L’évolution historique du droit international privé
Le droit international privé est une branche du droit qui concerne les règles qui s’appliquent aux litiges impliquant des éléments d’extranéité, c’est-à-dire des liens avec plusieurs pays différents. Ces éléments peuvent inclure la nationalité, la résidence, la domiciliation, la propriété d’un bien situé dans un autre pays, l’exécution d’un contrat ou la conclusion d’un mariage à l’étranger, entre autres. Quelle est l’histoire du droit international privé?
A- L’antiquité romaine : droit romain et jus gentium
Sous l’empire romain, on connaît un droit spécial, le jus gentium, qui s’applique uniquement aux relations internationales entre les citoyens romains et les étrangers. Il diffère du droit romain applicable aux relations internes.
Le jus gentium est la 1ère manifestation de la méthode matérielle qui consiste à créer des règles spéciales pour régir les relations internationales.
Au IIIe siècle après J-C, les choses évoluent avec l’édit de Caracalla. Il a décidé de supprimer le jus gentium est d’appliquer le droit romain dans tout l’empire, même aux non romains, car il a donné la citoyenneté romaine à tous les hommes libres.
B- Après la chute de l’empire romain
C’est le système de la personnalité des lois et de l’electio juris (= choix de la loi).
Des peuples barbares disposent de leurs propres lois et appliquent localement leurs coutumes. Chaque groupe social installé dans l’empire romain applique sa propre loi du fait de l’éclatement des lois.
Au début, ces populations ne se mélangent pas mais avec le temps les barbares se mêlent aux romains. On assiste alors à une application distributive de la loi de chacun pour former le mariage. Ensuite, ce sont les époux qui choisissent la loi à retenir.
C- Le Moyen Age, époque du territorialisme
Génération après génération, les individus perdent le souvenir de leurs origines. Progressivement, se forme une population unique et le système de la personnalité des lois n’a plus d’intérêt. Le juge va ainsi appliquer la loi territoriale, autrement dit la loi du pays (duché, commune, etc…) où il rend la justice. Il n’y a plus de dissociation entre la compétence juridictionnelle et la compétence législative.
D- La renaissance, théorie des statuts
Il s’agit de la renaissance italienne qui débute au XIIIe avec l’essor du commerce et le développement des universités. A Bologne, l’enseignant Bartole crée les règles modernes du droit international privé à travers la théorie des statuts. C’est le renouveau de la dissociation entre la compétence juridictionnelle et celle territoriale. Son idée est qu’un juge peut être amené à appliquer une autre règle que la sienne. Bartole va distinguer des statuts que l’on appelle maintenant des catégories de rattachement.
Le statut des personnes concerne les droits extrapatrimoniaux des personnes : capacité, mariage, filiation, etc… Selon Bartole, ce statut ne doit pas varier en fonction du déplacement des personnes. Il estime que le statut personnel est régi par la loi d’où est né l’individu.
Le statut réel ou statut des choses : le statut peut changer au fur et à mesure que les choses se déplacent, ceci afin de protéger les tiers.
La théorie des statuts a ensuite été complétée au XVIe par des juristes français, et notamment Dumoulin, avocat au barreau de Paris. Un duc de Bretagne envisageait de se marier à une femme d’Ile de France. Il demanda à l’avocat quelle coutume était applicable en cas de divorce car celle d’Ile de France était séparatiste alors que celle de Bretagne était pour une communauté. Dumoulin estime qu’il appartient aux époux de choisir, renvoyant au contrat de mariage, et plus généralement à tout contrat.
E- L’unilatéralisme de la monarchie absolue, la priorité du droit français
On comprend mal dans une monarchie absolue que le juge du roi puisse appliquer d’autres règles que celles du roi. Cela conduit à la restriction de la possibilité à appliquer les lois étrangères sans toutefois l’exclure totalement.
Il convient d’opérer une distinction. Certaines lois françaises sont nécessairement à appliquer par le juge français, même si la situation est internationale. En revanche, des règles sont indifférentes au bon fonctionnement de la société française et peuvent ainsi être écartées pour être remplacées par des règles du droit international.
Autrement dit, la règle de conflit de lois doit simplement indiquer les cas où le juge français doit appliquer la loi française. Dans les autres espèces, il peut ne pas en faire usage. Cette idée va se retrouver à l’époque contemporaine, après la 2ème guerre mondiale et les règles françaises que le juge français doit toujours appliquer sont appelées « lois de police ».
F- La théorie moderne des conflits de lois : le bilatéralisme de la règle de confusion
En 1804, pas de théorie moderne des conflits de lois : le Code civil s’inscrit dans la continuité des règles posées par la monarchie absolue. L’idée que le droit français s’applique ne déplaît pas à Bonaparte, bien au contraire.
L’article 3 du Code civil a longtemps été le seul texte du Code civil applicable en matière de conflit de lois. Il est formulé en termes unilatéralistes, dans la continuité des solutions de l’ancien régime. Il indique simplement dans quels cas la loi française est applicable à une relation internationale.
Article 3 alinéa 2 du Code civil : « Les immeubles, même ceux possédés par des étrangers, sont régis par la loi française ».
Article 3 alinéa 3 : « Les lois concernant l’État et la capacité des personnes régissent les Français, même ceux résidant en pays étranger ».
Article 3 alinéa 1 : « Les lois de police et de sûreté obligent tous ceux qui habitent le territoire ».
Cette méthode utilisée par l’article 3 du Code civil a été très vite abandonnée par la jurisprudence française pour 2 raisons :
L’article 3 est finalement très mal rédigé. Du fait de l’empire et des conquêtes, les relations internationales se développent.
En Allemagne, Savigny publie à partir de 1860 un traité de droit international privé. Sa pensée va influencer considérablement les magistrats français qui vont adhérer littéralement à ses thèses prenant le contre-pied de l’article 3 du Code civil.
Selon Savigny, les lois doivent être placées sur un plan d’égalité dans les relations internationales. En effet, le droit international privé n’a pour seul objet que de donner des solutions à des conflits d’intérêt privé, la souveraineté de l’État n’étant pas remise en cause.
Il développe la théorie de la localisation : pour que les relations internationales soient harmonieuses, il faut qu’à chaque situation juridique internationale soit appliquée la loi qui lui est la plus proche, c’est-à-dire la loi avec laquelle la situation juridique entretient les liens les plus étroits.
Il n’est en outre pas gênant d’appliquer une loi étrangère, les lois des différents États étant finalement assez proches les unes des autres.
La théorie de Savigny est fondée sur la notion de règle de conflits bilatérale. Il s’agit d’une règle désignant soit la loi du juge, soit une loi étrangère à celle du juge, et cela sur le seul constat de la localisation de la situation juridique internationale. La Cour de cassation va utiliser les études de Savigny en bilatéralisant l’article 3 du Code civil.
L’article 3 alinéa 3 est par exemple interprété ainsi : la loi applicable à la capacité des Italiens est la loi italienne, etc… Il s’agit donc de la loi de leur nationalité.