Les sources du droit sous l’Ancien Régime (coutume, lois…)

Les sources du droit : coutume et lois royales

Sous l’ancien régime la législation royale coexiste toujours avec les droits coutumiers mais aussi avec le droit romain et le droit canonique. La royauté va progressivement tout mettre en œuvre pour assurer la renaissance d’un ordre juridique unitaire soumis à l’autorité royale. La législation royale va se faire de plus en plus présente au fur et à mesure que le roi gagne en souveraineté.

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A. Les coutumes


1. L’origine des coutumes

Avant de s’installer dans l’empire romain les peuples germaniques vivaient sous le règne de la coutume. La coutume se forme à partir de la répétition d’un précédent, l’usage, et de la conviction qu’il ne s’agit pas d’une simple habitude mais d’une norme obligatoire. La coutume tire donc sa force à la fois du temps et du consensus.
Les droits coutumiers germaniques ont été mis par écrit et ont conservé en partie les usages ancestraux. A coté de cette législation de nouvelles coutumes orales et locales se sont développées, dont on ne connaît pas très bien le contenu.
Au Xe et XIe siècles commence l’âge d’or de la coutume. Le terme consuetudo commence à désigner une prescription juridique.
Recul de l’autorité royale laissant un vide qui va permettre aux coutumes locales de se développer. Ces coutumes empruntent au passé mais innovent également pour répondre aux besoins nouveaux. Elles se forment sans l’intervention des théoriciens du droit. Les coutumes sont différentes en fonction des régions mais la plupart d’entre elles s’intéressent aux matières concernant le droit privé.
On retrouve ces coutumes pour la plupart dans des actes de la pratique. Par exemple, dans un testament on va retrouver mention de ces coutumes. Le ressort d’application de la coutume va de la simple bourgade jusqu’à une région entière. Dans certaines régions on rencontre des groupes de coutumes présentant des traits communs (groupe de coutumes de l’Ouest couvrant les régions de l’Anjou, du Maine, de la Touraine).
Pendant très longtemps on a distingué pays de coutumes (au Nord de la France) et pays de droit écrit (au Sud de la France).
Dans les pays dits coutumiers la coutume occupe la première place même si dans certains domaines elle est concurrencée par le droit canonique. Dans ces régions la coutume va garder pendant longtemps une prééminence et parfois même une place exclusive jusqu’au début du XVIe.
Le développement du droit coutumier va se heurter à un obstacle important : l’oralité des coutumes. En effet cette oralité rend l’application des coutumes assez incertaine. On va donc procéder assez rapidement à la rédaction des coutumes, qui va d’abord se faire à titre privé avant que l’autorité royale ne prenne le relai.

2. La rédaction des coutumes

La coutume a de nombreux avantages du fait de son oralité : elle est souple, adaptée aux réalités sociales et économiques et aux différentes spécificités des groupes. Elle présente cependant un très gros défaut, celui de l’insécurité juridique.
Entre le XIIe et le XIVe des particuliers vont prendre l’initiative de procéder à la mise par écrit des coutumes. Au XVe la monarchie française va décider de procéder à la rédaction officielle des coutumes.

a) Les rédactions privées

1ère entreprise de rédaction des coutumes en Normandie à la fin du XIIe. La coutume sera très rapidement assortie de commentaires appelés des gloses.

b) La rédaction officielle des coutumes

Elle est prescrite par l’autorité publique et faite sous son contrôle.
A la publicité des coutumes s’ajoute donc l’authenticité de ces coutumes. On commence à éprouver le besoin de rédiger officiellement les coutumes à partir du XVe.
Charles VII va répondre à ce besoin en 1454 dans l’ordonnance de Montiles-les-Tours dont l’article 125 prescrit la rédaction de toutes les coutumes de France. L’article mentionne l’incertitude des coutumes, leur instabilité et leur divergence pour expliquer la nécessité de rédaction.
Désormais les professionnels du droit n’auront à se référer qu’aux textes rédigés.
La mise par écrit des coutumes et leur caractère officiel ne vont pas pour autant entrainer une unification de tout le droit privé.
A la fin du XVe l’idée d’unification du droit commence à émerger.
Comment se fait la rédaction officielle des coutumes ? L’ordonnance de 1454 va être complétée par celle d’Ambroise en 1498 qui prévoit la rédaction des coutumes par des assemblées locales de ‘gens du pays’ coutumiers et praticiens, membres des trois états. Le cadre territorial adopté est celui du ‘pays’ (=région).
La rédaction se fait en 5 étapes :
– le roi par l’intermédiaire de commissaires ordonne au bailli ou au sénéchal d’établir un projet de rédaction.
– les juges et les praticiens locaux rassemblent toute la documentation disponible et établissent une première version (cahier provisoire)
– les commissaires du roi amendent le texte afin de le clarifier
– le texte amendé est soumis à l’examen des états provinciaux qui se fait article par article et est surveillé de très près par un commissaire du roi qui peut jouer un rôle important. A l’issue de l’examen, soit l’article est accepté et publié, soit il n’est pas accepté et est donc renvoyé devant le Parlement local et la procédure reprend.
– dans le cas où un article ne serait pas accepté par les états provinciaux, le Parlement local est saisi et c’est lui qui arrête la rédaction définitive de l’article avant de le promulguer au nom du roi.

L’initiative de cette rédaction appartient à la monarchie, ce qui paraît contraire à l’idée même de coutume. On voit au travers de la procédure que lors de la 2e étape, la procédure laisse une large part aux autorités locales. La rédaction des coutumes ne se fait pas à droit constant. Ce n’est pas une simple mise par écrit du droit existant, la rédaction a une dimension codificatrice puisque les règles coutumières peuvent être modifiées pour permettre la cohérence de l’ensemble. La 3e étape voit intervenir les employés du pouvoir central. Ils essayent d’instituer dans les coutumes des règles de droit romain. Cette modernisation de la coutume permet au roi de faire en partie œuvre législative. Lors de la 4e étape, le rapport de force s’équilibre entre royauté et autorités locales puisque le texte amendé par les commissaire du roi est soumis à l’examen des états provinciaux et cette dernière phase est consensuelle. Elle se rapproche le plus des caractéristiques de la coutume.
Les autorités locales voient d’un assez mauvais œil les interventions de la royauté sur le processus de rédaction de leur coutume.
En fait, très peu de coutumes ont été rédigées à la suite des deux ordonnances. La plupart des coutumes ne furent rédigées au XVIe et firent réformées rapidement.

3. La réformation des coutumes

Le fait que les coutumes soient rédigées entraine une certain nombre de commentaires et le développement d’une doctrine coutumière.
Les juristes se sont mis à étudier des textes stables, fiables et à critiquer ces coutumes en déplorant leurs archaïsmes et la grande disparité des coutumes entre elles. L’imprimerie a parallèlement fait d’immenses progrès, favorisant la critique. Un grand nombre de juristes français vont ainsi commencer à avancer l’idée qu’il est préférable de développer un droit français plutôt que d’avoir recours au droit romain, qu’ils considèrent comme étranger. Ils avancent l’idée d’un droit commun coutumier et défendent l’unification des coutumes. La monarchie va être incitée à lancer un vaste mouvement de réformation des coutumes dans la seconde moitié du XVIe. Le but est de faire en sorte que les coutumes apportent des solutions plus modernes, plus rationnelles et plus proches les unes des autres. On parle d’une systématisation du droit coutumier. Ce travail va permettre de limiter les effets de la rédaction des coutumes. En effet, la rédaction a fixé les coutumes dans un état donné, alors que traditionnellement une coutume évolue. La réformation des coutumes permet le progrès naturel du droit coutumier, par la réformation et la modification des coutumes. Pour la réformation le roi ne nomme qu’un commissaire pour plusieurs coutumes ; il va laisser une grande indépendance aux états provinciaux, libres d’accepter ou non les modifications effectuées par le commissaire. En fait dans la plupart des cas les états provinciaux acceptent les modifications.
Le mouvement de réformation des coutumes se termine à la fin du XVIe. L’initiative de la réformation s’insère dans le pouvoir grandissant du roi. Or ce dernier répugne à les réformer selon l’ancienne procédure. Il a recours à la voie législative.

4. Les conséquences de la rédaction officielle des coutumes : la coutume dans l’ordre juridique

Accepter que la coutume soit un droit écrit l’aurait mise à égalité avec le droit romain et le droit canonique.
Des commentateurs ont commencé à avancer l’idée selon laquelle la coutume rédigée ayant été confirmée par le roi pouvait aller à l’encontre du droit romain car « la volonté du roi fait le droit dans son royaume ».
L’intervention du roi prescrit la rédaction et la fait promulguer. Cette intervention royale fait de la coutume une loi. On ne légitime plus la coutume par le biais du droit romain mais par l’intervention royale. C’est un critère organique. La coutume a valeur de loi lorsqu’elle a été reconnue par l’autorité royale.



B. La « loi du roi »


C’est l’intervention du roi qui fait le droit. Malgré tout il existe un droit émanant directement du roi ou de ses représentants.

1. Les fondements de la législation royale

Fin du XVe la reconstruction territoriale du royaume est presque terminée. Elle va de paire avec l’extension du pouvoir normatif du roi. Désormais, les actes des anciens grands seigneurs ne peuvent venir à l’encontre des décisions royales, souveraines et devant être reçues et appliquées dans tout le royaume. Au début du XVIe François Ier affirmait déjà pouvoir intervenir dans tous les domaines à partir du moment où le bien du royaume l’exigeait.
Le roi utilise l’expression d’utilitas publica. Son action normative est donc justifiée par une utilité publique.
A partir du moment où l’action normative royale est justifiée par le bien commun le roi devient lex animata (loi vivante).
En fait à partir du XVIe les légistes royaux vont développer la notion de souveraineté et des progrès très importants vont être faits dans le développement de la législation royale.
En 1607 Loisel résume très bien ce développement de l’autorité législative du roi dans la formule « Si veut le roi, si veut la loi ». Colbert va affirmer « toute la puissance législative de ce royaume réside dans la personne du souverain. Ces affirmations font du roi la source presque exclusive de toute norme et affirment que tout ce que le roi estime bon pour l’ordre juridique se trouve automatiquement transformé et érigé en loi.
La norme qui émane de la royauté devient le moyen d’intervention privilégié de la monarchie dans tous les domaines et l’acte normatif royal se substitue à la coutume qui pourtant pendant tout le MA a dominé l’évolution du droit. Désormais, c’est par la loi du roi que se transforme et s’adapte le droit.

2. L’exercice du pouvoir législatif

a) L’initiative de la loi

En principe, elle incombe au roi seul. En pratique, conformément à l’idée de gouvernement par conseil, l’initiative de la loi ne dépend pas uniquement du roi. En général il se contente de reprendre les propositions de son entourage (ministres, sujets, assemblées). Le chancelier est un des principaux conseillers du roi et un certain nombre d’ordonnances font suite aux vœux des états généraux ou provinciaux. Avec le déclin des assemblées consultatives et la technicisation croissante des affaires publiques, ce sont les secrétaires d’Etat qui ont pris le relai.

b) La rédaction de la loi

Elle n’est jamais l’œuvre personnelle du roi.
C’est toujours le travail du conseil du roi et particulièrement du chancelier. L’aspect technique du travail de rédaction suppose des hommes capables de rédiger un texte cohérent et clair qui tient compte de l’état du droit existant. Le rédacteur de la loi prend donc l’avis de praticiens. La qualité technique de la loi est d’autant plus importante que la monarchie est absolue. L’absolutisme ne pouvant souffrir de contestations politiques l’approbation de la loi dépend de sa perfection sur le fond.
La phase de préparation de la loi présente les aspects politiques. La norme royale doit avoir été rédigée après l’avis des sujets, réunis dans des corps (assemblées de notables). Ainsi la loi rencontre un maximum d’adhésion.
Une fois le texte rédigé il est soumis à l’examen du chancelier apposant sur le texte le grand sceau de France (authentification de l’acte). Cette pratique permet d’introduire le texte dans l’ordre juridique par le biais de son authentification. Clause exécutoire : « Tel est notre plaisir ».
En pratique, le texte authentifié ne peut pas être appliqué parce qu’il n’a pas encore été porté à la connaissance des agents de l’Etat et des sujets royaux. On parle de fiction juridique. En fait, la publicité se fait par l’enregistrement auprès des parlements. Ceux ci ont une fonction judiciaire, ce sont des cours de justice. Elles détiennent une part de fonction législative dans la mesure où ils enregistrent les actes royaux.

3. L’activité des parlements en matière réglementaire

Au départ la vérification des lettres patentes par les parlements devaient leur permettre d’être au courant des nouveaux textes et de les diffuser auprès des juridictions inférieures et des administrations locales. Mais il est prévu qu’avant la diffusion de l’acte les cours souveraines puissent formuler des observations juridiques au roi (remontrances) dont le roi peut tenir compte et modifier son texte. Mais la souveraineté du roi le rend libre aussi d’ignorer les remontrances et de faire procéder à l’enregistrement des lettres patentes d’autorité. Pour cela, le roi envoyait des lettres de jussion aux parlements, qui pouvaient à nouveau faire état de remontrances. Le roi n’avait dont plus comme solution que de procéder à l’enregistrement forcé des actes par le biais du lit de justice. En fait, cette procédure consistait dans la suspension de la délégation de sa prérogative judiciaire au Parlement. Il obligeait le greffier d Parlement à transcrire ses actes.
Au moment des guerres de religion les troubles nés de la constitution de la ligue vont donner beaucoup d’importance aux parlementaires qui vont profiter des guerres civiles pour faire triompher leur théorie selon laquelle les parlementaires doivent nécessairement consentir à la loi. Les parlementaires vont expliquer qu’ils sont les héritiers directs des anciens francs réunis en plaids et vont donc démontrer que traditionnellement ils ont le droit de suivre le genèse des actes royaux. Tous les parlementaires prétendent alors être les membres d’un seul et même grand Parlement, dépositaire depuis toujours d’un droit de vérification et d’enregistrement de la législation royale. La royauté oppose à cette théorie le fait que les parlements ne sont titulaires que d’une simple concession, leur permettant de différer l’entrée en vigueur de tout acte contraire aux grands principes du droit monarchique.
Au moment de la fronde parlementaire au milieu du XVIIe les parlements vont faire figure de véritable contre pouvoir politique. Ils vont se dire prêts à défendre le public et la réforme de l’Etat et ils vont cesser d’être simplement un juge gardien des lois. Ainsi le Parlement va détruire le modèle constitutionnel qu’il prétend protéger et à la fin du XVIIe Louis XIV va prohiber les remontrances préalables à l’enregistrement des ordonnances et cette interdiction vaudra jusqu’en 1715. Le Parlement prétendait exercer le rôle de juge de constitutionnalité des lois. Le Parlement entendait confronter les lois du roi à des normes et principes supérieurs dont elles auraient le dépôt et de cette manière le Parlement adoptait la posture des juges constitutionnels actuels.

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