Les libertés fondamentales face à l’intérêt collectif

Les limites des droits et libertés : liberté vs intérêts collectifs

Aucun droit ne peut être absolu, la liberté des uns a pour limite la liberté des autres —> DDHC 1789 article 4 « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi.»

Ce principe même dépasse nos frontières. La cour de justice des communautés européennes avait affirmé dans un arrêt du 14 mai 1970, NOLD : la cour affirme que les droits fondamentaux ne sont pas des prérogatives absolues. Les causes de ses limitations sont multiples, il peut s’agir de l’intérêt général autrement dit d’un besoin de la société sur lequel butte l’intérêt individuel. Ce cas de figure va révéler le degré d’individualisme de la société. On peut parler de limitations objectives apportées aux droits individuels par opposition aux limitations plus subjectives qui tiennent au sujet. Il peut aussi s’agir d’autres droits individuels avec lesquels le premier entre en conflit.

Intérêts collectifs car il y a plusieurs dimensions de ses besoins collectifs. On distingue le niveau européen et le niveau national.

1. En droit interne, quels sont les limites au droits individuels?

Comment concilier droits individuels et intérêt collectif ?

2. Au niveau européen, la prise en compte des intérêts collectifs dans la CESDHLF

La convention prévoit que des restrictions puissent être apportées à certains droits. On peut distinguer deux catégories de droits, ceux pour lesquels la convention prévoit des exceptions à l’existence même du droit. Par exemple, l’article 5 porte sur la privation de liberté, il consacre le droit à la sureté mais il y a un certain nombre d’exceptions à l’existence du droit. Dans d’autres cas, les limitations lassent subsister le droit mais en restreignent l’exercice. Là il s’agit de droits consacrés dans la fonction dont les alinéas 2 des articles vont prévoir les possibilités de restrictions. Exemple article 8 à 11 sont constituer de 2 paragraphes ; le premier paragraphe affirme le droit et le second prévoit les limitations à l’exercice de ce droit. L’article 8 porte sur le droit au respect de la vie privée et familiale, l’article 9 consacre la liberté de conscience et surtout la liberté religieuse, l’article 10 porte sur la liberté d’expression, l’article 11 sur la liberté de réunion. Sur ces paragraphes 2 on parle d’ingérences étatiques dans l’exercice des droits individuels. Ingérences étatiques : des restrictions peuvent être apportées par les Etats à ses droits sous certaines conditions fixées par le texte conventionnel sous le contrôle étroit du juge européen. L’objectif de tels textes est d’assurer un juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général et la sauvegarde des droits individuels. Pour cela des conditions doivent être respectées, 3 sont énoncés dans chacun des paragraphes 2 desdits articles :

  • la restriction apportée par l’Etat au droit individuel doit être prévue par la loi,
  • elle doit être édictée dans un but légitime et
  • elle doit être nécessaire dans une société démocratique

La première : la loi signifie que la restriction au droit individuel doit avoir une base juridique en droit interne donc sans nécessairement que ce soit une loi au sens organique du terme. La Cour EDH a adopté dans sa jurisprudence une conception matérielle et non pas formelle de la loi. Ce qu’elle appelle loi c’est une norme juridique qui peut être écrite ou non, émaner ou non du Parlement mais aussi du gouvernement ou encore d’une autre autorité administrative voire même d’un ordre professionnel. Il y a une souplesse quant à l’existence de la loi. Si la Cour est ouverte sur ce qu’il faut entendre de la loi, elle est plus exigeante sur la qualité de la loi : la loi devra être accessible et prévisible : jurisprudence 1979 Sunday Times / RV.

Il faut que la restriction au droit individuel poursuive un but légitime : le but doit être un de ceux énumérés dans chacun des paragraphes 2 des articles 8 à 11 : on trouve la sécurité publique, la défense de l’ordre, la protection de la santé, la protection de la morale et la protection des droits et libertés d’autrui.

Il faut que ce soit une mesure nécessaire dans une société démocratique : par cette exigence il ne suffit pas que la mesure étatique restreignant le droit individuel soit nécessaire pour atteindre l’objectif légitime, elle doit encore être proportionnelle. L’idée de nécessité dans une société démocratique est en fait une exigence de proportionnalité. La cour a interprété cette exigence textuelle comme celle du fait que la restriction doit être proportionnée au but poursuivi. L’atteinte à la liberté ne doit pas excéder ce quiest nécessaire pour atteindre, préserver le but légitime poursuivi. Pour établir le fait qu’un motif légitime soit en cause au niveau d’un Etat et soit en cause du fait de l’exercice d’un droit, l’Etat dispose d’une marge d’appréciation (marge de manœuvre) mais cela ne signifie pas que l’Etat dispose d’un pouvoir d’appréciation illimité. Et, le contrôle de la cour demeure.

Dans cette démarche, la Cour fait preuve d’un certain pragmatisme ; il n’est pas toujours aisé de maintenir une parfaite cohérence dans sa jurisprudence au fil des affaires qui lui sont soumises. Comme à chaque fois, elle se base sur l’appréciation de l’Etat et exerce un contrôle sur cette appréciation que les faits vont varier etc. ça va aboutir à des solutions divergentes, pragmatiques, ceci étant la cohérence n’est pas toujours totale.

Ex : droit au respect de la vie privée (article 8) et la question de l’avortement. L’article 8 est le plus mobilisé devant la CEDH et avortement car c’est un sujet traité de manière différent par les Etats parties à la convention. La question qui s’est posé à la CEDH: un Etat qui interdit la pratique de l’avortement (totalement ou partiellement) méconnaît-il le droit au respect de la vie privée ? La cour déduit le droit à l’autonomie personnel du droit au respect de la vie privée et donc libre décision de la femme. Une telle prohibition étatique constitue-t-elle une ingérence étatique dans le droit au respect de la vie privée ? Si oui est-elle conforme à la Convention européenne (trois conditions) ?

Arrêt CEDH 16 décembre 2010 ABC c. Irlande : conformité de la législation irlandaise avec l’article 8. La question de l’avortement pose problème au regard du droit à l’autonomie personnelle des femmes. L’interdiction à l’avortement s’analyse en une ingérence dans le droit au respect à la vie privée.

La Cour détermine si ingérence étatique est justifiée ou non. Point 218 : la cour rappelle les 3 conditions pour que l’ingérence soit justifiée au regard de l’article 8. Tout d’abord, l’ingérence est prévue par la loi, ensuite, elle poursuit un but légitime (protection des valeurs morales).

Enfin, l’ingérence est-elle proportionné au but eu égard au juste équilibre à ménager entre les intérêts concurrents en jeu (229) ? Pour apprécier la proportionnalité, la Cour détermine la marge d’appréciation dont disposait l’Etat. A-t-il était trop loin ou a-t-il fait usage d’une large marge d’appréciation dont il disposait ? Il faut déterminer l’étendue de la marge d’appréciation pour regarder si l’ingérence est proportionnée.

Considérant 232 ; la cour essaie de poser le cadre général en disant que la marge d’appréciation avarie mais est réduite quand il s’agit de vie privée, s’il est question de l’identité de la personne. La marge d’appréciation est plus ample lorsqu’il n’y a pas de consensus entre les Etats (si variété au sein des Etats parties à la convention, la cour va avoir moins de légitimité pour faire une œuvre constructive, et admet plus que les Etats établissent le droit).

Pas de grande divergence entre les Etats plutôt consensus lorsque la vie de la femme est en danger, tous les Etats admettent l’avortement. Malgré tout la Cour n’applique pas la jurisprudence au cas d’espèce. Elle admet la large marge d’appréciation des Etats donc elle conclut qu’il n’y a pas de violation de l’article 8. Elle (Irlande) pouvait aller jusqu’à interdire car la femme peut aller à l’étranger pour avorter, pas d’atteinte grave à l’autonomie personnelle.