Les signes distinctifs : nom commercial et marque

Les signes distinctifs

  Toute entreprise est connue par ses signes qui la distinguent des autres. Ils ont une valeur. Il y en a deux importants, le nom commercial et la marque.

 

Section 1 : le nom commercial

Il désigne l’entreprise (l’entreprise n’existe pas juridiquement). Il se distingue du nom de l’entrepreneur. L’entreprise a une dénomination sociale (société commerciale), raison sociale (société civile de personnes) ou un titre (association).

Ici, on va désigner le nom commercial qui va désigner l’entreprise et non l’entrepreneur. Il peut arriver que le même nom désigne l’entrepreneur et l’entreprise. Souvent cela n’est pas le cas. Une personne physique / morale exploite une entreprise qui porte un autre nom que le sien. Mais alors qu’il s’agit du même nom, le nom de l’entreprise et celui de l’entrepreneur restent distincts. Même si les noms entre l’entrepreneur et le nom commercial est le même, ils obéissent à des régimes distincts.

 

  • 1 : Le choix du nom commercial

Le commerçant choisit librement le nom de son entreprise. Ce peut être le nom de famille, de pure fantaisie.

Parfois le commerçant ajoute une enseigne. L’enseigne est un emblème représentatif de l’entreprise, obéissant au même régime que le nom commercial.

Il y a deux limites :

         le commerçant ne peut utiliser un nom commercial ou un emblème contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs.

         De plus, il faut respecter les antériorités c’est à dire les noms précédents. Enfin, je ne peux pas choisir un nom notoire (ex : affaire TGI Paris 1984, Rothschild).

  • 2 : La protection du nom commercial

Aucun texte spécifique ne régit la protection du nom commercial. Le nom C’est un bien qui n’est pas appropriable. Sa protection est assurée par la responsabilité civile au titre de la concurrence déloyale  (article 1382 du code civil).

Il n’y a pas de droit privatif sur le nom. Celui qui s’en sert pour la première fois acquiert un droit à le protéger. Attention => La protection suppose néanmoins qu’il y ait concurrence parce que rien ne s’oppose à ce que deux entreprises non concurrentes portent le même nom.

Il faut préciser trois cas particuliers :

  •          les noms commerciaux notoires: la jurisprudence tend à élargir la protection et un tiers même non concurrent ne peut pas utiliser un nom notoirement connu. Les limites de cette jurisprudence manque de netteté. Arrêt 5 novembre 1985 Chambre commerciale, Moranbito.
  •          le cas des homonymies: une personne physique peut créer sous son nom de famille alors qu’un concurrent exerce déjà un commerce sous le même nom. On ne peut pas interdire à une personne de ne pas utiliser son nom pour créer son entreprise. Dans ce cas, la jurisprudence admet la double utilisation mais à condition que la seconde entreprise emploi certains éléments de différenciation (prénom etc). A défaut d’une telle différenciation, il y aurait concurrence déloyale. Affaire Nicolas c/ Nicolas.
  •          Lorsque le nom commercial est le même que le nom de famille du dirigeant (exemple : Bordas). Problème : il démissionne ou il est révoqué. Dans ce cas-là, peut-il interdire que l’entreprise continue à être désigné sous son nom de famille ? C’est la fameuse affaire Bordas (Cassation commerciale 12/03/1985). Le juge d’appel avait ordonné la cessation au motif que le nom de famille est inaliénable, imprescriptible et que l’incorporation du nom constitue une simple tolérance. Mais cet arrêt a été cassé car le principe de l’inaliénabilité et l’imprescriptibilité du nom empêche son titulaire d’en disposer librement pour désigner une autre personne physique.

Mais il ne s’oppose pas à la conclusion d’un accord portant sur l’utilisation du nom comme dénomination sociale ou nom commercial.

Il faut distinguer le caractère extra patrimonial du droit au nom et le caractère patrimonial du droit d’utilisation du nom avec lequel le contrôle existe.

Son insertion dans les statuts a fait du nom un signe distinctif qui s’est détaché de la personne physique pour s’appliquer à la personne morale qu’il distingue et est devenu ainsi un objet de propriété incorporelle. Cette propriété incorporelle fait partie du fonds de commerce au même titre que les marques de fabriques, les brevets industriels, les dessins et les modèles.

Ce n’est pas une propriété industrielle, pas régi par le code de la propriété intellectuelle mais c’est un bien, une valeur dont on est propriétaire.

  • 3 : La cessibilité du nom commercial

Le nom de famille est indétachable de la personne qui le porte mais le nom commercial peut être cédé à une autre personne et en pratique le nom est cédé en même temps que le fonds de commerce dont il constitue un élément. Cela ne pose aucun problème si c’est une appellation de fantaisie. Dans le cas où le nom commercial est aussi celui du dirigeant, cela pose un problème. La jurisprudence exige que le nouvel entrepreneur ajoute une indication propre à la distinguer du cédant par exemple en indiquant « ancienne maison Durand ». Le nom commercial est cessible.

Section 2 : la marque

La marque est un signe susceptible de représentation graphique qui sert à distinguer les produits et services d’une entreprise de ceux d’une entreprise concurrente.

Cela peut être un simple mot (Peugeot), un signe distinctif (le logo Mercedes), un petit slogan.

La marque est un bien patrimonial. Elle est protégée que si elle a été enregistrée (loi du 4 janvier 1991 qui a transposé en droit français une directive européenne du 21 décembre 1989, codifié dans le code de la propriété intellectuelles, qui a été promulguée en 1992 aux articles L. 711-1 et suivants). Le droit des marques est le même dans tous les états membres de l’union Européenne mais toutes les marques restent nationales.

  • 1 : L’acquisition du droit sur la marque

La propriété de la marque s’acquiert par l’enregistrement (article L. 712-1 CPI).

A) Les conditions de fond

Peu importe le secteur d’activités dans lequel la marque est utilisée. La loi permet d’utiliser des marques de fabrique, des marques de commerce, des marques de services.

Peu importe aussi la forme de la marque : il peut s’agit d’une dénomination, d’un signe figuratif, d’un signe sonore pourvu que ces signes soient susceptibles d’une représentation graphique (qu’ils puissent être écrits).

Pour être déposée, une marque doit satisfaire à quatre conditions :

  •          respecter l’ordre public et les bonnes mœurs. On n’a pas le droit de créer la confusion avec d’autres institutions politiques.
  •          La marque doit être distinctive. Elle doit permettre de distinguer un produit ou un service de la masse des autres. Elle ne doit être ni générique ni nécessaire. Ex : la marque « pain » ou « brioche » ne marcherait pas. Par contre la marque « kir » a été reconnu. Le juge dispose donc d’un large pouvoir d’appréciation. Il arrive qu’une marque distincte à sa création soit transformée en terme générique (frigidaire, cellophane …). Cela reste protégé sauf si le propriétaire de la marque a de son fait provoquer la transformation.

Il est alors déchu de son droit. Encore une fois, cette décision est laissée à l’appréciation du pouvoir souverain du juge du fond.

  •          La marque doit être nouvelle : Ne peut être déposé comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs. Ce qui est exigé n’est pas la nouveauté du signe mais la nouveauté de l’emploi qui en fait pour désigner la catégorie d’objets. Exemple : acceptation du terme « guignols » pour désigner un journal : Cour de Cassation Chambre Commerciale 9/12/1980.
  •          La marque ne doit pas être déceptive c’est à dire mensongère. Est déceptive une marque qui risque d’induire en erreur le consommateur. Ex : un produit « lavable laine » qui ne contient pas de laine. Ex2 : Charleston pour un riz d’Indochine.

B) Conditions de procédure

Pour acquérir la propriété d’une marque, il faut demander son enregistrement à l’INPI (institut national de la propriété industrielle). Le déposant doit remettre une demande d’enregistrement qui indique les classes de produits ou de services pour lesquelles il veut utiliser sa marque : Article L. 712-2 (il existe 8 catégories) et un modèle de la marque revendiqué.

Jusqu’à la loi de 1991, l’institut national de la propriété industrielle ne vérifiait pas la nouveauté de la marque. Aujourd’hui il peut le faire (article L 721-4). La demande d’enregistrement est publiée et pendant les deux mois qui suivent la publication, peut faire opposition celui qui prétend avoir une marque déjà déposée. Le bien-fondé  de cette opposition est vérifié par l’INPI (article 712-4). L’INPI vérifie aussi les conditions de fond (ordre public, bonne mœurs, caractère distinctif et non déceptif) et si tout est bon, la marque sera enregistrée et publiée au BO de la propriété industrielle.

  • 2 : Quels sont les droits que confère l’enregistrement de la marque ?

L’enregistrement de la marque confère un droit de propriété sur la marque (L. 713-1). Le titulaire n’est pas forcément le créateur (713-2). C’est le déposant. Sa nationalité importe peu. Les marques peuvent être cédées ou données en location. On parle alors de concession de licence de marques.

Ces contrats doivent être rédigés par écrit, à peine de nullité (Article 714-1) en vue d’opposabilité au tiers et être mentionnés au registre national des marques.

Le titulaire du droit sur la marque a un droit exclusif pour désigner les produits ou services revendiqués dans la demande d’enregistrement. Si une autre entreprise utilise cette marque, il s’agit d’une contrefaçon (compétence du TGI et non du tribunal de commerce). Une action au titulaire de la marque contre le contrefacteur. La contrefaçon encourt les peines de l’article L. 716-9 du CPI. C’est une infraction de nature civile et pénale.

Pour juger de la contrefaçon, on observe plusieurs hypothèses :

  •          reproduction de la marque : c’est le cas le plus évident, la reproduction d’une marque pour des produits et services identiques c’est une contrefaçon en elle-même (716-2)
  •          imitation de la marque (il faut qu’elle crée un risque de confusion dans l’esprit du public. Exemple : « la vache sérieuse » est une contrefaçon de la « vache qui rit », 1966).
  •          Si la marque est reproduite ou imitée pour des produits ou services similaires mais non pas identiques, (ex : marque de réfrigérateur pour machine à laver) il y aura contrefaçon si il y a un risque de confusion dans l’esprit du public (pouvoir d’appréciation du juge).
  •          La reproduction ou l’imitation d’une marque pour des produits ni similaires ni identiques ne peut pas être une contrefaçon car il y a un principe de spécialité de la marque. Arrêt Ritz Ch. com. 1966. S’il n’y pas de confusion, ce ne sera pas sanctionné. Ce qui est sanctionné ce n’est pas l’atteinte au signe mais en tant qu’il individualise un produit.

La marque est limitée dans l’espace (marque française) et dans le temps (la protection dure 10 ans mais ils sont indéfiniment renouvelable par dépôts successifs accompagné du paiement d’une taxe). Le titulaire d’une marque a obligation de l’utiliser. La loi veut éviter les marques de barrage, utilisées afin de priver les concurrents de l’usage de cette marque (article L. 714-5 CPI). Si au bout de 5 ans la marque n’est pas utilisée, le titulaire en est déchu.

Il existe en outre des marques collectives, soumises à un régime différent. La marque est collective quand elle peut être exploitée par toute personne respectant le règlement d’usage fixé par le déposant. Elle atteste que les produits qu’elle désigne présentent certaines caractéristiques déterminées. Cette marque permet de s’assurer que les produits (article L. 715-1 CPI) ont des qualités précises. Convention d’union de Paris de 1983 (6 mois pour déposer la marque dans d’autres pays de l’Union). Règlement du 20 décembre 1993.

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