la liberté des conventions matrimoniales
Cette liberté est proclamée par le 1er article du titre du Code civil consacré aux régimes matrimoniaux = Titre 5 du livre III du Code civil. L’article 1387 dispose que « la loi ne régit l’association conjugale, quant aux biens, qu’à défaut de conventions spéciales, que les époux peuvent faire comme ils le jugent à propos, pourvu qu’elles ne soient pas contraires aux bonnes mœurs ni aux dispositions qui suivent ».
Ce texte proclame la liberté des conventions matrimoniales qui porte sur le choix du régime lui-même.
La liberté des conventions matrimoniales n’est pas une simple application de la liberté contractuelle de droit commun, elle est parfois plus large.
Section I
possibilité de choix du régime matrimonial
- Régimes matrimoniaux : cours sur le régime primaire
- Régime de la communauté réduite aux acquêts
- Régime légal : les dettes nées pendant le mariage
- Les biens propres dans la communauté réduite aux acquêts
- Les actes frauduleux accomplis sur les biens communs
- La gestion des biens communs (communauté réduite aux acquêts)
- La preuve du caractère commun ou propre d’un bien
I – Le libre choix du régime proprement dit
La liberté leur permet d’adopter l’un des régimes types prévu par le Code civil et autre que la communauté. Les parties peuvent combiner plusieurs régimes entre eux.
Cette liberté va plus loin et permet d’adopter des régimes non spécialement prévus par le Code civil : loi étrangère (à condition de détailler les règles dans leur régime matrimonial), un régime ancien, ou encore forger de toutes pièces un régime de leur cru sans référence à aucun modèle préétabli).
Limite à cette liberté de choix = article 1387 qui interdit les conventions contraires aux bonnes mœurs et il faut ajouter contraire à l’ordre public. C’est pourquoi par exemple la liberté de ressusciter un régime ancien paraît difficile car un régime dotal serait contraire à l’ordre public du fait de la clause d’inaliénabilité contraire au droit commun et des clauses inégalitaires contraires au principe d’égalité entre époux, d’ordre public.
II – Possibilités de modifications partielles des régimes types
Les époux peuvent modifier des points particuliers des régimes types. Ce peut être le cas pour des régimes conventionnels comme pour la participation aux acquêts, mais cela concerne essentiellement le régime de communauté, avec des modifications par exemple sur la répartition des biens (communauté universelle et non d’acquêts…).
On peut modifier le partage : au lieu de prévoir un partage par moitié, on peut prévoir un partage inégal et même l’attribution de toute la masse commune à l’époux survivant. Ce n’est pas une clause léonine, mais permise par le droit matrimonial.
Dernière possibilité : modifier certaines règles de pouvoir, mais le principe d’égalité (de pouvoir concrètement) entre les époux étant d’ordre public, on ne peut pas stipuler de clauses inégalitaires de sorte que les possibilités sont assez réduites, on ne peut guère qu’aménager une autre répartition des pouvoirs, à condition qu’elle soit égalitaire. La loi ne prévoit qu’une clause d’administration conjointe de la communauté, c’est à dire stipuler que tous les actes devront être faits avec le consentement des deux époux.
En revanche, il ne semble pas que l’on puisse étendre la gestion concurrente aux actes de disposition, prévoir par exemple que les ventes d’immeubles communs pourraient être accomplies par un seul époux, on déformerait trop le régime de communauté, mais pas de jurisprudence sur ce point.
Ces modifications ne doivent jamais heurter des règles impératives du régime primaire qui limite la liberté des conventions matrimoniales.
Section II
conventions annexes au choix du régime matrimonial
On peut insérer dans un contrat de mariage des clauses qui n’auraient gère de rapport avec un régime matrimonial comme prévoir la légitimation d’un enfant naturel. En revanche, s’il y a certaines conventions qui sont indépendantes du régime matrimonial, d’autres viennent le compléter et le corriger, ce sont les conventions annexes.
Ex = constitution de dot. Se rattachait à l’idée que le contrat de mariage était une sorte de pacte de famille. Par dot, il faut entendre les donations faites à l’un des futurs époux soit par ses parents, soit même par un étranger. De plus, le contrat peut contenir des donations entre futurs époux y compris sur des biens à venir qui figureront dans leur succession au jour de leur décès = articles 1082, 1084… du Code civil. Ces donations sont très rares car elles sont en principe irrévocables (celles insérées dans un contrat de mariage).
En revanche, certaines clauses sont expressément interdites et l’article 1388 du Code civil l’indique clairement : les époux ne peuvent déroger ni aux devoirs ni aux droits résultant pour eux du mariage. Pour le reste, il s’agit des effets personnels du mariage comme l’assistance entre époux. Les époux ne peuvent déroger aux règles de l’autorité parentale, de l’administration légale, encore qu’aujourd’hui les conventions entre époux pour l’exercice de l’autorité parentale sont licites, mais on ne peut pas leur conférer un caractère irrévocable en les insérant dans le contrat de mariage. De même pour l’administration légale des biens des enfants mineurs et la tutelle.
Interdiction des pactes sur successions futures : demeurent prohibés en droit français en raison des risques d’abus. L’article 1389 le rappelle en disant que sans préjudice des libéralités qui peuvent parfois être faites et sont licites, les époux ne peuvent faire aucune convention ou renonciation dont l’objet serait de changer l’ordre légal des successions.
Mais il faut relever que ces solutions traditionnelles ont été infléchies en 1965 sur un point important : innovation concernant une clause qui était fréquemment insérée = clause dite d’acquisition ou d’attribution de biens personnels du prémourant en faveur du conjoint survivant. Au 19e siècle, la pratique notariale avait imaginé d’insérer une clause selon laquelle le survivant des époux aurait la faculté de conserver ou d’acquérir certains biens du ménage, soit des biens communs, soit des biens propres à l’époux prédécédé, en prévoyant une compensation pécuniaire au profit des héritiers. C’était un droit d’imputer un bien sur sa part. Ce type de clause a été imaginé à propos du fonds de commerce pour permettre au survivant de continuer l’exploitation du fonds, d’où le nom de clause commerciale, étendue par la suite à toutes sortes d’entreprises et de biens. La validité de ces clauses en posaient pas de problème quand il s’agissait d’un bien commun : on peut y voir une convention de partage et rien n’interdit de modifier en ce sens le partage des biens communs, mais si le bien visé était un bien propre de l’époux prédécédé avait annulé cette convention comme constituant un pacte sur succession future = Civile 11 janvier 1933. Cette solution était discutée. Surtout, on critiquait la rigueur de la solution car la clause paraissait assez opportune. Une réforme était souhaitée.
C’est ce qui a été fait le 13 juillet 1965 par les articles 1390 à 1392 du Code civil qui ont validé cette clause en présentant cela comme une dérogation à la prohibition des pactes sur successions futures : « les époux peuvent toutefois stipuler qu’à la dissolution du mariage par la mort de l’un d’eux le survivant aura la faculté d’acquérir… ». C’est une exception à la prohibition, possible dans le contrat de mariage. L’article 1390 ouvre au survivant une alternative : acquérir la propriété ou se faire attribuer le bien dans le partage de la succession. Il peut y avoir plusieurs solutions, soit le conjoint survivant n’est pas héritier, il peut alors acquérir le bien, ou c’est un des héritiers et il peut se le faire mettre dans son lot à charge de dédommagement.