Liberté de circulation et de séjour : définition, bénéficiaires

Les bénéficiaires de la liberté de circulation et de séjour

Initialement, la liberté de circulation était reconnue uniquement aux travailleurs communautaires, soit de manière explicite, soit de manière implicite à travers l’interdiction des restrictions. Pour le travailleur salarié on avait une reconnaissance explicite, notamment avec l’article 45 TFUE qui prévoit que la libre circulation des travailleurs est assurée à l’intérieur de l’UE. Quant aux travailleurs qui souhaitent s’établir ou faire une prestation de service, il y a consécration implicite à travers la liberté d’établissement (article 49) et la libre prestation de service (article 56).

Le traité de Maastricht a rompu l’équation entre liberté de circulation et séjour des travailleurs et a permis l’octroi de la liberté de circulation et de séjour aux citoyens européens. L’article 21 TFUE prévoit que « tout citoyen a le droit de circuler et séjour librement sr le territoire des États membres sous réserve des limitations et conditions prévues par le présent traité et par les dispositions prises pour son application ».

Il y a eu une extension des bénéficiaires du droit de séjour depuis 1957 qui s’est faite en trois temps :

  • Le Traité de 1957 et actes dérivés : les bénéficiaires étaient uniquement les travailleurs communautaires et leur famille ;
  • L’adoption de trois directives en 1990 : extension du droit de séjour notamment aux retraités et étudiants ;
  • Le Traité de Maastricht : reconnaît la liberté de circulation et séjour aux citoyens européens, avec une question : la reconnaissance d’une liberté de circulation et de séjour au profit du citoyen européen conduit-elle à une généralisation totale du droit au séjour ?

 

&1. Des bénéficiaires initialement limités au travailleur communautaire et à sa famille

Dans le cadre du Traité (articles 45, 49 & 56), la liberté de circulation et de séjour est accordée exclusivement aux travailleurs communautaires, c’est-à-dire qui a la nationalité d’un Etat membre. Le droit dérivé est venu rapidement reconnaître un droit au séjour et à la liberté de circulation aux membres de la famille du travailleur communautaire. Cette extension est justifiée par un motif économique car on s’est rapidement rendu compte que pour que le travailleur utilise la mobilité intracommunautaire, il fallait nécessairement étendre cette liberté à la famille.

  • Le droit au séjour pour la famille du travailleur communautaire est régi par certains textes :
  • Règlement 1612-68 du 15 octobre 1968 sur la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la communauté : reconnaissance de la liberté de séjour et circulation de la famille du travailleur salarié ;
    • Directive 15 octobre 1968 : relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des travailleurs des Etats membres et à leur famille à l’intérieur de l’UE.
  • S’agissant des travailleurs indépendants :
  • Directive du 21 mai 1973 relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des ressortissants des Etats membres à l’intérieur de l’UE en matière d’établissement et des libres prestations de service.
  • A) La notion de travailleur

La CJUE a donné une définition européenne de la notion de travailleur et en a donné une définition extensive car cela permet une extension de la liberté de circulation et de séjour dans un arrêt Levin du 23 mars 1982. La CJUE explique que l’article 45 TFUE ne saurait recevoir une interprétation variant selon les droits nationaux mais qu’il revêt une portée communautaire. Cette notion communautaire doit donc être interprétée de façon extensive car elle définit le champ d’application d’une liberté fondamentale : la libre circulation des travailleurs.

La CJUE a défini le travailleur comme celui qui exerce effectivement une activité économique contre rémunération avec distinction entre travailleur indépendant et travailleur salarié. Pour le travailleur salarié il faut un lien de subordination entre le travailleur et son employeur. La CJUE est venue poser le principe selon lequel la durée de l’activité importe peu : un travailleur à temps partiel entre dans le champ d’application, de même que le chercheur d’emploi avec cependant une limite temporelle pour ce dernier. L’assimilation « travailleur – chercheur » a notamment été soulevée par la Cour dans un arrêt Antonissen du 26 février 1991.

  • Faits: en l’espèce une question préjudicielle était posée à la CJUE. M. Antonissen, ressortissant d’un Etat membre arrive au Royaume-Uni en 1984. En 1987, alors qu’il n’a toujours pas trouvé d’emploi, il est condamné à une peine de prison pour détention de drogue avec intention de la revendre. Il est libéré 6 mois plus tard et fait l’objet d’un arrêté d’expulsion. Il forme un recours contre cette décision au motif qu’en tant que chercheur d’emploi, il bénéficie d’un droit de séjour au titre du droit de l’UE. Le Royaume-Uni considère que M. Antonissen ne peut plus bénéficier du statut de chercheur d’emploi car il cherche depuis plus de 6 mois sans résultat.
  • Deux questions:

Est-ce que M. Antonissen peut se prévaloir de sa qualité de chercheur d’emploi pour bénéficier de la liberté de séjour et circulation reconnue par le droit de l’union aux travailleurs communautaires ?

En cas de réponse positive à cette question, est ce que le droit de séjour exercé à titre de recherche d’emploi bénéficie d’une limite temporaire ?

! Réponse : la Cour répond de manière positive aux deux interrogations. Elle admet qu’un chercheur d’emploi bénéficie du droit au séjour et elle reconnaît la possibilité pour un Etat de limiter ce droit au séjour dans le temps, avec une limite : il faut que la réglementation nationale de l’État accorde à celui-ci un délai raisonnable qui lui permette effectivement de prendre connaissance des offres d’emploi correspondant à sa qualification professionnelle et de prendre aussi les mesures nécessaires pour être engagé. La Cour juge que le délai de 6 mois est un délai raisonnable mais elle explique que si, à l’issu de ce délai de 6 mois, le chercheur d’emploi montre qu’il a forte chance d’être embauché, le délai doit être prolongé.

  • B) Les membres de la famille

Ces membres sont identifiés par les actes de droit dérivé cités ci-dessous :

  • Dans le cadre de la réglementation initiale étaient visés :

o   le conjoint marié (quelle que soit sa nationalité : Etat membre et tiers) ;

  • les descendants du travailleur communautaire ou de son conjoint s’ils ont moins de 21 ans ou s’ils sont à charge ;

o   les ascendants du travailleurs ou de son conjoint s’ils sont à charge.

La condition posée à la charge du travailleur était celle de devoir disposer d’un logement décent capable d’accueillir sa famille. Dès la fin des années 60, le droit communautaire a organisé un véritable droit au regroupement familial au profit des travailleurs communautaires, mais ce droit ne jouait que si le travailleur se rendait ou séjournait dans un autre Etat membre. En 1990, le droit dérivé a étendu les bénéficiaires.

 

&2. Une extension des bénéficiaires de la liberté de circulation et de séjour

Cette extension résulte de trois directives très importantes en date du 28 juin 1990 :

  • Directive 90-365 : accorde le droit au séjour aux travailleurs salariés ou indépendants qui ont cessé leur activité professionnelle. Ils ont le droit de s’établir dans n’importe quel Etat membre même s’ils ont toujours travaillé dans leur État, ils sont donc libres de se rendre dans cet État avec leur famille.
  • Directive 90-366 : concerne le droit au séjour des étudiants. Directive annulée (à cause de la base juridique) puis remplacée par une directive identique en 1993. On a une reconnaissance du droit de séjour pendant la durée de la formation. Ce même droit de séjour est reconnu au conjoint et aux descendants à charge ou de moins de 21 ans.
  • Directive 90-364 : droit au séjour des ressortissants d’autres États membres qui n’ont pas la qualité de travailleur, ni celle de membre de famille d’un travailleur, ni celle de retraité, ni celle d’étudiant. Cette directive reconnaît un droit de séjour conditionné, il faut

o   qu’il détienne un minimum de ressources (fixé par chaque État Membre, sous contrôle de la CJ) ;

  • qu’il bénéficie d’une assurance sociale, afin d’éviter les migrations sociales et d’avantager les États ayant un meilleur système social.

 

&3. La reconnaissance d’une citoyenneté européenne : vers une généralisation du droit au séjour ?

Il faut ici se référer à l’article 21 du TFUE et à la directive 2004-38 du 29 avril 2004 sur la liberté de circulation du citoyen et des membres de sa famille car ces deux fondements impliquent de s’interroger sur deux aspects :

  • dans quelle mesure y-a-t-il une liberté de circulation et de séjour applicables aux citoyens ?
  • dans quelle mesure y-a-t-il une liberté de circulation et de séjour pour les membres de la famille du citoyen ?

 

  • A) Droit de séjour du citoyen

En vertu des trois directives de 1990, tous les ressortissants d’État MEMBRE bénéficient d’un droit de séjour mais le ressortissant non actif voit son séjour soumis à 2 conditions : il doit détenir un minimum de ressource ainsi qu’une assurance sociale.

S’est posée la question de savoir si la reconnaissance au profit du citoyen d’un droit de circulation et de séjour par dispositions du traité conduisait à une libéralisation totale du droit au séjour. Dès lors que l’on a la nationalité d’un Etat membre on peut séjourner dans n’importe quel autre Etat membre pour la durée qu’on veut et n’avoir à prouver aucun autre élément supplémentaire que la qualité de citoyen. La Cour a notamment répondu à cette question dans l’arrêt Baumbast du 17 septembre 2002. Elle s’est fondée sur le libellé de l’article 21§1 TFUE et en a déduit que les deux conditions posées par la directive 90-364 avaient vocation à s’appliquer aux citoyens européens. Donc tout citoyen européen non actif, pour séjourner librement dans un autre État membre, devra prouver qu’il a un minimum de ressources et une assurance sociale.

Néanmoins ce principe a été limité par la directive 2004-38 qui fait la distinction entre trois types de séjour :

  • Séjour de moins de 3 mois : liberté de circulation dans n’importe quel état membre, la seule formalité imposée étant la possession d’un document d’identité ;
  • Séjour de plus de 3 mois : considéré comme un séjour de longue durée qui est donc soumis à certaines conditions : disposer de ressources suffisantes + assurance maladie. Si les conditions ne sont pas remplies, le citoyen européen est passible d’expulsion du territoire.
  • Séjour permanent (nouveauté du traité de Lisbonne) : « tout citoyen acquiert le droit de séjour permanent dans l’État MEMBRE d’accueil après y avoir légalement résidé pendant une période ininterrompue de cinq ans ». Ici, plus aucune condition n’est requise seule la présence ininterrompue sur le territoire de l’État MEMBRE pendant cinq est obligatoire.

 

  • B) Droit au séjour des membres de la famille du citoyen européen

Le droit au séjour des membres de la famille du citoyen européen

  • Droit au regroupement familial pour les citoyens européens :
    • La directive 2004-38/CE reconnaît un droit au regroupement familial pour les citoyens de l’Union européenne (UE).
    • Ce droit s’applique lorsqu’un citoyen de l’UE réside dans un État membre autre que celui de sa nationalité.
  • Membres de la famille concernés :
    • Conjoint marié ou partenaire enregistré : Le conjoint ou le partenaire avec lequel un citoyen de l’UE a contracté un partenariat enregistré est reconnu, à condition que les partenariats enregistrés soient traités de manière équivalente au mariage dans l’État membre d’accueil.
      • Exemple en France : Le mariage et le Pacte Civil de Solidarité (PACS) sont reconnus.
    • Descendants directs : Enfants du citoyen ou de son conjoint, âgés de moins de 21 ans ou à charge.
    • Ascendants à charge : Parents du citoyen ou de son conjoint qui sont financièrement dépendants.
  • Égalité de traitement et enjeux juridiques :

    • Cette directive peut entraîner des situations de discrimination à rebours, où un citoyen de l’UE résidant dans un autre État membre peut bénéficier de conditions plus favorables qu’un ressortissant de cet État.
    • Il est important de noter que des arrêts récents de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) ont étendu la portée de cette directive, renforçant les droits au regroupement familial pour les citoyens européens.