Les traités de l’Union Européenne, sources du droit primaire

Les traités européens, sources du droit primaire européen

            Le droit primaire est l’ensemble des normes contenues dans les traités. Les institutions adoptent un nombre considérable d’actes qui en dérivent, on parle de droit dérivé.

           Le droit primaire se compose des clauses expresses contenues dans les traités et des apports considérables de la jurisprudence du fait de son pouvoir créateur. On prend la mesure de la diversité de ce droit primaire, mais le point commun entre ces diverses normes primaires conventionnelles et jurisprudentielles est qu’elles constituent la Constitution de l’Union.

  1. a) La richesse des instruments conventionnels

 On est en présence d’instruments de formes diverses.

  •  – Il y a d’abord les traités au sens strict : le vieux traité EURATOM qui perdure, le TUE modifié par le traité de Lisbonne, et le TFUE qui ressemble grosso modo à l’ancien traité communautaire.
  •  – Ils ont fait l’objet au fil du temps de modifications d’ampleur globale, mais aussi de modifications plus spécifiques :
  •     ainsi, il y a eu en 1965un traité de fusion des exécutifs entre la CEE, la CECA et l’EURATOM afin que ces trois communautés se partagent les mêmes institutions “exécutives”, le Conseil et la Commission ;
  •     en 1970, révision des procédures budgétaires au sein du traité CEE et adoption dun système de ressources financières propres ;
  •    en 1976, révision du TUE pour permettre l’élection du Parlement européen au suffrage universel direct.

 

On ne peut pas oublier les divers traités d’adhésion sur le fondement desquels l’Union s’est élargie au cours du temps.

  •       Les protocoles, annexés aux traités, ont la même valeur juridique que ceux-ci. Ils en font partie intégrante des traités eux même.
  •       Les déclarations. On peut s’accorder sur le fait qu’elles peuvent servir d’instruments d’interprétation des traités. On distingue deux catégories :
  • Celles que la conférence intergouvernementale adopte elle-même car elles recueillent l’assentiment de tous les Etats membres ; on peut y voir des accords simplifiés, ne faisant pas l’objet de ratification, ou des instruments concertés non conventionnels ;

Celles dont la conférence intergouvernementale se contente de prendre acte car elles n’émanent que de certains Etats membres seulement, elles ne reflètent nullement une intention commune à l’ensemble des Etats membres.

            Au regard de la diversité de ces sources, il existe un principe d’autonomie de chaque traité par rapport à l’autre. La jurisprudence ne peut qu’appliquer ce principe car il est expressément prévu dans les clauses des divers traités.

Ainsi, le TUE comprend des dispositions particulières relatives à la PESC malgré l’effacement de la structure en piliers ; son article 40 prévoit que les dispositions relatives à la PESC n’influencent pas les dispositions du TFUE relatives aux «procédures et à l’étendue respective des attributions des institutions prévues par les traités pour l’exercice des compétences de l’Union visées aux articles 3 à 6», c’est-à-dire :

  • les compétences exclusives en matière d’union douanière, de concurrence nécessaire au fonctionnement du marché intérieur, de politique monétaire, de politique commune de la pêche, de politique commerciale commune, de conclusion d’un accord international lorsqu’elle est prévue dans un acte législatif de l’Union ou nécessaire,
  • mais aussi les compétences partagées en matière de marché intérieur, de politique sociale, de cohésion économique, sociale et territoriale, d’agriculture et de pêche (sauf PCP), d’environnement, de protection des consommateurs, de transports, de réseaux transeuropéens, d’énergie, d’espace de liberté, de sécurité et de justice, de santé publique, de recherche, de développement technologique et de l’espace, de coopération au développement et de l’aide humanitaire,
  • et enfin des compétences pour mener des actions pour appuyer, coordonner ou compléter l’action des Etats membres en matière de protection et d’amélioration de la santé humaine, d’industrie, de culture, de tourisme, d’éducation, de formation professionnelle, de jeunesse, de sport, de protection civile et de coopération administrative.

            La jurisprudence ne s’est pas interdit d’assurer une certaine cohérence d’un traité à l’autre en en interprétant un à la lumière de l’autre :

  • le traité communautaire comportait depuis l’origine un article 12 prohibant les discriminations par rapport à la nationalité ; la CJCE a considéré qu’en raison de l’importance de ce principe, il devait trouver à s’appliquer aussi dans le cadre du traité EURATOM, alors que celui-ci ne comportait pas de telle disposition ;
  • concernant l’application des règles de procédure, la CJCE a admis que dans le cadre du traité communautaire, qui pourtant ne l’avait pas prévu à l’origine, le recours en annulation puisse être exercé dès 1983 contre des actes du Parlement européen (cela avait été omis car pendant longtemps, jusqu’aux années 70, le Parlement européen n’avait aucun pouvoir normatif) ;
  • la CJCE s’est inspiré du traité CE, et plus précisément de la disposition qui organise un système de renvoi préjudiciel des juridictions nationales à la CJCE soit pour lui demander l’interprétation d’une norme communautaire, soit pour apprécier la validité d’un acte communautaire ; dans le cadre du traité instituant la CECA, seul le renvoi préjudiciel en appréciation de la validité d’un acte communautaire était prévu, et avec l’interprétation de la jurisprudence, le renvoi préjudiciel en interprétation d’une norme communautaire est devenu possible.
  1. b) L’autorité des traités

            Que les traités s’imposent aux actes de droit dérivé adoptés sur leur base est évident ; les traités ont donc omis de les préciser. Cette primauté vaut également à l’égard des traités internationaux conclus par l’Union.

            Plus complexe est la question de l’autorité des traités de base (TU, TFUE) sur les accords internationaux conclus non pas par l’Union mais par les Etats membres. Cette question oblige à faire plusieurs distinctions, à se demander quel est l’ordre de succession entre les normes incompatibles en cause.

  • Si les accords conclus par les Etats membres (entre eux ou avec des tiers) le sont postérieurement aux traités européens de base, alors ils doivent y être conformes pour pouvoir s’imposer.
  • Cette règle se déduit du droit international des traités, surtout si tous les Etats membres ne sont pas parties à l’accord ; elle se déduit aussi et surtout en vertu du droit de l’Union parce que la conclusion postérieure d’accords qui comportaient des clauses incompatibles avec le droit de l’Union s’analyserait comme un manquement et pourrait valoir à l’Etat des poursuites devant la Cour de justice diligentées par la Commission.
  • Si les accords ont été conclus antérieurement aux traités européens de base, cela oblige à une nouvelle distinction :

            Lorsque laccord international en question a été conclu entre Etats membres, comme il n’y a pas de tiers concernés, en cas d’incompatibilité, l’accord international doit céder, s’effacer devant la clause contraire du traité de base. Il n’y a pas d’incompatibilité lorsque le traité de base lui-même admet l’existence de ces accords internationaux conclus antérieurement (l’article 350 du TFUE mentionne l’«union régionale», c’est l’accord du Bénélux qui est visé ici) ;

            lorsque laccord international en question a été conclu entre Etats membres et des tiers, l’article 351 du TFUE pose en principe que les droits et obligations résultant de ces accords ne sont pas affectés par les dispositions des traités.

            Ce principe de l’intégrité des accords internationaux envers les traités de base doit être nuancé : la jurisprudence de la CJCE distingue les droits et les obligations. Les Etats membres ayant conclu l’accord international sont réputés avoir renoncé aux droits qu’ils tiennent de ces accords lorsque ceux-ci sont incompatibles avec le droit de l’Union européenne.

            Cela n’est pas possible en ce qui concerne leurs obligations. La CJCE admet qu’elles perdurent, mais surtout, que les Etats membres ont une obligation de moyen pour mettre un terme à ces éventuelles incompatibilités (ex : clause de dénonciation ou de retrait). Il peut arriver qu’il y ait une incompatibilité irréductible car ce n’est pas une obligation de résultat mais de moyen ; dans ce cas, c’est le pragmatisme du juge qui s’impose.

  •   Ainsi, un accord international prohibait le travail de nuit pour les femmes, ce qui s’opposait au principe de non-discrimination : l’accord de l’OIT continue à s’imposer car il prévoit une obligation de ne pas faire aux Etats membres qui en font partie.
  •   Dans l’arrêt du 3 septembre 1998 Kadi, la CJCE était confrontée à un problème lié à l’exécution par les Etats membres de résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies dans le cadre de la lutte contre le terrorisme international, notamment en recourant à des retenues, à un gel des financements. Cela ne se faisait-il pas au détriment des droits de la défense ?
  •   La CJCE a affirmé qu’en toute hypothèse, l’article 351 du TFUE ne saurait permettre la remise en cause des principes qui relèvent du fondement même de l’ordre juridique de l’Union ; même pour accomplir leurs obligations souscrites vis-à-vis des tiers, les Etats membres ne peuvent déroger aux droits fondamentaux.

Conclusion sur l’application géographique des normes juridiques européennes        

Les normes sont applicables sur des territoires constitués par les Etats membres de l’Union européenne, mais aussi par les territoires extra-européens dont les Etats assurent la responsabilité des relations extérieures.

Au delà de ce principe de base, on entre dans les méandres complexes d’une application différenciée du droit de l’Union à d’autres territoires : les composantes ultra-marines, les pays et territoires d’outre mer de certains Etats membres, et les territoires situés aux extrêmes limites de l’UE.

            Un certain nombre de ces territoires sont soumis au droit de l’Union européenne sous réserve de particularités destinées à prendre en compte la spécificité de ces territoires (éloignement géographique). Le Conseil a le pouvoir d’adopter des mesures d’adaptation du droit de l’Union.

Parfois, les spécificités sont telles que le droit de l’Union ne s’applique pas, sauf selon un régime d’association qui vise à l’établissement de relations étroites (économiques) entre l’Union européenne et ces territoires, qui n’y sont pas vraiment étrangers puisqu’ils relèvent de la souveraineté de certains Etats membres.

Enfin, il y a des territoires dans lesquels le droit de l’Union européenne ne s’applique pas (nord de la Turquie CHYPRE, où le droit de l’Union est suspendu).

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