La libre circulation des marchandises et des capitaux

Le principe de libre circulation des marchandises et des capitaux dans l’Union Européenne

La libre circulation des marchandises et la libre circulation des capitaux sont deux autres principes fondamentaux de l’Union européenne, en plus de la libre circulation des personnes et de la liberté d’établissement.

La libre circulation des marchandises, établie à l’article 28 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), garantit le droit des marchandises produites dans un État membre de circuler librement sur le marché intérieur de l’UE, sans restrictions ni discriminations. Cela signifie qu’il ne doit pas y avoir de droits de douane, de quotas d’importation ou d’autres obstacles non tarifaires entravant le commerce entre les États membres de l’UE. Les marchandises doivent être traitées de manière équivalente, quel que soit leur pays d’origine au sein de l’UE.

La libre circulation des capitaux, inscrite à l’article 63 du TFUE, garantit la liberté des mouvements de capitaux entre les États membres de l’UE. Cela comprend les investissements directs, les investissements en portefeuille, les transferts de fonds, les opérations financières et autres mouvements de capitaux. Les États membres ne peuvent pas imposer de restrictions injustifiées aux mouvements de capitaux, tels que des contrôles des changes ou des limitations sur les investissements transfrontaliers.

Ces deux principes visent à favoriser l’intégration économique de l’UE en éliminant les obstacles au commerce et aux investissements entre les États membres. Ils contribuent à la création d’un marché unique où les biens, les services, les personnes et les capitaux peuvent circuler librement, favorisant ainsi la croissance économique, la compétitivité et l’harmonisation des réglementations au sein de l’UE.

Cependant, tout comme pour la liberté d’établissement, il existe des exceptions et des limitations à ces principes, notamment pour des raisons de sécurité publique, de protection de la santé et de l’environnement, ou pour préserver l’intérêt général. Les États membres peuvent prendre des mesures restreignant la libre circulation des marchandises ou des capitaux dans certaines circonstances spécifiques, mais ces restrictions doivent être justifiées et proportionnées.

TITRE I : LA LIBRE CIRCULATION DES MARCHANDISES DANS L’UNION EUROPEENNE

 C’est une liberté fondamentale. On ne peut pas faire d’intégration économique sans libre circulation des marchandises même si les volumes financiers représentés par le commerce des produits aux volumes financiers représentés par le commerce des services.

Le commerce des marchandises peut être entravé de multiples façons. Le protectionnisme ou le poids des lobbies conduisent à des législations diversifiées et entravantes. Le droit communautaire a tenté de légiférer pour appréhender les différentes techniques juridiques qui permettent d’entraver artificiellement le commerce entre les Etats membres. C’est ici une lutte entre le droit communautaire d’intégration et le droit interne qui entrave parfois la libre circulation.

La lutte contre les entraves repose sur 4 grandes règles.

CHAPITRE I  –  LA PROHIBITION DES DROITS DE DOUANE ET DES TAXES D’EFFETS EQUIVALENTS (TEEDD)

TEEDD : taxes d’effets équivalents à des droits de douane. Article 25 du traité.

On ne peut pas admettre des droits de douane si on veut construire un marché unique. Cependant, les Etats ont plus d’un tour dans leurs sacs et respectent la prohibition des droits de douane mais créé des systèmes d’effets équivalents. Or, le droit communautaire présente deux caractéristiques : *

  • c’est un droit économique, pragmatique donc on vise les pratiques en fonction de leurs effets : ce qui a le même effet doit être traité de la même manière
  • droit dont les qualifications sont indépendantes de celles des Etats membres.

Il faut donc constater qu’il n’y a pas des droits de douane mais seulement des TEEDD. Comment les reconnaît-on ?

1/ Les critères de la TEEDD

Le grand arrêt qui a posé le standard jurisprudentiel (la phrase que l’on retrouve dans tous les arrêts) est l’arrêt CAPOLONGO du 17 juin 1973. On y lit qu’est une TEEDD toute charge obligatoire imposée à une marchandise du seul fait qu’elle franchisse la frontière et qui joue comme un droit de douane.

            — Une charge obligatoire : est à distinguer d’une charge non obligatoire. Il faut donc distinguer la perception sans contrepartie de la distinction avec contrepartie. Il faut distinguer la TEEDD de la rémunération de services, et tout particulièrement de la rémunération de service de transit ou de dédouanement. Ici, arrêt GARONOR de la CJCE : il y avait une réglementation, avec obligation de recourir aux services de dédouanement de Garonor dont les prestations étaient tarifaires. C’est une contrepartie artificielle donc une TEEDD.

            — Une charge quelle qu’elle soit : même minime. On ne tolère aucune TEEDD. En droit éco, il y a une règle « de minimis » : le juge ne s’intéresse pas à ce qui est petit. Cette rège n’existe pas en la matière.

            — Une charge appliquée à une marchandise : la marchandise est ce qui est susceptible de déplacement matériel et d’appropriation. Cela vise donc par exemple l’électricité : arrêt ESSEND de la CJCE du 17 juillet 2008.

            — Du seul fait qu’elle franchisse la frontière : le critère est donc l’origine de la marchandise. Elle doit être taxée en fonction de son origine, quelle que soit les frontières en cause dans la communauté. C’est une frontière de taxation qui est pourchassée, ce qui n’est pas forcément une frontière de l’Etat. Il y a des frontières de taxation à l’intérieur des Etats, qui entravent le commerce. Deux grands exemples : octroi de mer dans les ports maritimes, qui est demeuré lgtps dans les Caraïbes françaises. Frontière à l’intérieur de l’Etat qui est donc illégale. Arrêt LANCRY du 9 août 1994 ; affaire du 9 septembre 2004, arrêt relative à la ville de Carrare (Italie) qui produit du marbre. La ville avait installée une taxe à l’exportation, à la porte de la ville.

            — Et qui joue à la manière d’un droit de douane : critère le plus complexe. Le droit de douane a 2 caractéristiques :

– d’abord, il favorise des marchandises. Pour qu’il y ait effet équivalent, il faut qu’il y ait de marchandises favorisées, donc des productions nationales comparables aux productions taxées. Arrêt du 22 mai 2003, CJCE, FRESKOT : question qui s’est posé sur une taxe perçue sur les voitures neuves à l’entrée du Danemark. Pas une TEEDD car pas d’usine de voitures neuves au Danemark et donc pas de produits substituables aux produits taxés au Danemark.

– c’est une charge nette (on le paye sans contrepartie). Il s’agit là du problème de la compensation. On touche ici à la subtilité des Etats et au lobbying constant auquel ils sont soumis. Course poursuite entre CJCE et les Etats car dès que condamné, on le refait d’une autre façon. On crée une taxation sur tous les produits nationaux et importés (ex : porcs). Et puis, on dit que cette taxe sera affectée à l’intérêt général pour moraliser le marché du porc. Le produit de cette taxe ne sera attribué qu’aux producteurs français. Pour les français, résultat : ils payent et reçoivent autant, et même plus car reçoivent le profit des autres Etats. Cependant, pour les autres, catastrophique car payent mais ne reçoivent rien donc il s’agit d’une charge nette, c’est-à-dire une TEEDD.

2/ Des exemples concrets de création de TEEDD

 — Les fonds de soutien agricole. Plusieurs moyens d’abonder un fond : soit abonder avec une taxe perçue sur tous les produits nationaux et importés mais peut être considérer comme TEEDD si pas de contrepartie pour les produits importés. Soit on taxe des personnes qui n’ont rien à voir avec l’activité : contraire à l’égalité devant l’impôt.

3/ La distinction avec d’autres prohibitions

 Il y a plusieurs prohibitions qui peuvent jouer alternativement ou cumulativement.

            — Il y a compensation partielle et non plus intégrale. On est plus dans le cadre d’une taxe car ce n’est plus une charge nette. Il s’agit là d’une imposition intérieure discriminatoire, contraire à l’article 90 du traité

            — Il y a compensation totale ou partielle et cela aide des productions nationales. Exemple : vous créez une taxe sur les cochons nationaux ou importés et vous dites qu’on peut abattre gratuitement et enlever les animaux morts gratuitement avec cette taxe. Cela aide les agriculteurs donc c’est une aide d’Etat prohibée par la concurrence. La taxe est affectée à u fond, qui va aider. Lien d’indivisibilité par l’affectation au fond qui va donner les aides. La taxe est partie intégrante du système d’aide et donc, elle est aussi illicite que l’aide. Les redevables vont refuser de payer et le système s’écroule. Il faut rompre le lien entre la taxe et le fond. Ex : la taxe d’équarrissage avec l’arrêt GEMO du 20 novembre 2003.

CHAPITRE II  –   LA PROHIBITION DES RESTRICTIONS QUANTITATIVES ET DES MESURES D’EFFET EQUIVALENT (MEERQ)

Mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative MEERQ

CHAPITRE III  –   LES MONOPOLES COMMERCIAUX

 Article 31 : les monopoles commerciaux sont les monopoles de distribution. Ils ne sont pas interdits par l’article 31 mais ils doivent aménager pour le ne pas défavoriser en droit ou en fait les produits importés. Le problème se pose lorsque le monopole fixe les prix ou les taxations. Ex caricatural : le monopole français des tabacs qui défavorisait la commercialisation de gitanes par rapport aux gauloises (ou le contraire…). Aujourd’hui, les produits importés peuvent bénéficier des avantages du produit initial.

CHAPITRE IV  –  LA NON DISCRIMINATION FISCALE

 Art 90 de base. Les Etats ont des ressources infinies en matière de protectionnisme et tous les coups sont bons pour défavoriser les produits importés. Donc l’article prohibe les désavantages fiscaux concernant les produits.

4 conditions doivent être réunies pour qu’il y ait discrimination fiscale :

  •  il faut une mesure fiscale : il faut que ce soit une charge perçue au profit de l’Etat ou un de ses démembrements, quel que soit les appellations nationales. Les TEEDD sont comme les droits de douane, il faut compensation entre la perception et le profit de l’Etat. Si la compensation est intégrale = TEEDD. Lorsqu’il y a compensation partielle, ce n’est plus une TEEDD, c’est une perception fiscale.
  •  il faut que la mesure fiscale porte sur des marchandises circulant dans l’UE ou en libre pratique.
  •  il faut un rapport de similitude entre les produits taxés et les produits favorisés. C’est un rapport de substituabilité, de concurrence possible. Ainsi, vin et bière = produits similaires.
  •  il faut qu’il y ait une production nationale qui soit favorisée par la mesure fiscale.

Titre II : LA LIBRE CIRCULATION DES CAPITAUX DANS L’UNION EUROPÉENNE

 Article 8 section II du FMI qui dit qu’il y a une distinction à faire entre les paiements courants et les mouvements réels de capitaux. Les paiements courants sont les flux financiers qui correspondent à des transactions sous-jacentes. Lorsqu’il n’y a pas de transaction sous-jacente, il y a mouvement de capital. Les paiements courants sont libéralisés et sont libres dans l’espace européen depuis que le traité de Rome est applicable. Les mouvements de capitaux = tout ce qui n’est pas paiements courants.

S 1/ La définition des mouvements de capitaux

 Cette notion est spécifique en droit communautaire parce qu’elle doit être combinée avec une autre notion propre au droit communautaire qui est la liberté d’établissement, c’est-à-dire notamment le droit d’accéder à la gestion et à la direction des entreprises. Il faut distinguer établissement qui permet de la prise de contrôle du mouvement de capitaux c’est-à-dire opération de classement. Mais cela dépend des cas : parfois 25% c’est de l’établissement et parfois simple mouvement de capitaux. La CJCE dit qu’en fonction du cadre du litige, on se réfère tantôt à la liberté d’établissement tantôt au mouvement de capitaux. Arrêt du 4 juin 2002 sur les Goldenshares : actions dorées. Lorsque l’Etat privatise des entreprises = elle met en vente en bourse les actions. L’Etat se retrouve à 10% mais dit qu’il pourra toujours avoir une influence. S’est posé la question du régime applicable : liberté d’établissement ou mouvement de capitaux ? Cela dépend de l’objet du litige.

S 2/ Le régime des capitaux dans l’espace européen

 Il y a un principe de liberté tempérée par le test de l’Intérêt Général.

  •          1. Principe de liberté

 Liberté de mouvement de capitaux acquise depuis traité de Rome aussi bien dans les rapports intracommunautaires que dans les rapports entre les Etats communautaires et les Etats tiers.

Cette liberté est donc d’applicabilité directe c’est-à-dire que les ressortissants peuvent la faire valoir vis-à-vis de leurs autorités. Applicabilité au moins verticale. Arrêt Emilio Sanz de la CJCE du 14 décembre 94. Toute restriction est a priori une entrave donc a priori contraire au droit communautaire. Une simple déclaration : formalité = entrave la liberté de circulation des mouvements de capitaux.

  • 2. L’application du test de l’Intérêt Général en matière de mouvement de capitaux

 Certaines mesures restrictives de la liberté de circulation des mouvements peuvent être rachetées par ce test bien que l’article 56 ne le dise pas. Arrêt Konle du 1er juin 1999. Une bonne application du test de l’Intérêt Général a d’ailleurs été donnée sur les Goldenshares par arrêts du 4 juin 2002. La CJCE dit qu’il n’y a pas d’harmonisation. Il peut y avoir des Intérêts Généraux pour contrôler ou influencer sur des entreprises stratégiques mais il ne faut pas que ce soit des intérêts économiques. Il faut que ce soit des intérêts non économiques : par ex, maintien d’un approvisionnement sûr en hydrocarbure des consommateurs, régularité des approvisionnements, sécu des installations… Cependant, le problème a buté sur le principe de proportionnalité et tout a alors dépendu des législateurs nationaux (subtil et prudent ou non). Ou la législation tient vraiment compte de l’Intérêt Général, c’est-à-dire qu’il y a dans la législation nationale un intérêt clairement défini, des raisons spécifiques qui va déclencher la réaction de l’Etat titulaire de sa goldenshare. Dans ce cas, c’est bon car pas d’arbitraire. En revanche, si écrit seulement « Le Premier Ministre peut prendre toute mesure en vertu de la goldenshare pour l’Intérêt Général », il y a arbitraire.