Mesure d’ordre intérieur, circulaire, directive (actes administratifs)

Les différentes types d’acte administratif unilatéral : Mesure d’ordre intérieur, circulaire, directive

L’acte administratif unilatéral (AAU) n’est pas seulement celui qui porte le caractère d’une décision, mais aussi l’acte dont les effets sont tournés vers l’extérieur de l’administration. Traditionnellement, les actes pris dans le cadre exclusif de la « vie intérieure des services publics » (Rivero) n’étaient pas considérés comme des AAU, mais comme de simples mesures internes ne faisant pas grief. La jurisprudence a évolué récemment à l’égard des mesures d’ordre interne et depuis plus longtemps à l’égard des circulaires et des directives.

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  1. 1) Mesures d’ordre intérieur (MOI)

La MOI n’affecte pas des situations juridiques, elle est trop faible. Ce sont des faits négligeables sur la situation des agents, des tiers ou des usagers. Il leur manque la qualité du grief. Elles sont insusceptibles de recours. La mesure par laquelle le chef de service affecte un agent à un certain poste, la Mesure d’Ordre Intérieur ne touche pas aux droits de l’argent tant que la fonction affectée correspond à son niveau de qualification. L’affectation d’un étudiant ou d’un élève sont des MOI.

Dans les années 90, la jurisprudence a déplacé la ligne de partage dans le sens d’une limitation plus grande du périmètre des Mesures d’ordre intérieur : on reconnaît de plus en plus de droit aux usagers, aux agents et au tiers.

En 1954 dans l’arrêt Chapou, le proviseur de l’établissement prend une décision dans laquelle il interdit aux filles de porter le pantalon. Dans le domaine de l’école, l’affaire dite du « foulard islamique » a révélé que la tenue vestimentaire, l’apparence extérieure d’un élève n’était pas seulement une affaire de goût (peu protégé par le droit), mais aussi de conviction religieuse ou philosophique (spécialement protégée par le droit constitutionnel à la liberté de conscience).

La disposition du règlement intérieur d’un établissement scolaire prohibant le port du « foulard islamique » dans l’enceinte de l’établissement, ne saurait donc être regardée, à raison de la restriction qu’elle apporte à une droit fondamental, comme simplement d’ordre intérieur : elle est un AAU de caractère réglementaire et susceptible de recours (CE 21/11/1992, Kherouaa).

Un changement s’est manifesté à partir de deux décisions importantes rendues par le CE le 17/2/1995, Hardouin et Marie (GAJA). La punition des arrêts dits de rigueur, infligée à un militaire, n’est plus considérée comme une MOI (Hardouin) ; la « punition de cellule » qui met un détenu pendant plusieurs jours à l’isolement n’est plus une MOI (Marie). Par comparaison, il faut rappeler l’arrêt du 27 janvier 1984, Caillol, qui considérait, au contraire, le placement d’un détenu dans un quartier de haute sécurité (conditions spéciales de détention et isolement) comme une simple Mesure d’Ordre Intérieur.

La catégorie des Mesures d’ordre intérieur existe toujours (punitions dépourvues de tout caractère de gravité, affectation d’un agent à un poste correspondant à ses qualifications, affectation d’un élève dans l’une des classes équivalentes d’un établissement scolaire, d’un étudiant dans tel « groupe de TD » etc.). La tendance de la jurisprudence est d’en restreindre l’étendue. Toutefois, après 1995, certaines mesures, telle que le refus par un directeur d’établissement pénitentiaire d’acheminer un courrier entre deux détenus, dont l’absence de « gravité » est à tout le moins discutable, sont encore qualifiées Mesures d’ordre intérieur (CE 8/12/2000, Frerot). La tendance libérale s’explique notamment par la pression qu’exerce sur le droit français le droit de la Convention européenne des droits de l’homme et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

  1. 2) Les circulaires

C’est un document entre un supérieur et ses subordonnés. C’est un document qui contient des informations, des conseils, mais aussi des instructions. En principe, l’objet des circulaires est d’expliquer la manière dont il faut interpréter et appliquer des textes nouveaux. Cependant, sous couvert d’informations et d’instructions sur l’interprétation et l’application d’un texte, il se peut que dans la circulaire, l’autorité supérieure, introduise des conditions nouvelles, des règles qui ne sont pas dans les textes qu’elle explique et explicite. Il se peut qu’il y ait un règlement, c’est-à-dire que l’autorité administrative supérieure profite de cette occasion d’expliquer un texte au subordonné pour donner instruction à ses subordonnés d’appliquer une règle, dont l’auteur n’est pas celui du texte interprété, mais l’auteur de la circulaire.

En principe, la circulaire est purement interprétative, mais il se peut que dans certaines parties, on trouve de nouvelles règles. Du coup la circulaire à un caractère réglementaire : Arrêt Du Conseil d’État « Institution Notre Dame du Kreisker » de 1954.

Le Conseil d’État impose de distinguer entre circulaire interprétative et les circulaires réglementaires.

Pourquoi cette distinction capitale ?

Parce qu’on ne peut pas comme ça, même pour un chef de service ou un ministre, sans autre forme édicter des règles. Il faut encore qu’il est la compétence pour se faire. La compétence réglementaire n’est pas en principe entre les mains du ministres ou d’un directeur de service quelconque. Peu d’autorités ont la compétence pour édicter un règlement. Un circulaire qui contient des dispositions réglementaires à toutes les chances (pas absolu) d’être illégale. L’autorité a peu de chances d’être compétente.

Lorsque la circulaire est purement interprétative, qu’elle se borne à expliciter un texte, elle n’affecte pas une situation, elle n’est pas un acte administratif parce qu’elle ne modifie par l’ordonnancement juridique.

Si l’autorité profite de la circulaire pour introduire des règles, elle modifie alors l’ordonnancement juridique. La circulaire réglementaire, au moins pour les passages qui ajoutent des règles nouvelles, est un acte administratif.

Si ce n’est pas un acte administratif, le recours pour excès de pouvoir n’est pas recevable. Si la circulaire est réglementaire, alors elle est considérée comme un acte administratif modifiant l’ordre administratif et la demande d’annulation est recevable contre elle comme tout acte administratif unilatéral.

Il y a eu 2 problèmes, 2 cas de figure où on ne savait que faire :

  • Une circulaire interprète et donne une fausse interprétation : la circulaire a l’air d’être interprétative, mais en même temps elle ordonne d’appliquer une réglementation qui a été mal interprétée. Cette circulaire est-elle réglementaire ? Non pour le Conseil d’État.
  • Une circulaire interprète parfaitement le texte et les textes ne sont pas, ne sont plus ou ne sont pas encore applicables : loi contraire au droit communautaire, loi illégale… ; cas d’un texte non applicable. Cette circulaire est-elle réglementaire ? Non.

Arrêt du 18 novembre 2002 du Conseil d’État arrêt Duvignères est l’arrêt de revirement à l’arrêt précédemment cité. Ce nouvel arrêt substitut une nouvelle distinction : circulaire impérative et circulaire non impérative.

La circulaire impérative donne instruction, ordonne aux subordonnés de la suivre. C’est l’exercice d’un pouvoir d’instruction. Le fonctionnaire qui n’obéit pas à l’instruction du supérieur commet une faute. La désobéissance à l’ordre supérieur hiérarchique est, en principe, sauf illégalité manifeste, une faute soumise à sanction disciplinaire.

Cet arrêt affirme que toute circulaire impérative quelque soit sa substance (interprétative ou non) est reconnue comme un acte administratif susceptible de recours.

En revanche, la circulaire non impérative, qui se borne à donner un conseil, n’ayant aucun caractère de décision, n’ayant aucun effets extérieurs à l’administration, sont insusceptibles recours car ce ne sont pas des actes administratifs.

La circulaire est-elle attaquable ?

Il faut distinguer entre la possibilité de faire un recours et la question de savoir si elle est légale ou non. Il faut pour la déclarer illégale, que le juge, ayant déclaré recevable le recours, fasse le test de sa légalité. Le juge vérifiera et procédera à un examen sur le fond pour la déclarer légale ou illégale.

Si la circulaire est impérative, mais qu’elle est purement interprétative, cette circulaire est légale. Au sens de l’ancienne jurisprudence, elle est réglementaire. Donc, si la circulaire est réglementaire, le juge examinera si l’autorité qui édicte la circulaire avait la compétence réglementaire. Si oui, il n’y a aucune raison de l’annuler. Il examinera si la circulaire ne va pas au-delà des textes supérieurs. La circulaire réglementaire n’est donc pas nécessairement illégale, mais elle a des chances de l’être.

Si la circulaire est interprétative et qu’elle donne une mauvaise interprétation obligatoire, cette circulaire est illégale. Et, il en va de même pour un texte qui était illégal.

  1. 3) Les directives

Arrêt Crédit Foncier de France du 11 décembre 1970 du Conseil d’État.

La directive ne se distingue pas extérieurement de la circulaire. La circulaire comme la directive ne porte pas leur nom sur le papier.

La directive est un moyen de communication entre une administration supérieure et une administration subordonnée. La directive intervient pour orienter le pouvoir des administrations subordonnées lorsque celles-ci sont investies par la réglementation applicable d’une certaine liberté de choix : les textes confèrent à l’administration un pouvoir discrétionnaire. L’administration peut prendre, on ne pas prendre une telle direction. La directive uniformise et donne des orientations générales aux administrations qui ont une certaine liberté : c’est une doctrine d’actions.

Cet arrêt affirme que la directive contient une certaine norme. Mais, cette norme est souple, c’est-à-dire que les conditions mentionnées dans la directive ne s’imposent pas inconditionnellement. Ce ne sont pas des normes réglementaires, puisqu’elles s’appliquent.

Quelles sont les raisons qui font que l’on n’applique pas une directive ?

Généralement, les administrations doivent tenir compte des critères, mais c’est une obligation conditionnelle. La directive s’applique dans le cas normal, mais il peut y avoir des spécificités dans le cas individuel qui font qu’on n’est pas obligé d’appliquer la norme. Ne pas appliquer la directive comme un règlement veut dire qu’il faut toujours compte des données su cas individuel.

L’arrêt dit qu’il est possible de déroger à la directive lorsqu’il y a un cas particulier ou un motif d’intérêt général. On fait application de la réglementation, mais il faut tenir compte des données et des conditions individuelles. C’est la règle de l’examen individuel du dossier. Il faut examiner l’ensemble du dossier pour savoir s’il est juste, opportun voir politiquement bon d’accepter ou non le dossier. Lorsque l’administration donne un pouvoir discrétionnaire cela veut dire examiner les conditions légales, mais également le dossier. Un chef de service par directive ne peut enlever le pouvoir discrétionnaire d’une administration accordée par un texte ou une loi. L’administration ne peut pas supprimer un pouvoir discrétionnaire.

La directive contient une norme mais elle n’est pas directement considérée comme un acte administratif. Elle n’est donc pas susceptible de recours. On ne peut pas attaquer une directive directement.

En revanche, on peut attaquer la décision individuelle de l’administrateur et on peut faire valoir 2 types d’arguments contre la directive :

  • la directive est illégale, elle contient des éléments allant à l’encontre des lois en vigueur. On peu soulever l’exception d’illégalité de la directive.
  • La directive est illégale, mais l’application de la directive est illégale : d’après le cas particulier ou d’après l’intérêt général.