Les vices du consentement dans les contrats

L’INTÉGRITÉ DU CONSENTEMENT EN DROIT DES CONTRATS

C’est l’article 1109 qui régit les vices du consentement.

La sanction des vices du consentement est la nullité du contrat (effet rétroactif : on fait comme si l’acte n’avait jamais existé).

  • Nullité : effet rétroactif. Elle sanctionne un vice au niveau de la formation du contrat.
  • Résiliation : les effets sont anéantis pour l’avenir mais les effets passés sont maintenus
  • Résolution : la résolution annule les effets du contrat pour l’avenir et a un effet rétroactif. Elle sanctionne une inexécution du contrat.

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I / L’erreur

L’article 1110 du Code civil ne pose comme principe que l’erreur est un vice du consentement. Il n’admet en effet l’erreur que dans deux hypothèses :

  • l’erreur sur la substance
  • l’erreur sur la personne

a) L’erreur sur les qualités substantielles

La première conception de l’erreur considère que la substance est la matière dont est faite la chose. C’est une conception étroite de l’erreur sur la substance.

On a donc fait évoluer cette conception vers une conception objective, à savoir l’erreur sur les qualités objectives de cette chose : l’erreur doit avoir été déterminante du consentement et elle doit porter sur les qualités essentielles de la chose.

Preuve :

  • prouver l’existence des qualités substantielles
  • dire que ces qualités ont été déterminantes dans mon consentement

Existe-t-il un aléa connu des parties sur l’authenticité de l’œuvre d’article ? On achète une œuvre d’article attribuée à Camille Claudel différente de une œuvre d’article de Camille Claudel. Le attribuée à marque bien l’existence d’un aléa donc la nullité du contrat sur le fondement de l’erreur ne sera pas possible car le fait que l’œuvre soit de Camille Claudel, bien qu’il soit une qualité substantielle, n’est pas déterminant de son consentement.

Cass. 1ère civ. 13 janvier 1998

Une œuvre est vendue par un commissaire priseur comme étant une œuvre du peintre Mary Cassat. Après la vente, des doutes sont émis par le Comité Mary Cassat quant à son authenticité. Des experts sont ensuite nommés mais aucun n’est capable de se prononcer sur l’authenticité de l’œuvre. Il intente alors une action en nullité sur le fondement de l’erreur mais est débouté de ses demandes par la Cour d’appel puisqu’il y a un doute : sachant qu’on ne sait pas si l’œuvre est authentique ou non, la nullité ne peut être prononcée. La Cour d’appel est censurée car elle n’a pas recherché si la certitude sur l’authenticité de l’acte a été déterminante pour l’acquéreur.

Le seul doute sur l’authenticité peut donc entraîner la nullité de la vente si l’absence de doute était déterminante du consentement.

Cass. 1ère civ. 5 février 2002

Un tableau était présenté comme étant de Daniel Spoerri, ce qui était le cas. Cependant, cette œuvre d’article a été faite par un garçon de 11 ans mais signée de Daniel Spoerri. L’acquéreur a-t-il voulu acheter une œuvre de Daniel Spoerri ou une œuvre faite par Daniel Spoerri ? La Cour d’appel n’ayant pas recherché cela, la Cour de cassation l’a censurée. La Cour d’appel de renvoi déboute à nouveau l’acquéreur de sa demande en nullité en disant que l’authenticité de l’œuvre était l’unique condition de son consentement.

Mais la Cour de cassation censure à nouveau dans un arrêt de la 1ère civ du 15 novembre 2005 en reprochant à la Cour d’appel de ne pas avoir vérifié, vu comment l’œuvre était dans le catalogue, si l’acquéreur pouvait se dire que l’œuvre étant de Daniel Spoerri, c’était indéniablement lui qui l’avait faite.

Cass. 1ère civ. 17 septembre 2003

Un tableau est vendu comme étant une œuvre de l’atelier de Poussin. Le vendeur voit par la suite que l’œuvre est de Nicolas Poussin lui-même et invoque alors l’erreur sur sa propre prestation. C’est parce qu’elle était sure que l’œuvre n’était pas de l’artiste qu’elle s’est décidée à vendre le tableau à tel prix.

Enfin, sur le fondement de l’article 1371, l’acquéreur fait une action sur l’enrichissement sans cause contre le vendeur, hypothèse où un concours de circonstances peut aboutir sans fondement juridique à transférer sans justification une valeur à une autre personne. Ce transfert de valeur non justifié peut, sans que cela constitué un contrat, ressembler à un contrat, et faire que celui qui est à l’origine de cet enrichissement sans justification, puisse demander la réparation de cet enrichissement injustifié (conditions : un enrichissement, un appauvrissement et un lien de causalité entre les deux). En l’espèce, l’acquéreur estime que si la vente doit être annulée, il doit y avoir enrichissement sans cause à son profit. Mais la Cour de cassation refus cette action puisque l’action en enrichissement sans cause doit émaner de la personne qui demande la nullité (le vendeur en l’espèce).

Cass. 1ère civ. 14 décembre 2004

L’erreur doit être essentielle, déterminante du consentement, mais aussi excusable. En effet, l’erreur inexcusable ne peut entraîner la nullité du contrat.

L’œuvre est confiée à un professionnel pour la nettoyer avant la vente puis pour la vendre. Il l’acquiert ensuite puis s’aperçoit que l’œuvre n’est pas de Camille Claudel mais d’un autre artiste ayant une côte largement inférieure.

Le fait que cet œuvre soit de Camille Claudel est-il une qualité substantielle et est-il déterminant de son consentement ? OUI. Mais cette erreur n’est-elle pas inexcusable ? Dès lors que l’œuvre lui était confiée pour simple rénovation et non pour expertise, la Cour de cassation dit que cette erreur était inexcusable.

b) L’erreur sur la personne

L’article 1110 al 2 dit que l’erreur sur la personne est possible si la personne du cocontractant a été la cause principale de la convention (contrat intuitu personnae).

Il faudra donc démontrer que l’identité ou les qualités essentielles de la personnes ont été déterminantes du consentement, mais quelle personne ? Selon le Code, c’est uniquement celle du cocontractant mais la jurisprudence l’a étendue aux tiers, comme par exemple en matière de cautionnement.

Cass. Com. 19 novembre 2003 Acte de cautionnement fait en raison de la situation du débiteur, tiers au contrat.

II ) Autres erreurs

  • a) L’erreur sur la valeur

Elle n’est jamais une cause de nullité du contrat. On pourra cependant aller sur le terrain de la lésion qui est une erreur sur la valeur mais pas un vice du consentement : la lésion permettra alors de demander la nullité de la vente. Mais il n’y aura lésion que lorsque la loi le prévoit expressément.

Ce sera possible en matière d’immeubles, d’actes d’incapables et d’actes de partage.

  • b) L’erreur sur les motifs extérieurs à l’engagement

Théoriquement, elle n’est pas cause de nullité du contrat sauf si les motifs extérieurs à l’engagement ont été intégrés dans l’engagement par une stipulation expresse.

Cass. 3ème civ. 24 avril 2003 Des gens ont acheté des emplacements de parking pour pouvoir bénéficier de déductions fiscales qu’ils n’ont finalement pas. Ils ne peuvent théoriquement pas demander la nullité mais ils le peuvent quand même si les motifs extérieurs ont été déterminants et stipulés dans le contrat, ce qui était le cas en l’espèce.

  • c) L’erreur de droit

C’est une erreur admise : la présomption de connaissance du droit n’est pas appliquée ici.

Cass. 1ère civ. 27 juin 2006 (0513337) Une personne, à l’occasion de la lecture d’une décision de justice d’une situation analogue à la sienne mais ne le concernant pas, va découvrir que quatre contrats d’édition qu’il a signés ne sont pas conformes à la loi. Il invoque alors l’erreur de droit plus de cinq ans après la signature du contrat d’édition.

Pour dire que l’action n’est pas prescrite, il dit que la décision de justice dont il a eu connaissance a été rendue moins de cinq ans avant son assignation. La Cour de cassation lui répond que le départ du délai de prescription ne peut être une décision de justice à laquelle il n’ a pas été partie.

Pour tous les vices du consentement, l’article 1304 du Code civil dispose que la prescription est de cinq ans. Pour l’erreur, il débute à compter de la découverte de l’erreur.

Nullité absolue : peut être demandée par toute personne ayant un intérêt et prescription trentenaire en général.

Nullité relative : prescription en général quinquennale et seule la victime peut agir.

En matière d’erreur, on peut obtenir uniquement la nullité du contrat et pas de dommages et intérêts.

CAS PRATIQUE

Domaine de l’erreur (erreur sur la substance (preuve des qualités essentielles, caractère déterminant du consentement, caractère excusable de l’erreur), la personne (qualités essentielles, déterminantes, excusables), le droit…).

L’erreur peut être invoquée aussi bien par l’acquéreur que par le vendeur.

L’erreur est un vice du consentement sanctionnant la formation du contrat : il faut donc se placer au moment de la conclusion du contrat.

Est-on encore dans le délai de prescription quinquennale à partir de la découverte de l’erreur ?

Sanction : nullité relative donc seule la victime peut l’invoquer. Pas de dommages et intérêts possibles.

II / Le dol

C’est un comportement malhonnête. Cette expression vise une tromperie amenant l’autre partie à conclure le contrat sur une fausse conviction. Le dol est donc avant tout une erreur provoquée.

Le dol, comme l’erreur, doit s’apprécier au moment de la conclusion du contrat. Cependant, un arrêt de la Com du 20 juin 2006 rappelle que ce principe n’interdit nullement au juge de prendre en compte des éléments d’appréciation postérieurs dès lors que ceux-ci permettent d’éclairer des comportements illicites, contemporains de la conclusion de l’acte.

Il faut d’abord prouver l’existence de manœuvres dolosives :

  • positives en rapportant la preuve du dol
  • le silence permet-il de caractériser l’existence de l’élément intentionnel du dol ? Oui avec la réticence dolosive qui ne sera admise qu’à la condition que les circonstances sur lesquelles la partie a gardé le silence fasse que le cocontractant était amené à faire confiance à l’autre

a) La réticence dolosive

Cass. com. 14 juin 2005 Le silence conservé par le cédant est-il constitutif de manœuvres dolosives ? Le cédant devait-il informer l’acquéreur de la valeur des actions ? La Cour de cassation considère qu’il y avait bien en l’espèce réticence dolosive.

La Cour de cassation dit qu’il faut se placer au jour de l’annulation de l’acte pour connaître la valeur des actions à rembourser par équivalent.

Cass. 1ère civ. 3 mai 2000 Une femme vend des photos de Baldus et l’acquéreur lui demande ensuite de lui vendre les photos qu’elle possédait à un prix nettement inférieur à la côte du photographe. Elle découvre par la suite que la valeur était largement supérieure à celle de la vente.

L’erreur sur la valeur ne peut pas marcher ici car elle n’est pas cause de nullité.

L’acheteur n’a aucune obligation d’information donc son silence n’est pas constitutif de réticence dolosive.

Par contre, en cas de manœuvres, le dol sur la valeur sera cause de nullité.

Cass. 1ère civ. 13 mai 2003 Le fait pour le banquier de ne pas dire à la caution que la situation du débiteur est largement obérée au moment où il contracte constitue une réticence dolosive déterminante du consentement de la caution.

Cass. Com. 24 septembre 2003 Le fait pour une société de ne pas avoir dit qu’elle était en redressement judiciaire est-il constitutif de réticence dolosive ? Non, une société en redressement judiciaire n’a pas l’obligation d’informer son cocontractant.

Mais le fait de se taire sur le redressement judiciaire interdit-il le cocontractant d’invoquer la réticence dolosive ? La Cour de cassation dit que c’est possible mais dit que le cocontractant doit prouver la réticence dolosive. Elle finit en disant que le fait d’être ou non en redressement judiciaire ne constituait pas le caractère déterminant du consentement.

Cela est confirmé par l’arrêt de la 1ère civ du 15 mai 2002 : le vendeur professionnel est tenu d’une obligation de renseignement à l’égard de son client et c’est à lui de prouver qu’il a exécuté son obligation. Il y a donc ici renversement de la charge de la preuve.

b) L’élément intentionnel

C’est l’obligation de contracter de bonne foi.

Cass. com. 11 octobre 2005 Pas de collusion entre la société dont les actions ont été cédées et le PDG de la société. Il n’y a donc pas élément intentionnel donc pas de dol.

Cass. com. 28 juin 2005 Pour le dol, il faut :

  • un élément matériel : manquement à une obligation d’information, manœuvres…
  • un élément intentionnel : ce manquement doit être volontaire
  • ce manquement ou ces manœuvres doivent être déterminants

c) Eléments déterminants du consentement

Le dol peut porter sur n’importe quel élément du contrat (valeur, mobiles…). L’erreur étant provoquée et étant déterminante du consentement, le dol pourra être allégué.

Si l’élément intentionnel et matériel est déterminant du consentement, il y a alors dol principal donc nullité mais s’il n’est pas déterminant, il y aura dol incident donc pas de nullité.

Cass. 3ème civ. 22 juin 2005 La charge des dépenses de sécurité n’avait pas été discutée au préalable et l’un des cocontractants va dissimuler ce coût aux autres, ce qui est constitutif d’un dol. La Cour d’appel va alors rechercher si ces éléments étaient déterminants du consentement (dol principal ou incident), ce qui était le cas en l’espèce.

Cass. 3ème civ. 21 février 2001 L’existence d’un dol rend toujours excusable l’erreur provoquée.

Cass. 1ère civ. 22 juin 2004 « Nemo auditur » ne s’applique qu’en matière de cause ou d’objet immoraux.

En l’espèce, la victime demandait la nullité de la vente pour dol mais « Nemo auditur » ne s’applique que pour bloquer les restitutions et en aucun cas pour voir la validité d’un contrat.

Enfin, ce principe ne s’applique qu’en matière contractuelle.

En l’espèce, il y avait bien dol lié à l’erreur provoquée lors de la formation du contrat : c’est la collusion frauduleuse qui a permis la conclusion du contrat.

Le dol ne peut émaner que d’une des parties au contrat : le dol d’un tiers n’a aucune incidence sur la validité du contrat. C’est par exemple le cas du cautionnement où le dol commis par le bénéficiaire du cautionnement n’entraînera pas nullité du contrat.

L.a sanction est la nullité relative :

  • seule la victime peut l’invoquer
  • prescription quinquennale dont le délai court à compter de la découverte du dol
  • la victime pourra obtenir des dommages et intérêts sur le fondement de 1382 : la faute de la victime pourra par contre réduire ces dommages et intérêts ( 1ère civ. 1er mars 2005)

CAS PRATIQUE

Se placer au moment de la formation du contrat pour voir si :

  • élément matériel :
    • acte positif
    • acte négatif : obligation d’information, de renseignement, charge de la preuve
  • élément intentionnel : preuve de la mauvaise foi
  • caractère déterminant : dol principal / dol incident
  • de qui émane le dol ? il ne peut émaner que d’une partie au contrat
  • nullité relative : seule la victime peut s’en prévaloir
  • prescription de cinq ans à compter de la découverte
  • octroi possible de dommages et intérêts sur le fondement de 1382, qui pourront être réduits en cas de faute de la victime

III / La violence

Cass. 3ème civ. 13 janvier 1999 Pour apprécier l’existence de la violence, il faut se placer au moment de la formation du contrat. Néanmoins, on peut se fonder sur des éléments postérieurs précis à condition qu’ils viennent expliquer la situation au moment de la formation du contrat.

La violence peut être physique ou morale.

Cet arrêt confirme en outre que la violence s’apprécie in concreto (victime seule avec des enfants).

La violence peut émaner d’un tiers.

Prescription quinquennale à compter de la date de cessation de la violence.

Cass. 2ème civ. 8 septembre 2005 Le client a signé la convention d’honoraires disait qu’il était dans un état tel qu’il a été obligé de signer la convention.

La réitération de l’acte huit ans après a fait de la convention un acte inattaquable, donc pas de violence ici.

Cass. 1ère civ. 30 mai 2000 Viole les art … une Cour d’appel qui, pour rejeter la demande de transaction d’un accord transactionnel, retient que la transaction ne pouvait être attaquée pour cause de lésion, la contrainte économique dont il est fait état à la suite de cette demande d’annulation ne saurait entraîner la nullité de l’accord, alors que la transaction peut être attaquée dans tous les cas où il y a violence et que la contrainte économique se rattache à la violence et non à la lésion.

Cass. 1ère civ. 3 avril 2002 La violence économique peut s’appliquer mais la Cour de cassation dit qu’il n’y a pas violence économique en l’espèce au moment où elle s’est faite licencier.

CAS PRATIQUE

  • appréciation à la conclusion du contrat, mais éléments posté »rieurs
  • appréciation in concreto
  • la violence peut émaner d’une partie ou d’un tiers
  • prescription quinquennale à compter de la cessation de la violence
  • la violence peut venir d’un cocontractant ou d’un tiers

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