LIBERTÉS DES ASSOCIATIONS, GROUPEMENTS A CARACTÈRE DURABLE
La liberté d’association, consacrée par la loi du 1er juillet 1901, occupe une place centrale dans les principes fondamentaux de la République française. Elle constitue une des pierres angulaires des libertés collectives, permettant à chaque individu de se regrouper librement pour partager des idées, défendre des intérêts communs ou promouvoir des causes diverses. Érigée au rang de principe à valeur constitutionnelle par le Conseil constitutionnel dans une décision historique du 16 juillet 1971, cette liberté est un équilibre entre l’émancipation individuelle et les exigences de l’ordre public.
Depuis plus d’un siècle, la liberté d’association n’a cessé d’évoluer pour répondre aux difficultés posées par les changements sociaux, politiques et économiques. Elle se distingue par son cadre juridique flexible, permettant à toute personne de constituer une association sans autorisation préalable, tout en établissant des règles précises pour garantir la transparence, la responsabilité et la légalité des groupements. Cette reconnaissance légale de la vie associative s’accompagne toutefois de limitations destinées à protéger les valeurs fondamentales de la République, telles que le respect des bonnes mœurs, la sécurité publique et la forme républicaine du gouvernement.
Le droit d’association est ainsi à la fois un levier d’expression démocratique et un outil de mobilisation collective, dont l’importance dépasse le simple cadre juridique. Il permet d’assurer la vitalité de la société civile tout en encadrant les excès potentiels susceptibles de porter atteinte à l’intérêt général. Les évolutions récentes, comme le renforcement des contrôles administratifs ou l’adaptation des règles aux associations virtuelles, témoignent de la capacité de ce cadre juridique à s’ajuster aux nouvelles réalités.
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- La liberté de conscience : définition, sources, limites
- La liberté d’aller et venir
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I) Les garanties de la Liberté d’association
La liberté d’association, consacrée par la loi du 1er juillet 1901, permet à toute personne de constituer une association sans autorisation préalable. Ce principe fondamental repose sur un cadre juridique garantissant la souplesse de fonctionnement des associations tout en encadrant leur capacité juridique, leurs ressources et leurs pouvoirs. Voici les principales garanties offertes par ce cadre :
1. Constitution et personnalité juridique des associations
A. Formation libre des associations
Depuis la loi de 1901, la création d’une association est un droit accessible à tous, sans nécessité d’autorisation ou de déclaration préalable. Les associations ainsi formées sont licites, mais n’ont pas de personnalité juridique en l’absence de déclaration officielle.
B. Déclaration et publication au Journal officiel
Pour acquérir une personnalité juridique limitée, une association doit être déclarée en préfecture et publiée au Journal officiel. Cette personnalité juridique permet de :
- Ouvrir un compte bancaire.
- Louer ou acquérir des locaux.
- Conclure des contrats.
C. Reconnaissance d’utilité publique
Pour obtenir la pleine capacité juridique, une association doit être reconnue d’utilité publique par décret du Premier ministre. Ce statut, très encadré, confère des avantages significatifs, tels que :
- La possibilité de recevoir des dons et des legs.
- Une légitimité accrue pour représenter des causes d’intérêt général.
Exigences renforcées depuis le scandale de l’ARC (1990s) : Le scandale de l’ARC (Association pour la Recherche contre le Cancer) a révélé des failles dans le contrôle des associations reconnues d’utilité publique, notamment dans leur gestion financière. Depuis, les associations souhaitant bénéficier de subventions publiques ou d’avantages fiscaux doivent accepter un contrôle administratif rigoureux, impliquant notamment une transparence comptable.
Contrôles accrus : Depuis les années 2000, les pouvoirs publics renforcent les contrôles sur les associations recevant des subventions ou ayant un rôle d’intérêt général. Des audits réguliers et des obligations de transparence comptable sont devenus courants.
- Exemple : Scandale de l’UNEF (2021) : Des accusations de dérives idéologiques au sein de l’Union nationale des étudiants de France (UNEF) ont ravivé les débats sur les obligations des associations reconnues d’utilité publique. Le gouvernement a renforcé les audits sur la gestion des associations bénéficiant de fonds publics. (Source : presse nationale).
2. Droit d’agir en justice
A. Défense des intérêts des membres
Les associations, même non déclarées, peuvent ester en justice pour défendre les intérêts de leurs membres, comme l’a confirmé le Conseil d’État dans plusieurs décisions.
B. Défense de l’intérêt général (IG)
Certaines associations peuvent représenter l’intérêt général en justice, par exemple en matière de défense des droits de l’environnement ou des droits des consommateurs. Cependant, la réserve des chambres civiles de la Cour de cassation demeure : elles exigent souvent un lien direct entre l’objet de l’association et l’action intentée.
Exemple : En 2023, une association de protection des animaux a pu intervenir dans une affaire impliquant des mauvais traitements dans un élevage, en raison de son objet statutaire explicitement lié à la cause animale.
3. Ressources des associations
Ressources traditionnelles : À l’origine, les associations vivaient principalement des cotisations des membres et des subventions publiques. Ce modèle reste encore répandu aujourd’hui.
Activités commerciales encadrées : La jurisprudence a évolué pour autoriser les associations à réaliser des actes à caractère commercial, à condition qu’ils soient accessoires au but principal de l’association.
- Exemple : Un club de sport peut organiser des événements payants pour financer ses activités principales, à condition que ces activités commerciales ne deviennent pas le but principal.
Dons manuels : Les dons manuels, c’est-à-dire les dons directs sans formalité, sont également autorisés. Cette possibilité est particulièrement utile pour les petites associations.
- Encadrement des dons étrangers (2021) : Avec la loi « séparatisme », les associations recevant des financements étrangers significatifs doivent désormais les déclarer aux autorités, dans un souci de transparence et de prévention des ingérences étrangères. (Source : Légifrance, 2021).
Règles fiscales : En 2021, des amendements au Code général des impôts ont durci les critères d’éligibilité des associations pour les avantages fiscaux, afin d’éviter les abus dans les demandes de dons et de subventions.
4. Liberté de rédaction des statuts
Liberté de détermination des objectifs : Les associations jouissent d’une totale liberté pour définir leurs objectifs et leur fonctionnement interne. Elles peuvent adopter des statuts non démocratiques, par exemple en confiant la gestion à un comité restreint.
Protection du nom : Les associations peuvent protéger leur nom en cas d’usurpation ou d’utilisation frauduleuse par un tiers, un droit reconnu par la jurisprudence.
Modification des statuts : Pour modifier les statuts, l’unanimité des membres est généralement requise, sauf stipulation contraire dans les statuts eux-mêmes.
5. Pouvoir disciplinaire
Les associations disposent d’un pouvoir disciplinaire sur leurs membres, même si cela n’est pas explicitement prévu dans leurs statuts. Ce pouvoir leur permet de maintenir la cohésion interne et le respect des règles fixées par les membres.
Exemple : En 2022, une association sportive a exclu un membre pour comportement antisportif. La sanction a été confirmée par le tribunal, qui a jugé que la procédure disciplinaire respectait les droits de la défense.
II) Les limites à la liberté d’association
La liberté d’association, bien que consacrée comme un principe fondamental, n’est pas absolue. Elle est encadrée par des restrictions légales visant à protéger l’ordre public, les bonnes mœurs, et la forme républicaine du gouvernement. Ces limitations concernent principalement la dissolution d’associations, les comportements illicites des groupements, et les sanctions disciplinaires au sein des associations.
1. Dissolution des associations : un encadrement strict
Dissolution judiciaire
Une association peut être dissoute par voie judiciaire lorsqu’elle poursuit un but illicite, enfreint les lois ou les bonnes mœurs, ou lorsqu’elle menace la forme républicaine du gouvernement. La dissolution judiciaire est décidée par les tribunaux compétents après examen des faits.
- Exemple jurisprudentiel :
- Le 13 décembre 1989, la chambre civile de la Cour de cassation a confirmé la dissolution d’une association de mères porteuses. Cette décision reposait sur l’atteinte aux bonnes mœurs et à l’ordre public.
Dissolution administrative (Loi du 10 janvier 1936)
La loi du 10 janvier 1936 autorise le gouvernement, par décret pris en Conseil des ministres, à dissoudre des associations ou groupements de fait présentant une menace grave pour l’ordre public. Ces dissolutions concernent des associations :
- Recourant à la violence ou à la force pour atteindre leurs objectifs.
- Poursuivant des buts discriminatoires, terroristes ou contraires à la République.
Cette procédure a été renforcée par les lois anti-terroristes récentes et s’applique notamment aux groupements prônant des discours de haine ou des actes de violence.
L’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure prévoit que le gouvernement peut, par décret en Conseil des ministres, dissoudre toute association ou groupement de fait dont les activités provoquent des troubles graves à l’ordre public. Cette mesure, bien que portant une atteinte significative à la liberté d’association, est justifiée lorsque les actions de l’association menacent la sécurité publique. Dalloz Étudiant
Par exemple, le 9 novembre 2023, le Conseil d’État a validé la dissolution de trois associations : la Coordination contre le racisme et l’islamophobie (CRI), l’Alvarium, un groupuscule d’ultradroite basé à Angers, et le Groupe antifasciste Lyon et environs (GALE). Ces dissolutions ont été jugées conformes à la loi, les activités de ces associations étant considérées comme incitant à la violence ou à la discrimination. Le Figaro
2. Sanction des comportements illicites liés aux groupements
Reconstitution de groupements dissous
Les articles 421-1 à 421-31 du Code pénal prévoient des sanctions contre la reconstitution illicite de groupements dissous par décision judiciaire ou administrative. Ces dispositions visent à empêcher la résurgence d’associations jugées dangereuses pour l’ordre public.
Perturbation des réunions
Ces articles sanctionnent également les comportements perturbateurs lors des réunions de certains groupements, particulièrement lorsqu’ils visent à entraver leur fonctionnement ou à inciter à des actes contraires à la loi.
3. Protection contre les sanctions disciplinaires abusives
Les membres d’une association peuvent contester des sanctions disciplinaires qu’ils jugent injustifiées ou abusives. Deux types de juridictions peuvent être saisies, selon la nature de l’association et des sanctions :
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Juridictions judiciaires :
- Lorsque l’association est une personne morale privée, les membres peuvent contester les sanctions devant les juridictions judiciaires.
- Ces juridictions examinent si les sanctions respectent les statuts et règlements internes de l’association.
- Exemples :
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En janvier 2021, la Cour d’appel de Limoges a annulé la sanction disciplinaire prononcée à l’encontre d’un membre d’une association sportive, au motif que la procédure disciplinaire n’avait pas respecté les droits de la défense. La Cour a souligné que la sanction doit être prononcée par l’organe statutairement compétent et que la procédure doit être exempte de conflit d’intérêts.Essentiel A – Cabinet d’Avocats à Lille
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De même, la Cour d’appel de Pau a réintégré plusieurs sportifs exclus d’une association, estimant que la procédure disciplinaire n’avait pas respecté le principe de publicité des débats et que les sanctions envisagées n’étaient pas prévues dans les statuts ou le règlement intérieur de l’association.
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Juridictions administratives (REP) :
- Si l’association exerce une prérogative de puissance publique, les décisions disciplinaires relèvent du contrôle des juridictions administratives.
- Dans ce cadre, les juridictions vérifient :
- La légalité externe : compétence de l’autorité ayant pris la sanction, respect des procédures.
- La légalité interne : exactitude des faits reprochés, absence d’excès de pouvoir ou d’arbitraire.