Liberté d’établissement, principe et régime juridique

LE RÉGIME JURIDIQUE DE LA LIBERTÉ D’ETABLISSEMENT

Le principe de liberté d’établissement est l’un des quatre principes fondamentaux de la libre circulation des personnes et des services au sein de l’Union européenne (UE). Il est inscrit à l’article 49 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).  Le principe de liberté d’établissement garantit aux citoyens de l’UE la liberté de créer et de gérer une entreprise dans un État membre autre que leur État d’origine. Il s’applique également aux entreprises déjà établies dans un État membre qui souhaitent étendre leurs activités dans un autre État membre.

Le principe de liberté d’établissement permet aux citoyens de l’UE de créer des entreprises, de devenir travailleurs indépendants, de s’associer à des entreprises existantes, de diriger des entreprises ou de participer à leur gestion, sans discrimination fondée sur la nationalité. Cela signifie que les citoyens de l’UE ont le droit d’exercer des activités économiques dans n’importe quel État membre de l’UE et de bénéficier des mêmes avantages et traitements que les ressortissants de cet État membre.

Ce principe englobe également la liberté de transfert des capitaux nécessaires à l’établissement et au fonctionnement d’une entreprise, ainsi que la protection des investissements réalisés dans un autre État membre.

Cependant, bien que le principe de liberté d’établissement soit un élément clé de l’intégration économique de l’UE, il existe certaines restrictions et limitations justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique. Par exemple, les États membres peuvent réglementer l’accès à certaines professions réglementées pour des raisons de protection de la santé et de la sécurité publiques.

Ce régime juridique peut être schématiquement résumé en 4 points d’inégale importance.

La liberté d’établissement en Union Européenne

CHAPITRE I  –  LE PRINCIPE D’APPLICABILITÉ DIRECTE

 Solution remonte à un grand arrêt : arrêt Reyners du 12 juin 1974. Il s’agissait d’un néerlandais qui avait obtenu en Belgique le diplôme d’avocat et à qui on refusait l’inscription à l’ordre belge. Réponse de la CJCE : l’art 43 est d’applicabilité directe dans tous les Etats membres et s’imposent à toutes les autorités des Etats membres, donc effet direct horizontal. L’applicabilité directe impliquant qu’il n’y ait pas à se préoccuper de la réciprocité. Il n’y a pas à se préoccuper du point de savoir si les autorités néerlandaises acceptent ou non les belges.

CHAPITRE II  –  La finalité économique de l’établissement

 Personne n’est capable de donner une réelle définition économique de l’établissement : à quoi ça sert ? Qu’est ce qu’on peut faire avec cette liberté ? L’art 43 donne des exemples (filiales, succursales…) mais cela ne suffit pas d’avoir des illustrations. Toute analyse juridique a un moment besoin d’un concept opératoire, même s’il est difficile à mettre en œuvre.

On a procédé par étapes : d’abord on a retenu une conception large de l’établissement mais sur les franges, il y a des zones grises : on ne sait pas très bien où est la frontière.

 S 1/ L’établissement est une notion largement entendu

 Deux grands arrêts :

  •  Commission/All du 4 décembre 1986 = la liste de l’art 43 n’est pas limitative mais exemplative. La CJCE dit aussi qu’il y a aussi les présences permanentes qui reposent sur deux critères : une base matérielle sur un territoire qui agit à destination de la clientèle (donc une action à destination de la clientèle comme une agence ou un bureau. Cela veut dire que si la base matérielle offre des contrats et que l’on peut contracter uniquement avec cette base alors c’est un établissement. Il faut qu’un engagement contractuel naisse entre la clientèle et l’entreprise au lieu où cette base est installée. Donc cela ne vise pas la matière précontractuelle, la simple publicité… Cela permet aussi de distinguer le post contractuel qui n’est pas aussi un mandat, une agence ou un bureau. Problème qui ne s’est posé dans la matière des assurances : l’expertise est post contractuel.
  • Arrêt Gebhard du 30 novembre 1995 qui a dit que l’établissement c’est participer de façon stable et continu à l’économie d’un Etat membre. La stabilité est une implantation locale. Elle s’oppose à ce qui est fondamentalement instable même si c’est régulier. Par ex, sur internet offre de banque/d’assurances etc. Il y a des sites qui comparent. C’est continu et il y a toujours des contrats transfrontaliers qui sont conclus mais ce n’est pas stable sur le territoire français car pas d’établissement français donc pas de localisation française. Des contrats transfrontaliers même fréquents ne sont pas de l’établissement mais de la prestation de service transfrontalière.

 Cependant, on ne sait plus trop où on en est : zone grise.

            S 2/La zone grise

 Le problème se pose notamment en raison du commerce électronique notamment les opérations financières sur internet (banque, assurances, bourse). Où est la frontière de l’établissement et où est l’établissement avec lequel on traite ? L’enjeu de cette discussion juridique est fiscal : quel FISC va taxer les opérations de l’établissement que l’on découvre ? Administratif également : qui va sanctionner l’établissement ? Le droit applicable ?

 Libre prestation de service passive pour l’entreprise : c’est la personne qui surfe sur internet et donc c’est elle qui va vers l’établissement.

 Où allez-vous ? Vers un centre serveur, c’est sur. Les réseaux ne sont pas totalement connectés en Europe et il faut des programmes variables selon les populations. Souvent le serveur est en France donc base en France. Est-ce que là, c’est l’établissement ? Si oui, contrats conclus en France, tribunaux français compétents, FISC français… Il y a là deux conceptions :

            – Conception des Etats (All, France…) : dès lors qu’il y a un point physique, il y a établissement. Le serveur est en France donc un indice physique déterminant donc application du droit français.

            – Conception de la Commission Européenne : elle dit que ce n’est pas toujours de l’établissement. Ce n’est de l’établissement que si la chaîne s’arrête là et que le serveur contracte. Situation très rare car jamais une entreprise ne fera confiance à un serveur pour vous assurer. Seuls les hommes peuvent effectuer toute sorte de contrôles. En dehors des cas où contrat possible, il faut qu’il y ait quelqu’un qui puisse dire oui donc la Commission dit que l’action est là où les personnes examinent le dossier car c’est là que la décision est prise.

Sans arrêt des discussions pour savoir ce qui se passe dans cette zone grise entre l’établissement et la libre prestation de service.

CHAPITRE III  –   LES AVANTAGES DE LA LIBERTÉ D’ÉTABLISSEMENT

 Si on essaie de schématiser, 4 séries d’avantages à cette liberté pour les entreprises/opérateurs économiques qui envisagent d’y recourir.

S 1/ Premier avantage : le choix du nombre d’implantations

 On peut choisir de créer autant d’établissements secondaires que l’on veut dans l’UE. Le droit communautaire permet de créer autant de base que l’on veut. Aucune législation nationale ne peut limiter cette liberté qui est d’applicabilité directe. Arrêt du 12 juillet 1984 Klopp : concernait la législation française qui interdisait à un avocat d’avoir plus d’un cabinet secondaire. L’art 43, dit la CJCE, permet à un ressortissant d’avoir autant d’établissements qu’il veut.

S 2/ Deuxième avantage : le choix du lieu de l’établissement

 C’est-à-dire le choix de se délocaliser. Le droit communautaire offre un espace aux entreprises et elles peuvent utiliser cet espace au mieux de leurs intérêts. Elles peuvent donc choisir de s’établir dans l’Etat qui correspond le mieux à leurs intérêts. Pas de dumping social, fiscal dans la communauté. Liberté de choix. Le simple fait de se délocaliser n’est que l’exercice de cette liberté d’applicabilité directe.

Ce sujet est évidemment sensible donc beaucoup de décisions de justice qui ont progressivement affirmé cette liberté.

– Le 1er arrêt du 27 septembre 1988 Daily Mail : la société voulait délocaliser son siège social à partir de GB et partir ailleurs. Pour cela, elle avait besoin d’une autorisation du Trésor britannique, pour quitter le territoire fiscal britannique. La CJCE dit que cette législation est compatible avec le droit communautaire car cette décision avait été prise en vertu de la loi de rattachement de la société qui était la loi britannique. Or, le droit communautaire n’harmonisait pas les lois de rattachement.

– Arrêt Centros du 9 mars 99 : des danois ne voulait pas payer les droits d’apport (en société). Ils ont créé une société en GB, ils l’ont immatriculé à Londres où pas de droit d’apport mais voulaient faire des affaires au Danemark donc crée une succursale au Danemark et elle concentrait toute l’activité. La CJCE considère qu’il ne s’agit là que de la liberté d’établissement, il n’y a pas de fraude parce que la succursale n’ayant pas de personne morale, l’activité de la succursale est dans le chef de la société et de son siège social. Important car c’est dans cet arrêt que la CJCE a affirmé que la compétition entre les lois était normale en Europe et que les sociétés peuvent choisir en fonction de leurs intérêts.

            – Arrêt Überseering du 5 novembre 2002 : société qui avait un motel en All, elle est rachetée par des néerlandais. En All, la loi land dit que cela fait perdre la personnalité morale et il faut donc créer une autre société. Un changement de contrôle même total est exercice de la liberté d’établissement et donc si prise de contrôle à 100% d’une entreprise, l’être moral demeure pour permettre la liberté d’établissement des controlaires

– Arrêt Inspire Art du 30 septembre 2003 : société anglaise mais sans aucune activité en GB. Crée une succursale en PB et doit l’immatriculer mais pour immatriculer une succursale incorporée à Londres mais sans activité, il fallait mettre une mention dévalorisante sur la publicité : « société étrangère de pure forme ». Façon de dissuader les entreprises de s’immatriculer à Londres mais plutôt aux PB. La CJCE dit que le fait de créer une succursale aux PB est l’exercice normale de la liberté d’établissement et la dévaloriser/défavoriser est contraire à l’art 43 car la société britannique était bien une société conformément constitué à la législation d’un Etat membre.

– Arrêt Lasteyrie du Saillant du 11 mars 2004 : on vise les législations de l’Etat de sortie donc un retour sur Daily Mail. Il s’agissait de l’exit taxe française (la taxe de sortie) car cela visait aussi bien les sociétés que les personnes physiques. Lorsque vous quittez l’espace fiscal français, vous devez imposer sur les plus values latentes, c’est-à-dire une plus value pas réalisée. Par ex, actions achetées en bourse mais toujours pas vendue. Elles ont peut être montées, gain potentiel mais pas réalisées donc plus value latente. Moyen efficace de dissuader de quitter la France. La CJCE dit qu’il s’agit là d’une entrave à la liberté d’établissement. Mesure contraire au traité. Mais petite évolution : il faut tenir compte des intérêts du FISC et distinguer deux situations :

    • // Quitter la France et la personne devient belge pour de bon : rien à dire, art 43 pur et simple.
    • // Va en Belgique, réalise ses plus value là bas et revient en France : fictif, fraude à l’art 43 car l’établissement est stable et continu. La fraude signifie qu’il n’y a jamais eu établissement en Belgique et donc la loi française a donc continué à s’appliquer.

            – Arrêt Sevic 13 décembre 2005 : fusion entre deux sociétés dont une étrangère alors que loi all dit qu’on ne peut immatriculer une société étrangère née d’une fusion. Contraire à la liberté d’établissement.

            – Arrêt Mark and Spencer, 2005 : interdiction britannique de transférer les pertes à l’intérieur d’un groupe de société. Interdiction de transférer fiscalement les pertes des filiales vers la mère. Alors que si les filiales avaient été en GB tout aurait compensable. Interdiction de la consolidation fiscale d’un groupe. La CJCE dit que cela dissuade de créer des filiales.

            – Arrêt Catburry Sweeppchs (vérifier orthographe) du 4 novembre 2006 : même chose que dans l’arrêt d’avant. La CJCE dit qu’il ya mesure contraire à la liberté d’établissement mais il faut que le montage du groupe ne soit pas purement artificiel et fiscal car si c’est le cas, il n’y a pas exercice de la liberté d’établissement. Un peu un recours sur Centros : il faut distinguer les situations frauduleuses des autres.

            – Arrêt Papillon du 27 novembre 2008 : même problème que Mark and Spencer avec refus d’intégration des filiales étrangères mais condamnation française.

 Droit de choisir son pays sauf fraude.

S 3/ Le libre choix des formes d’établissement

 L’art 43 contient une énumération. Il ne place aucune forme d’établissement au dessus des autres : toutes sur le même plan, pas de hiérarchie. Conséquence : les Etats ne peuvent pas créer une hiérarchie que le traité refuse. Mais les Etats aiment la hiérarchie, et surtout les filiales et moins les succursales. Condamnation de toute mesure qui vise à avantager les filiales face aux succursales : arrêt Commission c/ France du 28 janvier 1986 sur l’avoir fiscal réservé aux seuls associés des filiales. Arrêt Commerzbank également

S 4/ Le libre choix du secteur d’activité

 On peut choisir tous les secteurs d’activités sauf ceux interdits par l’art 55 c’est-à-dire celles qui participent à l’autorité publique (=/ FP, SP) mais participation aux fonctions régaliennes avec une part d’imperium résultant d’une PPP (prérogative de puissance publique) significative ou non détachable des fonctions exercées.

Par exemple :

  • les capitaines de navire : seuls maîtres à bord et cela lui est donné par la législation. Il détient une part de l’imperium public sur son navire. Est-ce qu’on peut interdire le capitanat de navire à des all pour des navires français ? La France dit oui mais dans des arrêts, la CJCE a dit que la fonction peut être confiée à des ressortissants car imperium minime.
  • les avocats : peuvent être appelés à être juge quand malaise de l’un des juges. Donc part d’imperium à ce moment. Est-ce que cela suffit à interdire à l’un des avocats ressortissants de le faire ? Il peut être avocat en France mais ne peut pas remplacer un juge.

CHAPITRE IV  –   LES INCONVÉNIENTS/LES CONTRAINTES

 La liberté d’établissement est un lot, elle implique de se soumettre à la loi de l’Etat d’accueil. Ce que l’on revendique avec cette liberté est l’égalité de traitement avec les personnes du pays où on s’établit. On revendique le traitement national donc on prend ce qui est bien et ce qui ne l’est pas. Droit de choisir mais obligation de respecter le droit applicable à ce lieu. En conséquence, on peut quand même contester des mesures nationales de l’Etat d’accueil. Que peut-on contester dans la loi de traitement national de l’Etat d’accueil ? D’abord les traitements discriminatoires envers les migrants communautaires. Les mesures indistinctement applicables qui défavorisent en droit ou en fait les migrants communautaires. Principe de l’arrêt Cake et mitoir. Il faut alors se livrer au test de l’intérêt gal avec les conditions qui s’y attachent (voir plus haut). Arrêt Säger du 25 juillet 1991.

 Exemples :

            – règle du bonus malus du 7 octobre 2004, Commission/France : si + d’accidents, paie + d’assurances. La CJCE a dit que ce n’était pas une entrave à la liberté d’établissement puisque les compagnies étrangères qui s’installent en France sont libres de fixer leurs primes de base. On peut attaquer le marché concurrenciellement.

Le droit au traitement national peut être difficile pour les migrants communautaires. Des mesures nationales peuvent être des entraves à la liberté d’établissement qui peuvent être rachetés par le test de l’Intérêt Général. Toute mesure qui rend plus difficile, plus onéreuse, moins attrayante la liberté d’établissement par rapport à la situation des nationaux. Quand on discrimine des migrants communautaires par rapport aux nationaux, on viole a priori les traités. On ne peut pas discriminer les étrangers. Par ex, carte de commerçant étranger = discrimination. On peut discriminer pour des raisons d’Intérêt Général.

 Mais le problème est ici les mesures indistinctement applicables qui gênent et qui rendent moins attrayantes l’exercice de la liberté d’établissement. Par ex, les conditions de diplôme : pour être avocat en France, il faut avoir un diplôme français. Il y a un intérêt gal au sens du droit communautaire et il faut donc faire le test de l’Intérêt Général. Oui, il y a un intérêt gal = protection des justiciables, bonne administration de la justice… Est-ce que c’est nécessaire, proportionné ? Oui. Est-ce qu’il y a reconnaissance mutuelle ? Là problème : dans toutes les universités des pays euros, les cours sont à peu près les mêmes et y’en a qui sont les mêmes. Le principe de reconnaissance mutuelle aboutit à dire qu’il faut une mise à niveau des migrants communautaires, il faut un système d’équivalence. On va donner un examen partiel au migrant pour qu’il ait le niveau des français. Affaire Vlassopoulou du 7 mai 1991 par ex.

Cumul du chiffre et du droit : pose un gros problème. On ne peut pas cumuler le chiffre et le droit dans une même entreprise dans certains pays pour préserver la liberté de l’avocat. Arrêt Wouters du 19 février 2002. Voir aussi arrêt Caixa Banque.