La procédure d’expropriation : – Deux phases : phase administrative et phase judiciaire.
l’expropriation et de ses deux phases, à savoir la phase administrative et la phase judiciaire.
L’expropriation pour cause d’utilité publique est une procédure qui permet à la puissance publique de transférer à son profit un bien immobilier en dépit du droit de propriété, considéré comme « inviolable et sacré ». Cette procédure ne peut être utilisée que pour la réalisation d’un objectif d’utilité publique et prévoit le versement d’une indemnité « juste et préalable » à l’exproprié. L’expropriation est donc le processus par lequel une autorité publique prend possession d’un bien appartenant à un particulier ou à une entreprise, généralement pour des raisons d’utilité publique, telles que la construction de routes, de ponts, d’hôpitaux ou d’autres infrastructures importantes.
- Droit public des biens
- La procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique
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- Y a-t-il un droit administratif global ?
L’initiative de la procédure peut être prise par l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics (sous réserve du respect du principe de spécialité) et, dans certains cas, certaines personnes privées. La procédure d’expropriation comprend deux grandes phases, chacune avec deux étapes majeures.
La première phase est la phase administrative, qui relève généralement de la compétence du préfet. Cette phase comprend la déclaration d’utilité publique et l’arrêté de cessibilité. La déclaration d’utilité publique permet de constater l’utilité publique du projet à l’issue d’une enquête publique et de poursuivre la procédure d’expropriation. L’arrêté de cessibilité est établi à l’issue d’une enquête parcellaire qui permet de déterminer les parcelles à exproprier et de rechercher les propriétaires, les titulaires de droits réels et les autres intéressés. Cet arrêté précise les parcelles concernées par l’expropriation et l’identité de leurs propriétaires.
La seconde phase est la phase judiciaire, qui ne peut avoir lieu qu’après la phase administrative et qui implique le juge de l’expropriation auprès du tribunal de grande instance en l’absence d’un accord amiable entre l’expropriant et la personne expropriée. Cette phase porte à la fois sur le transfert de propriété et la fixation des indemnités. En l’absence d’accord amiable, le juge de l’expropriation prononce une ordonnance d’expropriation au profit de l’autorité expropriante permettant ainsi le transfert de la propriété des biens et des droits réels déclarés cessibles à l’expropriant. Le juge de l’expropriation, saisi par l’une ou l’autre des parties en l’absence d’un accord amiable, fixe également le montant des indemnités à verser.
Sur la phase administrative
Dossier. Enquête. Conclusions du commissaire enquêteur. DUP. Enquête parcellaire. Arrêté de cessibilité.
Il y a une tendance lourde dans les contentieux DUP du Conseil d’État qui est en train d’être un peu modifiée : la plupart du temps lorsqu’il y avait des contestations, elles s’étaient développées sur des moyens de régularité alors même qu’on a un contrôle en 3 temps. Assez peu d’annulation sur le fond. Dans un 1er temps, à partir 1971, on a axé le contrôle sur le fond. Du coup les requérants ont beaucoup sollicité d’annulations pour défaut d’utilité publique mais se sont vus opposés des rejets. Ils se sont donc repliés sur la régularité de la procédure. On a eu énormément de moyens de procédure : constitution du dossier, interprétation des conclusions du commissaire enquêteur, contenu de l’étude d’impact, l’information du public, etc.). On annulait parfois. Mais quand on annule pour vice de procédure et qu’on reprend, la réalisation du projet est encore différée et ça coute un fric fou. Le Conseil d’État a eu tendance à rapporter la nature du vice à l’ampleur du projet : c’est la théorie des vices non substantiels : oui c’était irrégulier mais ça n’a pas substantiellement affecté la procédure donc recours rejeté. Mais il a fallu mettre un peu d’ordre dans cette théorie.
CE, 14 octobre 2011, Société Ocréal : à propos des études d’impact (ensuite transposée à l’enquête publiques) « les inexactitudes, omissions ou insuffisances d’une étude d’impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d’entraîner l’illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l’information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative». On rapporte le vice de procédure à l’objet de la procédure. L’objet de la procédure est d’informer la population : c’est seulement si l’erreur a une influence sur l’un ou l’autre objet alors ce vice sera en mesure de remettre en cause la procédure. Lien avec CE, 23 déc 2011, Danthony : Ocréal a été le ballon d’essai de Danthony. On a cherché à systématiser un peu ce qui était substantiel ou non. On a abandonné la théorie des vices substantiels qui n’étaient pas très souhaitables car c’était le juge qui le disait ex post : il était plus souhaitable de donner des critères à priori. Cela a conduit depuis 2011 à beaucoup moins accueillir les vices de procédure.
Ce qui est intéressant c’est que d’autres portes se sont ouvertes.
1/ Il s’agit d’une part du contrôle en amont de la légalité de la procédure au regard d’illégalités qui seraient extérieures à l’utilité publique elle même ou au bilan de celle ci ; en tout cas pas forcément extérieures mais dont l’examen devra a voir lieu en dehors du bilan : le respect du principe de précaution en est un bon exemple. Le contrôle amont se développe.
2/ Il s’agit d’autre part d’un contrôle que Seiller appelle le contrôle extrinsèque : selon la jurisprudence Adam, on contrôle si l’opération présente un intérêt d’utilité publique mais c’est tout : onrefusele contrôle extrinsèque. On ne contrôle pas les variantes mais on contrôle intrinsèquement la variante retenue. Le choix du tracé d’une opération (ou le choix de l’emprise) ne peut pas être comparé à des choix alternatifs, même si ils ont été étudiés dans l’étude d’impact. Le choix des variantes est une opération d’opportunité administrative et le juge se refuse à la contrôler. Mais cette porte devrait s’ouvrir, ce contrôle devrait se développer. Ce second contrôle revient donc à comparer l’expropriation litigieuse avec d’autres modes d’expropriation (d’autres tracés par ex). C’est l’étape future. Guyomar souhaite voir cette porte s’ouvrir. Cela conduirait à faire des bilans comparatifs : faire des contrôles de plusieurs bilans et l’emporterait le meilleur bilan. C’est pour cela que ça inquiète un peu le juge.
L’adoption de la DUP appelle quelques développements. Toutes ces opérations là, toutes ces atteintes à la propriété sont adossées à la nécessité publique, seule justification. Ce qui est intéressant le glissement du terme de nécessité publique à celui d’utilité publique. Aujourd’hui le fait qu’on ait glissé de nécessité à utilité publique ne signifie pas qu’on aurait élargi les cas de justif de l’expropriation au delà de ce qu’exige l’article 17 de la DDHC. En même temps la notion d’utilité publique n’a cessé de s’élargir. Idée que si c’est utile c’est nécessaire. Finalement, la nécessité publique suppose pour être remplie à la fois une utilité publique et que l’on indemnise justement les atteintes que la poursuite de ce but engendre. Ce qui est nécessaire c’est ce qui est utile et ce qui n’excède pas cela. Dans le coté nécessaire il y a la côté non excessif. Le glissement terminologique n’est en réalité pas un problème de méconnaissance de l’amplitude de l’exigence constitutionnelle, car en réalité l’utilité publique n’est qu’un des sous ensembles de la nécessité publique.
Concrètement, on a beaucoup de cas dans lesquels la loi est intervenue pour fixer des finalités d’utilité publique. Mais c’est évidemment par voie prétorienne que la notion a été la plus fréquemment définie. En absence de tout texte légitimant le but poursuivi, le juge va opérer lui même le contrôle d’un intérêt général suffisant qui révèle cette utilité publique. D’une certaine manière, l’utilité publique, on la retrouve en facteur commun de plein de régimes (pour l’ouvrage public, pour le domaine c’est l’affectation à une utilité publique). C’est une forme d’intérêt général particulière, qui se traduit d’une manière ou d’une autre en fonction du régime.
Le contrôle : on a eu tendance à partir de Ville Nouvelle Est à se focaliser sur le bilan. Comme souvent, les innovations jurisprudentielles ont eu une sorte d’effet d’aimantation. Il a fallu attendre 1979, et les conclusions de Philippe Dondoux sous Malardel pour remettre les choses dans l’ordre. Il théorie les 3 étapes du contrôle juridictionnel de l’utilité publique :
o Utilité positive : « Pour qu’une opération d’expropriation puisse être déclarée légale, il faut qu’elle présente positivement, c’est-à-dire dans son but même et compte tenu des besoins précis qu’elle entend satisfaire, une utilité publique indiscutable » (cf. arrêt CE, 2012, Levallois-Perret, rappelle les 3 étapes).
o Utilité négative (inutilité): Il faut ensuite vérifier que « l’opération envisagée […]ait été réellement nécessaire c’est-à-dire que l’expropriation n’ait pas été inutile compte tenu des autres possibilités qui s’offraient à la collectivité expropriante ».
o Désutilité : Enfin, cette nécessité admise, on vérifie que l’opération envisagée n’est pas « source d’inconvénients excessifs pour le contexte dans lequel elle s’insère ». C’est-à-dire que « l’utilité publique subsiste lorsque –négativement – l’ont met en balance les inconvénients de tous ordres que l’opération entraine inévitablement par rapport à ses avantages ».
L’arrêt CE, 28 mars 2011, Collectif contre les nuisances du TGV Chasseneuil-du-Poitouréaffirme l’arrêt CE, 28 décembre 2009, Fédération Alto. Le Conseil d’État y a accepté dans l’étape n°2 – correspondant à la vérification que le projet n’est pas inutile – de contrôler le moyen tiré de ce que l’aménagement de l’existant en lieu et place de la réalisation du projet permettrait des résultats comparables permettant de poursuivre le même objectif sans nécessité d’expropriation aussi importante. On a franchi une petite étape consistant à dire je ne regarde pas seulement si les terrains en votre possession permettraient de réaliser dans des conditions équivalentes le projet et obtenir le même résultat mais vérifie également si ces parcelles ne vous permettraient pas de moins exproprier. Petit à petit, on se rapproche du contrôle extrinsèque.
S’agissant du bilan, dans la balance, parmi les inconvénients, on place des intérêts publics. Le bilan ne se fait pas uniquement au regard de l’atteinte à la propriété (CE, 20 octobre 1972, Sainte Marie de l’Assomption). Et de cette prise en compte des intérêts publics résulte une protection indirecte du droit de propriété.
Les contrôles « autonomes » : on a toujours connu des contrôles autonomes. Très fréquemment les DUP donnent lieu à l’invocation d’un détournement de pouvoir. Il n’y a pas de problème théorique à ajouter aux 3 contrôles Malardel des chefs de contrôle autonomes. On a des contrôles autonomes qui se développent. Depuis 1982 et la loi LOTI on peut avoir une méconnaissance des dispositions de la loi LOTI, il y a la place pour le respect d’exigences légales ne découlant pas du contrôle en 3 étapes. Mais ça n’est quasiment jamais admis. S’agissant du principe de précaution on s’est demandé s’il fallait l’intégrer au bilan ou l’externaliser.
CE, 12 avril 2013, Association de coordination interrégionale Stop THT: dans cette affaire le Conseil d’État a créé une grille de contrôle très sophistiquée pour assurer le plein respect du principe de précaution. Cette exigence est si importante qu’elle irrigue le contrôle du juge à deux moments. D’abord lors du contrôle autonome on admet qu’ « il appartient au juge, saisi de conclusions dirigées contre l’acte déclaratif d’utilité publique et au vu de l’argumentation dont il est saisi, de vérifier que l’application du principe de précaution est justifiée, puis de s’assurer de la réalité des procédures d’évaluation du risque mises en œuvre et de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation dans le choix des mesures de précaution ». Ce contrôle est autonome de celui de l’utilité publique de l’opération projetée et doit être effectué préalablement à celui-ci. On a un contrôle au regard du principe de précaution qui comprend lui-même deux temps :
o le 1er temps est un contrôle normal, d’abord sur l’existence ou non d’un risque, et ensuite sur les procédures d’évaluation de ce risque.
o Le 2nd temps est un contrôle restreint des mesures prises au titre de la précaution de ce risque, pour atténuer ce risque. Si l’un ou l’autre de ces éléments contrôlés conduisaient le juge à voir qu’il existe une violation et une erreur manifeste d’appréciation dans le choix des mesures de précaution on annulerait l’opération pour violation du principe de précaution. Le risque résiduel doit être raisonnable : au regard de ce qu’il emporte pour l’environnement. On considère que ne peut être déclaré d’utilité publique un projet qui méconnaitrait les exigences attachées au respect du principe de précaution.
Si on franchit l’étape, on retrouve le principe de précaution à l’étape du bilan. Le risque résiduel est réutilisé dans le plateau « inconvénients » du bilan. «Dans l’hypothèse où un projet comporterait un risque potentiel justifiant qu’il soit fait application du principe de précaution, cette appréciation est portée en tenant compte, au titre des inconvénients d’ordre social du projet, de ce risque de dommage tel qu’il est prévenu par les mesures de précaution arrêtées et des inconvénients supplémentaires pouvant résulter de ces mesures et, au titre de son coût financier, du coût de ces dernières». Ces mesures doivent donc être assez protectrices mais pas trop onéreuses.
Enquête parcellaire et arrêté de cessibilité. – L’enquête parcellaire donne lieu à peu de contestation. L’arrêté de cessibilité est plus souvent attaqué : c’est un arrêté du préfet qui déclare cessible telle partie au regard de l’enquête parcellaire. Le préfet peut refuser de prendre l’arrêté de cessibilité alors même que tout s’est déroulé correctement. Il n’est jamais tenu de déclarer cessible l’ensemble des éléments présents dans l’enquête parcellaire. C’est un arrêté qui est en réalité une collection de décisions individuelles (pour telle et telle parcelle mais pas pour telle autre). L’enquête parcellaire est une décision d’espèce (ni réglementaire, ni individuelle), l’arrêté de cessibilité est une décision individuelle.
Phase judiciaire.
cette phase judiciaire va d’abord essayer de privilégier le transfert de propriété à l’amiable. Même si le juge de l’expropriation est l’acteur central de cette phase. Ce juge de l’expropriation – juridiction spécialisée dont les décisions ne sont susceptibles que d’un recours en cassation – est compétent au niveau départemental.
1/ Accord amiable. – Il peut prendre plusieurs formes : soit celle d’un acte notarié soit celle d’un acte administratif. La cession amiable a le caractère d’une vente ordinaire et le juge de l’expropriation va simplement intervenir pour prendre une « ordonnance de donner acte » qui est une attestation de l’extinction de l’ensemble des droits du propriétaire sur son bien. Une ordonnance de donner acte a la même valeur qu’une ordonnance d’expropriation, elle peut d’ailleurs être attaquée par la voie du recours en cassation, mais avec assez peu de vices allégables (incompétence du juge, vice de forme, excès de pouvoir).
2/ Transfert forcé. – Il arrive souvent que les parties n’arrivent pas à s’entendre sur le prix. Et on fait alors appel au juge qui va prendre une ordonnance d’expropriation qui va opérer de manière forcée le transfert de propriété et qui va aussi entrainer la procédure d’indemnisation. Cette procédure d’indemnisation doit intervenir avant le transfert de propriété : le juge de l’expropriation est donc au carrefour de la constatation du transfert de propriété et de la mise en œuvre de l’exigence d’indemnisation préalable. La fixation des indemnités : l’une des partie saisit le juge de l’expropriation lorsqu’il n’y a pas d’accord. Le commissaire du gouvernement va permettre d’évaluer le bien en litige (le moins cher possible souvent). Le juge de l’expropriation va dans toute la mesure du possible d’obtenir un accord entre les parties. Mais si ça ne va pas il tranche et rend son ordonnance avec un pouvoir souverain pour fixer le montant des indemnités qui lui semblent correspondre à cette juste indemnité. L’indemnité doit être payée préalablement à la prise de possession. Qu’est-ce que le juge prend en compte pour fixer cette indemnisation, quels sont les chefs de préjudice qu’il accepte de réparer ? Il y a d’abord l’idée que c’est une réparation intégrale : l’ensemble des préjudices liés à l’expropriation, dès lors qu’ils sont directs certains et matériels, doivent être couverts par l’indemnisation. Mais il y a la question très particulière à la France est que les situations illicites ne donnent jamais lieu à indemnisation (grosse différence avec la position conventionnelle du droit au respect des biens).
Comment fait on lorsqu’il y a annulation de la DUP par rapport aux conséquences qu’elle a eu ou aurait pu avoir sur le transfert de propriété ? tout dépend du moment de l’intervention : si tout cela se passe avant qu’il y ait transfert de propriété, avant même la saisine du juge de l’expropriation, tout tombe, manque de base légale. C’est pourquoi de plus en plus les requérants mettent en œuvre des référés suspension. Mais la DUP n’emporte pas d’effets en elle même donc il n’y a pas d’urgence. L’accélération des délais de jugement fait qu’on arrive à avoir une décision avant la saisine du juge de l’expropriation. Autre hypothèse : l’annulation intervient lorsque le juge de l’expropriation est saisi mais encore en mesure de statuer ou que le recours en cassation est soit encore possible soit pendant. Tout va bien : soit le juge annule soit la Cour le fait. Troisième hypothèse : ça arrive trop tard : le transfert de propriété a été constaté. On avait alors une absence d’effet totale de l’annulation de l’acte. Heureusement le législateur est intervenu par le biais de l’article L. 12-5 du code de l’expropriation prévoit qu’on peut retourner devant le juge même après le transfert de propriété qu’il y a eu disparition de la base légale. Soit on peut restituer le bien, soit indemniser. Le législateur a résolu le déni de justice consistant à ce que le juge, gardien de la propriété, n’était pas en mesure dans certains cas de tirer les conséquences de la disparition de la base légale du transfert de propriété.
Comparaison expropriation et éloignement forcé des personnes en situation irrégulière qui sont deux manifestations de la brutalité de la puissance publique. Il y a une ressemblance et une différence :
o le point commun est que dans les deux cas, le juge administratif ne suffit pas : on fait appel au juge judiciaire
o la différence est que le juge judiciaire n’est pas toujours requis pour l’éloignement forcé des personnes en situation irrégulière, alors qu’il l’est systématiquement dans le cas de la privation de propriété.