Les sources du droit désignent les origines et les formes par lesquelles le droit s’exprime et se structure. Ces sources se divisent en plusieurs catégories, selon leur nature et leur fonction dans l’ordre juridique. Chaque source du droit répond à des besoins spécifiques et joue un rôle complémentaire dans le système juridique.
La hiérarchie des normes (théorisée par Hans Kelsen) organise les différentes sources selon leur importance :
Les sources formelles sont les moyens par lesquels le droit se manifeste de manière tangible et obligatoire.
La Constitution constitue la norme suprême de l’ordre juridique dans un État. Elle fixe les principes fondamentaux de l’organisation des pouvoirs publics, la répartition des compétences entre les institutions et les droits fondamentaux des citoyens.
En France, la Constitution repose sur un bloc de constitutionnalité, qui inclut :
La coutume constitue une source juridique fondée sur des normes sociales acceptées et pratiquées de manière répétée, sans nécessairement faire l’objet de sanctions formelles. Elle représente une norme de comportement que la société considère comme obligatoire.
La coutume : un ancrage historique
Historiquement, la coutume a joué un rôle prépondérant, notamment au Moyen Âge, lorsque les systèmes juridiques étaient peu codifiés. Cette situation persistait dans des contextes où l’absence d’autorité centralisée rendait impossible l’élaboration de textes de loi. Aujourd’hui, la coutume reste une source majeure en droit international public, comme en témoigne la pratique répétée des eaux internationales ou du principe de non-intervention dans les affaires intérieures d’un État, largement admise malgré l’absence d’un texte spécifique contraignant.
La distinction entre normes sociales et coutume juridique
La coutume juridique se distingue des simples normes sociales par deux critères essentiels :
Par exemple, la coutume des immunités diplomatiques en droit international repose sur ces deux critères : sa pratique est généralisée et elle est perçue comme une obligation juridique par les États.
Une source en déclin dans le droit interne
Dans les systèmes juridiques modernes, la coutume tend à s’effacer face à la prééminence du droit écrit. En droit constitutionnel, elle est désormais rare, sauf dans des pays comme le Royaume-Uni, où une grande partie de la Constitution repose sur des coutumes, telles que le privilège royal ou la responsabilité ministérielle collective. Toutefois, même là, des efforts de codification progressifs sont entrepris, comme la Fixed-term Parliaments Act de 2011, qui fixe des règles écrites sur la durée des mandats parlementaires.
Les limites et critiques de la coutume
La coutume présente plusieurs limites :
Dans certains contextes récents, comme celui du droit environnemental international, les coutumes sont insuffisantes pour faire face à des défis globaux nécessitant des normes écrites contraignantes, telles que celles adoptées dans l’Accord de Paris sur le climat (2015).
La codification comme solution
Pour pallier ces lacunes, les systèmes juridiques contemporains privilégient une codification rigoureuse, garantissant clarté, accessibilité et sécurité juridique. Toutefois, la coutume conserve une importance résiduelle dans des domaines où le droit écrit est inexistant ou insuffisant, renforçant ainsi la flexibilité et l’adaptabilité des normes.
Les lois et les règlements représentent la majeure partie du droit en vigueur, constituant environ 90 à 95 % des normes juridiques. Ces textes se distinguent par leur origine, leur hiérarchie et leurs fonctions dans l’ordonnancement juridique.
Les différentes catégories de textes légaux
La distinction loi/règlement
Depuis la Constitution de 1958, une séparation claire entre la loi et le règlement s’est affirmée :
Cette répartition vise à éviter une surcharge législative et à permettre une meilleure organisation de la production normative.
La jurisprudence désigne l’ensemble des décisions de justice rendues à l’occasion de litiges spécifiques sur lesquels les juges doivent statuer. Ces décisions constituent un droit concret, élaboré à partir du raisonnement juridique appliqué à chaque affaire. Chaque décision est motivée, ce qui signifie que les juges expliquent clairement les arguments, les normes et les principes qu’ils ont utilisés pour trancher.
Autorité relative de la chose jugée
En France, la jurisprudence est marquée par le principe de l’autorité relative de la chose jugée, selon lequel une décision judiciaire s’applique uniquement aux parties impliquées dans le litige. En d’autres termes, une décision n’a pas de portée erga omnes (à l’encontre de tous). Ce principe trouve ses racines dans la Révolution française, qui visait à empêcher les tribunaux de se substituer au législateur en fixant des règles générales.
L’accumulation et l’autorité des décisions
Bien que chaque décision ait une portée limitée, un phénomène d’accumulation jurisprudentielle confère une autorité croissante à certaines interprétations. Si une juridiction tranche 999 affaires dans le même sens, il est probable que la 1000e sera également jugée de manière similaire, en vertu de la cohérence jurisprudentielle. Par ailleurs, l’importance d’une décision dépend de l’autorité de la juridiction qui la rend : une décision de la Cour de cassation ou du Conseil d’État, au sommet de la hiérarchie judiciaire, s’impose généralement aux juridictions inférieures.
Par exemple, en 2023, la Cour de cassation a clarifié l’application du barème Macron (indemnités prud’homales en cas de licenciement abusif) en confirmant qu’il était conforme aux normes européennes, consolidant ainsi son interprétation dans le droit du travail.
Jurisprudence et norme
La loi elle-même peut prévoir que certaines décisions judiciaires acquièrent une valeur normative. Par exemple, l’article 62 de la Constitution française stipule que les décisions du Conseil constitutionnel s’imposent à toutes les autorités publiques et administratives, établissant leur caractère contraignant.
Importance selon les systèmes juridiques
Dans les systèmes anglo-saxons, la jurisprudence occupe une place centrale : les décisions judiciaires (common law) constituent une source primaire du droit. En revanche, en France, la jurisprudence reste une source secondaire, particulièrement influente dans certains domaines comme le droit administratif ou pénal.
Une source continue et évolutive
La jurisprudence est une source dynamique qui permet au droit de s’adapter aux évolutions sociales, technologiques et économiques. Cependant, son caractère complexe peut rendre son accès difficile pour les justiciables. C’est pourquoi elle est souvent suivie d’un mouvement de codification, visant à formaliser les interprétations des juges pour les rendre plus claires et accessibles.
Ainsi, la jurisprudence reste un pilier fondamental du droit, offrant flexibilité et adaptation, tout en nécessitant un équilibre entre innovation et sécurité juridique.
Les sources informelles influencent le droit sans produire directement des normes.
La doctrine, bien qu’indirecte, joue un rôle clé dans l’évolution et l’interprétation du droit. Elle désigne les analyses et réflexions des juristes, qu’ils soient universitaires, praticiens ou experts.
Une source influente mais non normative : La doctrine ne produit pas directement des normes juridiques, mais elle influence leur création et leur interprétation. Par exemple :
Exemples d’influence doctrinale
Un rôle dans l’adaptation du droit : La doctrine contribue également à identifier des lacunes ou des ambiguïtés dans les textes existants et propose des réformes. Par exemple, les réflexions récentes sur les droits numériques et la régulation des algorithmes s’inspirent largement de travaux doctrinaux pour orienter les décisions politiques.
Une référence pour les juges : Certains auteurs de doctrine sont cités dans des arrêts emblématiques. Par exemple :
Les principes généraux du droit (PGD) sont des normes non écrites, découvertes ou confirmées par la jurisprudence, et s’imposent aux pouvoirs publics.
En droit administratif français, ces principes incluent :
Ces principes, bien qu’implicites, garantissent la cohérence et la légitimité de l’action administrative.
Le droit international repose principalement sur les traités et conventions signés par les États. En France, leur valeur supérieure à la loi est garantie par l’article 55 de la Constitution, sous réserve de leur ratification et de leur application réciproque.
Exemple :
Les juges français (Conseil d’État, Cour de cassation) appliquent ce droit pour écarter les lois nationales contraires aux traités.
Le droit européen, et notamment celui de l’Union européenne (UE), a une portée juridique particulière. Il comprend :
Exemple :
Ces normes européennes, souvent prioritaires sur le droit national, garantissent une uniformité législative essentielle au fonctionnement de l’Union.
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