La liberté des mers face au droit maritime

Un espace spécifique de confrontation des Etats : la mer

L’Espagne et le Portugal vont s’affronter sur la mer, et s’appuyer sur une Bulle Papale du 14 mai 1487 d’Alexandre 6 Borgia qui avait décidé de répartir la découverte du Nouveau Monde entre l’Espagne et le Portugal. La France, l’Angleterre, faisant face à l’Espagne et au Portugal ils vont tenter d’accéder au nouveau Monde en considérant que la mer ne peut pas être appropriée et qu’il y a une liberté.

  1. A) La genèse du principe de la liberté des mers

Aujourd’hui l’idée d’une souveraineté étatique sur un Etat de haute mer, semble saugrenue, mais à l’époque, ça a été débattu.

  1. Le principe de la liberté des mers

1. La position espagnole

Les portugais ont été les premiers à envisager le mouvement du volte-face, mouvement qui a permis aux Européens de partir vers l’Ouest, vers la Haute mer en ne se soumettant pas aux dogmes qui considéraient que la terre était plate et qu’on tombait dans le vide au bout de la mer. Cela va permettre aux portugais de faire l’inventaire des côtes africaines. Les Espagnols vont découvrir l’Amérique. Magellan en 1520 va réaliser la première expédition vers l’Amérique.

Face à ces deux grandes puissances maritimes de l’époque la papauté avait arbitré à travers le traité de Cordécias du 7 juin 1494 qui était destiné à partager les terres de ce monde et le Traité de Saragosse, qui s’intéresse à l’Océan Indien, tandis que le premier s’intéresse à l’ouest. Ces deux traités ont pour but de répartir entre les deux grandes monarchies. L’interprétation que feront les deux monarchies, va les conduire à envisager ces mers comme leur propriété. Le problème qui va se poser c’est de savoir en droit, si les mers sont susceptibles d’appropriation ou insusceptibles d’appropriation par un roi ou non. L’ouvrage de Bynkershoek surf sur cette question.

La position espagnole, vise à considérer que la mer est susceptible d’appropriation, et sous juridiction de l’Espagne, on retrouve la même dynamique chez les portugais qu vont développer une visiontrès extensive de leurs prérogatives puisque le roi du Portugal va se présenter comme le Seigneur de la navigation. Face à ces positions, il y a à l’époque un royaume en pleine croissance qui va s’affirmer sur des positions contraires…

2. La position anglaise

L’Angleterre va tenir un discours opposé pour défendre la liberté des mers, jusqu’au 17e siècle, contre les prétentions hégémonique de l’Espagne et du Portugal. Elisabeth va dire « l’usage de la mer est possible à tous, aucun peuple ne possède un titre de possession sur les océans. » L’Angleterre et la France vont se lancer dans une guerre de course, avec des navires corsaires qui vont charger et attaquer les navires espagnols et portugais.

La position anglaise va connaitre un infléchissement au cours du 18e siècle, quand la marine anglaise deviendra la plus importante du monde avec celle des hollandais, certains juristes anglais vont commencer à affirmer la souveraineté maritime du souverain d’Angleterre sur les mers britanniques. C’est une vision assez extensive, en contradiction avec la première position que l’Angleterre avait soutenue. Cette position va consister à affirmer que le roi d’Angleterre doit être qualifié de Roi des Mers. D’ailleurs les vaisseaux anglais, obligeaient les autres à baisser pavillons lorsqu’ils se croisaient en mer. L’Angleterre va défendre un principe de prépondérance juridictionnelle en tant que Roi des Mers. Cette situation va conduire à des controverses juridiques

  1. Les controverses juridiques

1. Les controverses anglo-hollandaises

La hollande va devenir le nouvel Etat qui va défendre la liberté des mers contre l’hégémonie de l’Angleterre, ou des espano-portugais. Grossus pour la Hollande va défendre l’idée d’une mer libre, dans son ouvrage « Mare Libero » et pour le royaume d’Angleterre Zelden et Wellwood va défendre l’idée d’une mer clause. Ces auteurs vont devoir justifier les prétentions des Etats sur l’espace maritime. Plusieurs auteurs hollandais vont tenter de détruire les tentatives hégémoniques des Etats en opposant à l’espace de l’Etat, l’espace commun. Ce dernier espace serait un espace qui ne pourrait être approprié par un Etat (ex : air, mer, lumière, etc.) La question aujourd’hui réapparait, à la suite du protocole de Kyoto, la question de l’air pollué, et des droits de pollution est devenu un enjeu juridique, et aujourd’hui des Etats voudraient acheter des droits de polluer l’air.

2. Les controverses lusitano-hollandaises

Plusieurs auteurs portugais comme Freitas avaient combattus les thèses sur la liberté des mers. Il a écrit des ouvrages comme du « Juste empire portugais en Asie ». Ces prétentions consistaient en un droit à confiscation aux abords de la Malaisie, des Indes, etc. Un certain nombre de juristes Hollandais vont réfuter les allégations portugaises et s’attaquer aux bases des portugais en Asie. Ces deux Etats vont s’affronter en Asie, notamment pour le contrôle des comptoirs en Malaisie. C’est à la suie de ces luttes que vont naitre des compagnies, comme la Compagnie des Indes en Hollande.

Le principe de la liberté des mers sera définitivement entériné au 18e siècle à la suite de la guerre d’indépendance américaine, les dernières prétentions de la marine britannique à contrôler l’Atlantique sera mise à néant à partir de l’apparition d’une flotte américaine indépendante.

  1. B) Les utopies pirates et la réaction Etatique

Ce sont des marins qui ont commis des actes à des fins privées contre des navires, villes, et Etats, et la découverte de nouveaux territoires à permis de créer parfois des républiques pirates. L’inaccessibilité, l’insularité, permettait la création de nouvelles entités. Du 16e au 17e on connait l’âge d’or de la piraterie.

  1. La contestation de l’ordre étatique sur les mers ; les républiques pirates.

La plupart des pirates contestaient la légitimité des Etats et les ordres Etatiques. Le pirate Eston, lorsqu’on lui propose le pardon de Jacques 1er répond « pourquoi accepterais-je le pardon d’un roi, quand je suis un roi moi-même ». Ces républiques pirates ont été constituées sur la base d’assemblées politiques. Il existe des républiques pirates indépendantes dans les Caraïbes, sur les côtes de Madagascar, ou même au niveau du Maghreb.

Il a existé des codes de piraterie, qui sont des conventions juridiques portant le nom de chasse-partie qui organisent la vie à bord, la répartition des pouvoirs, et des risques. Ces documents sont même considérés par certains auteurs de droit social comme des outils précurseurs, puisqu’il y a des droits offerts, puisqu’il y a les premières prémices d’assurance maladie, etc.

Au regard des archives du 18e siècle il y a des sources qui nous permettent d’avoir un autre regard sur ce phénomène de piraterie. Ce phénomène a proposé une alternative anti Etatique, qui refusait l’Etat moderne, qui refusait le pouvoir de sujétion de l’Etat moderne. Cette alternative s’est retrouvée à la fois dans des pétitions que l’on retrouve dans des aveux pirates, mais aussi des documents juridiques qui ont mis en place des systèmes sociaux comme les « Chasses parties » les codes de pirates. Ces chasse-parties organisaient la conduite des pirates dans un navire mais également sur terre. L’une des plus célèbres chasses-parties a été organisé par le pirate Robert en 1701 et dans ce document il y a les premières conventions d’assurance maladie, on trouve également des modalités de vote (car les pirates élisent leurs dirigeants) dans les assemblées chacun a le droit de prendre la parole et dispose d’une voix comme le capitaine qui est désigné. Il y a un certain nombre d’informations qui permettent aussi pour les matelots dans le cadre de ces chasses-parties, d’engager des procès contre les capitaines, par le biais des quartiers-maîtres et certaines organisations pirates fonctionnaient comme des démocraties limitées avec un ordre non vertical. Il n’y a pas de soumission à la souveraineté, on dénie le droit des souverains monarques de l’époque à policer les mers, à occuper des territoires, et certaines tradition d’utopie pirate, ou mutinerie ont donné naissance à des Etats à part entière. Ex ; la révolte du Bounty, navire de la marine anglaise qui a été victime d’une mutinerie en 1789, certains des mutins, conduits par un certain Fletcher Christian, vont organiser une fuite et être rattraper par un navire de représailles de la marine anglaise, le Pandore. Ces mutins, avec des polynésiennes qu’ils avaient séduits vont installer une communauté, et faire souche sur l’île de Pitkenne. On va compter jusqu’à 250 personnes dans cette île, et cette île aujourd’hui est le plus petit établissement ayant ses timbres postes, etc. On est dans la constitution d’une forme d’utopie mutine qui va donner naissance à une forme qui se rapproche de l’Etat. La monarchie des Coco-Keeling c’est la même chose, et l’Etat australien a racheté les prérogatives régaliennes de la famille de John Ross qui était parti fonder cette autonomie d’organisation politique.

  1. Les Etats et la piraterie

La piraterie de nos jours, existe toujours en un sens beaucoup plus abstrait. Au 19e siècle la piraterie a progressivement cessée, avec la piraterie d’Aden au large de la Somalie a donné lieu à, des résolutions des nations-unies, à une codification du droit maritime. Aujourd’hui on a une nouvelle forme de piraterie, la cyber-piraterie, qui repose la question du contrôle de l’espace par les Etats, et notamment du contrôle de l’espace virtuel par les Etats. D’une certaine manière le monde virtuel ressemble à ces mers qu’on avait du mal à comprendre et dompter. Le spécialiste de la piraterie Daniel L. Wilson, alias Hakimbey, a écrit une histoire très précise et très circonstanciée de la piraterie contemporaine. Cette piraterie contemporaine peut prendre des visages très différents, la cyber-piraterie, mais aussi des formes tout à fait nouvelles comme la bio-piraterie. Il s’agit là de s’emparer de ressources, de breveter des graines, des plantes, contre les lois internationales, il s’agit aussi de fabriquer des plantes contre les lois internationales. Aujourd’hui la possibilité s’ouvre à une autre forme de piraterie par le biais des clonages, ou le maniement des OGN, et ça a toujours le point commun de remettre en cause le contrôle des Etats sur leur territoire.

La piraterie la plus importante est la cyber-piraterie, il s’agit d’attaquer les flux immatériels d’information, de données bancaires, d’échanges sous le contrôle des Etats. Il s’agit toujours les flux de passage. C’est pourquoi les Etats aujourd’hui se retrouvent en lutte contre la cyber-piraterie. L’une des apparitions emblématique, c’est l’apparition d’une piraterie politique, le hacking, comme Anonymous, ces attaques ont pour but de déstabiliser des Etats. Ça a eu lieu au printemps arabe, pour déstabiliser des Etats comme la Lybie ou l’Egypte.

Pour reprendre Hackimbey des utopies pirates du 18e siècle, aux cybers-pirates du 21e, on veut toujours échapper aux arpenteurs de l’Etat (police, armée, etc.) tous ces arpenteurs de l’Etat qui surveillent les passages au profit de l’Etat. Pour Hackimbey, la piraterie occupe toujours le territoire de l’Etat pour renverser et mouiller la prétention à la souveraineté de l’Etat.