Les rapports entre le droit de l’UE et le droit national

Les rapports entre le droit de l’UE et le droit national des États Membres

Les rapports entre le droit de l’Union européenne (UE) et le droit national des États membres sont régis par le principe de primauté du droit de l’UE. Ce principe établit que le droit de l’UE prévaut sur le droit national des États membres dans les domaines relevant de la compétence de l’UE. Lorsqu’un État devient membre de l’UE, il accepte de se conformer au droit de l’UE et de respecter les obligations qui en découlent. Les États membres sont tenus de transposer et de mettre en œuvre le droit de l’UE dans leur législation nationale afin de garantir son application effective sur leur territoire.

Les États membres sont également responsables de l’application du droit de l’UE au niveau national. Ils doivent désigner des autorités nationales compétentes chargées de veiller à la mise en œuvre du droit de l’UE et de coopérer avec les institutions de l’UE.

Lorsqu’un conflit survient entre le droit de l’UE et le droit national d’un État membre, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) est compétente pour trancher la question. La CJUE assure l’interprétation uniforme du droit de l’UE et a le pouvoir de statuer sur les différends entre les États membres et les institutions de l’UE, ainsi que sur les questions préjudicielles posées par les juridictions nationales.

Si la CJUE constate qu’un État membre n’a pas respecté ses obligations en vertu du droit de l’UE, elle peut prononcer des sanctions financières à son encontre.

La coopération entre l’UE et les États membres est également assurée par le biais du dialogue politique, des processus législatifs et des mécanismes de contrôle mutuel.

Il est important de souligner que les États membres conservent leur souveraineté et leur compétence dans les domaines qui ne relèvent pas de la compétence exclusive de l’UE. Les États membres ont le droit d’adopter des mesures nationales supplémentaires pour renforcer la protection des droits fondamentaux, tant que ces mesures ne sont pas contraires au droit de l’UE.

 

  • L’effet direct

 —>  Traités originaires

Pour les Traité fondateurs, la décision de principe est celle CJCE1963 : affaire Van Gend en Loss : « le droit communautaire n’est pas destiné à créer seulement des droits pour les États mais aussi des droits individuels que les juridictions internes doivent sauvegarder ». Toutes les dispositions claires et précises doivent être appliquées par les juridictions nationales directement.

 —>  Autres traités On a étendu la théorie générale d’effet direct vue ci-dessus en considérant que l’accord extérieur peut être d’effet direct (1976 Brechiani).

  • 1972 International Fruit: le juge de l’UE considère que le GATT n’est pas d’effet direct. C’est donc aux organes nationaux de gérer les conséquences du GATT
  • 2007 IKEA : même si un acte européen a été jugé contraire aux droits de l’OrgMondCom par l’organe compétent de l’OMC, il appartient aux autorités européennes et nationales d’en tirer les conséquences et non pas au juge.

Le juge européen refuse dans le domaine universel, ce qu’il impose dans le domaine régional européen.

Pour les actes unilatéraux de droit dérivé (règlements), ne soulève pas de difficultés puisque dès le Traité de Rome a été prévu l’effet direct des règlements à l’égard des particuliers. L’obligation nationale du juge a été confirmée dans l’arrêt Politi 1971.

Pour les décisions : lorsque l’UE adresse une décision individuelle à l’État qui profite à telle ou telle particulier mais que l’État tarde à exécuter, le particulier peut invoquer directement la décision dans un rapport vertical. Franz Gral 1970

Concernant les directives, en principe pas d’effet direct. A l’origine, seuls les traités étaient d’effet direct. Mais :

  • Van Duyn (1974): la CJCE admet que la directive puisse avoir un effet direct distincte de la dispo conventionelle dont elle fait l’application.
  • Rati (1979)Cet effet était limité aux dispositions claires et précises, inconditionnelles et complètes à l’expiration du délai de transposition laissé à l’État.
  • 1980 Commission c/ Belgique: la CJCE rappelle que l’effet direct ne dispense pas de l’obligation de transposer.

La directive peut-elle lier un particulier ou un Etat ? La JURISPRUDENCE fait la distinction entre rapports horizontaux et verticaux.

  • Verticaux : si l’autorité pub ne réalise pas l’objectif dans le délai, alors onpeut invoquer la directive dans ses rapports d’autorités (particuliers / administration).
    • En FRANCE, il s’agit d’un contentieux administratif qui peut aussi opposer particuliers / organisme qui a la charge d’un service d’intérêt public et qui dispose de prérogatives exorbitantes.
    • La directive a 2 types d’effet : d’éviction (écarter les Règles nationales contraires) et de substitution (utiliser la directive comme fondement des décisions). C’est sur la question de la substitution que le juge français a longtemps refusé de se conformer à cet effet jusqu’en 2009 (Dame Perreux).
  • Horizontaux: au-delà, le principe n’a jamais été remis en cause (Marschall 1986) : si ce sont des rapports horizontaux, alors on ne peut pas invoquer directement la directive parce que l’objectif visé par la directive ne vise pas directement les particuliers.

Tempéraments : le juge va s’efforcer d’interpréter les lois internes pour éviter la contrariété avec la directive.

  • Francovitch 1991: dommage découlant du manque de transposition d’une directive pour un particulier  —>  État doit réparer.
  • 2010 Seda Kucukdeveci: il retient une non discrimination en fonction de l’âge dans les relations de travail. Le droit allemand conduisait à accorder une indemnité inférieure à celle que la directive aurait donné si elle avait été transposée.

La Cour répond qu’il n’est pas possible d’appliquer la directive aux circonstances de l’espèce, cependant la directive met en œuvre un PGD européen donc le juge national doit l’appliquer même si cela conduit à un effet horizontal.

  • La primauté du droit de l’Union Européenne

Le principe de la supériorité du droit de l’UE par rapport au droit national ne pose pas de difficultés du point de vue du juge européen. Elle est reconnue au droit européen sur tous les éléments du droit national :

  • Costa c/ Enel (1964): le droit européen est supérieur à la loi nationale
  • Internationale Handelsgesellchaft 1970: la CJCE reconnait la primauté du droit européen sur la CONSTITUTION nationale

En réalité, cette solution n’a rien d’original : elle est reconnue depuis la 2e moitié du XIXème s’agissant des obligations internationales. L’originalité est purement procédurale. Outre l’action en manquement, la primauté se manifeste dans les décisions rendues sur renvoi préjudiciel du droit national. Le juge européen s’adresse directement au juge national pour exiger du juge qu’il fasse respecter la primauté du droit européen.

  • Simmenthal 1978. Le juge italien faisait valoir que la Constitution italienne ne lui donnait pas le pouvoird’écarter la loi nationale supérieure. Au lieu de mettre en oeuvre la Rsp de l’Etat après coup, le juge européen intervient directement et prononce l’obligation du juge national de faire primer le droit européen.

Pour le reste, la JURISPRUDENCE européenne tire les conséquences de cette primauté. L’effet combiné de l’effet direct et de la primauté se traduit par les invocabilités du droit européen :

  •  —>  L’invocabilité de substitution qui oblige le juge national à appliquer le droit européen à la place du droit national
  •  —>  L’invocabilité d’exclusion qui oblige le juge national à écarter les R nationales contraires au droit européen
  •  —>  L’invocabilité d’interprétation conforme qui oblige le juge national à interpréter le droit national de façon à ce qu’il soit conforme au droit européen y compris les objectifs d’une directive non transposée
  •  —>  L’invocabilité de réparation oblige l’État à réparer le préjudice causé du fait du non-respect des obligations européennes et notamment la non transposition des directives (arrêt Francovitch). Cette JURISPRUDENCE avait été étendue à la responsabilité du législateur dans l’hypothèse d’une mauvaise transposition législative (affaire Brasserie du pécheur 1996).
  • Köbler, 2003: la Rsp de l’État était engagée lorsque la violation des objectifs de la directive était le résultat d’une décision de la juridiction suprême. La violation d’une obligation internationale engage la Responsabilité de l’Etat même lorsqu’elle résulte du législateur ou du juge.

La vraie originalité est encore dans la procédure et dans le rôle conféré au juge national chargé de la mise en œuvre de la Rsp pour violation du droit européen et qui en amont, avant la violation, est tenu d’aménager sa procédure de façon à garantir la bonne application du droit européen.

  • Johnston 1986: Sur ce point, le juge européen a posé un principe général du droit européen. La procédure nationale doit offrir un recours effectif pour obtenir l’application ou le respect du droit européen.
  • Factortame 1990: il précise que le juge national doit pouvoir adopter des mesures provisoires pour protéger les droits garantis par l’UE avant une décision sur le fond. Il faut permettre des mesures de référé pour protéger les droits garantis par l’UE.
  • Zuckerfabrik 1991: dans certains cas, le juge national doit pouvoir adopter des mesures de sursis à exécution des actes contraires au droit de l’UE.
  • Les solutions du droit français

 —>  Contrariété entre le droit européen et le droit constitutionnel

Le droit français organise un contrôle dit a priori destiné à éviter les risques de contrariété entre le droit européen et le droit constitutionnel.Ce contrôle passe par l’article 54 DE LA CONSTITUTION qui permet au Conseil Constitutionnel de se prononcer sur la conformité à la C de l’engagement européen avant la ratification. S’il estime que le traité européen est contraire à la Constitution, alors l’autorisation de le ratifier ne peut intervenir qu’après révision constitutionnelle. Soit l’État refuse de ratifier soit il demande une révision constitution.

Dans la pratique institutionnelle française, jusqu’à aujourdhui, c’est la Constitution qui a été modifiée. L’article 88-1C prévoit que la FRANCE participe à l’UE. Il fait l’objet d’une interprétation compliquée par le Conseil Constitutionnel. Il a découvert cette disposition une obligation constitutionnelle de transposer une directive et en a déduit que si la loi de transposition fait exacte application de la directive alors elle est présumée conforme à la Constitution puisqu’elle met en œuvre une obligation spéciale de transposition.

Mais cette présomption devait être renversée dans l’hypothèse où la loi de transposition irait à l’encontre d’un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la FRANCE (DC 27 juillet 2006).

Cette présomption a trouvé un autre terrain d’application dans l’arrêt Arcelor du 3 juin 2009 dans lequel le CE a considéré que la conformité d’un acte au principe d’égalité du droit européen constaté par le juge européen impliquait sa conformité au principe constitutionnel français d’égalité.

Sous l’angle de la doctrine de l’effet direct, elle a été mal reçue. Au stade l’application du droit européen, la doctrine a été reçue sans difficultés par le juge français s’agissant des traités et s’agissant des règlements.

 —>  Effet direct des directives

La grande difficulté en droit français a concerné les directives avec l’arrêt de principe du CE 1978 Ministre de l’intérieur c/ Cohn-Bendit : Le Juge Administatif avait considéré que la directive n’était pas d’effet direct au sens où elle ne pouvait être invoquée à l’encontre d’un Acte administratif Individuel. D’où refus d’invocabilité de substitution. En revanche, les directives pouvaient être invoquées à l’encontre de mesures réglementaires.

Lorsqu’un AAI faisait application réglementaire, on pouvait encore attaquer l’AAI puis exciper la contrariété du règlement à la directive, ce qui avait pour conséquence que l’AAI se trouvait dépourvu de base légale et était annulé.

 —>  le CE a ainsi réduit l’effet direct de la JURISPRUDENCE Cohn Bendit.

  • CE 1998, Tête: le Conseil d’État a considéré qu’il y avait nécessairement des règles nationales applicables à écarter, pour laisser l’acte individuel. L’effet était de vider la portée de la JURISPRUDENCE Cohn-Bendit.
  • CE 2009, Dame Perreux, le Conseil d’État a franchi la dernière étape en admettant la possibilité de contrôler directement le rapport d’un AAI à la directive sans passer par le truchement de l’éviction des règles nationales applicables. Le CE admet l’effet direct de substitution de l’effet direct vertical (rapport particuliers / administration).

 —>  Le principe de primauté du droit européen

La JURISPRUDENCE a été plus tourmentée. Les rapports entre les AA et les obligations européennes n’ont pas soulevé de difficultés mais plutôt entre la loi et les obligations européennes. Le juge considérait qu’il n’était pas de son office de se substituer au législateur : le juge devait appliquer la plus récente.

A la suite de la décision IVG de 1975, la Cour de cassationa accepté de faire primer le Traité sur la loi postérieure (Société Jacques Vabre). Le Conseil d’État a continué de considérer que ce n’était pas de son office d’écarter la loi contraire jusqu’à l’arrêt d’assemblée de Nicolo pour finir par se rallier à la Cass. Une fois la brèche ouverte pour les traités. L’arrêt SNIP 2001 pour la primauté des PGD.

 —>  Les rapports entre engagements internationaux européens et la Constitution

La limite du point de vue de la JURISPRUDENCE française concerne les rapports entre engagements internationaux européens et constitution. Cette limite est essentiellement théorique car le principe est que le juge national refuse de contrôler la conformité à la C des engagements internationaux souscrits par la France. Un moyen tiré de la contrariété à la C a peu de chance pratique de prospérer.

  • CE 1998 Sarran: si une décision ou un décret se limite à faire une exacte application de la CONSTITUTION, alors on ne pourra pas opposer à cette décision la méconnaissance d’une obligation internationale ou européenne

Le juge européen estime qu’en toute circonstance, le juge doit écarter le droit interne même constitutionnel contraire au droit européen.

 —>  La mise en œuvre de la Responsabilité de l’État pour non-respect du droit européen

La JURISPRUDENCE française a fini par s’aligner sur la position du juge européen, c’est à dire de raisonner en termes de Responsabilité pour faute en méconnaissance des obligations européennes. La position de la Cassation et du Conseil d’Etat n’était pas identique : le CE avait réticence à l’admettre.

  • TC, 2008 Société Boiron: il regroupe le contentieux de la Responsabilité pour non transposition des directives devant le juge administratif. Le TC retient une terminologie pour faute de manière sous entendue
  • CE, 2007 Gardedieu: le CE a admis la terminologie pour faute pour violation du droit européen

Une partie de la doctrine estime que le législateur peut rompre l’égalité devant les charges publiques mais l’expression de l’Intérêt Général ne commet pas de faute. Il reste du point de vue des relations internationales et européennes, la Resposabilité qui subsiste est la Responsabilité pour fait illicite, c’est-à-dire une Responsabilité pour faute.