La loi dite ordinaire se distingue des lois constitutionnelles, lesquelles visent à modifier ou établir la Constitution et ont une valeur supérieure. Ces dernières peuvent être adoptées par référendum ou par le Congrès (réunion du Sénat et de l’Assemblée nationale). La loi ordinaire, en revanche, est l’outil principal pour encadrer les activités courantes au sein de l’État.
Tableau récapitulant la loi dans le système juridique français
Aspect de la loi |
Définition et processus |
Problèmes modernes |
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Règle générale, abstraite, votée par le Parlement, applicable à tous |
Distingue loi au sens matériel (général) et formel (votée) |
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Initiative gouvernementale ou parlementaire, promulguée par le président, publiée au Journal Officiel |
La prolifération législative entraîne une surcharge légale |
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Régit certains domaines spécifiques (libertés, état civil, nationalité), délimité par l’article 34 de la Constitution |
La codification est utilisée pour stabiliser et organiser le droit |
- Rédaction et qualité normative
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Doit être claire, précise et avoir une portée normative |
Lois modernes critiquées pour leur technicité excessive ou leur manque d’impact réel |
A. La notion de loi
La notion de loi se décline en deux sens : matériel et formel.
a. Loi au sens matériel et formel
Liste des autres articles :
- Au sens matériel, la loi correspond à une règle générale, abstraite, obligatoire et permanente. Elle établit un cadre qui s’applique à l’ensemble des citoyens, sans distinction individuelle.
- Au sens formel, la loi est un acte voté par le Parlement. C’est l’article 4 de la Constitution qui confère au Parlement le pouvoir d’édicter les lois. La loi, en tant qu’acte législatif, suit une procédure clairement définie.
b. La procédure législative
La procédure législative débute généralement avec une initiative du gouvernement, sous forme de projet de loi. Toutefois, les parlementaires peuvent aussi proposer des propositions de loi. Quelle que soit son origine, le texte doit être voté par les deux assemblées (Assemblée nationale et Sénat) dans les mêmes termes.
Une fois votée, la loi passe à l’étape de la promulgation, qui est l’acte par lequel le président de la République la rend exécutoire. Cette promulgation doit intervenir dans un délai de 15 jours après l’adoption définitive du texte.
La loi doit ensuite être publiée au Journal Officiel (JO) pour être portée à la connaissance de tous. Cet acte de publication officialise l’entrée en vigueur de la loi, illustrant le principe bien connu « nul n’est censé ignorer la loi ». Selon l’article 1er du Code civil, la loi entre en vigueur à la date qu’elle fixe ou, à défaut, le lendemain de sa publication.
c. L’abrogation de la loi
Une loi cesse d’être en vigueur lorsqu’elle est abrogée. L’abrogation peut intervenir de deux manières :
- Par une nouvelle loi, adoptée par le Parlement, qui dispose du pouvoir de créer et de supprimer des lois.
- Par la censure du Conseil constitutionnel, qui, lorsqu’il déclare une loi inconstitutionnelle, entraîne automatiquement son abrogation.
B. Le domaine de la loi ordinaire
Dans les constitutions antérieures à la Ve République, la loi avait un champ d’application général, régulant toutes les activités, sans distinction de domaine. Le règlement, qui émane du pouvoir exécutif, n’avait qu’une fonction d’exécution des lois, en veillant à respecter scrupuleusement les dispositions législatives. Cette situation conférait à la loi une omnipotence qui limitait le rôle du règlement.
Cependant, la Constitution du 4 octobre 1958, qui a instauré la Ve République, a modifié cette répartition des pouvoirs. Elle a réduit l’influence du Parlement en mettant fin à la toute-puissance de la loi et en assignant des domaines distincts à la loi et au règlement. L’article 34 de la Constitution détermine les matières réservées à la loi, tandis que l’article 37 précise que tout ce qui n’appartient pas à ces matières législatives relève du domaine réglementaire. Ainsi, les matières législatives deviennent l’exception, et les matières réglementaires, la règle.
Répartition des compétences législatives
L’article 34 définit deux types de compétences législatives :
- Domaine entièrement législatif : Ici, la loi a le pouvoir de fixer directement les règles complètes. Le législateur a une compétence totale, incluant la définition des principes et leurs modalités d’application. Cependant, le législateur peut laisser au pouvoir réglementaire la tâche de préciser les détails. Ce domaine englobe des sujets tels que les libertés publiques, la nationalité, l’état des personnes, les régimes matrimoniaux ou encore les successions.
- Domaine partiellement législatif : Dans ce cas, la loi se limite à déterminer les principes fondamentaux, laissant au pouvoir réglementaire le soin de les mettre en œuvre. Ce partage concerne surtout les domaines économiques et sociaux, comme le droit des biens et le droit des obligations.
Le rôle du Conseil constitutionnel
Le Conseil constitutionnel veille à la bonne répartition des compétences entre les autorités législatives et réglementaires. Il assure que le législateur ne dépasse pas ses attributions en empiétant sur le domaine réglementaire, et inversement. Il joue un rôle crucial dans le respect de cette séparation des pouvoirs, garantissant que chacun respecte les prérogatives qui lui sont attribuées par la Constitution.
D. La rédaction des lois
L’art de rédiger des lois exige une attention méticuleuse. Une simple virgule mal placée peut engendrer des difficultés d’interprétation. Pour être efficace, la loi doit être simple, claire, précise, et concise. Cependant, les lois contemporaines souffrent d’un style bureaucratique hérité des luttes d’intérêts et des compromis au sein des assemblées parlementaires, ce qui peut aboutir à des incohérences.
Dégradation du style législatif
L’idéal de la loi est souvent associé à la clarté du Code civil de 1804 (CC), dont la rédaction pragmatique et limpide explique sa longévité. Cependant, les VIe et Ve Républiques ont adopté un langage technique, souvent obscur, imprécis, et verbeux. De nos jours, la qualité de la rédaction des lois a considérablement baissé, au point que l’on parle de déclin ou de crise de la loi.
Deux tendances contradictoires
- Lois trop détaillées : Certaines lois modernes entrent dans des détails extrêmes, ce qui les rapproche des règlements. Ces lois sont qualifiées de lois obèses ou lois supermarché en raison de leur tendance à tout réguler minutieusement.
- Lois sans portée normative : À l’inverse, certaines lois sont de simples déclarations d’intention ou de principe, sans créer de véritables obligations juridiques. Ce phénomène est appelé droit mou ou droit à l’état gazeux, où les lois n’ont pas de réel impact normatif.
Exemple de loi non-normative
Un exemple typique est l’article d’une loi qui stipule que l’objectif de l’école est la réussite de tous les élèves. Une telle disposition n’a pas de caractère normatif et a d’ailleurs été censurée par le Conseil constitutionnel pour cette raison. De même, la question de savoir si les lois dites mémorielles, comme celle reconnaissant le génocide arménien, restent dans le cadre des fonctions de la loi est débattue.
Durcissement du Conseil constitutionnel
Face à ces abus, le Conseil constitutionnel a renforcé son contrôle en affirmant que la loi doit énoncer des règles et avoir une portée normative. Désormais, il censure les dispositions qui n’ont pas d’impact normatif clair ou qui sont manifestement inexistantes. L’idée est que « la loi qui gesticule et n’ordonne rien, n’est pas une loi ».
La prolifération législative
En plus d’être mal rédigées, les lois modernes se multiplient de façon excessive, compensant un manque de mœurs consensuelles pour réguler certaines relations sociales. Ce phénomène traduit une perte de confiance en d’autres techniques de régulation sociale.
La codification comme remède
Pour faire face à l’inflation législative et à la crise de la loi, la codification apparaît comme un remède permettant de mieux organiser et stabiliser le droit, tout en réduisant la prolifération des lois mal conçues.
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