La jurisprudence en droit administratif

LES SOURCES JURISPRUDENTIELLES

Bien que la France soit un pays de tradition écrite, les sources non écrites y jouent un rôle essentiel. Coutume => rôle mineur en Droit Administratif, majeur en Droit international. Les autres sources du droit administratif sont :

Doctrine => rôle de synthèse, d’explication. Utile en Droit Administratif ou les règles sont issues de décisions de jurisprudence par nature éclatées et liées à chaque espèce. Leur interprétation et critique peut influencer le législateur ou le juge et faire évoluer le droit mais ce n’est pas une source de droit a proprement dit. La doctrine d’édicte aucune décision a portée normative s’imposant obligatoirement aux autorités publiques.

§1. Les caractères des normes jurisprudentielles

A. La conception traditionnelle de la fonction juridictionnelle

Cette conception empêche les juridictions de faire œuvre ni de législateur ni d’administrateur. L’article 5 du Code civil: interdit les arrêts de règlement → le juge ne peut se prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leurs sont soumises. Seule la loi -expression de la volonté du souverain- édicte des règles à portée générale. Le juge est la bouche de la loi, il n’a aucune place dans la création de normes (qu’il peut cependant interpréter = Article 4 = prohibition de dénis de justice).

B. La portée normatrice de la jurisprudence

Ce principe est fictif et de fait le juge est créateur de normes général et impersonnel.

1) Fonction d’interprétation : pour appliquer la loi, le juge est obligé de l’interprété. Ce travaild’interprétation est toujours créateur de sens et rajoute à la norme. C’est par cette interprétation que se crée la norme.

2) Dans l’hypothèse d’un vide normatif : lorsqu’il n’y a pas denorme à interpréter, le juge esttoujours obligé de trancher (ou poursuivi pour déni de justice, Article 4 du Code Civil). Il est donc amené à créer de la norme. CE 2001 Sieur Ternon : le Juge Administratif peut retirer un acte administratif, avec effet rétroactif.

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Il remplit une fonction de concrétisation de normes générales supérieures. Car la décision tranchée pose une norme qui oblige les parties. Pour statuer le juge se fonde sur un texte qu’il interprète ou sur une disposition qu’aucun écrit ne contient directement.

Il a ainsi un rôle de création du droit, de découverte de règles générales, de normes de référence qu’il applique à la situation en cause. Le contenu de ces normes est en fonction des contraintes juridiques ou sociales. Certaines de ces règles se forment grâce à la répétition de décisions adoptant une solution identique, d’autre dès le premier arrêt dans un « considérant de principe ».

C. Le rôle de la jurisprudence administrative

La fonction normatrice des Juges Administratives est très accentué dans la mesure où les textes réglementant de façon globale l’action de l’administration était imprécis et peu nombreux. Les JA jouèrent un rôle premier dans la construction de ce corpus juridique, contraint à interpréter de façon audacieuse les textes existant ou à poser des principes en dehors de toutes dispositions explicites. Pour trancher les litiges, les grandes règles du droit administratif on été dégagé progressivement dans ce cadre.

1) Avantage du système:souplesse = facilité l’évolution (=revirement de jurisprudence pourmodifier une règle devenue inadapté).

2) Inconvénient:

les changements de jurisprudence comportent un effet rétroactif qui peut nuire à la sécurité juridique. Tentative d’y remédier suite à un arrêt CE 2007 Société Tropic travaux signalisation le Juge Administratif peut moduler dans le temps les effets de sa production normative.

souplesse de la jurisprudence => droit mouvant, insaisissable, accès limité et difficile a synthétiser qui peut rendre souhaitable une codification.

D. Sanction variable de la norme jurisprudentielle

La norme ainsi créées s’impose tout d’abord à l’administration en vertu du principe de l’autorité de la chose jugée. Si l’autorité de la chose jugée ne joue pas (ex : affaires différentes) elle peut s’imposer de façon supplétive.

Peu aussi être impérative et disposer d’une certaine permanence. Dans ce cas la, il est nécessaire pour qu’elle cesse d’obliger l’édiction d’un texte que le juge est tenu de respecter. Seule une loi peut remettre en cause une interprétation des dispositions législative donnée par le Conseil d’Etat ou déroger à un principe général du droit.

§2. Les principes généraux du droit (PGD)

Doivent être distingués d’autres catégories de principes (A), concerne de nombreux domaines de l’action administrative (B) qui ne peut les violer (C).

A. La notion de Principe Général du Droit

1) Distinction avec d’autres catégories de principes.Ce qu’un Principe Général du Droit n’est pas:

ni de principes a valeur constitutionnelle : dégagé sans faire référence à un texte particulier.

ni de principes fondamentaux reconnus par les lois de la Républiques (PFRLR) : issue a priori de texte législatif auxquels le juge Constitutionnel attribue une valeur constitutionnelle.

ni des principes fondamentaux de l’Article 34 de la Constitution

2) Définition des Principes Généraux du Droit

Normes jurisprudentielles créées par le juge à partir des conceptions idéologiques de la conscience nationale et/ou d’une masse de textes constitutionnels, internationaux ou législatifs. Ils bénéficient d’une reconnaissance expresse du juge qui leur attribue une place dans la hiérarchie des normes.

Dans l’absolu, le juge ne crée pas de Principes Généraux du Droit il ne fait que le lire, le Principes Généraux du Droit s’impose de l’extérieur, il préexiste à la volonté du juge et le juge y est soumis. Néanmoins, il y’a bien une démarche créatrice du juge qui décide de l’existence d’un Principe Général du Droit, mais cette démarche créatrice n’est pas totalement libre. Elle est toujours + ou – liée à des textes, mais des textes qui à ce moment la ne s’appliquaient pas eu litige en cause.

Les Principes Généraux du Droit sont donc essentiellement une technique qui consiste à étendre le champ d’application d’un texte ou à donner une valeur juridique à des textes qui n’en avaient pas au moment où le juge se prononçait.

Ex : beaucoup de Principes Généraux du Droit trouve leur origine dans la Déclaration des Droit de l’Homme et du Citoyen de 1789. (On n’applique pas directement la Déclaration des Droit de l’Homme et du Citoyen car elle n’a pas toujours fait partie du bloc de constitutionnalité).

3) Historique

– III République:ces principes ont d’abord été utilisé par le Conseil d’E, de façon implicite pourimposer a l’administration des dispositions qui ne reposait sur aucun fondement écrit (Ex : égalité, liberté. Due à l’absence de valeur juridique à la DDHC). CE 1944 Dame veuve Trompier-Gravier.

– A partir de 1945:le juge s’y réfère expressément et vise les Principes Généraux du Droit applicable même enl’absence de texte. Elles se sont depuis multipliées. CE 1945 Sieur Aramu.

B. Le contenu des Principes Généraux du Droit et l’exercice des compétences administratives

Les Principes Généraux du Droit encadrent l’exercice des compétences administratives. On peut distinguer deux catégories de Principes Généraux du Droit :

1) Les principes de philosophie politique

Les Principes Généraux du Droit concourent à la garantie de l’égalité et à la protection des libertés et des droits fondamentaux:

→ Principe d’égalité: Conseil d’Etat àconsacrer l’égalité comme PGD. Toutes les formes de l’égalité : devant la loi, égalitéd’accès au service public (CE 1951, Soc. des concerts du conservatoire), égalité d’accès aux emplois publics [lutte contre les discriminations sexistes], opinions politiques etc.

protection des libertés et droits fondamentaux: Ex: liberté de commerce, respect de la personne humaine.

droits spécifiques des étrangers: compléter les normes internationales. Ex: droit de mener une vie familialenormale, droit a des prestations sociales, interdiction de remise au pays d’origine ressortissant de cet état bénéficiant du statut de réfugié politique.

droits des salariés: les Principes Généraux du Droit permettent aux agents publics de protections: interdiction de licencier une femmeen état de grossesse, seuil minimal.

protection des administrés: respecter les droits de défense avant l’édiction de certains actes (CE 5 mai 1944Dame veuve Trompier-Gravier). Certains Principes Généraux du Droit s’imposent également pour le jugement des recours contentieuxdirigés contre les mesures prises par la puissance publique (CE 1950, Dame Lamotte).

missions de l’administration : l’administration à dégager quelques principes non écrits liés a l’accomplissement de sa mission. Ex:continuité des services publics (limitation du droit de grève, garantit d’un fonctionnement régulier du service.

2) Les Principes Généraux du Droit d’organisation de l’ordre juridique

Tout ordre juridique repose sur certains mécanismes qui en assurent le bon fonctionnement et l’effectivité. Il s’agit de garantir qu’il dispose de règles stables et légales : l’ensemble de ces principes s’inscrivent dans une logique de sécurité et de stabilité de la règle de droit. Ils correspondent aux principes de sécurité juridique et de confiance légitime

Non rétroactivité des actes administratif : empêche l’administration de changer les règles applicables a des situations révolues.

CE 1948 Soc. journal l’Aurore

Publication obligatoire des règlements que l’administration édicte.

Indemniser ceux qui se sont appauvris sans cause.

Ne pas appliquer un règlement illégal et l’abroger.

C. La sanction de la violation des Principes Généraux du Droit par les actes administratifs

Un acte contraire aux normes jurisprudentielles impératives ou aux Principes Généraux du Droit est annulé en cas de recours.

1) Respect par l’administration des PGD

Le juge administratif applique les Principes Généraux du Droit sans faire de distinction réelle entre les différents principes quant à leur valeur juridiques. Peu importe leurs origine, ils s’imposent a l’administration. Ils ont donc une valeur supérieure au règlement. Les Principes Généraux du Droit ne s’appliquent qu’en l’absence de dispositions législatives contraires, une loi expresse et précise (a fortiori un traité) peut les écarter. (CE 1959 Syndicat des ingénieurs conseils).

2) Valeur des principes généraux du droit

Quel est la valeur, la place que les Principes Généraux du Droit occupent dans la hiérarchie des normes ?

a)Apport de la jurisprudence constitutionnelle

De nombreux Principes Généraux du Droit trouvent une protection constitutionnelle directement fondée sur le dispositif écrit.

La technique des Principes Généraux du Droit perd donc une partie de son intérêt, puisqu’il suffit alors d’appliquer la Constitution. C’est d’ailleurs ce que le juge fait pour renforcer la légitimité de ses décisions et s’éloigner du « gouvernement des juges ».

Le Conseil Constitutionnel a lui aussi dégagé des principes non écrits à valeur constitutionnelle. Pour limiter le droit de grève principe a valeur Constitutionnelle il a fallut lui imposer un autre principe de même niveau. Le Conseil Constitutionnel à ainsi dégagé que la continuité des services publics, à, tout comme le droit de grève un caractère constitutionnel.

Les Principes Généraux du Droit peuvent être dérogé par une loi. Ne s’impose pas au législateur mais qu’a l’administration.

b)Eléments de réponse

Comment déterminer la valeur des Principes Généraux du Droit dans la hiérarchie des normes ?

Selon R. Chapus les Principes Généraux du Droit sont des normes supra-décrétale (actes administratifs doivent les respecter) et infra législative (la loi peut les écarter). Cette idée repose sur la thèse de Carré de Malberg faisant un lien entre la hiérarchie des normes et des organes. Cette thèse contestable car :

l’exécutif peut édicter des normes à valeurs législatives et le Conseil Constitutionnel peut lui aussi découvrir des Principes Généraux du Droit qui ne s’impose pourtant pas à la loi.

de plus, cette démonstration repose sur une opposition exagérée entre interprétation du droit et création de normes. Car un Principe Général du Droit dégagé a partir d’un texte législatif sa différence entre lui et la loi est une différence de degré et non pas de nature.

Si le juge ne se détache pas du texte : l’interprétation a la valeur du texte qu’elle interprète.

Si le juge ne se fonde pas directement sur un texte mais sur un ensemble de textes, données sociales, principes non-écrits : la norme change de niveau.

Deux normes peuvent avoir un contenu identique mais une valeur différente, l’une étant infra-législative l’autre constitutionnelle.

c) Proposition de solution

A chaque étage de la hiérarchie existe d’un coté des normes d’origine écrite que le juge a pour mission d’interpréter et qui ont la valeur de leur fondement textuel. Et de l’autre des normes non écrites plus ou moins liées aux textes qui viennent les compléter pour en parfaire la formulation et en renforcer la cohérence. Elles se rattachent au niveau déterminé par le juge en fonction de leur origine et des actes auxquels elles doivent s’imposer.

Au niveau constitutionnel : le Conseil Constitutionnel crée des principes non-écrits à valeur constitutionnelle qui oblige le législateur. le Conseil d’Etat peut dégager des Principes Généraux du Droit issus de la Constitution qui s’impose à l’administration comme la Constitution.

Au niveau législatif : le Conseil d’Etat peut dégager des Principes Généraux du Droit de valeur législative. L’administration doit les respecter : c’est l’équivalent d’une loi, une loi expresse peut y déroger.

Au niveau réglementaire : le Juge Administratif peut créer de simples règles non écrites supplétives et non impératives qui s’appliquent en l’absence de texte administratif contraire mais qu’une telle norme peut aisément écarter.

§3. L’avenir des sources jurisprudentielles

Le rapport entre droit écrit et jurisprudence se modifie

A. Substitution des textes écrits aux principes généraux du droit

Tendance de plus en plus forte à se référer directement aux sources de base qu’aux principes généraux.

Exemple : au lieu d’annuler les décrets limitant le droit au regroupement familial comme dans l’arrêt du Conseil d’ Etat 1978 Gisti au nom des Principes Généraux du Droit il eut été plus simple et plus exact de constater que ces décrets entraient en contradiction directe avec le Préambule de 1946 ainsi interprété.

L’application directe des textes ôte dans de nombreuses hypothèses toute utilité au Principes Généraux du Droit dont le rôle historique aura été d’annoncer voir de faciliter l’application et l’extension du bloc de constitutionnalité.

On assiste à une réunification du droit public français → les mêmes normes de référence s’imposent à l’ensemble des pouvoirs publics.

B. L’utilité des principes non-écrits

Les Principes Généraux du Droit garde un intérêt dans deux cas :

1) Lorsqu’il n’existe pas de fondement écrit directe à la norme / qu’il est impossible de donner une telle portée au texte (sauf interprétation abusive) / que les textes en question ne sont pas des normative.

2) Les Principes Généraux du Droit permettent d’étendre le champ d’application d’un dispositif textuel dont la portée est moindre.

C. Maintien du rôle normatif de la jurisprudence

La part du droit écrit ne fait que s’accroitre. Les normes administratives et Constitutionnels fixe au plus haut niveau d’action de l’administration.

Multiplication des textes législatifs ou réglementaires relatif au Droit Administratif. Mais ce droit écrit devient lui-même difficile d’accès et est sujet a des modifications constantes. La jurisprudence conserve son rôle pour dégager des règles globales. C’est au Juge Administratif de les faire évoluer en prenant en compte le nouveau contexte juridique et en s’assurant de la synthèse entre des sources qui peuvent entrer en conflit. C’est toujours la jurisprudence, qui dans des domaines plus techniques va clarifier les données des textes épars et les mettre en cohérence avec les dispositions fondamentales du Droit Administratif.