les modifications du régime matrimonial au cours du mariage
La question a été longtemps été dominée par le principe de l’immutabilité du régime matrimonial.
- Régimes matrimoniaux : définition et histoire
- La représentation d’un époux par l’autre (mandat, gestion d’affaire
- La protection du logement de la famille
- L’obligation au paiement des dettes ménagères
- La contribution aux charges du mariage
- L’indépendance des époux dans le régime matrimonial
- La crise dans le fonctionnement du régime matrimonial
- La liberté des conventions matrimoniales
- Le contrat de mariage
- Les modifications du régime matrimonial au cours du mariage
- Le changement de régime matrimonial par contrôle judiciaire
- Le régime légal de la communauté réduite aux acquêts
- Les biens communs
- Les biens propres par origine
- Les biens propres en raison de leur nature
- Les biens propres par subrogation
- La preuve du caractère commun ou propre d’un bien
- La gestion des biens communs (communauté réduite aux acquêts)
- Les actes frauduleux accomplis sur les biens communs
- Les biens propres dans la communauté réduite aux acquêts
- Régime légal : les dettes nées pendant le mariage
- Cours sur le régime de la communauté réduite aux acquêts
- Régimes matrimoniaux : cours sur le régime primaire
La loi du 13 juillet 1965 est venue apporter un changement sérieux : elle n’a pas supprimé le principe mais l’a sérieusement assoupli : si le simple accord des époux ne suffit pas à opérer le changement, le juge peut opérer un tel changement à la demande des époux.
« Le régime demeure conventionnellement immuable, mais il est devenu judiciairement muable. »
Justification traditionnelle de l’immutabilité :
Dans l’ancien droit, les donations entre étaient interdite, or un changement de régime matrimonial peut constituer une manière indirecte de contourner cette règle. Par exemple, des époux sous le régime de la séparation de biens, dans le ménage, un seul a des biens personnels, s’ils passent à la communauté, cela revient à ce qu’il donne la moitié de ses biens à son conjoint.
Le Code civil de 1804 a autorisé les donations entre époux, mais elles étaient révocables, or les donations résultant du régime matrimonial auraient été irrévocables. D’où le caractère de pacte de famille du contrat de mariage : les parents souvent intervenaient dans la rédaction du contrat, dans l’intérêt de leur enfant. Cet aspect s’est aujourd’hui évanoui.
Il faut enfin signaler l’intérêt des tiers : un changement trop libre risque d’induire les tiers en erreur sur les pouvoirs des époux et ainsi sur la validité des actes qu’ils concluent avec les époux.
Quelle est la valeur de ces arguments :
Pour les tiers :
Ce qui est dangereux, c’est un changement occulte : ainsi, une publicité suffirait.
Pour les autres, les arguments ont perdu de leur force, mais pas totalement en 1965 : pour les donations, sous l’effet de l’affection, on peut donner beaucoup trop. Les arguments conservent une partie de leur force, mais une conservation de l’immutabilité absolue est dangereuse car on a pu se tromper de régime ou les époux peuvent avoir besoin d’un autre régime au cours du mariage.
Mais une mutabilité totalement libre était également dangereuse c’est pourquoi le législateur a choisi une mutabilité judiciairement contrôlée.
Le nouveau système fait l’objet de critiques et certains souhaitent qu’on supprime tout contrôle en la matière. Quels sont les arguments en ce sens ?
1er argument : l’aspiration à plus de liberté des époux car le contrôle judiciaire apparaît comme une sorte de tutelle.
2ème argument : il est venu à la suite de l’entrée en vigueur de la convention de la Haye sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux : elle permet aux époux de choisir la règle applicable à leur régime matrimonial. On a dit qu’il en résultait une inégalité entre les couples français et les couples pour lesquels existait un élément d’extranéité : en déterminant la loi applicable, ils peuvent changer de régime sans contrôle judiciaire.
Des rapports récents sur l’opportunité d’une réforme en droit de la famille se sont prononcés pour sa suppression.
3ème argument : tiré de la loi du 26 mai 2004 réformant le divorce : on a modifié le régime des donations entre époux : la libre révocabilité des donations entre époux a été supprimée du moins pour les donations de biens présents : maintenant, elles sont soumises au droit commun (action en justice et démontrer des faits particuliers tels que l’ingratitude du donataire ou la non contribution aux charges du mariage).
Pour les donations de biens à venir, c’est une sorte de testament plutôt et elles restent révocables.
le principe de l’immutabilité du régime matrimonial : l’interdiction des modifications purement conventionnelles
En l’état actuel du droit, un changement purement conventionnel serait un acte nul.
Mais, même en cette matière, le principe connaît un infléchissement.
Section I
les modifications directes du régime matrimonial
La règle peut être déclinée à 3 niveaux :
– la prohibition d’un changement total du régime par simple accord des époux
– l’interdiction de modifications directes mais partielles du régime matrimonial
– un tempérament au profit des tiers.
I – La prohibition d’un changement total du régime pas simple accord des époux
L’article 1396 al 3 pose que « le mariage célébré, il ne peut être apporté de changement au régime matrimonial que par l’effet d’un jugement ».
Néanmoins, on s’est demandé si dans le contrat de mariage, on pouvait affecter le régime matrimonial d’un terme ou d’une condition = hypothèse d’école.
En doctrine, on a généralement répondu, bien que la modification soit dans le contrat de mariage lui-même, que ce n’était pas possible, en invoquant un principe d’unicité du régime.
Il est assez fréquent que dans les contrats de mariage, on prévoie une liquidation différente selon que le mariage est dissout pas décès ou par divorce.
C’est ce qu’on appelle les liquidations alternatives ou les contrats de mariage alter. On avait essayé de dire que cela revenait à affecter le régime d’une condition mais c’est faux. Il n’y a pas d’arrêt de la Cour de cassation, mais la CA de Colmart, le 10 mai 90 (RTDCiv 92 p 172) a admis la validité de ces liquidations alter.
II – L’interdiction de modifications directes mais partielles des régimes matrimoniaux
C’est par exemple lorsque l’on décide que tel bien va devenir un bien commun ou l’inverse : la Cour de cassation, dans un arrêt du 24 novembre 1987 a posé en principe la nullité de telles conventions.
Il est par ailleurs interdit de conclure des conventions de liquidation anticipée de son régime matrimonial (par exemple pendant une période du mariage comme la séparation de fait).
Ces conventions de liquidation anticipées sont nulles.
Mais il existe un assouplissement depuis la loi du 11 juillet 1975 portant réforme du divorce. Si la liquidation anticipée était indiscutablement nulle, après la dissolution du régime, les modes de liquidation étaient libres. Le problème était de savoir si les époux pouvaient alors reproduire leur règlement amiable antérieur (en principe nul). La loi du 11 juillet 1975 a rendu licites les conventions conclues pendant l’instance en divorce, lorsque les conditions des articles 1450 et 1451 sont respectées (l’article 1450 a été déplacé à l’article 265-2 dans le droit du divorce à la suite de la loi du 26 mai 2004).
La condition est alors l’exigence d’un acte notarié s’il y a des immeubles.
Après la dissolution du régime, les modes de liquidation sont libres.
III – Tempérament au profit des tiers : l’immutabilité ne lie pas ceux qui n’ont pas été partie au contrat de mariage
Exemple : dans un régime de communauté, celui qui donne un bien à un époux peut stipuler que ce bien sera commun.
La règle est aujourd’hui admise, avant, on regardait si cela venait d’un héritier…= Cour de cassation 10 juin 1975.
Section II
les modifications indirectes
Les modifications directes étaient les modifications du régime matrimonial par convention.
Les modifications indirectes ont été définies par la Cour de cassation, inspirée d’une formule d’Aubry et Rau, comme les actes qui auraient pour résultat d’altérer le régime matrimonial ou d’en neutraliser les effets réguliers et légaux. Les modifications indirectes du régime matrimonial sont également prohibées.
La question pratique est celle de la validité d’un certain nombre de contrats entre époux.
Cette directive a autrefois conduit la jurisprudence à interdire certains contrats entre époux, ou le législateur à modifier le régime habituel de ces contrats quand ils existaient entre époux.
Au 19e siècle, et dans la première moitié du 20e siècle, un certain nombre de contrats étaient interdits pour cette raison. Or, depuis quelques dizaines d’années, le droit français a connu des évolutions et le principe a été tempéré. L’évolution s’est faite dans le sens de la licéité de certains contrats entre époux.
1er exemple : le mandat entre époux :
Il peut servir à modifier la répartition des pouvoirs organisés par le régime matrimonial (comme le mandat donné par un époux à son conjoint de gérer ses biens propres).
La licéité du mandat entre époux a toujours été admise car il est toujours révocable dans l’atteinte portée aux règles du régime matrimonial est temporaire.
Cette règle est renforcée car l’article 218 du régime primaire fait une règle d’ordre public la révocabilité du mandat.
2e exemple : pour les donations entre époux :
La licéité n’est plus discutée depuis le Code civil de 1804. Mais ces donations étaient toujours révocables librement (article 1096 du Code civil) et c’était une règle d’ordre public.
La loi du 26 mai 2004 vient de changer l’article 1096 : les donations de biens présents entre époux ne sont plus librement révocables, mais seulement en fonction du droit commun des donations : il y a un recul du principe d’immutabilité.
3e exemple : les sociétés entre époux :
La jurisprudence les avait interdites au nom de l’immutabilité du régime. Par exemple, on fait un apport d’un immeuble commun à une société qu’ils ont créée et dont l’un des époux est gérant avec les pleins pouvoirs, l’époux garant peut gérer seul l’immeuble : cela contourne la règle de cogestion de la communauté.
Cette interdiction était pratiquement et économiquement gênante et peu à peu le législateur a renié cette solution pour admettre finalement la pleine validité des sociétés entre époux :
– ordonnance du 19 décembre 1958
– loi 14 juillet 1966 : article 1832-1
– lois de 78 et 82
– loi du 23 décembre 1985 a admis que 2 époux peuvent être associés dans une société où ils sont indéfiniment et solidairement responsables des dettes sociales.
4e exemple : la vente entre époux :
Un texte classique de 1804, l’article 1595 l’interdisait, sous réserve de 3 exceptions qui étaient plutôt des dations en paiement. La justification était la crainte de donations déguisées irrévocables, l’atteinte à l’immutabilité du régime matrimonial.
L’article 1595 a été abrogé par la loi du 23 décembre 1985.
La portée de cette abrogation demeure discutée :
Elle signifie d’abord que la vente entre époux est licite et soumise au droit commun.
La loi du 26 mai 2004 a supprimé la nullité des donations entre époux. Du fait de la soumission de la vente au droit commun, la fraude ou la simulation ne sont plus irréfragablement présumées. Aujourd’hui, il faut les démontrer.
Sous réserve de se conformer aux exigences du droit commun, cette vente ne pose pas de problème pour les biens personnels ou les biens propres vendus (il faut que l’acte soit sincère, c’est à dire qu’il ne constitue pas une donation déguisée).
En revanche, la question est beaucoup plus discutée s’ils entendent réaliser une vente relativement à un bien commun. : par exemple s’ils veulent faire entrer en communauté par une vente un bien propre d’un époux ou l’inverse. Cette opération est-elle possible ? Elle est complexe et bizarre à certains égards car l’époux qui achète un bien commun est vendeur et acheteur à la fois. Cette opération peut également paraître contraire au principe d’immutabilité car la loi détermine ce qui est bien commun et ce qui est bien propre.
Si l’opération est dépourvue de fraude, l’équivalent en valeur entre la communauté et les biens propres est respectée. Le risque est qu’on aboutisse à une sorte de dénaturation du régime.
Dans les travaux préparatoires de la loi de 1965, on n’a pas voulu bouleverser le régime.
La doctrine est contre la validité des ventes entre époux lorsqu’elles concernent les biens communs.
Il n’y a pas de jurisprudence sur la question.
En 1987, une réponse ministérielle s’est prononcée contre la possibilité de vente entre époux s’agissant de biens communs.
Section III
les conventions annexes au régime matrimonial
Ce sont les mutations qui, sans être directement relatives à la détermination du régime, ont cependant un certain lien avec celui-ci.
C’est l’exemple de la reconnaissance d’un enfant naturel.
La question se pose pour les libéralités incluses dans les contrats de mariage :
– donations entre futurs époux (irrévocables lorsque contenues dans le contrat de mariage)
– constitution de dot (donations aux futurs époux).
Avant 1965, la jurisprudence appliquait à ces libéralités le principe d’immutabilité. Il en résultait que le donataire ne pouvait pas renoncer à ce qu’il avait reçu : le mutuus dissensus était interdit (attention, faire la différence avec l’irrévocabilité qui interdit au donateur de reprendre ce qu’il avait donné). La renonciation abdicative (qui ferait revenir au donateur ce qui lui appartenait) est nulle, mais une renonciation translative serait possible (lorsque le donataire cède à un tiers, en général un enfant, les droits qu’il tient de la donation), en effet, le bien donné reste disponible.
La loi du 13 juillet 1965 ne contient aucune disposition relative à ces questions. Il en résulte une controverse doctrinale pour savoir si ces conventions annexes sont modifiables conformément au droit commun ou si dans le silence du législateur, les solutions d’immutabilité devaient subsister.
L’idée dominante est qu’elles participent du régime matrimonial lui-même : elles doivent bénéficier de l’assouplissement. Elles pourraient donc changer, mais à l’occasion d’un changement de régime matrimonial, elles ne seraient pas révocables par la seule volonté des parties : il faudrait une homologation judiciaire.
Il y a peu de jurisprudence sur la question, la solution de la doctrine majoritaire semble avoir été admise par la Cour de cassation si on interprète a contrario l’arrêt de la 1ère Civ. 29 octobre 1974 (Dalloz 1976, p 289).
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