Liberté, État, démocratie (Montesquieu, Rousseau, Hobbes…)

Liberté, démocratie, État (cours de droit belge)

 

* rappel de Montesquieu : liberté politique

La liberté politique, un concept cher à Montesquieu. Cette notion peut être définie de deux manières : négativement, en soulignant qu’il n’est pas permis de faire tout ce que l’on souhaite, et positivement, en affirmant que la liberté politique est le droit de faire tout ce que les lois n’interdisent pas.

Cependant, il est crucial de rappeler que le pouvoir doit être limité, et que le pouvoir doit être arrêté par le pouvoir lui-même. Cela signifie que les détenteurs du pouvoir doivent accepter que leur autorité doit être tempérée pour préserver les libertés fondamentales des citoyens.

En effet, la condition sine qua non de la liberté politique est la séparation des pouvoirs, un principe sur lequel repose la Constitution belge. Cette séparation implique la création de trois pouvoirs distincts et indépendants : le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. Cette répartition des pouvoirs vise à prévenir les abus de pouvoir et garantir une gouvernance juste et équitable.

Il est important de noter que la liberté politique est un droit fondamental, et que tout citoyen belge devrait être en mesure de l’exercer pleinement. Cela inclut le droit de participer aux élections, de s’exprimer librement et de se réunir pacifiquement. Toutefois, ces droits doivent être exercés de manière responsable, dans le respect des lois et des autres citoyens.

Concept de liberté et tribunaux américains

Une affaire emblématique sur ce sujet est l’affaire Lochner v. New York, qui portait sur la régulation des contrats de travail dans les boulangeries.

En l’espèce, M. Lochner faisait travailler ses employés plus de 10 heures par jour, six jours par semaine, alors que le Bakeshop Act de New York interdisait une telle pratique. M. Lochner a invoqué le fait que cette disposition légale entravait sa liberté contractuelle. L’affaire est finalement arrivée devant la Cour Suprême des États-Unis.

La majorité des juges, dont le juge Peckham, ont considéré que le Bakeshop Act était en conflit avec la liberté contractuelle, car son véritable objet était de réglementer le travail des entreprises privées, ce qui empiétait sur la liberté des employeurs et des employés d’établir leurs propres conditions de travail. Selon eux, cette réglementation constituait une ingérence illégale et inopportune dans les droits des individus.

Cependant, une opinion dissidente du juge Harlan a souligné que les employeurs et les employés n’étaient pas sur un pied d’égalité et que les boulangers étaient particulièrement vulnérables aux abus en matière de conditions de travail. En outre, il a invoqué des raisons de santé, en soulignant que les conditions de travail dans les boulangeries pouvaient nuire à la santé des travailleurs. Il a également mis en garde contre le risque de paralyser le pouvoir des États de veiller à la santé de leurs citoyens si la loi de New York était jugée contraire au XIVe amendement.

Le juge Harlan a également souligné que l’affaire avait été jugée sur la base d’une théorie économique particulière qui n’était pas partagée par une grande partie du pays. Il a souligné que la Constitution américaine n’était pas conçue pour incorporer une théorie économique particulière, mais était plutôt l’œuvre de personnes ayant des opinions fondamentalement différentes. Il a donc appelé à la prudence dans l’interprétation des lois qui pouvaient être considérées comme contraires à la Constitution.

En somme, l’affaire Lochner v. New York illustre les tensions entre la liberté contractuelle et la réglementation des conditions de travail, ainsi que les différences d’opinions fondamentales en matière d’économie et de droits individuels. Elle soulève également des questions importantes sur la façon dont les lois peuvent ou non garantir la protection de la santé et du bien-être des travailleurs.

* Affaire Hammer v. Dagenhart – Travail des enfants.

L’affaire Hammer v. Dagenhart concerne le travail des enfants et la limitation du temps de travail pour les jeunes de 14 à 16 ans. Le Congrès américain a adopté la loi Owen Keating pour réglementer cette pratique, mais la Cour suprême a jugé cette loi contraire au Xème amendement et méconnaissant le Vème amendement. Selon le juge Day, cette loi empiète sur les compétences des États en matière de réglementation du travail. Cependant, l’opinion dissidente du juge Holmes a mis en avant que le Congrès avait bel et bien le pouvoir de réglementer cette question, et que la loi n’interfère pas avec les prérogatives des États.

Cette affaire soulève des questions importantes sur la liberté et les limites qu’il convient de poser en la matière. Il est crucial de se demander jusqu’où les États peuvent intervenir dans la vie des individus, et jusqu’où les gouvernements fédéraux peuvent s’immiscer dans les affaires des États. Les juristes doivent donc être attentifs à ces questions complexes pour garantir que les droits fondamentaux des individus soient respectés et protégés. En effet, le droit public belge, tout comme le droit américain, est au service du bien commun et de la protection des libertés individuelles, tout en garantissant une régulation juste et équitable de l’économie.

* Hobbes, Léviathan, décline 3 étapes de la liberté.

Dans le domaine du droit public belge, il est important de comprendre les différentes étapes de la liberté. Selon Hobbes dans son ouvrage « Léviathan » au chapitre 21 page 196, la première étape de la liberté est la liberté en général qui se définit comme l’absence d’obstacles extérieurs au mouvement. La seconde étape concerne l’homme libre, qui est celui qui n’est pas empêché de faire ce qu’il a la volonté de faire. Il est important de noter que la peur et la liberté sont compatibles, tout comme la liberté et la nécessité divine. La troisième étape de la liberté, selon Hobbes, est la liberté du sujet qui a le droit de faire tout ce que le souverain n’a pas pris en compte, ce qui s’apparente à la célèbre expression « nullum crimen sine lege ».

Il est important de souligner que, selon Hobbes, il n’y a pas d’injustice venant du souverain envers le peuple puisque c’est lui qui l’a institué. Cette vision rejoint celle de Rousseau qui considère que la loi est l’expression de la volonté générale et que sa conformité est appréciée par ceux qui l’instituent. Bodin partage également cette vision.

Montesquieu quant à lui considère que la liberté a une existence politique par la séparation des pouvoirs. Il est donc primordial de comprendre les différentes nuances de ces définitions pour appréhender correctement la notion de liberté dans le domaine du droit public belge.

En outre, il est important de connaître la définition positive de la liberté du sujet en sept points. En effet, le sujet possède cette liberté nonobstant une stipulation contraire du souverain. Il peut donc refuser d’obéir si le souverain lui ordonne de se tuer. De même, si le souverain l’accuse d’un crime, le sujet a le droit de ne pas s’auto-incriminer. Il est également important de noter que nul n’est contraint de tuer un autre et que, en tant que soldat, celui qui reçoit l’ordre de combattre contre un ennemi a le droit de refuser sauf s’il est engagé volontaire. Toutefois, une restriction peut s’appliquer si l’appel est fait à tous pour secourir l’Etat.

Le sujet a également le droit de défendre sa propre vie. Selon la note subpaginale p200, si une injustice envers le souverain a été commise, le sujet peut lui résister pour sauver sa vie, ce qui est considéré comme une liberté des sujets. Selon la page 42 du document, le but du Léviathan est d’assurer la sécurité du citoyen. Si le souverain n’est plus en mesure de garantir cette sécurité, le sujet n’est plus obligé de lui obéir, ce qui reflète une vision contractuelle.

* Kelsen, Rousseau et Hobbes : cours sur la liberté et la démocratie et l’Etat :

Quelles sont les idées des grands penseurs à propos de la liberté? La liberté est un concept central en droit public et a été étudiée par de nombreux penseurs influents tout au long de l’histoire.

Commençons par Hans Kelsen, un juriste autrichien du début du XXe siècle. Kelsen a développé une théorie de la démocratie qui se concentre sur la primauté du droit. Selon lui, la liberté est garantie par la loi, qui établit les limites de l’action gouvernementale et protège les droits individuels. Dans sa conception, la liberté est étroitement liée à la légalité, et une société libre est celle où le gouvernement est soumis aux règles de droit.

Ensuite, Thomas Hobbes, un philosophe anglais du XVIIe siècle, a développé une conception différente de la liberté. Pour Hobbes, la liberté n’est pas tant un droit que l’absence de contraintes. Dans son ouvrage Leviathan, il soutient que les individus renoncent à leur liberté naturelle en échange de la protection de l’État. Dans cette conception, la liberté est donc relative et dépend de l’existence ou non de restrictions à l’action individuelle.

Enfin, Jean-Jacques Rousseau, un philosophe français du XVIIIe siècle, a également influencé la pensée sur la liberté. Rousseau a soutenu que la liberté est essentielle à l’existence humaine, mais que les individus ne peuvent être véritablement libres que s’ils vivent dans une société juste et égalitaire. Pour lui, la liberté est donc liée à l’égalité, et une société libre est celle qui assure une participation égale à tous les citoyens.

Ces trois penseurs offrent donc des perspectives différentes sur la liberté en droit public. Kelsen met l’accent sur la primauté du droit, Hobbes sur l’absence de contraintes, et Rousseau sur l’égalité.

* Autres arrêts de la Cour Suprême sur le concept de liberté.

– Loving v. Virginia : des lois fédérées interdisent le mariage entre ‘races mixtes’. M. Loving, blanc et Mrs Loving, noire, se sont mariés à Columbia District devant un officié d’Etat civil, ils sont domicilié en Virginie. Le Ministère Public lance des poursuites pour infraction à la loi de Virginie. Ils sont condamnés, mais la peine n’est pas exécutée. La décision de la Cour Suprême abroge les lois (encore en vigueur dans 13 Etats) interdisant le mariage interracial.

– Griswold v. Connecticut : une loi interdit aux couples mariés d’utiliser des préservatifs et aux autres personnes de conseiller leur usage. M Griswold, directeur de Planned Parenthood, ligue de planning familial et M Bouxton, médecin, sont arrêtés pour avoir conseillés à un couple l’utilisation du préservatif. La Cour Suprême établit alors que ces lois sont contraires à la Constitution.

– Bowers v. Hardwick : la Géorgie interdit la sodomie. Hardwick, entretient une relation homosexuelle. La police de Géorgie, recherchant une personne pour port d’arme, a le droit d’entrer chez les gens sans prévenir. Elle arrive chez Hardwick, qui sera poursuivit pour sodomie. La Cour Suprême déclare cette loi parfaitement constitutionnelle. Plus tard, avec l’affaire Lawrens v. Texas, la jurisprudence Bowers est renversée par la Cour Suprême, décidant que la liberté individuelle est violée par les lois fédérées.

Concept d’égalité selon les tribunaux américains

Le concept d’égalité est un principe fondamental en droit qui vise à garantir que toutes les personnes sont traitées de manière équitable et avec les mêmes droits. Cette notion a été l’objet de deux décisions de la Cour suprême des États-Unis : l’affaire Plessy v. Ferguson et l’affaire Brown v. Board of Education of Topeka.

Dans l’affaire Plessy v. Ferguson, la Cour suprême a jugé en 1896 que la loi de Louisiane, qui permettait la ségrégation raciale dans les transports en commun, était constitutionnelle. Cette loi consacrait la doctrine « séparés mais égaux », qui autorisait la séparation des races tant que les conditions offertes étaient considérées comme égales. Cependant, la Cour a été divisée sur cette décision. Selon la majorité de la Cour, le quatorzième amendement de la Constitution des États-Unis visait à garantir l’égalité politique des différentes races, mais pas l’égalité sociale. Par conséquent, la loi de Louisiane n’était pas inconstitutionnelle. En revanche, selon les juges dissidents, la ségrégation était contraire à l’objectif du quatorzième amendement, qui est de garantir l’égalité des citoyens devant la loi, indépendamment de leur race.

Plus tard, dans l’affaire Brown v. Board of Education of Topeka, la Cour suprême a finalement aboli la ségrégation raciale dans l’enseignement. En effet, des lois d’État imposaient la ségrégation scolaire et les requérants ont soutenu que les écoles réservées aux Noirs n’étaient pas égales et ne pouvaient pas l’être malgré l’égalité obtenue d’un point de vue matériel. Selon la majorité de la Cour, la doctrine « séparés mais égaux » n’a pas sa place dans le domaine de l’enseignement public, car des écoles séparées sont intrinsèquement inégales. Cette ségrégation prive les enfants du groupe minoritaire de chances égales en matière d’éducation et leur fait ressentir un sentiment d’infériorité, ce qui va à l’encontre de l’égale protection des lois garantie par le quatorzième amendement.

Ainsi, ces deux affaires ont marqué un tournant dans l’histoire juridique des États-Unis en mettant en évidence la nécessité d’appliquer l’égalité de manière effective et non seulement formelle.

Les 5 principes de l’article 20 de la Loi Fondamentale allemande sont les suivants :

  1. Le principe démocratique : l’Etat est démocratique et les pouvoirs émanent du peuple. Cela signifie que le peuple exerce sa souveraineté à travers des élections libres et régulières pour choisir ses représentants.
  2. Le principe de l’Etat de droit : le pouvoir législatif est lié par l’ordre constitutionnel et les pouvoirs exécutif et judiciaire sont liés par la loi et le droit. Ce principe vise à garantir l’égalité devant la loi, le respect des droits fondamentaux et le contrôle de l’Etat par les citoyens.
  3. Le principe de l’Etat social : l’Etat allemand est à la fois démocratique et social. Ce principe implique que l’Etat est responsable de la protection sociale, de l’éducation, de la santé et de la culture, entre autres domaines.
  4. Le principe républicain : la République fédérale d’Allemagne est une république, c’est-à-dire que le pouvoir est exercé par des représentants élus par le peuple et non par une monarchie ou une aristocratie.
  5. Le principe fédéral : la République fédérale d’Allemagne est une fédération, c’est-à-dire que le pouvoir est réparti entre l’Etat fédéral et les Etats régionaux (les Länder). Cela permet une répartition des compétences entre les différents niveaux de gouvernement et une prise en compte des particularismes régionaux.

Transposition pour la Belgique :En Belgique, il existe cinq principes fondamentaux :

  1. Le principe démocratique, qui implique le droit de vote pour tous les citoyens. Ce principe a été consacré de manière implicite en combinant plusieurs articles de la Constitution (art 33, 36, 61, 65, 69, 70, 116§1, 117). Il faut noter que les femmes ont eu accès au droit de vote en 1948, ainsi qu’à certaines hautes fonctions publiques, grâce à la loi du 21 février de la même année. Avant cette date, les femmes étaient sous la tutelle de leur mari.
  2. Le principe de l’Etat de droit, qui garantit l’indépendance du pouvoir judiciaire et le droit de recours. Ce principe est consacré de manière implicite dans les articles 37, 40, 142, 146, 147, 152, 157, 159, 160, 161 de la Constitution.
  3. Le principe de l’Etat social, qui reconnaît les droits sociaux tels que le droit du travail, le droit de consultation (syndicats), le droit à la sécurité sociale et le droit à l’épanouissement social. Ce principe a été expressément consacré dans la Constitution avec la révision du 31 janvier 1994 de l’article 23 al. 1-2.
  4. Le principe républicain n’est pas mentionné dans la Constitution belge, car le pays est une monarchie. Cependant, la responsabilité ministérielle est énoncée dans les articles 88 et 106 de la Constitution et le système monarchique belge peut être considéré comme une forme particulière de système républicain.
  5. Le principe fédéral est consacré dans l’article 1°C° et le 143 §1 de la Constitution. La Belgique est un Etat fédéral, composé de plusieurs entités fédérées dotées de compétences propres.

Principes communs à tous les Etats occidentaux modernes :

Les principes fondamentaux qui régissent les Etats occidentaux modernes sont la démocratie, l’Etat de Droit et le principe représentatif, qui se traduit par la présence d’un Parlement. Cependant, une différence majeure existe entre les Etats qui adhèrent ou non au principe de l’Etat social. Les Etats-Unis sont un exemple typique de non-adhésion, car ils ne considèrent pas nécessaire de consacrer ce principe dans leur organisation judiciaire, même si une assurance santé obligatoire très coûteuse y est proposée.

Une autre différence idéologique importante est la question de la peine capitale. Dans l’Union européenne, elle est totalement interdite dans 26 des 27 pays membres, la Lettonie conservant le droit de l’appliquer dans des circonstances exceptionnelles. La Fédération de Russie la conserve juridiquement mais ne l’a pas mise en œuvre depuis 10 ans, tandis que la Biélorussie continue de l’appliquer activement. Celle-ci est d’ailleurs le seul pays à ne pas avoir signé la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH).

Aux Etats-Unis, 38 des 50 Etats permettent la peine de mort, alors que la Constitution ne l’interdit pas. Cependant, le VIIIe Amendement abolit les peines cruelles et inhabituelles, mais la Cour Suprême considère que la peine de mort ne rentre pas dans cette catégorie. Par conséquent, les 38 Etats qui maintiennent cette pratique se soumettent à cette interprétation de la Cour Suprême.