Les modes de preuve parfait : écrit, aveu, serment
Dans un système de preuve libre, tous les moyens peuvent être employés pour établir la vérité, et le juge a une liberté totale pour évaluer les preuves présentées. Ce système prévaut principalement dans les domaines pénal, social, et commercial, où le juge dispose d’un large pouvoir discrétionnaire pour accepter ou rejeter les preuves en fonction de leur force convaincante.
En revanche, dans un système de preuve légale, qui s’applique principalement en matière civile, la loi impose au juge les types de preuves à retenir et leur force probante. Ce système introduit une hiérarchie stricte entre les différents modes de preuve, et c’est le législateur qui détermine quel type de preuve doit être utilisé pour prouver un fait ou une prétention particulière. Les principaux modes de preuve dans ce contexte sont la preuve littérale, la preuve par témoin, les présomptions judiciaires, l’aveu et le serment.
Le Code civil répartit ces preuves en deux catégories :
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- Les modes de preuve parfaits sont ceux qui, par leur nature, s’imposent au juge et ne lui laissent pas la liberté d’en apprécier la valeur. Une fois ces preuves présentées, elles sont considérées comme suffisamment fiables pour trancher le litige, sans que le juge puisse les remettre en question. Ces preuves lient donc le juge, ce qui signifie qu’il est contraint d’en tirer les conséquences juridiques.
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I) La preuve littérale ou l’écrit
La preuve littérale, qu’elle soit écrite ou électronique, est privilégiée en droit civil en raison de sa force probante et de sa durabilité. L’écrit est un mode de preuve parfait, souvent exigé par la loi pour prouver ou valider des actes juridiques. La signature, manuscrite ou électronique, garantit l’authenticité de l’écrit. L’acte authentique, rédigé par un officier public, se distingue par une force probante supérieure et une exécution immédiate.
Le Code civil consacre la prépondérance de l’écrit en matière de preuve, le considérant comme le mode de preuve idéal en droit civil. En tant que preuve préconstituée, l’écrit offre une valeur objective et une résistance à l’altération au fil du temps. Pour certaines revendications, notamment les actes juridiques, la loi exige que le plaideur apporte la preuve par écrit, désignée comme écrit ad probationem.
- Pour une information plus complète, voici la fiche consacrée à la preuve littérale :
II) L’aveu
L’aveu est défini comme la reconnaissance par une personne d’un fait ou d’un acte juridique invoqué contre elle. Par exemple, lorsqu’une personne reconnaît ne pas avoir payé une dette, elle fait un aveu. Ce mode de preuve, encadré par l’article 1383 du Code civil, joue un rôle particulier en droit. Il existe deux types d’aveu : l’aveu judiciaire et l’aveu extrajudiciaire, qui diffèrent par leur force probante.
A. L’aveu judiciaire
L’aveu judiciaire est une déclaration faite en justice par une partie ou son avocat, reconnaissant un fait ou une situation juridique contre ses propres intérêts. Cet aveu, considéré comme la reine des preuves, a une force probante très élevée, car il émane directement de la personne concernée. Il a la capacité de lier le juge, même si ce dernier pense que l’aveu ne correspond pas à la réalité. En effet, l’aveu judiciaire a une force telle que le juge est contraint de s’y conformer, quelle que soit son intime conviction.
Cependant, dans le domaine des obligations, l’aveu judiciaire est rarement utilisé, car il n’est pas toujours suffisant pour prouver des créances ou des droits complexes. Mais une fois formulé, cet aveu fait pleine foi et devient irrévocable contre celui qui l’a prononcé.
B. L’aveu extrajudiciaire
L’aveu extrajudiciaire, quant à lui, est une reconnaissance faite en dehors du cadre judiciaire, c’est-à-dire sans qu’il y ait de procès en cours. Cet aveu n’a pas la même force probante que l’aveu judiciaire et sa valeur dépend de la forme qu’il prend :
- S’il est consigné par écrit, il peut avoir la valeur d’un acte sous signature privée ou d’un acte authentique, selon la manière dont il est rédigé et signé.
- S’il est fait de manière verbale, il est assimilé à un simple témoignage, ce qui réduit considérablement sa force probante, le juge pouvant l’accepter ou non en fonction des autres éléments du dossier.
Ainsi, l’aveu extrajudiciaire n’a pas le caractère contraignant de l’aveu judiciaire, et sa force varie selon les circonstances et les preuves qui l’entourent.
III) Le serment
Le serment décisoire est un mode de preuve solennel qui joue un rôle décisif dans le litige. Il est prévu par les articles 1384 et suivants du Code civil et constitue un mécanisme par lequel une partie peut demander à l’autre d’affirmer, sous serment, la véracité de ses affirmations. Le serment est ici une déclaration solennelle, faite à la barre, qui peut mettre fin à la contestation. On parle de serment décisoire car il décide de l’issue du procès.
Dans ce cadre, une partie défère le serment à son adversaire, en lui demandant de jurer que les allégations formulées par cette partie sont fausses. Trois scénarios sont alors possibles :
- Prestation du serment : Si la personne à qui le serment est déféré choisit de prêter serment, elle gagne le procès.
- Refus de prêter serment : Si cette personne refuse de prêter serment, elle perd automatiquement le procès.
- Référer le serment : La personne à qui le serment est déféré peut décider de référer le serment à son adversaire, en lui demandant de prêter serment à son tour pour attester de la véracité de sa propre allégation.
Le serment est qualifié de décisoire parce qu’il met un terme à la contestation en déterminant définitivement l’issue du litige. Le juge, dans cette situation, est contraint de donner raison à celui qui a prêté serment, qu’il s’agisse de l’une ou l’autre des parties, sans possibilité de réévaluation. Ainsi, ce mode de preuve est extrêmement puissant, car il lie entièrement le juge et clôt le débat juridique.