Quelles sont les sources internes du droit public?
Les sources du droit public comprennent les bases juridiques qui régissent l’organisation et le fonctionnement des institutions publiques ainsi que les relations entre ces institutions et les citoyens. Ces sources se subdivisent en sources principales et sources secondaires, avec une prépondérance des textes écrits parmi les premières.
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Sources internes
- Ces sources s’appliquent au sein d’un État et déterminent les règles relatives à son organisation et à ses relations internes.
- Elles incluent :
- La Constitution : Norme suprême du droit interne.
- Les lois : Adoptées par le Parlement, elles organisent et encadrent les domaines d’action publique.
- Les règlements : Actes pris par les autorités exécutives pour préciser ou compléter les lois.
- Les sources secondaires :
- Coutume : Pratiques reconnues comme obligatoires.
- Jurisprudence : Interprétation des lois par les juges.
- Doctrine : Analyses et commentaires des juristes influençant le droit.
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Sources internationales (étudiés dans un autre chapitre)
- Ces sources régissent les relations entre États ou entre organisations internationales.
- Elles incluent :
- Traités et accords internationaux : Engagements pris par l’État dans le cadre des relations interétatiques.
- Règlements européens : Directement applicables dans les États membres de l’Union européenne.
- Principes de droit international : Normes coutumières ou générales reconnues par les États.
Section I : Les sources principales
Elles sont classées selon la hiérarchie de norme selon laquelle au sommet se trouve la Constitution, la loi, les règlements et d’après cette hiérarchie, la loi doit être conforme à la constitution et le règlement conforme à la loi.
- Cours de droit public (L1)
- Nature et origine de l’État : contrat social ou État de nature
- La définition de l’État, caractères et éléments constitutifs
- Formes de l’État : déconcentration, décentralisation, fédéralisme…
- La souveraineté : les théories théocratiques et démocratiques
- La démocratie : définition, formes, mode de scrutin
- La séparation des pouvoirs : principe et critiques
§1. La constitution
Toute société politique repose sur un ensemble de règles, écrites ou non écrites, qui fixent les modalités d’acquisition et d’exercice du pouvoir. Cet ensemble constitue la Constitution, fondement de tout système étatique.
A. La notion de constitution
1. Définition
La Constitution revêt une double dimension, à la fois symbolique et juridique :
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Symbolique :
- Elle représente l’acte fondateur de l’État, légitimant son existence.
- Elle marque souvent des changements politiques majeurs, comme le passage à un nouveau régime ou l’installation de nouveaux dirigeants.
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Juridique :
- La Constitution est définie à travers deux sens complémentaires :
- Sens matériel : Ensemble des règles relatives à l’exercice et à l’organisation du pouvoir politique (par exemple, la séparation des pouvoirs).
- Sens formel : Ensemble des règles adoptées selon une procédure spécifique, visant à structurer les relations entre gouvernants et gouvernés.
- La Constitution est définie à travers deux sens complémentaires :
Universalité : Tous les États disposent d’une Constitution matérielle, mais pas nécessairement d’une Constitution formelle. Dans tous les cas, aucune règle ne peut être supérieure à la Constitution, qui constitue la norme juridique suprême.
2. Formes de constitution
Les Constitutions peuvent être écrites ou coutumières, selon leur mode d’élaboration et de formalisation.
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Constitution écrite :
- C’est aujourd’hui la forme la plus répandue.
- Caractéristiques :
- Offre des garanties et une protection contre l’arbitraire.
- Facilite la preuve des droits et des règles en raison de son caractère explicite.
- Elle prévoit des mécanismes pour son adoption, sa révision et son interprétation.
- Limites :
- La clarté n’est pas toujours assurée, laissant place à des interprétations diverses par les gouvernants.
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Constitution coutumière :
- Résulte de traditions et d’usages respectés sur de longues périodes.
- Exemples actuels :
- Royaume-Uni : Constitution fondée sur des conventions, des principes non codifiés et quelques textes fondamentaux (comme le Magna Carta).
- Arabie Saoudite : Constitution informelle basée sur la loi islamique (Charia).
- Avantages :
- Évolue en harmonie avec les pratiques sociales et les besoins de la société.
- Protégée des décisions arbitraires d’un seul individu ou d’une assemblée.
- Inconvénients :
- Peut être floue, imprécise et moins démocratique dans sa conception, car elle reflète souvent les choix de la classe dirigeante.
B. L’élaboration et la révision de la Constitution
La Constitution, en tant que norme fondamentale, doit être établie et révisée selon des procédures spécifiques. Elle représente le fondement de l’organisation de l’État et de la société, et son élaboration, comme sa révision, reflète le contexte politique et juridique dans lequel elle s’inscrit.
1. Le pouvoir constituant
Le pouvoir constituant désigne l’autorité chargée d’élaborer ou de réviser la Constitution. Il est un attribut de la souveraineté et se distingue en deux types :
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Le pouvoir constituant originaire :
- Intervient pour établir une nouvelle Constitution en l’absence de cadre juridique existant, par exemple après un coup d’État, une révolution ou la création d’un nouvel État.
- Ce pouvoir est souverain et inconditionné. Une fois la Constitution adoptée, il cesse d’exister.
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Le pouvoir constituant institué (ou dérivé) :
- Il s’exerce dans le cadre prévu par la Constitution en vigueur.
- Il est limité à la révision de la Constitution, sans possibilité d’en élaborer une nouvelle.
2. Les modes d’élaboration de la Constitution
Le mode d’élaboration d’une Constitution dépend du contexte politique et reflète souvent la nature du régime en place.
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Mode autoritaire :
- Utilisé dans les régimes non démocratiques, où le chef de l’État ou un groupe restreint rédige et impose la Constitution sans participation populaire.
- Exemples :
- Charte octroyée : Un acte unilatéral par lequel un souverain limite son pouvoir, comme la Charte de Louis XVIII en 1814.
- Procédure mixte : Dans certains cas, le peuple est invité à approuver un texte déjà élaboré, comme sous Louis-Philippe en 1830.
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Mode démocratique :
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Dans les régimes démocratiques, le pouvoir constituant appartient au peuple, qui peut intervenir :
- Directement : Par référendum constituant.
- Indirectement : Par l’intermédiaire d’une assemblée constituante élue.
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Procédés démocratiques :
- L’assemblée constituante : Élue pour rédiger une nouvelle Constitution. Elle peut être :
- Souveraine : Elle rédige, débat et adopte la Constitution (ex. 1791, 1848 en France).
- Limitée : Son texte est soumis à l’approbation populaire par référendum.
- Le référendum constituant : Le peuple approuve directement une Constitution élaborée par une assemblée ou un exécutif.
- L’assemblée constituante : Élue pour rédiger une nouvelle Constitution. Elle peut être :
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Dans tous les cas, une approbation populaire est considérée comme indispensable pour la légitimité de la Constitution.
3. La révision de la Constitution
La révision de la Constitution dépend de sa nature :
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Constitution souple :
- Peut être modifiée comme une loi ordinaire, sans procédure spécifique.
- Elle repose sur une confiance totale dans le législateur.
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Constitution rigide :
- Nécessite une procédure spéciale, visant à protéger la Constitution contre des révisions hâtives ou abusives.
- Cette rigidité souligne la supériorité de la Constitution sur les lois ordinaires.
Procédures de révision en France
Depuis 1958, l’article 89 de la Constitution prévoit deux voies principales pour sa révision :
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Par le Parlement :
- Le projet ou la proposition de révision doit être adopté à une majorité des 3/5 des suffrages exprimés lors d’un Congrès, réunissant députés et sénateurs à Versailles.
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Par référendum :
- La révision peut être directement soumise à l’approbation populaire par référendum, après son adoption par les deux chambres en termes identiques.
Exemple de révision notable :
- Depuis l’entrée en vigueur de la Constitution de 1958, elle a été révisée à 24 reprises, la dernière en 2008, renforçant notamment les pouvoirs du Parlement et introduisant la question prioritaire de constitutionnalité (QPC).
4. L’autorité de la Constitution
La Constitution possède une autorité suprême, étant le pacte fondateur de la société. Elle s’impose à toutes les autres normes juridiques grâce à la hiérarchie des normes.
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Contrôle de constitutionnalité :
- Pour garantir sa suprématie, un contrôle de conformité est exercé par le Conseil constitutionnel.
- Ce contrôle assure la protection des droits fondamentaux et l’équilibre des pouvoirs en empêchant les lois contraires à la Constitution d’entrer en vigueur.
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Constitutionnalisme :
- Il repose sur le principe que la Constitution est la norme ultime, encadrant l’exercice du pouvoir et protégeant les libertés fondamentales des citoyens.
- Ce principe s’est renforcé avec des mécanismes comme la QPC, qui permet à tout justiciable de contester la constitutionnalité d’une loi.
§2. La loi
A. Définition et caractères
La loi est une norme juridique fondamentale, définie par ses caractéristiques matérielles et formelles :
- D’un point de vue matériel : La loi est une règle de droit générale, impersonnelle, et permanente, applicable à tous sans distinction.
- D’un point de vue formel : La loi est un acte juridique adopté selon une procédure législative bien définie, impliquant :
- Son adoption par le Parlement (Assemblée nationale et Sénat).
- Sa promulgation par le Président de la République.
La loi est ainsi l’expression de la volonté générale, en conformité avec l’article 34 de la Constitution, qui délimite précisément son domaine d’application.
- Initiative de la loi :
- Proposition de loi : Texte d’initiative parlementaire.
- Projet de loi : Texte proposé par le gouvernement.
B. Différents types de lois
- Lois constitutionnelles : Modifient la Constitution.
- Lois organiques : Complètent et précisent les dispositions constitutionnelles.
- Lois référendaires : Issues d’un référendum.
- Ordonnances ou décrets-lois : Actes pris par le gouvernement avec l’autorisation du Parlement, pour intervenir dans le domaine législatif.
- Lois de finances :
- Loi de finances initiale : Fixe le budget de l’État pour une année.
- Loi de finances rectificative : Modifie le budget en cours d’année.
- Loi de règlement : Clôture l’exercice budgétaire.
C. L’évolution de la loi : son affaiblissement
Aujourd’hui, la loi subit un certain affaiblissement, principalement pour deux raisons :
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Prépondérance de la Constitution :
- Avec la hiérarchie des normes, la loi est soumise à la Constitution et au contrôle du Conseil constitutionnel.
- Cette subordination limite son champ d’action et renforce la primauté des principes constitutionnels.
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Domination du gouvernement :
- La majorité des lois proviennent des projets de loi émanant du gouvernement, réduisant ainsi l’autonomie du Parlement.
- La loi devient souvent un outil de mise en œuvre des programmes politiques, la rendant parfois plus instable et dépendante des alternances politiques.
§3. Le règlement
A. Définition et caractères
Le règlement est une norme juridique de portée générale, adoptée par les autorités exécutives, et destinée à compléter ou préciser l’application de la loi.
- Critères :
- Matériel : Le règlement est une règle générale et impersonnelle.
- Organique : Il est édicté par des autorités exécutives (Président, Premier ministre, préfets, élus locaux, etc.).
B. Types de règlements
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Règlements nationaux :
- Décrets : Pris par le Président de la République ou le Premier ministre.
- Arrêtés ministériels : Pris par les ministres.
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Règlements locaux :
- Dans le cadre de la déconcentration, les préfets édictent des arrêtés préfectoraux.
- Dans le cadre de la décentralisation, les élus locaux (maires, présidents de conseils départementaux et régionaux) adoptent des arrêtés municipaux ou des délibérations des conseils locaux.
C. Extension du règlement
L’article 37 de la Constitution stipule que tout ce qui n’est pas expressément du domaine de la loi relève du domaine réglementaire. Cela a conduit à une extension significative des compétences réglementaires.
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Extension dans les domaines techniques :
- De nombreuses décisions économiques ou administratives sont prises par voie réglementaire, souvent plus rapide et adaptée que la voie législative.
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Facteurs d’extension :
- L’exécutif dispose d’une administration efficace, capable de répondre rapidement à des situations complexes.
- La technique des ordonnances permet au gouvernement de légiférer directement, après autorisation parlementaire (article 38 de la Constitution).
- Le rôle central du Premier ministre, souvent chef de la majorité parlementaire, favorise l’élargissement du pouvoir réglementaire.
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Personnalisation du pouvoir exécutif :
- La concentration des compétences autour du Président de la République et du Premier ministre renforce l’autorité de l’exécutif dans la gestion de l’État, au détriment du
SECTION II : Les sources secondaires
Les sources secondaires du droit — coutume, jurisprudence et doctrine — apportent une flexibilité et une adaptabilité au système juridique. Bien qu’elles ne soient pas toujours directement contraignantes, elles jouent un rôle déterminant dans l’interprétation, l’application et le développement du droit, en comblant les lacunes des textes écrits et en répondant aux défis posés par les évolutions sociales et internationales.
§1. La coutume
La coutume est une source de droit non écrite, qui se manifeste par des pratiques répétées et acceptées par une société comme juridiquement contraignantes.
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Éléments constitutifs :
- Élément objectif : la répétition prolongée d’un usage au fil du temps.
- Élément subjectif : la conviction partagée que cet usage a une valeur obligatoire.
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Origines et influences :
- La coutume trouve souvent ses racines dans des traditions ou des pratiques liées à des contextes historiques, culturels ou religieux.
- Dans certains pays, la religion joue un rôle déterminant dans l’élaboration des coutumes, notamment lorsqu’elle influence directement le droit (comme en Grèce, où un mariage religieux peut avoir la même valeur qu’un mariage civil).
- La coutume reste une source importante dans les domaines où les règles écrites sont insuffisantes, comme en droit international, pour régir les relations entre États.
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Limites :
- La coutume n’est reconnue comme source de droit que dans la mesure où elle ne contredit pas les lois écrites ou les normes constitutionnelles
§2. La jurisprudence
La jurisprudence est l’ensemble des décisions rendues par les juridictions, qui interprètent, complètent ou adaptent la loi à des cas spécifiques. Elle est une source secondaire essentielle, particulièrement en droit public français.
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Rôle de la jurisprudence :
- Fournir des solutions aux problèmes juridiques non explicitement réglés par des textes.
- Orienter les tribunaux inférieurs grâce à l’interprétation des juridictions supérieures.
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Institutions clés :
- Conseil d’État : en tant que juridiction suprême de l’ordre administratif, il établit des principes fondamentaux applicables aux administrations.
- Conseil constitutionnel : par ses décisions, il assure le respect de la Constitution et des droits fondamentaux.
- Cour des comptes : spécialisée dans le contrôle de la gestion publique, elle peut influencer les pratiques administratives par ses observations et recommandations.
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Portée de la jurisprudence :
- Bien que non écrite, elle devient une référence pour les juges dans des cas similaires.
- Toutefois, en France, la jurisprudence n’a pas la force contraignante des lois, contrairement aux pays de common law.
§3. La doctrine
La doctrine regroupe les analyses, opinions et interprétations formulées par les universitaires, les praticiens et les théoriciens du droit.
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Rôle et influence :
- La doctrine joue un rôle clé dans l’interprétation des textes juridiques.
- Elle contribue à la réflexion sur le système juridique et peut inspirer les réformes législatives.
- Elle guide également les juges et avocats en proposant des solutions face à des lacunes ou ambiguïtés dans les textes de loi.
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Caractéristiques :
- Elle doit rester critique, en analysant les insuffisances des normes existantes et en proposant des améliorations.
- Elle favorise les débats académiques et professionnels, assurant ainsi l’adaptation continue du droit aux évolutions sociales et économiques.
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Exemples d’influence :
- En matière de droit européen, la doctrine contribue à l’interprétation des règlements et directives.
- Elle participe à la défense des droits fondamentaux en mettant en lumière les insuffisances du cadre juridique.