Liberté de déplacement et droit de séjour en Union Européenne

LES DROITS GARANTIS AU TITRE DE LA LIBERTÉ DE CIRCULATION ET DE SÉJOUR

La liberté de circulation et de séjour implique nécessairement la reconnaissance d’une liberté et de deux droits : la liberté de déplacement, le droit au séjour et le droit à des conditions de vie normale dans l’État membre d’accueil.

  1. Liberté de déplacement: Les citoyens de l’UE ont le droit de voyager librement au sein des États membres sans nécessité de visa pour de courts séjours. Ce principe est l’une des libertés fondamentales du marché unique européen.
  2. Droit de séjour: Les citoyens de l’UE ont également le droit de résider dans un autre État membre pour le travail, les études ou pour d’autres raisons personnelles. Après avoir vécu légalement dans un autre État membre pendant une période continue, ils peuvent obtenir le droit de résidence permanente.
  3. Droit à des conditions de vie normales: Cela implique l’accès aux services sociaux, éducatifs et de santé, ainsi qu’aux droits du travail et aux avantages sociaux, dans des conditions équivalentes à celles des citoyens de l’État membre d’accueil.

&1. La liberté de déplacement

A) Le droit de sortie

Le droit de sortie est aujourd’hui régi par l’article 4 de la directive 2004/38. La seule condition requise est d’être en possession d’un passeport ou d’une carte d’identité, ce qui implique une obligation à la charge des États membres celle de délivrer à leurs ressortissants une carte d’identité et/ou un passeport qui permettent à ses ressortissants d’être acceptés dans un autre État membre. En France, la carte d’identité et le passeport sont délivrés.

B) Le droit d’entrée sur le territoire d’un autre État membre

Ce droit a d’abord été consacré par la jurisprudence de la CJUE dans un arrêt Royer du 8 avril 1976 dans lequel la Cour déclare que « le droit d’entrée est acquis indépendamment de la délivrance d’un titre de séjour par l’autorité compétente d’un État membre ». Cela implique que dès lors que l’on possède une carte d’identité les autorités de police et douanières ne peuvent pas interdire l’accès à un autre État membre. Le droit d’entrée est aujourd’hui régi par l’article 4 de la directive 2004/38 et son §1 détermine les bénéficiaires du droit d’entrée, ce sont donc les citoyens européens mais aussi les membres de sa famille qui, dans certaines hypothèses, peuvent avoir une obligation de visa. La seule condition c’est donc la présentation d’une carte d’identité/passeport.

&2. Le droit de séjour

Le droit au séjour du citoyen européen n’est pas inconditionnel et c’est cette absence de caractère inconditionnel qui permet bien de distinguer entre le citoyen européen et le national, puisque le national a droit à un séjour inconditionnel. Le droit de séjour est conditionnel pour un citoyen européen car, d’une part, dans certains cas ce droit est conditionné à la détention d’une assurance sociale et de ressources suffisante et, d’autre part, car il peut toujours faire l’objet d’une mesure d’expulsion ou d’un refus d’entrée sur le territoire d’un autre État membre justifié par des motifs d’ordre public ou de sécurité publique. Le droit au séjour est divisé en trois types de droits :

  1. Le séjour n’excédant pas trois mois

Le régime qui s’applique est celui du droit d’entrée, cela implique qu’il suffit d’avoir une carte d’identité ou passeport pour pouvoir séjourner moins de trois mois dans un autre État membre. Ce droit d’entrée est régi par l’article 6 de la directive 2004/38 qui prévoit que « les citoyens de l’Union ont le droit de séjour sur le territoire d’un autre État membre pour une période allant jusqu’à trois mois sans autre condition ou formalité que l’exigence d’être en possession d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité. » Ce droit d’entrée bénéficie aux membres de la famille du citoyen européen.

  1. Le séjour d’une durée supérieure à trois mois

Il s’analyse comme un séjour de longue durée et il est régi par l’article 7 de la directive 2004/38. Il bénéficie à trois types de personnes ainsi qu’aux membres de leur famille :

  • le travailleur salarié/non-salarié y compris s’il a été frappé d’une incapacité de travail et se trouve en situation de chômage involontaire ou s’il entreprend une formation professionnelle ;
  • l’inactif qui n’exerce pas de profession mais son droit au séjour est alors soumis à deux conditions : détention d’un minimum de ressources et d’une assurance sociale, et la directive justifie ces deux conditions par la nécessité que le citoyen européen ne devienne pas une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil ;
  • l’étudiant inscrit dans un établissement privé ou public, agrée ou financé par l’État, s’il remplit les mêmes conditions que l’inactif, avec une limitation s’agissant de la famille qui peut l’accompagner puisque pour lui seul le conjoint, le partenaire enregistré et les enfants à charge bénéficient du regroupement familial.

S’agissant de la condition relative à la détention de ressources minimums, la directive ne fixe pas de seuil. Elle laisse donc les autorités nationales déterminer ce qui, pour elle, constitue des ressources minimums. Mais, en son article 8, elle précise que « les États membres ne peuvent pas fixer le montant des ressources qu’ils considèrent comme suffisante mais ils doivent tenir compte de la situation personnelle de l’intéressé, dans tous les cas ce montant n’est pas supérieur au niveau en dessous duquel les ressortissants de l’État d’accueil peuvent bénéficier d’une assistance sociale ni, lorsque ce critère ne peut s’appliquer, supérieur à la pension minimale de sécurité sociale versée par l’État membre d’accueil ». L’idée c’est que les États ne peuvent pas fixer un revenu trop haut conduisant à accueillir uniquement les ressortissants des autres États membres suffisamment riches pour ne pas bénéficier de l’assistance sociale de l’État d’accueil.

S’agissant des membres de la famille ressortissant d’État tiers, il y a une obligation spécifique à leur charge : dans un délai inférieur à trois mois, à compter de leur entrée sur le territoire, ils doivent demander une carte de séjour de membre de la famille d’un citoyen européen. Cela est automatiquement accordé dès que le lien est établi, c’est donc un acte constitutif de droit.

  1. Le séjour permanent
  • C’est une nouveauté de la directive 2004/38 régi par l’article 16 qui prévoit dans son §1 que « les citoyens de l’Union ayant légalement séjourné pendant une période ininterrompue de cinq ans sur le territoire de l’État membre d’accueil acquiert le droit de séjour permanent sur son territoire. Ce droit n’est pas soumis aux conditions prévues au chapitre 3 (conditions de détention d’une assurance sociale et de ressources minimums ».
  • Le §2 prévoit que « le §1 s’applique également aux membres de la famille qui n’ont pas la nationalité d’un État membre et qui ont séjourné légalement pendant une période ininterrompue de cinq ans avec le citoyen de l’Union dans l’État membre d’accueil ».
  • Au terme du §3 : « la continuité du séjour n’est pas affectée par des absences temporaires ne dépassant pas au total six mois par an, ni par des absences plus longues pour l’accomplissement d’obligations militaires ou par une absence ininterrompue de douze mois consécutifs au maximum pour des raisons importantes telle qu’une grossesse et un accouchement, une maladie grave, des études ou une formation professionnelle, ou le détachement pour des raisons professionnelles dans un autre État membre ou un pays tiers. ».
  • Le §4 prévoit que « une fois acquis, le droit de séjour permanent ne se perd que par des absences d’une durée supérieure à deux ans consécutifs de l’Etat membre d’accueil ».

Pour les retraités qui terminent leur carrière professionnelle dans l’État membre d’accueil la durée passe à trois ans pour obtenir un droit de séjour permanent. Concernant les membres de la famille d’un citoyen européen qui bénéficie d’un séjour permanent ont le droit à une carte de séjour de 10 ans automatiquement renouvelable.

Le droit au séjour permanent présente deux intérêts majeurs : une fois le droit au séjour obtenu, il n’y a plus à prouver la détention d’une assurance sociale et d’un minimum de ressources et les conditions d’expulsion des ressortissants qui bénéficient d’un tel droit au séjour sont durcies.

&3. Le droit à des conditions de vie normale

Ce droit se manifeste à travers le principe d’égalité de traitement, c’est-à-dire que le ressortissant d’un autre État membre doit être traité comme le national, notamment dans le domaine professionnel mais aussi dans le domaine social et le domaine fiscal. Il est expressément prévu par l’article 24 de la directive 2004/38 qui prévoit que « tout citoyen qui séjourne sur le territoire de l’État membre d’accueil en vertu de la présente directive bénéficie de l’égalité de traitement avec les ressortissants de cet État membre dans le domaine d’application du traité. Le bénéfice de ce droit s’étend aux membres de la famille qui n’ont pas la nationalité d’un État membre dès lors que ceux-ci bénéficient d’un droit au séjour au titre de la directive ».

Le §2 nuance un peu le champ d’application du principe d’égalité de traitement puisqu’il prévoit que « L’État membre d’accueil n’est pas obligé d’accorder le droit à une prestation d’assistance sociale durant les trois premiers mois de séjour, ni tenu avant l’acquisition du droit au séjour permanent d’octroyer des aides d’entretien aux études y compris pour la formation professionnelle, sous la forme de bourse d’étude ou de prêt à des personnes autres que les travailleurs salariés ou les travailleurs non-salariés ou les membres de leur famille ».

Le droit au séjour peut donc être limité par les États pour des motifs d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique.