’origine de l’indignité ait fait une déclaration de volonté expresse en la forme testamentaire ou une déclaration de volonté tacite en lui accordant une libéralité universelle ou à titre universel.

  • une condition de fonds : il faut que le de cujus ait eu connaissance des faits commis à son encontre par le successible frappé d’une cause d’indignité. Ce qui suppose bien évidement que la manifestation de volonté, le pardon soit exprimé après les faits. On ne peut pas pardonner des faits non encore commis. En l’absence de pardon, l’indignité entraine alors l’exclusion effective de l’héritier de la succession, exclusion dont la porté doit être envisagée à la fois par rapport à l’indigne lui-même mais aussi par rapport aux enfants de l’indigne.

1. L’exclusion de la succession par rapport à l’indigne lui-même

3 points sont à développer :

  • le domaine

  • l‘effet relatif

  • la rétroactivité

— Le domaine de l’indignité : seule la succession ab intestat (= succession légale) est concernée. L’indignité n’exclut l’indigne que de la succession ab intestat et par conséquent, si l’héritier est légataire, ce legs ne sera pas remis en cause par l’indignité. Il pourra, en revanche, être remis en cause par la voie de la révocation pour ingratitude. Ce qui est une procédure différente.

— L’effet relatif de l’indignité : l’indignité est limitée à la succession de la victime d’où 2 conséquences :

  • dans une succession ultérieure, l’indigne peut venir en représentation de celui auquel il a été indigne de succéder. Exemple : on peut imaginer l’hypothèse de l’enfant indigne qui tue son père : il est frappé d’indignité et est donc exclut de la succession de son père (= sa victime). Si postérieurement au décès de son père meurt le père de son père c’est-à-dire son grand-père, l’indigne succédera à son grand père par représentation de son propre père auquel il avait été indigne de succéder.

  • l’indigne peut recueillir, ensuite, la succession d’une personne qui avait bénéficié de son exclusion et bénéficié ainsi indirectement cette fois-ci de tout ou partie des biens de sa victime. Exemple : soit un père ayant 2 fils X et Y eux-mêmes sans enfants : X tue son père il est indigne, et exclu de la succession de son père et par conséquent c’est son frère Y qui va recueillir la totalité de la succession de son père. Si par la suite Y décède sans autre parent que son frère X, c’est X qui recueillera l’intégralité de la succession de son frère incluant les biens provenant de la succession du père.

— La rétroactivité : les effets de l’indignité rétroagissent au jour du décès et par conséquent l’indigne n’ayant jamais été héritier doit restituer tous les fruits et revenus dont il aurait eu la jouissance depuis l’ouverture de la succession.

2. Les effets de l’indignité par rapport aux enfants de l’indigne

Cette question est réglée par l’article 729-1 du Code civil qui prévoit que les enfants de l’indigne ne sont pas exclus par la faute de leur auteur soit qu’ils viennent à la succession de leur propre chef soit qu’ils viennent à la succession par l’effet de la représentation.

Les enfants de l’indigne sont placés à égalité par la loi qu’ils aient été conçus avant ou après l’ouverture de la succession dont l’indigne a été exclu. Par conséquent, les enfants nés ou conçus avant l’ouverture de la succession dont l’indigne est exclu, devront rapporter à la succession de l’indigne les biens qu’ils auront recueillis en ses lieu et place dès lors qu’ils viennent ensuite en concours avec des enfants conçus après l’ouverture de la succession dont l’indigne a été exclu. Exemple : Père X qui a 2 enfants A et B, X tue son propre père Y, X est indigne et exclu de la succession de Y. Par conséquent, la succession de Y va être recueillit par A et B, enfants de X. Par la suite, il a un troisième enfant C le jour où X meurt, A et B devront rapporter à la succession de X les biens qu’ils auront recueillis à sa place dans la succession de Y pour qu’on respecte l’égalité entre les 3enfants.

L’indignité étant sans effet sur les enfants de l’indigne, le législateur a voulu éviter que l’indigne ne profite indirectement des biens de la succession dont il est écarté par l’effet du droit de jouissance légal reconnu aux parents sur les biens de leur enfant mineur. L’article 729-1 prévoit ainsi in fine que l’indigne ne peut en aucun cas réclamer sur les biens de la succession le droit de jouissance que la loi accorde aux pères et mères sur les biens de leurs enfants.