L’ordre public et application de la loi étrangère

L’ordre public en droit international

L’ordre public international est un mécanisme qui permet de s’opposer aux effets d’une norme étrangère s’ils sont contraires aux valeurs essentielles du for. L’ordre public est un concept clé en droit international privé. Il désigne un ensemble de règles et de principes fondamentaux qui reflètent les valeurs essentielles d’une société et qui sont considérés comme étant si importants qu’ils ne peuvent être compromis ou ignorés. L’ordre public s’applique également aux situations internationales, c’est-à-dire aux situations où des éléments de rattachement tels que la nationalité ou le lieu de résidence des parties impliquées dans une affaire sont situés dans différents pays.

En droit international privé, l’ordre public peut être invoqué pour refuser l’application d’une loi étrangère à une situation internationale. Cela peut se produire lorsque l’application de la loi étrangère entraînerait une violation flagrante de l’ordre public du pays où la décision doit être rendue. Par exemple, si une loi étrangère autorise une pratique considérée comme contraire aux droits de l’homme ou à l’éthique, cette loi pourrait être écartée par un tribunal français en raison de sa contrariété à l’ordre public français.

L’ordre public est à la fois perturbateur du mécanisme conflictuel mis en place, mais aussi de la solution mise en place par le système.

L’ordre public est un mécanisme d’éviction de la loi étrangère qui permet de revenir à la loi française.

L’application de la loi étrangère désignée par la règle de conflit peut se révéler être choquante au regard des lois et des conceptions du for. Dans ce cas, si le droit étranger choque nos conceptions profondes, le juge saisi déclenchera le mécanisme de l’ordre public, qui dans un premier temps évincera la loi étrangère, et qui dans un second temps substituera le droit du for pour combler le vide laissé par l’éviction du droit étranger.

L’impression de malaise est accentuée par le fait qu’il est très difficile de savoir quand et pourquoi le juge fera fonctionner l’ordre public.

Il faut donc essayer de définir l’ordre public, de voir son domaine d’intervention, son intensité, sa (ou ses) fonction(s), en ayant pour idée que si on essaye de préciser tous ces contours, c’est pour diminuer son jeu et en faire une simple soupape de sécurité.

L’ordre public du for ne réagit que quand le for est concerné, c’est-à-dire quand le problème juridique à résoudre a des liens avec le for. En effet, l’ordre public n’a pas pour fonction de condamner de façon absolue le droit étranger, mais de voir en quoi une loi étrangère peut avoir un impact négatif sur notre ordre juridique français.

Le juge français ne portera pas un jugement de valeur global sur la loi étrangère, il ne le fera que s’il existe un risque de choquer la conception du for.

Dans un premier temps, l’appréciation de l’ordre public était présentée in abstracto, et la jurisprudence est passée à une appréciation in concreto de l’ordre public. Ce n’est pas une loi étrangère abstraite et générale qui est visée, mais c’est la solution juridique que le droit étranger donne au problème litigieux.

On va tenter de localiser en France par différents points de rattachement (domicile, lieu de naissance, acte juridique quelconque…). Mais cette localisation ne devrait pas se faire par la nationalité française. Or, cette même nationalité a une grande influence sur le jeu de l’ordre public.

1°) À propos de ces liens spatiaux, la jurisprudence a depuis longtemps utilisé la notion de l’effet plein et de l’effet atténué de l’ordre public.

Arrêt «Rivière» du 17 avril 1953 : cette affaire concerne deux personnes mariées dont l’une était française, et elles ont divorcé à l’étranger, alors que pour la situation, le divorce n’aurait pas été admis en France. La question qui peut alors se poser est de savoir si quand le français revient en France, il peut se remarier. Cet arrêt a distingué l’effet plein de l’effet atténué de l’ordre public : «La réaction à l’encontre d’une disposition contraire à l’ordre public n’est pas la même suivant qu’elle met obstacle à l’acquisition d’un droit en France, ou suivant qu’il s’agit de laisser se produire en France les effets d’un droit acquis sans fraude à l’étranger et en conformité de la loi ayant compétence en vertu de la loi française».

Dans cet arrêt, il fallait reconnaître le divorce acquis à l’étranger et lui laisser produire des effets en France.

La question s’est aussi posée pour la polygamie : faut-il l’admettre en France ? Toujours en se basant sur la distinction entre l’effet plein et l’effet atténué de l’ordre public la Cour de cassation s’est prononcée en la matière : des époux ne peuvent pas contracter un mariage polygame en France (effet plein), mais on reconnaît les effets d’un mariage polygame célébré à l’étranger (arrêt «Chamouni» du 28 janvier 1958). Est-ce qu’une deuxième épouse mariée dans le cadre d’un mariage polygame peut prétendre à une créance alimentaire en France en tant qu’épouse légitime ? Oui, car on reconnaît l’effet d’un mariage polygame célébré à l’étranger.

Mais ce ne fut pas le cas dans une affaire du 17 février 1982 en présence d’un mariage polygame, et où une épouse (la deuxième) est revenue en France (elle a la double nationalité française algérienne) : peut-on lui accorder la qualité de veuve ? la réponse donnée est négative.

Cependant, il faut bien préciser que la distinction entre l’effet plein et l’effet atténué de l’ordre public n’est pas une garantie de protection de l’ordre public.

Le problème s’est aussi posé avec la répudiation unilatérale : est-elle contraire à l’ordre public français ?

La Cour n’aura pas une appréciation in abstracto, mais au cas par cas, in concreto (arrêt de la Cour de cassation du 3 juillet 2001).

La raison pour laquelle on utilise cette distinction entre effet plein et effet atténué, c’est au nom du droit acquis. La notion d’ordre public atténué est expliquée par la prise en compte de droits acquis. L’application des droits acquis à l’étranger est prévue par les parties, et on doit donc accepter cette situation.

Cette distinction a permis un partage plus cohérent entre le jeu plus excessif de l’ordre public et un jeu plus mesuré de l’ordre public.

2°) On va prendre en compte le facteur temps. En effet, l’ordre public est un ordre public évolutif, les mœurs, les politiques législatives évoluent, et le juge réagira en fonction de l’ordre public actuel (principe de l’actualité de l’ordre public). => D’où ce caractère variable de l’ordre public qui ajoute au caractère un peu arbitraire de l’ordre public.

3°) Est-il possible en tenant compte des fonctions de l’ordre public de tracer des contours plus précis à cet ordre public ?

Pas plus, car les fonctions de l’ordre public sont multiples.

1ère fonction : l’ordre public est un ordre public de réaction. En effet, le juge va avoir une réaction contre une réaction qu’il juge injuste.

Par exemple : les nationalisations en Russie dans les années 1910, en Espagne sous la période Républicaine, ou encore en Algérie (avec la nationalisation des compagnies pétrolières).

Chaque fois, la jurisprudence française a la même réaction : la nationalisation a été contraire à l’ordre public français, car chaque fois, elle contrevenait au droit de propriété français, et car elle intervenait sans indemnité juste et préalable.

Quelques fois, c’est différent : dans les années 50, il y eu une exposition à Paris d’une rétrospective de Picasso. Au cours de cette exposition, de nombreuses toiles ont été prêtées par le musée de l’Hermitage en Russie. Cependant, les anciens propriétaires (qui s’étaient vus contraindre de céder ces toiles au musée) ont voulu profiter de cette exposition pour tenter de récupérer leurs anciens tableaux. Ils ont alors intenté une action en justice. Le 12 juillet 1954, le tribunal de la Seine s’est prononcé et les a débouté : «l’urgence et la gravité du trouble […] acquis depuis plus de trente ans ne commandait pas leur mise sous séquestre» (afin d’éviter un conflit diplomatique avec l’union soviétique au lendemain de la seconde guerre mondiale et en pleine guerre froide, la juridiction française a préféré ne pas remettre en cause la politique de la Russie).

2ème fonction : l’ordre public de promotion : souvent, on a un ordre public qui défend le fondement de notre société, les principes considérés comme essentiels (l’égalité homme/ femme, la laïcite, la monogamie…).

L’ordre public de promotion a un rôle dynamique, qui va très souvent essayer de promouvoir l’égalité entre les époux, le droit de propriété (pour la nationalité par exemple).

Dans l’arrêt «Bendola» du 28 juin 1973, la Cour de cassation prône l’égalité Homme/ femme en matière d’adultère.

3ème fonction : l’ordre public peut aussi viser à défendre des politiques législatives : on s’aperçoit que chaque ordre juridique veut imposer les solutions qu’il préconise.

Dans le droit positif, on a des exemples de l’ordre public étranger : la Convention de Rome du 19 juin 1980 en matière d’obligation contractuelle va faire jouer l’ordre public étranger dans l’article 5-2 (protection des consommateurs : c’est l’ordre public du lieu de résidence habituelle du consommateur qui sera appliqué), et à l’article 6-1 en matière de droit du travail (ordre public du lieu habituel du travail qui sera appliqué).

Toutefois, nous vivons aujourd’hui une époque où une certaine uniformisation des relations juridiques est observée. En effet, les mœurs évoluent dans les pays. On note par conséquent un certain recul général de l’ordre public. D’ailleurs, l’ordre public international n’est pas l’ordre public interne. Il est en effet plus étroit que l’ordre public interne.

La réaction est moins forte du fait de la nécessaire coordination des systèmes.

Et d’ailleurs, en commerce international, l’ordre public international a tendance à disparaître, et de ce fait, on va voir émerger un ordre public transnational. Cet ordre public est plutôt un mode d’organisation du marché imposé par les acteurs eux-mêmes du marché.

Il est très difficile pour les parties de prévoir le jeu de l’ordre public, puisque l’ordre public est de type réactionnel. Un auteur a même parlé du juge en matière d’ordre public. Un auteur a même parlé du juge en matière d’ordre public. Les auteurs ont parlé de «paragraphe de caoutchouc» ou de «formule louche» en parlant de l’ordre public.

L’ordre public est le produit de la souveraineté des États. C’est l’expression de cette souveraineté, de la notion de politique législative. Ce n’est pas un hasard si en matière de mondialisation, l’ordre public s’évanouit.

  • 2 : Les effets de l’ordre public

Effet négatif : L’ordre public va évincer la loi étrangère désignée par la règle de conflit française.

La loi du for a une compétence illimitée à s’appliquer et à régir toutes les questions juridiques qui lui sont posées. Ainsi, la loi du for vient se substituer au vide juridique laissé par la loi étrangère.

La loi du for a une compétence subsidiaire à s’appliquer.

En principe, la substitution se fait dans la mesure exacte de l’éviction, pour éviter que la loi du for soit trop envahissante et pour cantonner l’ordre public. Toutefois, parfois, la substitution peut aller au-delà de l’éviction pour rendre la solution cohérente.

Il existe d’autres systèmes, tel que le système Allemand. Avec ce dernier, on va regarder dans la loi du for s’il n’y a pas de mesure proche de celle qui a été évincée.

Toutefois, il y a des cas où le droit Français perd la maîtrise de ces cas : c’est le cas notamment des nationalisations algériennes :

Idée dans ce domaine reflète un problème immobilier : la règle de conflit est le lieu de la situation de l’immeuble. Ainsi, normalement, on doit appliquer la loi Algérienne. Mais l’Algérie a nationalisé sans indemnité juste et préalable les immeubles en cause.