QUELLES SONT LES SOURCES ÉCRITES DU DROIT ?
Les sources du droit désignent les origines des règles juridiques et les différentes manières dont elles sont établies. Ces sources se répartissent en catégories hiérarchisées : une règle inférieure ne peut contredire une règle supérieure dans cette structure. Les sources du droit se distinguent par leurs origines et par leur nature, écrite ou non écrite.
Classification des règles de droit
Les règles de droit peuvent être classées en deux grandes catégories selon leur nature :
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Les règles écrites : Ce sont des normes codifiées émanant d’une autorité compétente (ex. : le législateur ou le pouvoir exécutif). Elles constituent la majorité des règles juridiques et sont considérées comme supérieures aux règles non écrites.
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Les règles non écrites : Ces règles n’ont pas de support textuel mais trouvent leur légitimité dans des pratiques ou interprétations. Elles incluent :
- La jurisprudence : Ensemble des décisions rendues par les tribunaux, qui interprètent et appliquent les lois. La jurisprudence joue un rôle créateur de droit dans certaines situations.
- Les coutumes : Pratiques répétées et reconnues comme obligatoires dans un groupe social donné. Le droit coutumier est reconnu par la jurisprudence.
- La doctrine : Travaux des juristes qui, bien qu’ils n’aient pas de valeur normative, influencent souvent l’interprétation et l’élaboration des règles de droit.
Il existe une autre classification possible, une classification en fonction de l’origine de la source du droit :
- La preuve : Comment prouver un fait ?
- Entrée en vigueur de la loi et abrogation de la loi
- Les conflits de lois dans le temps
- Revirement de jurisprudence : notion et rétroactivité
- Conflits de normes devant la Cour de cassation et le Conseil d’État
- Les conflits de normes devant le Conseil constitutionnel
- Les conflits de normes devant la CJUE et la CEDH
1. Origine internationale : Les règles de droit international émanent des accords conclus entre États ou organisations internationales. Elles incluent :
- Les traités internationaux : Accord juridiquement contraignant signé entre plusieurs États, comme le Traité de Paris (1951) instituant la CECA ou la Convention européenne des droits de l’homme (1950).
- Les conventions internationales : Par exemple, la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant (1989), ratifiée par la France en 1990.
2. Origine européenne : Les règles de droit européennes proviennent de deux organisations distinctes, le conseil de l’Europe (avec la Conv EDH) et l’Union Européenne
3. Origine interne : Les règles internes proviennent des institutions françaises compétentes pour édicter des normes juridiques. Elles se classent selon leur niveau dans la hiérarchie des normes.
I) Organisation hiérarchique des règles de droit
Pour garantir la cohérence des normes et éviter les contradictions, les règles de droit sont organisées selon une hiérarchie stricte :
- La Constitution : Norme suprême qui prévaut sur toutes les autres.
- Les traités internationaux : Supérieurs aux lois internes sous réserve de réciprocité (article 55).
- Les lois : Constitutionnelles, organiques, puis ordinaires.
- Les règlements : Décrets, arrêtés, circulaires.
- Les normes non écrites : Jurisprudence, coutumes et doctrine.
Chaque norme doit respecter celles qui lui sont supérieures, sous peine d’annulation par les juridictions compétentes (ex. : Conseil constitutionnel pour les lois, Conseil d’État pour les actes administratifs).
II) Les sources internationales ou européennes du droit.
A) Les traités internationaux.
La procédure d’adoption des traités en France est complexe et suit un cadre constitutionnel rigoureux. Une fois en vigueur, les traités peuvent être directement ou indirectement applicables, selon leur contenu et leur clarté, et leur respect est contrôlé par des juridictions nationales et internationales.
Définition et contenu des traités internationaux
Les traités internationaux sont des accords conclus entre la France et d’autres États ou organisations internationales. Ils peuvent contenir des règles de droit public (concernant les relations entre États) ou des règles de droit privé dans des domaines variés, tels que le commerce, l’industrie, les droits de l’homme, l’adoption ou les contrats internationaux.
Procédure d’adoption des traités internationaux
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Négociations :
Le processus commence par des négociations entre les parties au traité. En France, ce rôle revient au Président de la République, qui peut déléguer cette mission au ministre des Affaires étrangères pour des traités de moindre importance. -
Signature :
Une fois le texte négocié, le traité est signé pour en fixer les termes.- Si le traité est conclu en forme simplifiée (par exemple, un « mini-traité »), sa signature suffit généralement à le rendre applicable.
- Pour les autres traités, une étape supplémentaire est nécessaire : la ratification ou l’approbation.
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Ratification ou approbation :
La ratification d’un traité relève, en principe, du Président de la République. Toutefois, lorsque le traité :- Porte sur des matières importantes énumérées à l’article 53 de la Constitution (exemple : paix, alliances, finances publiques) ;
- Modifie une loi nationale,
alors une autorisation préalable du Parlement ou du peuple par référendum est nécessaire (exemple : Traité de Maastricht, 1992).
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Entrée en vigueur :
Une fois ratifié, le traité devient applicable dans les États signataires. Ce processus peut prendre du temps, en fonction des modalités prévues par les parties. -
Publication :
Pour être opposable en droit interne, le traité doit être publié au Journal officiel de la République française, permettant ainsi aux citoyens de prendre connaissance des nouvelles règles.
Applicabilité et invocabilité des traités
Les traités internationaux peuvent être :
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Invoqués par des États uniquement : Certains traités établissent des obligations entre États, sans créer de droits pour les particuliers. Ces traités ne peuvent être directement invoqués devant les juridictions nationales.
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Directement applicables aux particuliers : Les traités peuvent contenir des règles d’applicabilité directe, lorsque celles-ci sont suffisamment claires et précises. Dans ce cas, les particuliers peuvent les invoquer devant les juridictions françaises.
Exemple : La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), signée à Rome le 4 novembre 1950 et ratifiée par la France en 1974, est d’applicabilité directe. Ainsi, tout justiciable peut invoquer ses dispositions devant les juridictions nationales. Après épuisement des recours internes, un recours peut être porté devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) à Strasbourg. Si l’État est reconnu coupable de violations des droits garantis, il peut être condamné à indemniser le plaignant.
Exemple de divergences sur l’applicabilité directe
La question de l’applicabilité directe des traités a parfois suscité des débats au sein des juridictions françaises.
La Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant (1989) :
- Ratifiée par la France en 1990, cette convention a fait l’objet de controverses quant à son applicabilité directe.
- Le Conseil d’État a accepté une approche article par article : il jugeait que certaines dispositions suffisamment claires pouvaient être directement appliquées.
- En revanche, la Cour de cassation, dans un premier temps, rejetait cette analyse globale, considérant que la convention dans son ensemble n’était pas d’application directe.
Cette divergence a pris fin avec un arrêt du 14 juin 2005 de la Cour de cassation, qui a reconnu l’applicabilité directe de certaines dispositions spécifiques, comme l’article 3-1, relatif à l’intérêt supérieur de l’enfant.
Distinction entre Conseil de l’Europe et institutions de l’UE
- Le Conseil de l’Europe (institué en 1949) est une organisation internationale composée de 46 États membres en 2024, qui promeut les droits de l’homme, la démocratie et l’État de droit. La CEDH relève de cette organisation.
- À ne pas confondre avec le Conseil de l’Union européenne, organe législatif de l’Union européenne (UE), qui est distinct du Conseil européen.
b) Le droit européen.
Le droit de l’Union européenne (UE) a évolué depuis sa création, s’appuyant sur des traités fondateurs et des institutions clés qui façonnent son cadre juridique actuel.
Traités constitutifs et évolutions
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Traité de Paris (1951) : Instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), ce traité a été signé le 18 avril 1951 et est entré en vigueur le 23 juillet 1952. La CECA a cessé d’exister en 2002.
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Traités de Rome (1957) : Signés le 25 mars 1957, ils ont établi la Communauté économique européenne (CEE) et la Communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom).
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Traité de Maastricht (1992) : Signé le 7 février 1992, il a fondé l’Union européenne, introduisant des politiques communes et la citoyenneté européenne.
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Traité d’Amsterdam (1997) et Traité de Nice (2001) : Ces traités ont modifié et renforcé les structures de l’UE pour accueillir de nouveaux membres et améliorer son fonctionnement.
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Traité de Lisbonne (2007) : Signé le 13 décembre 2007 et entré en vigueur le 1er décembre 2009, il a restructuré l’UE en abrogeant les traités antérieurs et en établissant deux traités principaux :
- Traité sur l’Union européenne (TUE) : Définit les principes et les objectifs de l’UE.
- Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) : Détaille les compétences et le fonctionnement des institutions de l’UE.
Institutions de l’Union européenne
L’UE est dotée de sept institutions principales, chacune ayant des rôles spécifiques :
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Parlement européen : Représente les citoyens de l’UE et est élu directement par eux. Il participe à l’élaboration des lois européennes et au contrôle démocratique des autres institutions.
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Conseil européen : Composé des chefs d’État ou de gouvernement des États membres, il définit les orientations et priorités politiques générales de l’UE.
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Conseil de l’Union européenne : Représente les gouvernements des États membres. Il adopte la législation européenne en collaboration avec le Parlement européen.
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Commission européenne : Organe exécutif de l’UE, elle propose des législations, met en œuvre les décisions et veille au respect des traités.
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Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) : Assure le respect du droit de l’UE et son interprétation uniforme dans tous les États membres.
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Banque centrale européenne (BCE) : Gère la monnaie unique, l’euro, et définit la politique monétaire de la zone euro.
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Cour des comptes européenne : Contrôle la légalité et la régularité des recettes et dépenses de l’UE, assurant ainsi une gestion financière saine.
Hiérarchie des normes européennes
Le droit de l’UE se divise en deux catégories principales :
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Droit primaire : Comprend les traités fondateurs et leurs modifications, établissant le cadre juridique de l’UE.
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Droit dérivé : Inclut les actes juridiques adoptés par les institutions de l’UE en vertu des traités, tels que :
- Règlements : Actes législatifs directement applicables dans tous les États membres sans nécessiter de transposition.
- Directives : Fixent des objectifs que les États membres doivent atteindre, tout en leur laissant le choix des moyens pour y parvenir. Elles nécessitent une transposition en droit interne.
- Décisions : Obligatoires pour les destinataires qu’elles désignent (un État membre, une entreprise ou un individu).
- Recommandations et avis : Non contraignants, ils expriment la position des institutions sur des questions spécifiques.
Application et primauté du droit de l’UE
Le droit de l’UE prévaut sur les législations nationales. Les États membres doivent donc veiller à ce que leurs lois internes soient compatibles avec le droit européen. En cas de conflit, les juridictions nationales sont tenues d’appliquer le droit de l’UE, garantissant ainsi son uniformité et son efficacité à travers l’ensemble des États membres.
III) Les sources internes du droit.
Les sources internes du droit regroupent l’ensemble des textes produits par les institutions françaises contenant des règles de droit. Ces textes sont hiérarchisés et répartis en fonction des organes qui les édictent et des compétences qui leur sont attribuées par la Constitution.
Le mot loi a un double sens en droit français :
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Loi au sens matériel : Ce terme est défini largement et englobe toutes les règles de droit écrites formulées par un organe compétent (pouvoir législatif ou exécutif). Ces règles doivent être générales, impersonnelles et obligatoires. Ainsi, toutes les sources écrites internes peuvent être qualifiées de lois au sens matériel.
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Loi au sens formel : Ici, la loi désigne uniquement les dispositions adoptées par le Parlement (Assemblée nationale et Sénat). Par opposition, les règles émanant du pouvoir exécutif ou des autorités administratives sont appelées règlements.
a) Les différents types de loi (au sens formel).
En droit français, on distingue trois principales catégories de lois au sens formel, classées selon leur objet et leur portée.
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Les lois constitutionnelles :
Les lois constitutionnelles forment la Constitution, qui constitue la norme suprême de l’ordre juridique français. Elle établit l’organisation des pouvoirs publics, détermine leurs compétences et garantit les droits fondamentaux des citoyens.- La Constitution actuelle : Adoptée par référendum le 28 septembre 1958 et promulguée le 4 octobre 1958, elle est la 15ᵉ Constitution française depuis la Révolution. Elle a été modifiée à plusieurs reprises, notamment :
- Par les lois constitutionnelles du 1ᵉʳ mars 2005, révisant le titre relatif à l’Union européenne et intégrant la Charte de l’environnement au bloc de constitutionnalité.
- Par la révision du 28 juillet 2008, renforçant les pouvoirs du Parlement et introduisant la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), permettant aux particuliers de contester la constitutionnalité d’une loi devant le Conseil constitutionnel.
- Le bloc de constitutionnalité : Depuis la décision du Conseil constitutionnel du 16 juillet 1971, la Constitution intègre :
- Le préambule de 1958,
- La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (1789),
- Le préambule de la Constitution de 1946,
- Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (PFRLR).
- La Constitution actuelle : Adoptée par référendum le 28 septembre 1958 et promulguée le 4 octobre 1958, elle est la 15ᵉ Constitution française depuis la Révolution. Elle a été modifiée à plusieurs reprises, notamment :
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Les lois organiques :
Ces lois précisent les modalités d’application de la Constitution. Elles fixent par exemple les règles relatives aux élections, à l’organisation du Parlement ou encore au statut des magistrats. Leur adoption nécessite un contrôle obligatoire de constitutionnalité avant leur promulgation. Elles sont prévues par l’article 46 de la Constitution. -
Les lois ordinaires :
Ce sont les lois les plus courantes, adoptées par le Parlement pour légiférer dans les domaines prévus par l’article 34 de la Constitution. Elles couvrent une large variété de sujets, tels que le droit civil, pénal, fiscal, ou encore les libertés publiques.
b) Les différents types de règlements.
Les règlements désignent les actes normatifs émanant du pouvoir exécutif ou d’autorités administratives. On distingue trois grandes catégories : les décrets, les arrêtés et les circulaires.
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Les décrets :
Les décrets sont pris par le Président de la République ou le Premier ministre. Selon leur objet et leur procédure d’adoption, on distingue :- Décrets simples : Signés par le Premier ministre ou, exceptionnellement, par le Président de la République, avec le contreseing des ministres responsables de leur exécution.
- Décrets en Conseil des ministres : Adoptés après délibération en Conseil des ministres et signés par le Président de la République.
- Décrets en Conseil d’État : Adoptés après avis du Conseil d’État, requis lorsqu’une loi l’exige ou à l’initiative du pouvoir exécutif.
Selon leur contenu, les décrets se divisent en deux types :
- Décrets autonomes : Pris dans les domaines relevant du pouvoir réglementaire en vertu de l’article 37 de la Constitution.
- Décrets d’application : Pris pour préciser les modalités d’exécution d’une loi adoptée par le Parlement.
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Les arrêtés :
Les arrêtés sont des actes pris par des autorités administratives pour régler des questions d’application locale ou sectorielle. Ils se distinguent selon l’autorité qui les prend :- Arrêtés ministériels ou interministériels : Pris par un ou plusieurs ministres.
- Arrêtés préfectoraux : Pris par les préfets pour s’appliquer à l’échelle départementale.
- Arrêtés municipaux : Pris par les maires pour réglementer des sujets locaux (ex. : circulation, sécurité publique).
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Les circulaires :
Une circulaire est un acte par lequel un ministre ou une autorité administrative donne des instructions internes à ses services. En principe, les circulaires n’ont pas de valeur normative. Toutefois, une circulaire peut acquérir une valeur réglementaire si elle contient des dispositions impératives. Dans ce cas, elle a la même force juridique qu’un arrêté ministériel.
c) Les textes spéciaux.
La Constitution prévoit des situations exceptionnelles dans lesquelles des textes spéciaux peuvent être pris :
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Article 16 de la Constitution :
Le Président de la République dispose de pouvoirs exceptionnels en cas de menace grave pour les institutions, l’intégrité du territoire ou l’indépendance de la Nation. Il peut alors adopter des mesures relevant à la fois des compétences exécutives et législatives.
Exemple : Utilisation par le Général de Gaulle lors de la guerre d’Algérie en 1961. -
Article 38 de la Constitution :
Permet au gouvernement de demander l’autorisation au Parlement pour prendre des mesures par ordonnance, dans des matières relevant normalement du domaine législatif. Ces ordonnances doivent ensuite être ratifiées par le Parlement pour acquérir valeur législative.
d) Face à cette diversité des sources écrites, comment éviter qu’elles se contredisent?
Ainsi, les sources sont nombreuses :
- La Constitution : Norme suprême, elle organise les pouvoirs publics et garantit les droits fondamentaux des citoyens. Les révisions constitutionnelles doivent suivre une procédure stricte (article 89 de la Constitution).
- Les lois : Votées par le Parlement, elles régissent les matières prévues à l’article 34 de la Constitution (ex. : libertés publiques, fiscalité). Incluent les lois organiques (précisant les modalités d’application de la Constitution) et les lois ordinaires (les plus courantes).
- Les règlements : Adoptés par le pouvoir exécutif (décrets, arrêtés). Ils interviennent dans les domaines relevant de l’article 37 de la Constitution, ainsi que pour l’exécution des lois.
- Les actes administratifs : Circulaires, instructions ou autres textes édictés par des autorités administratives pour organiser le fonctionnement des services publics
Face à la diversité des sources écrites, plusieurs mécanismes visent à prévenir les contradictions :
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Répartition des compétences : Les articles 34 et 37 de la Constitution répartissent clairement les domaines entre le législatif et le réglementaire, évitant les empiètements.
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Hiérarchie des normes : Toutes les règles de droit doivent respecter une hiérarchie, sous peine d’être invalidées :
- Au sommet : la Constitution.
- Ensuite : les traités internationaux.
- Puis : les lois (constitutionnelles, organiques, ordinaires).
- Enfin : les règlements et autres actes administratifs.
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Contrôle de constitutionnalité et de légalité :
- Le Conseil constitutionnel veille à la conformité des lois à la Constitution.
- Les juridictions administratives, comme le Conseil d’État, contrôlent la légalité des règlements.