L’hypothèque
L’hypothèque est une sûreté immobilière, qui peut résulter d’une convention, de la loi, ou d’une décision de justice. On distingue donc l’hypothèque conventionnelle, légale et judiciaire.
On étudie ici L’HYPOTHÈQUE CONVENTIONNELLE
L’hypothèque est une sûreté immobilière, réelle, qui est constituée par une convention, sans dépossession du débiteur et en vertu de laquelle le créancier qui aura procédé à son inscription a la faculté de faire vendre l’immeuble grevé et d’être payé prioritairement, en vertu de son droit de suite et de son droit de préférence.
C’est une technique très ancienne qui n’a pratiquement pas évolué tout au long du 19ème siècle mais qui a été modernisée par la réforme de 2006, genre introduction de l’hypothèque rechargeable, ainsi que par le prêt viager hypothécaire.
Alors que pendant quelques années, l’hypothèque n’avait plus d’intérêt aux yeux des praticiens, elle connaît aujourd’hui un essor non démenti, essentiellement pour garantir des prêts affectés à l’acquisition immobilière.
En effet, pour le créancier, l’hypothèque est intéressante puisqu’elle porte sur la valeur d’un immeuble, ce qui est sensé être rassurant. Pour le débiteur, l’hypothèque est également très séduisante, puisqu’il peut espérer accéder à la propriété sans se déposséder ni mettre en jeu de manière immédiate une partie de son patrimoine. L’intérêt de l’hypothèque est également indéniable au regard de la fiducie.
La réforme de 2006 se caractérise par la création de deux mécanismes qui sont le prêt viager hypothécaire et l’hypothèque rechargeable.
- L’hypothèque rechargeable est une innovation juridique importante car elle permet un renouvellement de la garantie au fur et a mesure qu’une dette est payée. C’est un mécanisme particulièrement dangereux puisque l’hypothèque se renouvelle automatiquement et sans cesse. Il reste néanmoins certain qu’une telle création permet le développement du crédit même auprès de consommateurs. Malgré son renouvellement automatique, le créancier prend rang au jour de l’inscription initiale, sauf exception, et l’on considère que c’est la même hypothèque à chaque renouvellement. Il n’est donc pas nécessaire de refaire les formalités à chaque renouvellement. L’hypothèque rechargeable constitue ainsi une exception importante au caractère accessoire de l’hypothèque puisque sa caractéristique est de survivre à l’extinction de la dette initiale.
- Le prêt viager hypothécaire est une création qui favorise le crédit, notamment auprès des personnes âgées puisque le créancier sera payé sur les biens de la succession. L’inconvénient majeur de ce mécanisme est de grever des successions de sorte que des héritiers pourront se retrouver face à une succession quasiment vide. Cependant, ce mécanisme a eu les faveurs du législateur en 2006, après s’être inspiré d’une technique anglo-saxonne qu’on appelle le « reverse ??? »
Il est vraisemblable que le monde de l’hypothèque va s’enrichir de nouvelles adaptations, notamment sous l’impulsion du droit européen, qui cherche à harmoniser spécifiquement ce type de sûreté. On verra vraisemblablement l’apparition d’hypothèques autonomes, à l’instar des garanties autonomes.
I – Caractères de l’hypothèque
L’hypothèque revêt plusieurs caractères, il s’agit d’un droit réel accessoire et indivisible.
1 – Le droit réel
Vu l’article 2393 du code civil, l’hypothèque est un véritable droit réel sur les immeubles affectés à l’acquittement d’une obligation. Il s’agit d’une sûreté réelle immobilière qui porte sur des immeubles mais aussi sur des droits réels immobiliers. Il peut s’agir d’une pleine propriété, d’un usufruit, d’un droit de superficie.
L’hypothèque confère au créancier un droit sur la valeur du bien. A l’instar d’autres sûretés réelles elle confère un droit sur la valeur du bien lors de son aliénation. C’est donc une sûreté particulièrement efficace puisqu’elle bénéficie d’une large opposabilité aux tiers. Le créancier bénéficie alors de deux droits : le droit de suite et le droit de préférence.
Enfin, le caractère réel de l’hypothèque peut expliquer la règle de l’indivisibilité puisque le titulaire d’un droit réel peut poursuivre le bien grevé ou il se trouve et en quelque main qu’il se trouve, sans avoir égard au propriétaire actuel du bien et sans avoir égard à l’éventuel fractionnement de l’immeuble.
2 – Le caractère accessoire de l’hypothèque
En vertu de l’article 2393 du code civil, l’hypothèque est un droit affecté à l’acquittement d’une obligation.
a/ L’hypothèque, garantie d’une créance
En principe, l’hypothèque ne peut pas constituer une sûreté abstraite. Elle ne peut donc pas exister indépendamment d’une créance qu’elle viendrait garantir. Par conséquent, il est en principe interdit de constituer une hypothèque en vue de garantir dans le futur un ou plusieurs créanciers éventuels.
De la même manière, il est en principe impossible de constituer une hypothèque sur une créance indéterminée qui garantirait n’importe quelle créance. Il y a en effet la prohibition de ce que l’on appelle les hypothèques volantes.
Enfin, puisque l’hypothèque est accessoire à une créance, il n’est pas envisageable de se constituer une hypothèque à soi-même, ce que d’autres systèmes de droit admettent. Ces principes connaissent néanmoins des limites :
- Il est possible de constituer une hypothèque pour garantir des créances futures dès lors qu’elles ne sont pas hypothétiques.
- Il existe un cas d’hypothèque sur soi même. Ce mécanisme est valable car résulte dans cette situation de l’application des règles relatives à la subrogation. Concrètement, l’acquéreur d’un immeuble hypothéqué désintéresse le créancier hypothécaire et on peut parfaitement envisager qu’il soit subrogé dans les droits du créancier, auquel cas il deviendrait créancier hypothécaire sur son propre immeuble.
- Depuis 2006, l’hypothèque rechargeable constitue une exception d’envergure au caractère accessoire. Ce mécanisme permet d’affecter sans cesse l’hypothèque à d’autres créances que celle qui a été initialement déterminée.
b/ Les effets du caractère accessoire
Outre ces limites, l’hypothèque demeure caractérisée par son aspect accessoire. Cela emporte des effets, tant sur les modalités d’extinction de la sûreté que sur les modalités de transmissions.
Concernant l’extinction, puisqu’il s’agit d’une sûreté accessoire, l’extinction de la créance entraîne l’extinction de l’hypothèque. Ainsi en est-il en cas de paiement, en cas de nullité, de prescription de la créance principale.
Concernant la transmission, là encore, par son caractère accessoire, la transmission de la créance, quelles qu’en soient les modalités, entraîne la transmission de l’hypothèque. Ainsi en est-il en cas de cession de créance, de subrogation dans les droits du créancier, de transmission successorale.
Ces effets présentent toutefois deux limites, d’une part l’hypothèque comme d’autres sûretés continue à garantir la restitution consécutive à l’annulation du contrat principal et d’autre part, l’hypothèque rechargeable, si les parties le prévoient ainsi, constituent une importante exception aux effets du caractère accessoire, puisqu’au fur et à mesure de l’apparition des prochaines créances, l’hypothèque se reconstitue. Il s’agit donc d’une véritable sûreté autonome qui survit à l’extinction de chacune des créances.
3 – L’indivisibilité de l’hypothèque
En vertu de l’article 2393al1 du code civil, l’hypothèque est par nature indivisible et subsiste en entier sur tous les immeubles affectés, sur chacun et sur chaque portion de ces immeubles. Le législateur reprend ainsi un adage classique : « Hypoteca est in tota in toto et tota in qalibet parte »
Cela signifie deux choses : D’une part l’hypothèque demeure malgré l’indivisibilité de l’immeuble et malgré l’indivisibilité de la créance.
a/ L’indivisibilité quant aux immeubles
Le principe est que la division de l’immeuble n’emporte pas celle de l’hypothèque. Par conséquent, le créancier peut exercer ses droits contre n’importe quel propriétaire d’une partie de l’immeuble.
Par exemple, en cas de décès du débiteur ayant constitué hypothèque, il peut y avoir partage de l’immeuble grevé entre ses héritiers. Par conséquent, tout héritier du débiteur constituant est tenu de payer toute la dette du moment qu’il a reçu tout ou partie de l’immeuble hypothéqué. Inversement, si plusieurs immeubles font l’objet d’une hypothèque, chacun d’eux est sensé répondre de la dette dans son intégralité. Donc la encore, le créancier pourra exercer ses droits sur tel ou tel immeuble en raison de cette indivisibilité.
b/ L’indivisibilité quant à la créance garantie
La division de la créance n’entraîne pas la division de l’hypothèque. Par exemple, au décès du débiteur constituant, si le partage conduit à mettre l’immeuble hypothéqué dans le lot d’un seul des héritiers, celui-ci sera alors tenu de payer entièrement la dette, contrairement au droit commun des successions, l’héritier devient donc le débiteur personnel pour l’ensemble de la dette du défunt.
De la même manière, si la créance est partiellement éteinte en raison d’un paiement partiel, le principe d’indivisibilité justifie le maintien de l’hypothèque dans ses modalités initiales. L’ensemble de l’immeuble demeure donc grevé malgré une diminution du montant de la dette.
Il est toutefois admis que le créancier hypothécaire renonce expressément ou tacitement au bénéfice que procure la règle d’indivisibilité, notamment en libérant un immeuble lorsque plusieurs ont été mis en garantie et que ce créancier a déjà reçu un paiement partiel.
II – La constitution de l’hypothèque
Elle doit être constituée selon des règles de forme et de fond particulièrement strictes.
1 – Les règles de forme
Les règles de forme imposent d’une part la rédaction d’un acte notarié et d’autre part l’accomplissement d’un certain nombre de mesures de publicité.
a/ La rédaction d’un acte notarié
L’article 2416 du code civil est particulièrement clair sur ce point, puisqu’il dispose que l’hypothèque conventionnelle ne peut être consentie que par acte notarié. Elle est donc un acte particulièrement solennel, et d’autant plus que cette exigence est prescrite à peine de nullité.
Ce formalisme s’explique parfaitement par le souci du législateur de protéger le constituant qui engage les éléments les plus importants de son patrimoine.
En outre, la rédaction d’un tel acte par un notaire se révèle opportune car il est un professionnel des publicités foncières, il saura donc s’assurer de l’inscription hypothécaire, de la validité et de la sécurité des actes qu’il rédige.
A défaut de rédaction par un notaire, la convention d’hypothèque est frappée de nullité absolue, par conséquent, les parties ne pourront pas ratifier l’acte ainsi vicié. Les parties devront donc recommencer l’acte en passant par un notaire.
Néanmoins, il est possible en attendant le passage devant le notaire, de rédiger une hypothèque par acte sous seing privé, qui devra être déposé au rang des minutes du notaire, et celui-ci procèdera à la reconnaissance d’écriture et de signature des parties et l’hypothèque sera alors pleinement valable à cette date, mais non à la date de rédaction de l’acte sous seing privé.
Cet acte doit contenir un certain nombre de mentions :
- Indication des immeubles hypothéqués avec précision (nature, situation).
- Créance(s) garantie(s), qui doivent être, sauf hypothèque rechargeable, déterminées afin d’éviter les hypothèques volantes. L’article 2423al1 indique d’ailleurs expressément que l’acte doit mentionner le montant maximum du capital sans mentionner les intérêts.
Là encore, ces mentions sont obligatoires et sont prescrites à peine de nullité.
b/ Les mesures de publicité
L’hypothèque doit être nécessairement inscrite à la conservation des hypothèques. Cela assure la publicité de la sûreté à l’égard des tiers. L’hypothèque emporte création d’un droit réel au profit du créancier hypothécaire, mais ce n’est que la publicité par l’inscription qui permet de la rendre opposable. Si une hypothèque n’est pas inscrite, elle demeure valable, seule son opposabilité sera inexistence.
L’inscription hypothécaire doit préciser la durée, déterminée par la volonté du créancier, sous réserve des règles d’ordre public. Une fois rendue opposable, le créancier hypothécaire pourra être payé par préférence au créancier chirographaire, et le cas échéant, ses droits primeront sur ceux des autres créanciers hypothécaires de rang inférieur.
En effet, c’est au jour de l’inscription que l’hypothèque prend rang, par conséquent, en cas de conflit entre créanciers hypothécaires, il faut se référer à la date d’inscription des hypothèques de chacun. C’est ce que prévoient expressément les articles 2425 et 2426 du code civil.
2 – Les règles de fond
Les règles de fond concernent tout d’abord le constituant de l’hypothèque, puis l’assiette de la sûreté, et enfin la créance garantie.