Le mariage en droit musulman

Le mariage en droit musulman

L’union légale est le mariage. Le mariage est un contrat qui institue entre un homme et une femme un statut juridique influencé par des intérêts sociaux qui sont de nature aussi bien morale que religieuse.

Le mariage est-il encore une vente comme dans l’Arabie préislamique ? Le mariage est une vente dans la mesure où il est lié au versement d’une dot que le mari verse à la famille de sa femme. On trouve par exemple dans un verset du Coran : « donnez spontanément leur dot à vos femmes ». Il y a dans la tradition relative à la vie du prophète et dans les croyances populaires l’idée qu’il ne peut pas y avoir de mariage sans dot. Au Maroc par exemple, il y a cet exemple : « la dot ouvre l’utérus ». En Algérie, il y a l’idée que les actes de mariage seraient translatifs de propriété.

L’assimilation du mariage à une vente paraît exagérée. Il y a en effet une analogie mais pas une identité entre la dot et la vente et encore moins entre l’union conjugale et la vente.

L’union libre est illicite en droit musulman. Pour que les rapports soient licites, un homme a le choix entre acheter une esclave ou se marier dans les sociétés esclavagistes du début de l’islam. Si l’homme a acheté une esclave, il doit seulement pourvoir à son entretien. Si l’homme a épousé une esclave, elle va bénéficier du partage du mari entre épouses et hérite de lui s’il décède. L’homme ou la femme libre ne peuvent épouser leur propre esclave.

Si un homme libre a épousé une esclave, et s’il devient par héritage propriétaire de cette esclave, le mariage est dissout. Le mariage est exogamique, à l’extérieure de la famille. La dot est une indemnité pour la perte provisoire qu’un groupe subi. Il y aurait par conséquent dans la conception islamiste du mariage une transformation profonde par rapport à la situation antérieure. On serait passé d’une société patriarcale à une société dans laquelle la famille serait une famille conjugale du même type que la famille du Code civil français. Vision raccourcie et schématique (le projet du prophète n’était pas d’aboutir au Code civil).

1. La formation du mariage en droit musulman

a) Les conditions de validité du mariage en droit musulman

Ces conditions de validité du mariage impliquent une absence d’empêchement et impliquent également la manifestation d’un consentement.

L’absence d’empêchement

Ces empêchements peuvent être des empêchements permanents ou des empêchements temporaires.

Les empêchements permanents sont liés d’abord à la parenté par le sang ou par le lait. Ce point est l’une des particularités du droit musulman. La parenté par le sang ou par le lait vaut interdiction en vertu d’un verset du Coran : vous sont interdites vos mères, filles, sœurs, etc. Assimilation de la parenté par le sang et de la parenté par le lait. Conception de l’inceste extrêmement large. Ces dispositions se retrouvent dans les codes contemporains. Dans le Code de la famille marocain, art. 38, al. 1er : « l’allaitement entraîne les mêmes empêchement que la filiation et la parenté par alliance ». Le Code de la famille algérien dans son art. 24 énonce le même principe. Les art. 27, 28 et 29 complètent ces dispositions. Le Code du statut personnel tunisien dans son article 14 indique aussi le même principe en ajoutant le triple divorce. L’art. 17 énonce aussi le même principe. Série de dispositions dans les codes contemporains. La question se pose aussi de l’adoption.

Dans la société préislamique, l’adopté devenait le fils de l’adoptant et sa femme la bru de l’adoptant. Mahomet a désiré épouser la femme de son fils adoptif et depuis il n’existe plus de droit à l’adoption en droit musulman sauf dans le droit tunisien. Le dernier empêchement permanent est fondé sur la parenté par le sang et par le lait. Il existe aussi des interdictions fondées sur l’alliance : un homme ne peut épouser la fille ou la mère de sa femme. Le Code de la famille tunisien dans son article 16 indique qu’est prohibé le mariage de l’homme avec les ascendants de sa femme et ses descendantes. Art. 26, Code de la famille algérien, relève du même esprit.

Il existe des empêchements temporaires. Ces empêchements temporaires peuvent être d’abord des empêchements religieux. Il en est ainsi lorsqu’un des époux n’est pas musulman. Le musulman lui peut épouser une juive ou une chrétienne mais la musulmane ne peut pas épouser un non-musulman.

Il en résulte des dispositions dans certaines législations contemporaines : art. 31, al. 1, Code de la famille algérien, « la musulmane ne peut épouser un non musulman », semble avoir été modifié par une ordonnance de 2005 selon laquelle le mariage des Algérien(ne)s avec des étrangers des deux sexes obéit à des dispositions réglementaires, la formulation ne signifie pas nécessairement qu’on ait instauré la liberté du mariage. Deuxième empêchement temporaire : l’homme qui a déjà 4 épouses doit en répudier une s’il veut prendre une nouvelle femme. Ce précepte ne s’est pas appliqué au prophète.

Autre empêchement : on ne peut pas épouser en même temps deux sœurs. Enfin, il y a la retraite de continent qui répond au nom d’idda istibra, imposée à la femme en cas de répudiation, de divorce ou de décès de son mari. Façon d’éviter la confusion. Dispositions sage, s’impose seulement si le mariage a été consommé et cette retraite ne s’impose pas si le femme revient à son mari antérieur. Les codes contemporains accordent d’assez longues dispositions précises à cette règle. Art. 59 du Code de la famille algérien : la veuve doit respecter un délai de 4 mois et demis sauf si elle accouche avant. La femme répudié ou divorcé doit respecter une durée de trois périodes menstruelles.

Enfin, une disposition qui relève aussi des interdictions temporaires : lorsqu’une femme fait l’objet d’une triple répudiation par son mari, elle ne peut l’épouser à nouveau sauf si entre temps elle a épousé quelqu’un d’autre et à condition que ce deuxième mariage ait été consommé. Il y a des dispositions sur ce point dans les codes contemporains. Art. 51, Code de la famille : « tout homme ayant divorcé de son épouse par trois fois successives ne peut la reprendre qu’après qu’elle se soit marié avec quelqu’un d’autre ». Art. 39 (Maroc). Art. 19 (Tunisie). Film : À la recherche du mari de ma femme (bijoutier de Fes marié à 3 épouses qui appartiennent à 3 générations différentes, la plus jeune l’agace par son comportement et il finit par la répudier 3 fois et puis il se rend compte qu’elle lui manque et qu’elle manque à l’équilibre familial mais il ne peut la reprendre que si entre temps elle trouve un autre mari et consomme ce mariage avec ce nouveau mari puis s’en sépare). Il est impossible d’épouser sa propre esclave mais il est possible d’épouser l’esclave d’un autre.

Le consentement au mariage selon le droit musulman

Ce consentement est considéré comme possible dès la puberté. Il y a cependant une possibilité qui semble emprunter aux institutions préislamiques. Elle n’apparaît en effet ni dans le Coran, ni dans la Suna, c’est le droit de djabr. Droit de contrainte matrimoniale qui permet de contraindre un impubère au mariage. L’intérêt de ce mécanisme serait d’assurer à l’enfant une union avantageuse et de créer éventuellement pour lui un attachement affectif. Il y a cependant dans les effets de ce mécanisme une différence entre l’homme et la femme.

L’homme pourra répudier sa femme si elle ne lui convient pas tandis que la femme ne pourra pas le faire. Le droit à la contrainte matrimoniale appartient au père de l’enfant et éventuellement à l’aïeul paternel. Ce droit peut être exercé dès que l’enfant a quelques jours. L’expression du consentement n’est pas en principe un droit total pour la femme et c’est une différence avec le droit occidental. C’est ainsi que le code de la famille algérien dispose dans son article 9 : « le mariage est contracté par le consentement des futurs conjoints, la présence du tuteur matrimonial, des deux témoins et la constitution d’une dot ».

L’art. 11 : « la conclusion du mariage pour la femme incombe à son tuteur matrimonial qui est soit son père, soit le juge. Le juge est tuteur matrimonial de la personne qui n’en a pas ». Art. 12 : « Le tuteur matrimonial ne peut empêcher la femme de se marier si elle le désire et si cela lui est profitable ». « Le tuteur matrimonial ne peut marier la femme sans son consentement (art. 13). L’art. 25 du Code marocain : « La femme majeure peut contracter elle même son mariage ou déléguer à cet effet son père ou l’un de ses proches ». Code tunisien : permet à la femme de se marier en personne.

La dot en droit musulman

La dot versée par le mari à la femme ou à la famille de la femme est une condition de validité du mariage. Cette dot doit être réelle, pas de système de compensation financière. Dans la plupart des codes, cette dot est un élément constitutif du mariage. Il y a par exemple dans le code tunisien un art. 13 qui est le suivant : « le mari ne peut s’il n’a pas acquitté la dot contraindre la femme à la consommation du mariage ». L’alinéa suivant indique : « après la consommation du mariage, la femme créancière de sa dot ne peut en réclamer le paiement ». Disposition assez comparable dans l’art. 33 du Code algérien : « contracté sans la présence du tuteur matrimonial, les deux témoins ou la dot, le mariage est entaché de nullité avant la consommation et n’ouvre pas droit à la dot ».

Les formes du mariage en droit musulman

Le mariage se fait par échange de consentements devant deux témoins qui doivent être pubères, libres et musulmans de sexe masculin. Il y a un formalisme assez simple par rapport au droit occidental. Le consentement doit émaner de la partie contractante ou de son mandataire. Le consentement est un consentement verbal sauf pour la femme vierge qui peut garde le silence, un muet peut s’exprimer par signes et s’il y a éloignement de l’une des parties, elle peut s’exprimer par écrit. Le consentement peut être exprimé aussi par un mandataire.

b) Les nullités du mariage en droit musulman

 Le mariage est nul s’il y a un empêchement légal lié par exemple à l’allaitement. Le mariage est nul aussi s’il y a une incapacité d’un des conjoints du fait d’un des mariages précédents (si la femme épousée se trouvait en retraite de continence par exemple). Le mariage serait nul aussi entre un patron et son esclave qui n’aurait pas été affranchi. Le mariage d’un musulman avec une femme polythéiste serait nul également. Dans tous ces cas, le cadis prononce la nullité sans qu’il soit besoin pour le mari de répudier sa femme. Même si le mariage est nul, il peut y avoir en cas de consommation de ce mariage nul une paternité et cette paternité est attribuée au mari. Les codes contemporains ont repris ces questions : art. 58 (Maroc), « après consommation, le mariage nul donne un droit à la filiation et entraîne les empêchements au mariage dus à l’alliance », apostasie du conjoint comme cause de nullité aussi dans ce Code ; art. 34 (Algérie).

2. Les effets du mariage et dissolution du mariage

Effets et dissolution du mariage en droit musulman

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