Les règles de compétence des juridictions administratives

La mise en œuvre des règles de compétence à l’intérieur de la juridiction administrative

Quelles sont les Juridictions administratives compétentes lors d’un procès contre l’administration

Compétence matérielle : Compétence du juge administratif en fonction du type de litige

Au titre des juridictions de droit commun, figure au 1er degré, le Tribunal Administratif (TA). Au 2nd degré, figure la Cour d’Administrative d’Appel (CAA) (compétente pour les appels interjetés contre les décisions du TA). Le Conseil d’État est quant à lui, la juridiction de cassation de l’ordre administratif.

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Types de contentieux 1er Ressort Appel Cassation
Contentieux ordinaire
Tous les litiges administratifs, sauf les contentieux énumérés dans les rubriques suivantes du tableau TA CAA Conseil
d’État
Litiges relatifs au rejet des demandes de visa d’entrée sur le territoire de la République française relevant des autorités consulaires TA de Nantes CAA de Nantes Conseil d’État
Élections municipales et cantonales TA Conseil
d’État

Questions préjudicielles en appréciation de la légalité ou en interprétation d’actes relevant de la compétence des TA en premier ressort.

TA Conseil
d’État
Litiges visés à l’article R.222-13 du code de la justice administrative, dont contentieux relatifs à
– situation individuelle des fonctionnaires
– pensions, aide personnalisée au logement
– redevance audiovisuelle
– permis de conduire
– etc…
TA Conseil d’État
Contentieux spécialisé
– Juridictions financières (chambres régionales des comptes, cour des comptes)
– Ordres professionnels statuant en matière disciplinaire,
– Juridictions de l’aide sociale,
– Contentieux des pensions, militaire, d’invalidité etc.
JAS JAS Conseil
d’État

Compétence territoriale

Principes

Le tribunal administratif compétent est celui dans le ressort (territoire) duquel siège l’administration qui a pris la décision (explicite ou implicite) contestée.

Exceptions

Le tribunal administratif compétent est celui du territoire dans lequel vous résidez pour les litiges :

  • relatifs à des décisions individuelles de police administrative (licence d’exploitation, par exemple),
  • relatifs à la reconnaissance de certaines qualités (anciens combattants, par exemple),
  • dans le ressort duquel se trouve l’immeuble pour un litige concernant une expropriation, le remembrement, l’urbanisme,
  • du lieu où s’est produit le fait qui a causé le dommage en cas de demande d’indemnisation,
  • dans le ressort duquel l’agent est affecté pour les litiges relatifs aux conflits du travail dans la fonction publique,
  • du lieu de versement (ou, à défaut, de résidence) pour les litiges liés aux pensions de retraite des fonctionnaires.

La priorité des règles de compétence

— 1/ Le juge, juge de sa compétence. La question de compétence est la première qu’une juridiction saisie doit examiner. Avant d’examiner le litige au fond, elle doit, compte tenu de la qualité du demandeur, du défendeur et de l’objet du litige, elle doit nécessairement examiner sa compétence.

A cette démarche logique, il y a une petite exception : elle permet au juge, s’il discerne une irrecevabilité manifeste (exemple d’un Recours en Excès de Pouvoir dont le délai de recours est manifestement dépassé), alors le juge, même incompétent, peut trancher l’affaire immédiatement.

— 2/ Application immédiate des règles de compétence

— Les règles de compétences, quand elles sont modifiées, s’appliquent immédiatement, même au litige en cours.

  • &1er: le caractère d’ordre public des règles de compétence

Les règles de compétence ne peuvent pas faire l’objet d’aménagement conventionnel : la possibilité pour les parties de faire élection de juridiction est très limité, plus encore qu’en droit privé.

A) Moyen d’office

Arrêt TRANI, 4 oct. 1977 : « la détermination de la compétence est une question d’ordre public qu’il appartient au juge de soulever d’office ». (Quand bien même aucune des parties ne contestent le tribunal saisi, le juge doit donc soulever son incompétence d’office.

Le nouveau code de procédure civile est moins contraignant : le juge a la faculté de relever d’office son incompétence. Sur la base de la jurisprudence et de ce texte, on considéra qu’en matière d’incompétence territoriale, il n’avait même pas cette faculté si les parties ne contestaient pas cette compétence. (C’est plus souple).

B) Moyen permanent

L’arrêt Trani poursuit en nous indiquant que l’incompétence peut être invoquée par les parties à tout moment de la procédure : en première instance, en appel, en cassation, tant que l’instruction n’est pas clause.

S’agissant d’un moyen d’office, le juge peut, dans le délibérer, soulever par lui-même le moyen pour rejeter le recours.

Là encore, la procédure civile est plus libérale : l’exception d’incompétence doit être soulevée à certains moments du procès uniquement. Cette position prévaut également

C) L’exclusion des dérogations conventionnelles

— 1/ Règles de compétence matérielle

Il n’est pas possible, par voie d’accord, de déroger aux règles de compétences administratives. Cette règle est absolue s’agissant des compétences matérielles (exception étant faite concernant l’arbitrage).

— 2/ Règles de compétence territoriale

Pour les tribunaux administratifs, il y a une possibilité, une exception à l’interdiction conventionnelle des règles de compétence : article R312-2. Cet article permet en matière de marché, contrat ou concession de déroger aux règles de compétences territoriales

&2 : La plénitude de compétence du juge en principal

Le juge saisi a une plénitude de juridiction (ceci n’est pas singulier dans le contentieux administratif). Le principe repose sur une considération de bonne administration de la justice (il ne faut pas qu’il soit réparti entre différentes juridiction parce que les sous-questions reposent de la compétence d’une autre juridiction).

A) Portée du principe

— Dès lors que le juge est compétant sur le principal, il doit vider le litige de toutes les questions qui s’y attachent (il ne faut pas multiplier les juges, mais un seul interlocuteur pour les justiciables).

Ceci dit, il se développe sur deux registres, dans la mesure où il doit s’appliquer aux conclusions des parties mais également aux moyens invoqués par les parties.

  1. Quant aux conclusions

Dans les conclusions,

— il peut y avoir une conclusion principale et des conclusions subordonnées.

— Il peut y avoir une conclusion du demandeur, mais aussi une conclusion reconventionnelle du défendeur.

— Il existe donc une possibilité de conclusions périphériques.

  1. Quant aux moyens

La conclusion découle des moyens apportés, donc c’est la même chose que pour les conclusions.

Le juge est compétant, de la même chose qu’il est compétant pour le principal, pour analyser toutes les demandes additionnelles, reconventionnelles, quand bien même ces conclusions relèvent par elles même d’une autre juridiction administrative. (C’est la prorogation de compétence territoriale).

Le juge de l’action, c’est-à-dire le juge des conclusions, examine tous les moyens présentés à l’appui, même si ces moyens ne sont pas de sa compétence naturelle. (Exemple : un litige en matière de loyer, or, un des moyens avancé par les parties est que l’augmentation découle de l’application d’un décret et que ce décret est illégal : un des éléments de la discussion est celui de l’interprétation du décret : le juge sera compétant pour juger ce décret).

Cette plénitude conduit à l’exclusion des questions préjudicielles au sein de l’ordre administratif.

B) L’exclusion des questions préjudicielles au sein de l’ordre administratif

  1. La règle

Règle : il n’y a pas de renvoie préjudiciel. Toutes les questions sont des « questions préalables ». Cette règle est posée par l’article R312-3. Ce qui est intéressant, c’est que cette absence, bien que prévue pour les seules juridictions ordinaires, s’applique également aux juridictions administratives spécialisées.

Reste que, comme toujours, des aménagements sont à introduire :

  1. Le recours en interprétation de l’article 177 CEE.

Le renvoi préjudiciel à la cours des communautés (droit conventionnel : le traité prévoit, dans la perceptivité d’une bonne application des règles communautaires, que le renvoie à la CJCE est possible. Ceci étant, le Conseil d’Etat n’en n’a pas abusé, sous prétexte de l’exception de « l’acte clair ». Le Conseil d’Etat prétendait que l’acte était clair.

  1. L’avis contentieux (article 12 de la loi de 1987)

C’est bien une juridiction administrative qui renvoie au Conseil d’Etat pour demander son interprétation sur une question de droit qui se pose au Tribunal Administratif ou à la Cour Administrative d’Appel. Il y a bien ici une sorte de renvoi préjudiciel.

A l’exception de ces deux règles, on peut considérer qu’il n’existe pas de question préjudicielle à l’intérieur des juridictions administratives.

  • 3 : L’interdiction des jugements d’incompétence

A) La règle

Règle : les tribunaux administratifs ne doivent jamais rendre de jugement d’incompétence. Ils peuvent se prononcer sur leur compétence. Mais cela ne doit pas déboucher sur un jugement d’incompétence, prononcé en la forme.

Si une juridiction s’estime incompétente, parce qu’elle considère que c’est une autre juridiction administrative qui est compétente, alors le Président doit réorienter le dossier selon une procédure qui va permettre de faire passer le dossier matériellement devant la bonne juridiction (la juridiction véritablement compétente). Le justiciable, qui s’est donc trompé, sera simplement informé du transfert de son dossier (l’incompétence se règle en interne).

Cette procédure provient d’un décret de 1972, se retrouve aux articles R351-1 du CJA. Elle existe pour les Tribunaux administratifs, Cour Administrative d’Appel et le Conseil d’Etat.

Cette procédure doit permettre de corriger l’erreur de compétence, sans l’initiative du requérant, et d’assurer la continuité de l’instance, devant la juridiction désignée comme compétente.

B) Mise en œuvre

Le système, en 1972, est centralisé entre les mains du président du contentieux du Conseil d’Etat. Si un tribunal administratif, une Cour administrative d’appel, voire le Conseil d’Etat lui-même, il saisi alors le Président de la section du contentieux, qui est le grand distributeur des dossiers selon les règles de compétence. Il statue par voie d’ordonnance, insusceptible d’appel. C’est donc un grand organisateur.

Ce schéma initial a été aménagé par un décret du 19 avril 2002, sous forme d’une certaine déconcentration de la procédure.

— Dans le cas où il y a un problème de compétence territoriale : c’est le président du tribunal administratif qui s’estime incompétent qui réorientera vers le bon tribunal administratif ; étant admis que si ce Président a des doutes, il consultera le Président de la section du contentieux du Conseil d’Etat.

Ce mécanisme est révélateur d’une conception particulière du contentieux administratif : tout est organisé de façon unitaire, avec au sommet le Conseil d’Etat. Ce système est performant, et présente des avantages. L’erreur n’est pas catastrophique. Mais cela n’est pas sans effets pervers. (Exemple : en matière de permis de construire : le contentieux est un moyen de pression : dans ces hypothèses, le requérant cherche à gagner du temps. Il a tout intérêt à déposer sa requête devant un tribunal administratif incompétent).

Voici la liste des liens relatifs au contentieux administratif

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