Troisième partie : Les régimes matrimoniaux
Définition de la notion de régime matrimonial : Il s’agit de l’ensemble des règles relatives aux rapports pécuniaires entre époux d’une part, et entre époux et tiers d’autre part.
Le régime matrimonial est donc celui qui régit les biens des époux et leurs pouvoirs respectifs sur ces biens.
Le cours de régimes matrimoniaux est la troisième partie d’un cours consacré au droit patrimonial de la famille. Dans ce cours, il est évoqué les libéralités, le droit des successions… Le lien du cours est disponible ici :
Cours de droit patrimonial de la famille
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Le droit des régimes matrimoniaux est certes une branche du droit civil, mais qui interfère avec d’autres branches du droit :
- -le droit de la sécurité sociale : les allocations familiales représentent souvent une source de revenus non-négligeable des ménages ;
- -le droit fiscal : il est intéressé par les salaires des époux, dont l’addition peut avoir des conséquences sur l’impôt sur le revenu ;
- -le droit de la famille, notamment en ce qui concerne le mariage : les biens seront-ils mis en communauté ou séparés ?
- -le droit des successions : quelles conséquences du décès de l’un des époux en matière successorale pour son conjoint survivant ?
- -le droit des contrats : dans leur vie quotidienne, les époux concluent des contrats avec les tiers, que ce soit pour faire un crédit, dépenser pour l’éducation des enfants, etc. Quelles sont les conséquences du mariage sur les créances et les dettes des époux vis-à-vis de ces tiers ?
La notion de régime matrimonial implique la réunion de deux éléments : l’existence d’un mariage (qui est plus ou moins remis en question aujourd’hui avec l’apparition des nouvelles formes de conjugalité, concubinage et PACS, qui concurrencent quelque peu le mariage), et l’existence d’un ensemble de règles spécifiques qui forment un régime juridique, celui du régime matrimonial.
Les fonctions du régime matrimonial : il assure avant tout la protection des intérêts de la famille, qu’il s’agisse des époux eux-mêmes ou de leurs enfants.
Nous verrons dans un premier temps les règles générales, communes à tous les régimes matrimoniaux, avant d’envisager les autres régimes matrimoniaux, puis les régimes spéciaux.
Chapitre 1 : Les règles générales
Elles sont relatives, d’une part au régime matrimonial primaire, d’autre part au principe de la détermination du régime matrimonial applicable.
Section 1 : Le régime matrimonial primaire
Les règles ont trait à 3 types de mesure : les mesures de coopération, les mesures d’autonomie et les mesures de crise.
1/ Les mesures de coopération
La communion des époux, âme du mariage, se traduit par des obligations générales : devoir de secours et d’assistance entre époux (article 212 du Code civil) ; direction et éducation commune des enfants (article 213 du Code civil) ; obligation de communauté de vie (article 215 du Code civil).
Dans ce cadre, trois grandes règles gouvernent les rapports entre les époux :
- -obligation de contribution aux charges du mariage ;
- -protection du logement familial ;
- -représentation entre époux.
A) La contribution aux charges du mariage
Constituent des charges du mariage toutes les dépenses faites en vue d’assurer la vie courante du ménage. Cette définition est large : elle couvre notamment les frais d’entretien du ménage et les frais nécessités par l’éducation des enfants, la majorité des enfants ne mettant pas nécessairement un terme à la contribution due entre eux, ainsi que toutes les dépenses relatives à la nourriture, au logement, ou aux vêtements. (dépenses satisfaisant des besoins primaires).
Mais la jurisprudence interprète largement la notion, et estime que d’autres dépenses intègrent cette notion : les dépenses ayant pour objet l’agrément de vie ou l’aménagement de son cadre constituent également des charges du mariage (frais d’installation de l’habitation familiale, frais de vacances et de loisirs, plus généralement).
Cette obligation de contribution aux charges du mariage est distincte de l’obligation alimentaire : chaque époux doit exécuter son obligation même si son conjoint ne se trouve pas dans le besoin.
Les époux peuvent fixer la part de leurs charges par un accord. Celui-ci est généralement conclu dans le cadre d’un contrat de mariage. Si la liberté des époux existe, l’article 1388 du Code civil leur interdit de déroger aux droits et devoirs résultant du mariage. Aucune clause ne pourrait dispenser un époux de toute contribution.
En l’absence d’accord et en cas de contentieux, les juges du fond apprécient souverainement le montant des cotisations dues, en fonction des revenus des époux (revenus réels, voire potentiels).
Sanction de l’inexécution : Le manquement de l’un des époux à ses obligations est :
-constitutif d’une faute susceptible de fonder une action en demande de divorce ou en séparation de corps ;
-l’époux défaillant s’expose à des sanctions patrimoniales : l’article 214 du code civil dispose que l’époux victime peut contraindre l’époux fautif à exécuter ses obligations. Pratiquement, il peut demander au juge des affaires familiales de fixer le montant de la contribution lu étant due.
L’époux qui a obtenu un jugement fixant la contribution de son conjoint est par ailleurs en droit, si celui-ci n’exécute pas le jugement, de faire condamner son conjoint sur le plan pénal pour abandon de famille (article 227-3 du Code pénal).
B) La protection du logement
La règle est fixée par l’article 215 alinéa 3 du code civil : les époux ne peuvent unilatéralement disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille, ni des meubles meublants dont il est garni (meubles destinés à l’usage ou à l’ornement des appartements : lits, sièges, glaces, pendules…).
Domaine d’application de la règle : plusieurs types de droits assurent le logement de la famille : il peut s’agir d’un droit réel, tel le droit de propriété. Peu importe le régime matrimonial des époux : l’article 215 al 3 est applicable même si le logement appartient à l’un des deux époux.
La résidence secondaire n’est toutefois pas soumise à ce texte, puisqu’elle n’assure pas le logement de la famille.
Actes des époux : il s’agit des actes de disposition. Tout acte de disposition nécessite le consentement des deux époux. Le consentement du conjoint doit être certain, mais n’a pas nécessairement à être écrit.
La protection dure tant que le mariage se poursuit. Même si les époux sont séparés en fait ou en droit (séparation de corps), la règle reçoit application.
Sanction de la règle : si l’un des époux conclu des actes sans le consentement de son conjoint, il y a nullité relative de l’acte conclu. Cela signifie que seul le conjoint peut invoquer la nullité, dans l’année où il a eu connaissance de l’acte.
C) La représentation entre époux
Le mécanisme de la représentation est celui par lequel une personne, investie à cet effet, accomplit au nom et pour le compte d’une autre un acte juridique qui lui sera opposable.
L’article 218 du Code civil autorise expressément le principe de la représentation entre époux : un époux peut conférer à son partenaire le pouvoir de le représenter. Le type d’acte caractérisant une représentation est le mandat.
Le mandat est toujours librement révocable, cette règle étant impérative (il est impossible d’y déroger).
2/ Les mesures d’autonomie
A) L’autonomie ménagère
L’article 220 alinéa 1er du Code civil dispose que chaque époux a le pouvoir de conclure seul les contrats ayant pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants.
Les dettes contractées au cours de ces contrats (vêtements, nourriture, scolarité…) obligent les deux époux solidairement (chaque époux peut être tenu au paiement de l’intégralité de la dette, quitte ensuite à se retourner contre son conjoint).
La solidarité qui lie les époux ne concerne pas uniquement les contrats : la Cour de cassation a décidé que les époux étaient solidairement tenus de restituer les prestations indûment reçues (reçues à tort) de la part de la Caisse d’allocations familiales durant le mariage (chambre sociale Cour de cassation, 26 octobre 1972).
La solidarité est toutefois écartée pour les dépenses «manifestement excessives ou inutiles». La notion laisse une large place à l’interprétation du juge.
1er exemple : les frais de scolarité d’un enfant dans une école privée : si les frais de scolarité sont des dépenses faites dans le but d’assurer l’éducation des enfants, force est de constater qu’il n’existe aucune obligation de les inscrire dans une école privée, souvent onéreuse. Cela correspond à un choix des parents (ou de l’un deux), à une certaine conception de l’éducation. Il importe ainsi de vérifier l’utilité de cette dépense au regard du train de vie du ménage. Mais a priori, ces frais intègrent en principe la notion de dette commune impliquant le jeu du mécanisme de la solidarité.
2e exemple : L’achat d’un lecteur-enregistreur DVD : S’agit-il d’une dépense manifestement excessive ? Certes, les magnétoscopes et les DVD sont aujourd’hui en vente à des prix raisonnables sur le marché. Mais ici, on peut s’interroger sur l’utilité réelle de la dépense et son caractère excessif : encore rares, les DVD enregistreurs sont souvent encore onéreux. La fonction d’enregistrement n’est habituellement pas considérée par les tribunaux comme nécessaire à la vie courante. Il est peu probable qu’une telle dépense, à l’origine d’une dette, permette le jeu du mécanisme de la solidarité. Quand celle-ci est écartée, en régime de communauté, un créancier pourrait saisir les biens propres de l’époux qui s’est engagé ainsi que les biens communs (sauf les gains et salaires de l’époux qui ne s’est pas engagé).
3e exemple : L’article 220 alinéa 3 exclut en en principe l’application de la solidarité pour les achats à tempérament (les achats à crédit) ainsi que pour les emprunts (sauf si ceux-ci portent sur des sommes modestes nécessaires aux dépenses de la vie courante).
L’achat à crédit d’une automobile constitue-t-il une dépense ménagère qui engagerait solidairement les deux époux ? Il faut vérifier si la personne disposait déjà d’un véhicule : son remplacement étai-il nécessaire ou utile au regard du train de vie du ménage, éventuellement des enfants existants ? Quel type de véhicule est-ce (voiture de luxe-pas de solidarité- ou voiture ordinaire) ?
Pour que la solidarité puisse s’appliquer, l’époux acquéreur de l’automobile devra prouver son affectation aux besoins de la vie courante (c’est-à-dire une utilisation familiale, et non purement ou principalement personnelle).
B) L’autonomie professionnelle
Chaque époux peut librement exercer une profession, percevoir ses gains et salaires et en disposer après s’être acquitté des charges du mariage (article 223 du Code civil). Cette règle a été clairement affirmée au profit de la femme mariée : jusqu’à la loi du 13 juillet 1965, celle-ci ne pouvait pas exercer librement de profession. Le consentement de son mari était nécessaire ; le juge pouvait le cas échéant permettre à la femme de passer outre le refus de son mari.
Le mari était avant cette loi considéré comme le «seigneur et maître» de la communauté.
Si la femme travaillait, ses gains et salaires tombaient dans cette communauté.
Néanmoins, depuis cette loi, la femme peut, comme le mari, disposer librement de ses gains et salaires. Le principe de libre-disposition des gains et salaires est applicable quel que soit le régime matrimonial sous lequel se trouvent les époux. Les gains et salaires (qui s’entendent des revenus professionnels des époux, qu’il s’agisse des salaires, accessoires des salaires, honoraires, traitement, commissions, droits d’auteurs, etc) sont toutefois qualifiés de biens communs, nécessitant en principe le consentement du conjoint (obligation de contribution aux charges du mariage).
3/ Les mesures de crise
Tout ménage est susceptible de connaître des difficultés, soit internes (querelles familiales, difficultés de l’un des conjoints, etc) soit externes (guerre, éloignement, etc). Plusieurs mécanismes ont été créés pour y faire face.
A) La représentation judiciaire
L’origine du mécanisme date de la seconde guerre mondiale : afin de remédier à l’éloignement du nombre de maris (déportés, blessés, prisonniers…) la loi du 22 septembre 1942 a organisé un mécanisme permettant au conjoint, avec l’aide de la justice, de représenter son époux. (article 219 du Code civil).
Si l’un des époux se trouve hors d’état de manifester sa volonté, le conjoint peut être habilité par le juge à le représenter dans l’exercice des pouvoirs résultant du régime matrimonial. Il ne peut y avoir représentation judiciaire contre la volonté d’un époux.
Qu’est qu’un époux «hors d’état de manifester sa volonté» ?
La jurisprudence interprète largement la notion : elle considère en effet que l’on peut recourir à la représentation judiciaire même si l’époux est capable d’exprimer sa volonté, mais ne peut pas l’exprimer en toute connaissance de cause ou en temps requis.
Il y a actuellement 3 hypothèse dans lesquelles on admet la représentation judiciaire :
-l’époux est parti sans laisser d’adresse ou sans donner de nouvelles ;
-l’époux est en prison (encore que l’on puisse douter qu’il ne puisse pas exprimer sa volonté) ;
-l’époux malade, notamment lorsqu’il est atteint de troubles mentaux ou en été inconscient.
Utilisation de la représentation judiciaire : que peut faire le conjoint habilité à représenter son partenaire ? Cet époux est déclaré représentant dans «l’exercice des pouvoirs résultant du régime matrimonial». Cela signifie que la représentation judiciaire trouve à s’appliquer quel que soit le régime matrimonial des époux, même s’il s’agit d’un régime de séparation de biens.
En d’autres termes, la représentation judiciaire permet à un époux de représenter son conjoint de la gestion de ses biens propres. L’habilitation est donnée par le juge des tutelles, et peut être retirée par ce même juge.
B) L’autorisation judiciaire
Elle est régie par l’article 217 du Code civil. Ce mécanisme permet à un époux de conclure un acte juridique sans le concours ou le consentement de son conjoint.
Deux situations existent :
-soit un des époux n’est pas en état de manifester sa volonté ;
-soit l’un des époux refuse la conclusion de l’acte juridique. Si ce refus n’est pas justifié par l’intérêt de la famille, l’autorisation judiciaire permet au conjoint de passer outre ce refus en concluant l’acte juridique (différence avec la représentation judiciaire).
Autre différence : l’autorisation judiciaire ne peut pas concerner la gestion des biens propres de l’autre époux. L’autorisation concerne par ailleurs un seul acte ; il ne s’agit pas d’un pouvoir général de gestion de biens, d’administration.
C) Les mesures de sauvegarde
Alors que les mécanismes de la représentation et de l’autorisation judiciaire ont en commun d’avoir pour effet d’augmenter, en période de crise, les pouvoirs habituels d’un époux, la loi prévoit, à travers les mesures de sauvegarde, la diminution de ces pouvoirs.
Aux termes de l’article 220-1 du Code civil : si l’un des époux manque gravement à ces devoirs et met en péril les intérêts de la famille, le juge aux affaires familiales peut prescrire toutes les mesures urgentes qui requièrent ces intérêts.
Conditions d’application de ce texte :
- a) Il faut un manquement grave d’un époux à ses devoirs : il peut s’agir d’un manquement aux devoirs extra-patrimoniaux (infidélité, abandon de famille….), aux devoirs patrimoniaux (accumulation de dettes inconsidérées, fautes graves ou fraudes dans l’administration de biens communs…).
- b) La mise en péril des intérêts de la famille : elle peut être constituée par une atteinte aux intérêts patrimoniaux de la famille, ou à ses intérêts extra-patrimoniaux (en cas de violence au sein du couple, le juge peut statuer sur la résidence séparée des époux, l’époux victime des violences conservant la jouissance du logement).
Il n’est pas nécessaire qu’un dommage soit effectivement intervenu : un risque imminent suffit à permettre l’application de l’article 220-1.
Objet des mesures de sauvegarde : le juge peut prescrire toute mesure utile (interdire à un époux de conclure certains actes juridiques notamment…).
Les mesures de sauvegarde sont nécessairement temporaires : bien qu’elles puissent être renouvelées, leur durée ne peut jamais excéder 3 ans.
Section 2 : La détermination du régime matrimonial
Cette détermination oscille en permanence entre deux tendances : d’un côté la place de la loi, de l’autre celle de la volonté individuelle des parties.
1/ Le choix du régime matrimonial
Il s’opère par la conclusion d’une convention matrimoniale.
Définition : Ensemble de dispositions conclues en vue du mariage, par lesquelles les futurs époux adoptent un type de régime matrimonial conventionnel ou même légal, ou prévoient d’autres dispositions spécifiques en vue du mariage.
Certaines conventions matrimoniales se contentent parfois de prévoir simplement des libéralités en vue du mariage.
Ces libéralités peuvent être de trois ordres :
–Les constitutions de dot : il s’agit des donations de biens présents qu’un tiers consent à l’un des futurs époux à l’occasion du mariage. Ces constitutions peuvent soit être réalisées dans le cadre d’un contrat de mariage, soit hors de tout contrat.
–les donations de biens présents entre futurs époux : les futurs époux peuvent réaliser toute donation qu’ils jugent utile dans leur contrat de mariage. L’article 265 du Code civil prévoit que le divorce est sans incidence sur ces donations ; insérer une clause contraire dans le contrat de mariage ne semble pas possible.
–les donations de biens à venir : une partie, l’instituant, dispose au bénéfice de l’autre, qui l’accepte, de tout ou partie des biens qui composent sa succession.
Le contrat de mariage est la forme la plus courante de convention matrimoniale.
Définition du contrat de mariage : contrat passé devant notaire avant le mariage par lequel les futurs époux fixent le régime de leurs biens pendant le mariage (et qui peut contenir d’autres dispositions, notamment des donations).
- a) Le consentement
L’exigence du consentement des deux parties au contrat de mariage implique que toutes les conventions matrimoniales soient rédigées devant notaire avec le consentement des parties ou de leurs mandataires.
La théorie des vices du consentement peut jouer (erreur, violence, dol) ; elle est en pratique inexistante pour le cas du contrat de mariage.
- b) La capacité
En droit commun, le mineur non-émancipé ne peut conclure de contrats relatifs à ses intérêts pécuniaires : il doit être assisté de son administrateur légal ou de son tuteur. C’est également le cas ici. Avant la loi du 4 avril 2006, le mineur ayant la capacité de se marier (15 ans pour les femmes, 18 ans pour les hommes) pouvait conclure de tels contrats s’il avait été assisté par des personnes dont le consentement est nécessaire à la validité du mariage.
Mais la loi du 4 avril 2006 a harmonisé l’âge légal à partir duquel l’homme ou la femme peut se marier : cet âge est désormais de 18 ans (article 144 du Code civil), cette règle étant d’ordre public (impérative). Le majeur capable a donc pleine capacité, et le mineur émancipé lui étant assimilé en principe.
S’agissant du majeur incapable, la Cour de cassation avait opté pour une solution libérale dans un arrêt du 24 décembre 1856 : il pouvait conclure des contrats de mariage. Mais elle a opéré un revirement de jurisprudence dans un arrêt du 21 juin 1892 : le faible d’esprit ne pouvant se marier, il ne peut non plus conclure de contrat de mariage.
La loi du 3 janvier 1968 est venue préciser les solutions :
-le majeur sous curatelle ne peut se marier, donc conclure de contrat de mariage, sans le consentement du curateur, ou, à défaut, du juge des tutelles ;
-le majeur sous tutelle ne peut se marier, donc conclure de contrat de mariage, sans l’autorisation du Conseil de famille (sauf si les deux parents y consentent).
- c) L’objet
Principe : la liberté contractuelle domine : les parties ont le choix d’opter pour le régime matrimonial qui leur convient le mieux, d’aménager leur régime comme elles l’entendent. Outre le régime légal, la loi propose d’autres régimes (séparation de biens, communautés des meubles et acquêts…). Il suffit aux futurs époux de faire référence dans leur contrat de mariage à l’un de ces régimes pour qu’il soit applicable.
Cette liberté contractuelle dont elles disposent au titre de l’article 1387 du Code civil leur permet même d’opter pour un modèle étranger alors qu’aucun élément d’extranéité n’existe (résidence à l’étranger, nationalité étrangère de l’une des parties…).
Il existe néanmoins certaines limites à cette liberté contractuelle :
-conventions illicites ou immorales : les conventions conclues par les futurs époux ne doivent pas être contraires aux bonnes mœurs (clause interdisant le remariage éventuel d’un des futurs époux) ;
-impossibilité de modifier par contrat l’ordre légal de la succession (pas de renonciation anticipée donc, pas d’aliénation des droits que l’on peut avoir sur la succession) ;
-impossibilité pour les futurs époux de prévoir contractuellement une dérogation aux droits et devoirs découlant du mariage.
Le contrat de mariage est nécessairement conclu à une date antérieure au mariage lui-même. La sanction attachée à la violation de cette règle est la nullité du contrat de mariage.
Le contrat de mariage est en principe nécessairement un acte notarié (acte solennel). L’article 1394 du Code civil impose sa rédaction et sa conclusion devant notaire. La violation de cette obligation est sanctionnée par la nullité absolue du contrat de mariage.
Le notaire doit délivrer aux parties, sur papier libre et sans frais, un certificat de mariage comportant les noms et prénoms des époux, ainsi que la date du contrat de mariage. Ce certificat est remis à l’officier d’état civil avant la célébration du mariage ; s’il existe, le contrat de mariage voit donc son existence figurer sur l’acte de mariage.
Effets du contrat de mariage : le contrat de mariage, qui doit être rédigé avant le mariage, ne peut produire effet qu’à compter de la célébration du mariage. Les effets de ce contrat sont donc différés dans le temps. Le mariage n’existe, en effet, à la date de conclusion du contrat, qu’à l’état de projet. Si le projet de mariage ne se réalise pas, le contrat de mariage est privé d’effet : il est frappé de caducité.
Si le projet de mariage se réalise, le contrat de mariage produit tous ses effets. Certaines dispositions peuvent toutefois produire effet immédiatement : ex : la reconnaissance d’un enfant naturel.
2/ Le changement de régime matrimonial
A) Le changement antérieur au mariage
Lorsque les époux se marient sans avoir conclu de contrat de mariage, la question ne se pose pas : il n’y a rien à changer.
En revanche, si un contrat de mariage existe, il est susceptible d’être modifié. Il ne peut l’être que dans les mêmes formes qui étaient exigées pour la rédaction et la conclusion du contrat de mariage (acte notarié, règle du parallélisme des formes). (article 1396 du Code civil).
B) Le changement opéré pendant le mariage
Principe de l’immutabilité du régime matrimonial : Dans l’Ancien Droit, il était affirmé que les conventions matrimoniales ne pouvaient être modifiées après la célébration du mariage. On voulait par ce principe assurer l’intérêt des tiers, qui doivent connaître le contrat de mariage, et risqueraient d’être trompés si les époux avaient modifié le contenu de l’acte sans qu’ils n’en n’aient eu connaissance.
On entendait également assurer la protection des époux, en empêchant l’un des conjoints d’avoir une influence telle sur l’autre qu’il puisse se faire consentir des avantages injustifiés ou se débarrasser de charges.
Néanmoins, on a vivement critiqué ce principe : le mariage ayant vocation à durer dans le temps, était-il normal d’empêcher toute révision du contrat de mariage empêchant de considérer d’éventuelles lacunes du contrat ou la survenance d’événements imprévisibles ?
La loi du 13 juillet 1965 a réformé le système, permettant une possible révision du contrat de mariage : on parle désormais de principe d’immutabilité atténuée. Il peut être apporté une modification soit :
- -à la demande de l’un des deux époux ;
- -à la demande conjointe des deux époux.
L’article 1397 du Code civil permet ainsi la possibilité de cette modification, après deux ans de mariage, et ce dans l’intérêt de la famille. La notion d’intérêt de la famille est assez floue, les juges disposent d’un large pouvoir d’appréciation.
L’intérêt de la famille ne se limite pas aux seuls époux et enfants : il peut concerner d’autres personnes, notamment dans le cadre de familles recomposées.
EX : Cour de cassation, 6 janvier 1976 : le souci d’assurer la situation pécuniaire du conjoint survivant répond à un intérêt familial justifiant la modification du contrat de mariage.
Mais l’intérêt de la famille peut aussi intéresser plusieurs membres de la famille simultanément.
L’acte notarié modifiant le régime matrimonial doit faire l’objet d’une homologation judiciaire auprès du TGI du lieu de résidence de la famille.
Le contrat de changement de régime matrimonial, l’avenant modificatif, ne produit ses effets à l’égard des époux qu’à compter de la date de l’homologation judiciaire. Il doit être fait mention de cette homologation judiciaire sur l’acte de mariage.
A l’égard des tiers, le changement homologué produit effet 3 mois après que la mention en ait été faite sur le contrat de mariage.
Protection des créanciers : afin d’assurer la protection des créanciers, la loi leur permet :
- -d’intervenir à l’instance d’homologation pour faire valoir leurs droits ; s’ils prouvent une fraude, l’homologation sera refusée.
- -d’exercer une tierce opposition contre le jugement d’homologation, dans l’année qui suit les formalités de publicité du jugement d’homologation.
Chapitre 2 : Les différents régimes matrimoniaux
Il conviendra d’envisager les régimes de communauté d’une part, les régimes de séparation de biens d’autre part.
Section 1 : Les régimes de communauté
Définition : régime matrimonial dans lequel tout ou partie des biens des époux forme une masse commune destinée à être partagée entre les époux ou leurs héritiers leur de la dissolution de la communauté.
1/ La composition des masses de biens
Dans tout régime de communauté, le patrimoine des deux époux a vocation à être réparti en plusieurs masses de biens : ceux qui restent la propriété exclusive de chacun, appelés biens propres, et ceux qui, sous l’appellation de biens communs, forment la communauté.
A) La communauté légale (ou communauté dite réduite aux acquêts)
Acquêts : biens acquis à titre onéreux pendant le mariage.
Répartition de l’actif : (article 1401 du Code civil) : l’actif commun est composée des biens acquis à titre onéreux durant le mariage (les acquêts) + gains et salaires des époux.
On trouve plusieurs types d’acquêts dans l’actif commun : les acquêts provenant de l’industrie personnelle des époux, et ceux provenant des économies réalisées sur les fruits et revenus de leurs biens propres.
- a) Acquêts provenant de l’industrie personnelle des époux: le travail constitue la source essentielle de revenus, donc d’accroissement du patrimoine. Les gains et salaires répondent donc à la définition des acquêts de communauté en ce sens qu’ils servent à l’achat de biens qui constituent des acquêts. La qualification d’acquêt s’applique quels que soient les biens en cause : corporels, incorporels (droits de créances), meubles, immeubles….
Les gains et salaires sont des biens communs, juridiquement parlant, ainsi que les biens achetés au moyen de ces sommes. Mais les gains et salaires non-utilisés sont-ils juridiquement, en eux-mêmes, des acquêts ou sont-ils des bien propres ?
La jurisprudence, admet, bien que la question soit encore débattue, que ces gains et salaires, même non-utilisés, reçoivent la qualification juridique de biens communs (Cour de cassation, 1ere chambre civile, 8 février 1978).
Les créations littéraires et artistiques restent en revanche propres à leur auteur.
- b) Acquêts provenant des économies réalisées sur les fruits et revenus des époux: la loi du 23 décembre 1985 a opté pour la qualification de biens communs. La Cour de cassation l’a confirmé dans un arrêt du 31 mars 1992 : les revenus tirés de l’utilisation de biens propres tombent sous le régime de la communauté dès leur perception.
Dans le régime de communauté légale, il existe une présomption d’acquêt : tout bien est réputé acquêt de communauté jusqu’à preuve contraire. La plupart des époux ne se soucient pas de réserver le caractère propre des biens qu’ils achètent durant le mariage ; en cas de doute, la qualification communautaire prévaut.
En d’autres termes, un époux qui soutient qu’un tel bien lui est propre devra supporter la charge de la preuve, démontrant que ce bien lui appartient en propre. Par ailleurs, les créanciers peuvent se prévaloir de la présomption d’acquêt : ils argueront du fait que le bien soit en communauté pour saisir le bien.
Actif propre : il comprend d’abord les biens propres par leur origine : il s’agit des biens qui, soit n’ont pas été acquis durant le mariage, soit n’ont pas été acquis à titre onéreux (l’ont été à titre gratuit). (biens acquis à titre gratuit : soit à la suite d’une donation ou d’un legs, soit à la suite de l’application des règles de dévolution légale de la succession).
Rien de ce que les époux possédaient en propre au jour de leur mariage ne fait partie de la masse commune sous le régime légal. L’article 1405 du Code civil précise que restent propres à chaque époux les biens dont ils avaient la propriété, et les biens dont ils avaient la possession.
L’actif propre comporte une seconde catégorie de biens : les biens propres par nature : cette catégorie est aux contours incertains ; il s’agit des biens qui présentent un caractère personnel ainsi que tous les droits exclusivement attachés à la personne. Il s’agit :
-des vêtements et linges à l’usage personnel d’un époux ;
-des actions en réparation d’un dommage corporel ou moral ;
-des lettres, souvenirs de famille, diplômes, bijoux.
Répartition du passif : La prise en compte du seul intérêt des créanciers aurait conduit à étendre leur gage sur l’ensemble du patrimoine des époux. Au contraire, la prise en compte du seul intérêt des époux aurait conduit à ce que les biens personnels de chacun soient hors d’atteinte des créanciers du conjoint.
Le législateur a recherché un compromis entre ces deux voies extrêmes.
S’agissant des dettes antérieures au mariage ou grevant les successions ou libéralités : L’article 1410 du Code civil dispose que les dettes dont les époux étaient tenus le jour de leur mariage, ou qui grevaient les successions ou libéralités dont ils étaient bénéficiaires, demeurent personnelles.
L’article 1411 pose une règle favorable, néanmoins, aux créanciers de l’un des deux conjoints : ils peuvent poursuivre leur paiement, non seulement sur les biens propres du conjoint débiteur, mais également sur ses revenus, c’est-à-dire sur ses gains et salaires, juridiquement qualifiés de biens communs.
S’agissant des dettes communes par nature (dettes alimentaires et ménagères) : elles sont communes aux deux époux. Il s’agit des dettes correspondant aux aliments dû par les époux, d’une part, et des dettes contractées pour l’entretien du ménage et l’éducation des enfants, d’autre part.
Autres dettes : on estime que la communauté a vocation a recueillir ces dettes qui ont été contractées durant le mariage.
Il existe une exception : un principe d’insaisissabilité du salaire du conjoint du débiteur par les créanciers du conjoint débiteur.
B) Les communautés conventionnelles
Il existe deux types de communautés conventionnelles : la communauté des meubles et acquêts, et la communauté universelle.
- a) Communauté des meubles et acquêts: régime légal jusqu’au 1er février 1966, le législateur l’a conservé comme variante conventionnelle du régime de communauté légale. Elle est toutefois dans la pratique, en voie de disparition presque totale.
Actif commun : comprend tous les biens qui feraient partie de la communauté légale + les biens meubles présents ou acquis par succession ou libéralité pendant le mariage (+ les immeubles acquis entre le contrat de mariage et la célébration du mariage).
Les biens immobiliers n’ayant pas été acquis à titre onéreux pendant le mariage sont exclus de l’actif commun.
Par exception, certains biens meubles restent propres : ceux qui sont exclus de la communauté par la volonté du disposant (ex : l’intention d’un donateur de faire bénéficier le seul époux bénéficiaire du bien donné prévaut) et les biens propres par nature.
Passif commun : comprend toutes les dettes qui en feraient partie sous le régime légal + celles qui grèvent les successions et libéralités acquises pendant le mariage.
- b) Communauté universelle
Il s’agit du plus simple des régimes de communauté (plébiscité dans les sondages, mais adoptés par seulement 7% des français mariés) : tous les biens, et corrélativement, toutes les dettes tombent en communauté.
Un article unique traite de ce régime : l’article 1526 du Code civil.
Exceptions : les biens propres par nature ne tombent pas, en principe, dans la communauté. Par ailleurs, en cas de donation ou de legs, si la volonté du disposant était de ne pas faire entrer le bien donné en communauté, il restera propre à l’époux bénéficiaire.
2/ La gestion des biens
A) Sous le régime de communauté légale
On examinera la gestion des biens communs, puis celle des biens propres.
1) Gestion des biens communs :
La loi du 23 décembre 1985 divise la sphère d’action des époux en trois pouvoirs :
-un pouvoir concurrent ;
-un pouvoir exclusif ;
-un pouvoir commun.
Le pouvoir concurrent : Il s’agit du principe : celui d’une gestion concurrente des biens communs par chaque époux. Il est affirmé par l’article 1421 du Code civil qui dispose que «Chacun des époux a le pouvoir d’administrer seul les biens communs et d’en disposer, sauf à répondre des fautes qu’il aurait commises dans sa gestion. Les actes accomplis sans fraude par un conjoint sont opposables à l’autre». La Cour de cassation, pour prévenir le risque d’actes contradictoires entre époux, a d’ailleurs posé le principe d’une obligation d’information du conjoint pour les actes importants conclu par un seul (1ere chambre civile Cour de cassation ,16 mars 1999, et 14 février 2006).
Ce pouvoir concurrent offre à chaque époux le droit d’administrer seul les biens communs et d’en disposer. Les actes d’administration (entretien, mise en valeur, ou réparation de biens) ainsi que les actes de disposition (notamment concernant les biens meubles) peuvent être réalisés par chacun d’entre eux. Il s’agit ici uniquement d’actes à titre onéreux.
Ex : disposer de fonds communs ; acheter un bien ; accepter une donation ; souscrire une assurance-vie ; résilier un bail-commercial, exercer seul, en demande ou en défense, les actions en justice relative aux biens communs, etc).
Ces actes, accomplis sans fraude, sont alors opposables au conjoint : celui-ci ne peut les empêcher, et ces actes peuvent faire naître des obligations à sa charge.
Le pouvoir exclusif : Le principe de la gestion exclusive, affirmé par l’article 1421 alinéa 2 du Code civil, constitue une limite à celui de la gestion concurrente. Il se justifie pleinement : on conçoit aisément qu’un époux ne puisse s’immiscer sans l’exercice d’une profession séparée exercée par son conjoint. La loi a entendu consacrer l’autonomie professionnelle de chaque époux. Le conjoint n’exerçant pas l’activité de son époux ne peut ainsi pas disposer de son matériel professionnel. (ex : opérations de gestion courante nécessaires à l’exercice d’une activité professionnelle, telles que l’achat et la vente de matériels et de marchandises ou la conclusion d’un contrat d’assurance).
Le pouvoir commun (la gestion conjointe, ou cogestion) : Ce dernier mode de gestion est visé par les articles 1422 à 1425 du Code civil. Il concerne essentiellement les actes de disposition à titre gratuit (donations) d’un bien de la communauté entraînant un dessaisissement immédiat et définitif d’un bien de la communauté, ainsi que certains actes de disposition à titre onéreux (vente d’immeubles, vente de fonds de commerce…). Les immeubles par nature sont concernés de façon certaine, la question de la soumission des immeubles par destination au domaine de la cogestion demeurant controversée.
Immeuble par nature : bien qui est, par nature, insusceptible d’être déplacé (ex : le sol, fonds de terre, et tout ce qui s’y incorpore tels les bâtiments).
Immeuble par destination : chose mobilière réputée immeuble par la loi (articles 524 et 525 du Code civil) (ex : chose affectée à l’exploitation d’un fonds, tels les animaux de culture).
La cogestion impose aux époux de donner leur double consentement à l’acte (soit de manière expresse, soit tacite). Les époux doivent être en accord à la fois sur le principe de l’acte mais également sur ses modalités (prix d’une vente par exemple).
Les sanctions du contrôle judiciaire :
- a)En cas de dépassement de ses pouvoirs par l’un des époux : l’article 1427 du Code civil prévoit la nullité de l’acte conclu par l’époux qui aurait outrepassé ses pouvoirs. Peu importe le domaine de la gestion (concurrente ou conjointe), et peu importe que l’époux en cause soit de bonne foi ou non. L’acte est frappé d’une nullité relative : celle-ci ne peut être demandée que par l’époux victime du dépassement de pouvoir. Il peut au contraire décider de ratifier (valider) l’acte.
- b) La fraude aux droits du conjoint (article 1421 alinéa 1er du Code civil): Il peut arriver qu’un époux, tout en restant dans les limites des pouvoirs que la loi lui reconnaît, en abuse dans le but de nuire à son conjoint ou de satisfaire des besoins étrangers à l’intérêt commun.
L’existence d’une fraude suppose que soient établies :
-une intention de nuire du conjoint (volonté de nuire caractérisée soit par la vengeance, soit par la volonté de s’enrichir personnellement au détriment de son conjoint) ;
-la mauvaise foi du tiers qui a contracté avec l’époux fraudeur (la simple conscience du préjudice causé au conjoint suffit) (ex : vente à bas pris de biens communs, généralement pour porter atteinte à la communauté dans la perspective d’un divorce).
La sanction est l’inopposabilité de l’acte au conjoint : l’acte est ainsi dépourvu d’effet juridique.
La nullité visée par l’article 1427 prime sur la fraude visée à l’article 1421. Autrement dit, la fraude ne peut être invoquée qu’à titre subsidiaire, à défaut de pouvoir invoquée la nullité (enfermée dans un délai de 2 ans à compter du jour où l’époux a eu connaissance de l’acte).
- c) Responsabilité pour faute de gestion: L’article 1421 du Code civil pose le principe selon lequel chaque époux peut engager sa responsabilité civile du fait des fautes qu’il peut commettre dans la gestion de biens communs.
La faute peut résider en une action ou une inaction (négligence). La charge de la preuve de la faute incombe à l’époux demandeur. Néanmoins, plusieurs arrêts de la Cour de cassation ont condamné certains époux à restituer des fonds retirés d’un compte bancaire, faute de preuve de leur emploi dans l’intérêt commun (1er chambre civile Cour de cassation, arrêts des 19 mars 1991 et 23 avril 2003).
L’action en responsabilité est soumise à une prescription décennale. Le délai de prescription est toutefois suspendu pendant la durée du mariage.
Les dommages intérêts alloués ne servent pas à enrichir l’époux victime : ils s’intègrent à la communauté.
- d) Le retrait et le transfert de pouvoirs (article 1426 du Code civil) : Ce texte énonce que si l’un des époux se trouve, «d’une manière durable, hors d’état de manifester sa volonté, ou si sa gestion de la communauté atteste l’inaptitude ou la fraude, l’autre conjoint peut demander en justice à lui être substitué dans l’exercice de ses pouvoirs». La première hypothèse (à l’instar des articles 217 et 219 du Code civil) vise l’éloignement, la maladie (grave) d’un époux ou son incarcération. La seconde hypothèse vise à sanctionner l’incompétence ou la négligence d’un époux (ex : une épouse laissant s’accumuler les dettes sous l’emprise d’un magnétiseur, Cour d’Appel Paris, 17 avril 1996). La fraude, elle, implique une intention de nuire, un comportement malveillant visant à priver le conjoint de ses droits dans la communauté.
La demande du conjoint est nécessairement judiciaire (à porter devant le TGI) ; elle permet d’organiser un retrait de pouvoirs à l’époux défaillant et un transfert au profit de l’époux victime.
2) Gestion des biens propres :
L’article 1428 du Code civil dispose que chaque époux conserve la pleine propriété de ses biens propres, meubles ou immeubles. Il peut ainsi en disposer, les administrer et en jouir.
Limites :
-l’époux bénéficiaire de revenus tirés de ses biens propres doit prioritairement acquitter sa contribution aux charges du mariage, au besoin par la contrainte.
-Si le logement de la famille est assuré par les biens ou droits propres à un époux, celui-ci ne peut e disposer seul. Il en va de même pour les meubles qui garnissent le logement.
Intervention d’un époux dans la gestion des biens propres de son conjoint : L’article 1431 du Code civil offre la possibilité à un époux de donner mandat à son conjoint pour administrer ses biens propres. Le mandat peut être exprès ou tacite. Les actes passés le sont comme s’ils l’avaient été par le mandant. L’époux mandataire ne peut être poursuivi ni sur ses biens propres, ni sur ses gains et salaires.
La loi, par ailleurs, envisage aussi deux hypothèses dans lesquelles un conjoint s’immisce dans la gestion des biens propres de son partenaire sans mandat :
-dans la première hypothèse, il n’y a pas d’opposition de son partenaire : la jurisprudence considère alors qu’il y a mandat tacite. Ce mandat ne vaut que pour les actes d’administration et de jouissance, et non pour les actes de disposition.
-dans la seconde hypothèse, l’époux qui s’immisce dans la gestion des biens propres de son conjoint malgré l’opposition de celui-ci commet un abus de pouvoir caractérisé. L’époux fautif sera alors responsable de toutes les fautes qu’il a commises, et il est susceptible d’engager ses biens propres ainsi que sa responsabilité civile.
B) Aménagements conventionnels de la gestion des biens
Clauses autorisées : clause d’administration conjointe : les époux peuvent convenir qu’ils administreront conjointement la communauté (article 1503 du Code civil). Cette clause semble correspondre à l’idée de communauté, soumise à la co-gestion des époux.
L’inconvénient majeur de la clause est lié à la lourdeur du régime : tout acte autre que simplement conservatoire doit requérir l’accord des deux époux, à peine de nullité. La mise en œuvre de la clause suppose donc une entente parfaite.
Si un époux agit seul, au mépris de la clause d’administration conjointe, l’acte n’est pas inévitablement voué à l’inefficacité : le conjoint peut le ratifier. En outre, un époux peut toujours utiliser les articles 217 et 219 du Code civil pour conclure un acte qu’il juge nécessaire à l’intérêt de la famille.
Clauses prohibées : outre les prohibitions générales tenant aux exigences de l’ordre public, au respect des bonnes mœurs, ou encore aux droits et devoirs du mariage, sont prohibées toutes les clauses portant atteinte au principe de la libre-disposition des gains et salaires des époux ou qui visent à rétablir une inégalité entre époux, inégalité ayant été supprimée par la loi.
De telles clauses sont nulles.
3/ La dissolution de la communauté
L’article 1441 du Code civil énumère plusieurs causes de dissolution de la communauté :
- -la mort d’un époux ;
- -l’absence d’un époux ;
- -le divorce ;
- -la séparation de corps ;
- -la séparation de biens ;
- -le changement de régime matrimonial.
A) La mort d’un époux
La décès d’un époux entraîne de plein-droit la dissolution du mariage, et donc de la communauté existant entre époux.
L’époux survivant a obligation de procéder à un inventaire des biens. Néanmoins, les sanctions et déchéances pour défaut d’inventaire ayant été supprimées par la loi du 13 juillet 1965, l’époux survivant qui a manqué à son obligation n’encourt aucune sanction.
B) L’absence
Il existe deux types d’absences : l’absence présumée, et l’absence déclarée.
Absence présumée : Dès qu’une personne a cessé de paraître à son domicile, ou de sa résidence, sans que l’on ait de nouvelle, le juge des tutelles peut être saisi, sans délai particulier, afin de constater l’existence d’une «présomption d’absence» et de désigner un administrateur des biens de l’absent. La communauté est maintenue dans cette phase.
Absence déclarée : La déclaration d’absence peut intervenir soit 10 ans après le premier jugement, qui a constaté la présomption d’absence, soit 20 ans après la disparition, s’il n’y a eu aucun jugement préalable de constatation de l’absence.
S’il y a un jugement de déclaration d’absence, la communauté est nécessairement et définitivement dissoute. Bien plus, le jugement de déclaration d’absence «emporte tous les effets que le décès établi de l’absent aurait eu» (article 128 du Code civil). Le mariage est donc définitivement dissous ; le retour de l’absent n’y changerait rien.
C) Le divorce
Le divorce, quel qu’en soit le motif, entraîne toujours la dissolution de la communauté ayant existé entre époux.
Le mariage est dissous au jours où le divorce est devenu définitif (après épuisement des voies de recours ou des délais pour les exercer) mais la communauté n’est pas dissoute à cette date. Le législateur distingue les rapports entre époux des rapports entre ceux-ci et les tiers.
Entre époux : depuis la loi du 26 mai 2004, on distingue selon le cas de divorce :
-en cas de divorce par consentement mutuel, la communauté est dissoute à la date de l’homologation de la convention réglant les conséquences du divorce ;
-lorsqu’il est prononcé pour un autre motif (acceptation du principe de la rupture du mariage, altération définitive du lien conjugal ou pour faute), la communauté est dissoute à la date de l’ordonnance de non-conciliation.
A l’égard des tiers : Le divorce n’est opposable aux tiers, en ce qui concerne les biens des époux, qu’à la date de transcription du jugement en marge des registres de l’état civil.
D) La séparation de corps
Si la séparation de corps entraîne, comme le divorce, dissolution de la communauté, elle laisse en revanche subsister le lien du mariage. Dès lors, le maintien d’un régime matrimonial s’impose.
La solution retenue consiste en la substitution immédiate du régime de la séparation de biens à celui, légal ou conventionnel, qui s’appliquait précédemment.
E) La séparation de biens judiciaires
Cette séparation de biens engendre la dissolution de la communauté. Il s’agit d’une action contentieuse. L’article 1443 du Code civil confère à chaque époux la possibilité de demander en justice la séparation de biens si son conjoint met en péril les intérêts de la famille.
Cette action est personnelle : elle appartient à chaque époux, et non à leurs créanciers.
L’action est possible sous deux conditions :
1) l’attitude du conjoint, qui doit engendrer : un désordre des affaires, ou son inconduite ;
2) les conséquences du comportement : la mise en péril des intérêts de l’autre époux.
1) L’attitude du conjoint
- a) Le désordre des affaires: l’exemple type est l’insolvabilité du conjoint, justifiant sa mise en «faillite», ce que l’on appelle en droit sa déconfiture. Cependant, l’action est ouverte à l’un des époux dès qu’un risque d’insolvabilité future est avéré.
La notion de «désordre des affaires» n’implique pas nécessairement un comportement fautif ; il s’agit d’un état de fait : certaines circonstances excluent une faute du conjoint (évolution défavorable de la conjoncture économique, défaillance d’un débiteur important….).
Le désordre des affaires peut également renvoyer à une mauvaise administration, ce qui se caractérise par des négligences ou de manière plus générale, par une incompétence dans la gestion des affaires. Cela peut aussi être d’ordre «pathologique» : engagements inconsidérés ou excessifs.
- b) L’inconduite : ce comportement implique nécessairement une faute de la part du conjoint (rupture de la vie commune, débauche, entretien d’une liaison adultère). Ce comportement doit mettre en péril les intérêts patrimoniaux du conjoint (ex : Cour d’appel de Bordeaux, arrêt du 22 octobre 2002 : prêt sans intérêt d’un époux à sa maîtresse de fonds communs).
2) La mise en péril des intérêts de l’époux
Les intérêts de cet époux sont ceux qui se trouvent dans la communauté ; en d’autres termes, ils sont caractérisés par sa vocation à recueillir une part de la communauté à sa dissolution. L’époux peut craindre que l’accumulation d’un passif important par son conjoint vienne grever le patrimoine commun. Il peut aussi craindre que son conjoint dissipe les biens communs dont il a le pouvoir de disposer seul.
La demande doit être faite devant le TGI du lieu de résidence de la famille.
F) Le changement de régime matrimonial
Il s’agit évidemment d’un changement visant à un régime de séparation de biens, qui entraînera la dissolution du régime de communauté.
4/ La liquidation de la communauté
Liquidation : opération comptable, préalable au partage qui consiste à fixer et chiffrer les droits de chacun (époux ou ayant-droits) : c’est-à-dire déterminer la consistance de la communauté au jour de la dissolution et l’évaluer au jour du partage.
La liquidation s’articule essentiellement autour des récompenses , opération la plus complexe.
La liquidation est composée par deux opérations. Il s’agit, en premier lieu, de fixer la composition de la masse partageable : il faut d’abord l’isoler de ce qui revient en propre aux époux, ce que l’on appelle les reprises de propres (article 1467 du Code civil). En droit, ce n’est pas réellement une reprise, car pendant la durée de la communauté, chaque époux avait conservé la propriété, la jouissance et l’administration de ses propres ; il s’agit plutôt de conservation que de reprise.
Il faut, ensuite, rembourser les avances qui ont pu se faire entre les propres et la communauté, ce que l’on appelle les récompenses.
Les règles de liquidation sont facultatives en ce que le contrat de mariage peut déroger aux règles légales, notamment pour le calcul des récompenses (Cass. 1ere civ, 28 juin 1993).
A) Théorie des récompenses
Le fonctionnement de la communauté fait naître des créances et des dettes entre la communauté et chaque époux. Le mécanisme des récompenses permet de corriger les transferts de valeur qui peuvent se produire entre la communauté et un patrimoine propre d’un époux durant le fonctionnement du régime.
La théorie des récompenses est liée à la communauté : elle ne s’applique pas aux créances entre époux qui ne «transitent» pas par la communauté, c’est-à-dire celles qui sont nées avant le commencement du régime ou après la dissolution, pendant l’indivision post-communautaire.
Certains auteurs fondent la théorie des récompenses sur celle de l’enrichissement sans cause : un patrimoine ne doit pas s’enrichir sans raison au détriment d’un autre.
Ex : un mari peut être débiteur envers la communauté : il utilise des fonds communs pour financer la construction d’un bâtiment sur un terrain qui lui est propre. Il a donc enrichi un bien propre au détriment de la communauté.
Mais il peut aussi être créancier de la communauté : il utilise des fonds propres pour financer la construction d’un bâtiment sur un terrain commun. La communauté s’est enrichie au détriment de son patrimoine propre.
Les causes des récompenses sont simples : l’article 1433 alinéa 2 du Code civil dispose que la communauté doit récompense lorsqu’elle a été enrichie par les deniers propres d’un époux, ou provenant de la vente d’un bien lui étant propre, sans qu’il n’ait été fait emploi ou remploi de ces deniers.
Il faut donc que le patrimoine propre de l’époux se soit effectivement appauvri. Il ne faut pas, à cet égard, entrer dans des comptes d’apothicaire, contraires à l’esprit du mariage et de la communauté : les récompenses doivent avoir pour objet des choses importantes, non de petites dépenses.
Inversement, la communauté doit récompense à chaque fois qu’elle a tiré profit d’un bien propre à l’époux propriétaire (article 1437 du Code civil).
La preuve du droit à récompense implique que l’époux qui l’allègue puisse démontrer qu’il était propriétaire des biens ou des deniers ayant servi à la communauté.
Une seconde condition semble récemment avoir été abandonnée par la jurisprudence (1er chambre civile Cour de cassation, 2 arrêts des 08 février 2005 et 14 juin 2005). Il était jusqu’alors exigé que l’époux prouve que ses biens ou deniers propres avaient effectivement enrichi la communauté ; désormais, il suffit qu’il y ait encaissement à la communauté de biens ou deniers propres. Cela créé une présomption de profit à la communauté.
Ex : l’épouse avait établi que des dettes communes (impôts) avaient été payées par ses deniers propres. La Cour de cassation a estimé que l’encaissement par la communauté des deniers propres présumait le profit de la communauté donc le droit à récompense.
B) L’évaluation des récompenses
Principe (règle apparente, peu appliquée) : la récompense est, en général, égale à la plus faible des deux sommes qui sont la dépense faite et le profit subsistant (article 1469 du Code civil).
En pratique, si un patrimoine règle une dette de l’autre patrimoine, le profit subsistant pour celui-ci est au sens strict du terme, inexistant.
Mais on estime que le profit réside dans la dépense économisée par le patrimoine débiteur.
Exemple d’application du principe : un chirurgien est installé avant le commencement de la communauté : son cabinet est donc propre. Au cours du régime, il achète un matériel coûteux au moyen de deniers communs. L’époux doit donc en principe une récompense à la communauté pour ce bien qui ne lui servira que pour son activité propre, personnelle.
Mais la valeur marchande du bien va rapidement diminuer du fait de l’évolution rapide des techniques médicales ; voire perdre toute valeur. La récompense sera donc très limitée, voire nulle.
C’est pour éviter de telles solutions que des exceptions ont été développées, qui ont pris la place du principe en pratique. Il s’agit d’exceptions de droit, mais elles correspondent à un principe de fait.
Exception(s) : Elles tentent de dégager un plancher qui est une sorte de seuil minimum de récompense. Elles sont visées par l’article 1469 du Code civil. Le plancher peut être constitué par la dépense faite, ou par le profit subsistant.
- a) La dépense faite: la récompense ne peut pas être moindre que la dépense faite lorsque celle-ci était nécessaire. Le patrimoine qui a acquitté la dépense «mérite» en quelque sorte de rentrer dans ses fonds, du fait de l’utilité de l’avance qu’il a consentie, quand bien même aucun bénéfice réel n’aurait été réalisé.
Ex : dépenses nécessaires à la conservation (et non à l’amélioration) d’un bien (immeuble notamment).
- b) Le profit subsistant: Lorsque la dépense d’un époux, ou de la communauté, a servi à l’acquisition ou à l’amélioration d’un bien, il y a profit subsistant, c’est-à-dire enrichissement d’un patrimoine (soit celui de l’époux, soit celui de la communauté). La récompense qui est alors due ne peut être moindre que le profit subsistant (plus-value).
C) Règlement des récompenses
Récompenses dues par la communauté : Elles peuvent s’opérer par différents moyens, au nombre de trois.
Le premier est le paiement : le conjoint est «créancier» de la communauté (terme impropre en droit car la communauté n’est pas une personne morale), et, si le règlement ne s’effectue pas à l’amiable, il peut poursuivre la communauté par voie de saisie, en faire vendre les biens et se payer sur les deniers provenant de la vente forcée. La récompense peut être réglée par une somme d’argent que le conjoint obtient de la communauté.
Le deuxième moyen est le prélèvement : il s’agit d’un paiement en nature, rarement utilisé : pratiquement, il ne joue qu’en cas de conflits entre époux. Il est envisagé par l’article 1470 alinéa 2 du Code civil, et présente le double avantage de la simplicité (pas de frais de poursuite judiciaire) et de maintenir dans les familles des biens auxquels les intéressés sont attachés.
Le troisième est dernier procédé est l’accroissement des attributions : la pratique notariale intègre les prélèvements dans le partage ; on déduit d’abord les récompenses dues aux époux de l’actif partageable, puis on ajoute aux parts qu’ont les époux dans l’actif net le montant de leurs récompenses respectives.
Exemple : soit un actif global de la communauté : 400 000. Imaginons que l’épouse ait un droit à récompense de 100 000. Pour calculer l’actif net, on déduit 100 000 de 400 000 : l’actif net est de 300 000. Pour savoir quelles sont les parts respectives des époux, on divise par deux.
Chaque époux a un droit théorique de 150 000. Mais la femme peut ajouter à cette valeur son droit à récompense d’une valeur de 100 000 : elle aura donc : 150 000 + 100 000 = 250 000.
Le époux seront alors libres de choisir leurs attributions, en fonction de leurs droits.
Récompenses dues à la communauté : Il existe un procédé principal prévu par l’article 1470 alinéa 1 : il s’appelle le rapport. Il constitue une sorte de transposition des règles successorales.
Exemple : Un époux (le mari) est débiteur envers la communauté d’une somme de 10 000. Imaginons un actif de communauté d’une valeur de 50 000. Le rapport signifie que la somme de 10 000 doit être comprise dans cet actif : il faut donc ajouter 10 000 aux 50 000. L’actif net de communauté est donc de 60 000.
La part, égalitaire, de chaque époux est de 30 000 (60 000 divisé par deux). Mais l’époux débiteur de la communauté doit imputer, sur sa part, le droit à récompense qu’il doit à la communauté, soit 10 000. Il acquitte sa dette en «moins-prenant». Il ne prendra que 20 000 sur les biens existants.
Section 2 : Les régimes de séparation de biens
Définition : la séparation de biens est le régime matrimonial dans lequel les patrimoines des époux restent pleinement autonomes et sont gérés par eux avec une totale indépendance.
L’avantage du régime est de laisser aux époux la plus large autonomie patrimoniale, sans domaine particulier de co-gestion, sous la seule réserve relative au logement de famille.
L’inconvénient étant que la communauté de vie engendrant généralement une confusion de faits des biens, ce qui a conduit le législateur à poser une présomption d’indivision ressemblant à s’y méprendre à la présomption de communauté.
La séparation de biens est un régime qui peut être adopté dans deux hypothèses distinctes :
-lorsque les époux le décident par contrat de mariage (7% des français) ;
-lorsqu’une séparation de corps est prononcée (séparation de biens obligatoire) ou lorsqu’un époux le demande en justice quand le comportement de son conjoint met en péril ses intérêts.
La séparation de biens est contestée dans son principe par une partie de la doctrine juridique qui y voit, sur un plan psychologique, la volonté de l’époux égoïste de divorcer à bon compte.
Il existe en droit positif deux régimes de séparation de biens :
-la séparation de biens pure et simple ;
-la participation aux acquêts.
1/ La séparation de biens pure et simple
A) Les dispositif légal
1) Composition des patrimoines
L’actif : le principe est celui de la séparation ; chaque époux est seul propriétaire des biens, présents et futurs, qui constituent son patrimoine (peu importe la manière dont il les a obtenu).
Les fruits et revenus, qu’il s’agisse de ceux du travail ou de ceux procurés par les biens, restent la propriété exclusive de chaque époux.
Il se peut néanmoins qu’un principe d’indivision existe. Indivision : situation juridique qui existe jusqu’au partage d’une chose, entre ceux qui ont sur cette chose un droit de même nature.
En l’espèce, la loi organise un cas d’indivision : c’est le droit au bail à usage exclusif d’habitation. Ce droit est réputé appartenir à chacun des deux époux.
En cas d’indivision des biens, chaque époux peut à tout moment demander que soit mis un terme à l’indivision, en obtenant la stricte séparation des deux patrimoines.
Passif : Le principe est le suivant : la charge exclusive des dettes de toute nature incombe à chaque époux débiteur.
Cette séparation des dettes révèle sont intérêt en cas de procédure collective contre l’un des époux : le gage des créanciers sera limité aux biens personnels de l’époux débiteur, voire à une part en indivision si celle-ci existe (les créanciers sont en droit de provoquer le partage).
Exceptions : les époux sont tenus solidairement des dettes relatives aux charges du mariage. Par ailleurs, si les deux époux se sont engagés conjointement à payer une même dette, le créancier pourra demander à chacun d’entre eux le paiement de la dette.
2) Gestion des patrimoines
Chaque époux dispose, dans un régime de séparation des biens, de l’administration, de la jouissance et de la libre-disposition de ses biens personnels.
L’exception majeure concerne le logement de la famille, dont l’un des époux, bien que propriétaire de ce logement, ne peut en disposer sans le consentement de son conjoint (il en va de même pour les meubles qui garnissent le logement).
B) Les aménagements conventionnels
Les aménagements possibles concernent la composition du patrimoine : les époux peuvent ainsi, concernant l’actif, mettre en place contractuellement un inventaire, soit dans le contrat de mariage, soit dans le contrat de changement de régime matrimonial. L’objet de l’inventaire est d’éviter les problèmes de preuve.
Les parties peuvent déclarer indivis certains biens, ou décider d’insérer dans leur contrat des clauses de présomption de propriété sur certains biens (notamment les tableaux, les bijoux, les vêtements…). La présomption reste une présomption simple : elle n’est jamais irréfragable (cela signifie qu’elle peut toujours être contestée en justice).
S’agissant du passif, les époux peuvent contractuellement prévoir le mode et la contribution de chacun aux charges du mariage. Une clause ne peut jamais prévoir l’absence de contribution de l’un des époux aux charges du mariage.
2/ La participation aux acquêts
Ce régime a été consacré en droit français par la loi du 13 juillet 1965. Il visait à satisfaire un désir combiné d’indépendance et de participation aux bénéfices.
Aux termes de l’article 1569 du Code civil, chaque époux conserve la jouissance, l’administration et la libre disposition de ses biens. Ce régime réserve donc aux époux une pleine autonomie.
Spécificité de ce régime : A la dissolution, il prévoit une participation en valeur à l’enrichissement du conjoint, qui permet de corriger un inconvénient majeur du régime de séparation de biens : risquer de laisser démuni un époux qui n’aurait pas exercé d’activité professionnelle séparée, ou qui n’aurait pas traduit les fruits de cette activité par des investissements durables.
Ainsi, pour protéger chaque époux, les acquêts sont fictivement réunis dans un patrimoine final pour le calcul de la créance de participation.
Cette règle est indépendante de toute faute de l’un ou l’autre des époux.